lundi 24 juin 2024

Border Line. Alejandro Rojas, Juan Sebastián Vasquez.

Ce film de 1h 17 parait bref par rapport aux formats habituels, mais l’attente dans l’aéroport de New-York est longue pour un couple venu d’Espagne, lui vénézuélien, elle catalane.
La tension monte et les questions intrusives de la police aux frontières amènent le thème des migrations au cœur des histoires intimes.
Même nés du bon côté du mur, nous sommes impliqués dans cette histoire parfaitement construite et remarquablement jouée d’un homme et d’une femme cherchant à vivre mieux. 
Les émotions suscitées par les tergiversations autour de la permission d’entrer aux Etats-Unis nous amènent au-delà des clichés qui voient l’étranger comme le danger ou comme le rédempteur et nuancent ces idées générales ne manquant pas d’enflammer les débats en ce moment et partout dans le monde.

samedi 22 juin 2024

Incidences. Philippe Djian.

L’image de couverture énigmatique comme le titre s’avère signifiante après la lecture des 230 pages du livre. Il s’agit d’une faille où s’entassent des morts, d’une fente évoquant le sexe qui mène bien des protagonistes de cette histoire chaude et glaçante. 
« Le gouffre était un solide allié. Il s’y était caché durant trois jours et trois nuits, autrefois, sans bouger, se préparant déjà à trembler de tous ses membres dès que la nuit viendrait, claquant des dents par avance, gémissant par anticipation comme n’importe quel enfant de son âge… or, contre toute attente, en complète contradiction avec ses sombres pronostics, il s’y était senti protégé, en sécurité, apaisé, malgré ce silence caverneux et cette noirceur sans fond qui semblaient siffler autour de lui, et n’eussent été la soif et la faim qui l’avaient tiraillé, le froid qui l’avait mordu, les représailles qui l’attendaient d’une façon ou d’une autre lorsque l’on remettrait la main sur lui, il s’était estimé relativement comblé par son séjour dans son intimité minérale et moussue. » 
Un écrivain raté enseigne l’écriture à des étudiantes et en baise quelques unes, il vit avec sa sœur, boit et fume comme sa Fiat 500. Ses goûts littéraires quoique désabusés sont affirmés et le narrateur met en œuvre ce qu’il préconise : 
« N'importe quel crétin est capable de raconter une histoire. 
La seule affaire est une affaire de rythme, de couleur, de sonorité. » 
Le style singulier de Djian nous permet de prendre du recul envers cette famille tordue, d’entamer un suspens policier puis de l’abandonner, de nous régaler à retrouver le plus rock de nos écrivains. 
« Son appétit pour elle s’aiguisait une nouvelle fois comme un rasoir, repartait comme une flamme de la braise, dans un souffle brûlant, en sorte qu’il se leva vivement, posa un billet sur le comptoir sans attendre sa monnaie… »

vendredi 21 juin 2024

Balle au centre.

 
Bien que regrettant un individualisme associé à une rareté des expressions personnelles ensevelies sous les copié /collé, je persiste dans l’exposition de mon opinion.
Vacciné contre les excès, réfugié dans la modération, je voterai centriste au premier tour.
Quand le regard porte sur la planète, on n’y voit que du feu, pourtant concernant une taxation des super riches, Paris, Brasilia, Berlin et Madrid sont sur la même ligne offensive, qui le dit ?
A l’échelle européenne, a été abordé le problème des migrations qui selon la formule en vogue en ce moment fait figure « d’éléphant dans le magasin de porcelaine ».
Mon pays, de papiers noircis de la rage de Céline ou de la générosité d’Hugo, qu’est-il devenu ?
Quelles citations choisir entre deux interrogations ? 
« Cultiver la sagesse en même temps que la force permet  d’éliminer la violence et d’établir des relations plus constructives avec son environnement. » 
Chrétien de Troyes
« En même temps » a fait monter dans leurs tours les extrêmes, ne voulant surtout pas être nommées ainsi, alors que la haine envers l’étranger ou la police ne peut être acceptée en démocratie. Désormais, la scansion : « tous ensemble, tous ensemble » se joue de Philippe Poutou à François Hollande : « en même temps ».
Mes cabotages souverainistes puis européistes, me dispensent de voir Léon Blum réincarné en François Ruffin. Après son intervention « Front Populaire » le soir de la dissolution 
- « dite solution » - où il dénonce un « taré », un reportage à son QG révélait que l ‘expression avait été pesée par l’artiste qu’aurait pu excuser une émotion authentique.
Mais je ne vais pas interpréter ce langage en termes psychanalytiques sur un terrain encombré par trop d’observateurs privés d’indignations au cas où le recours au peuple aurait été différé. 
« Les humains doivent se reconnaître dans leur humanité commune,
 en même temps que reconnaître leur diversité tant individuelle que culturelle. » 
Edgar Morin
Les urnes ne garantissent plus une légitimité dans nos sociétés grippées alors que nous avons mérité Emmanuel Macron en Président et Eric Piolle comme maire, quel député va advenir ?
Quand Gabriel Attal se montre plus compétent que Jordan Bardella, cela devient contre productif. Le face à face avec le RN ne paye plus et les manifs pour - faire - barrage ont-elles modifié l’opinion des followers de Jordan?
Nous avons instruit en civisme des générations, mais l’absentéisme a dû être important aussi en cours de géographie quand pour certains la terre persiste dans sa platitude et que nous voilà rendus à causer de cravates
 ou à compter sur les déclarations d’un footballeur pour convaincre les abstentionnistes. 
Ariane Mnouchkine n’est « pas certaine qu’une prise de parole collective des artistes soit utile ou productive » car « une partie de nos concitoyens en ont marre de nous : marre de notre impuissance, de nos peurs , de notre narcissisme, de notre sectarisme, de nos dénis ».

jeudi 20 juin 2024

Musée d'Art Contemporain Lyon. 2024.

Cette visite au MAC dans la diversité de ses propositions aperçues lors de biennales entre Saône et Rhône me réconcilie quelque peu avec l’art contemporain glacial et abscons croisé en d’autres FRAC désertes 
Au bord du parc de La tête d’or, l’institution lyonnaise accueille volontiers des artistes accessibles  
Sa programmation prévue jusqu’à début juillet met en valeur trois démarches.
La toile de 140 m de long de Sylvie Selig impressionne, mais étant de passage, difficile de tout lire, même si l’introduction est prometteuse : 
« Alors ils continuèrent, suivant les courants sans contrainte qui les menaient jusqu’aux lieux oubliés ou passé et futur s’entrechoquent. »
Il peut être amusant de repérer les allusions à des artistes, des architectes, de Géricault à Koons, mais difficile de ne pas être un promeneur de plus le long de la bannière démesurée.
« Désordres », extraits de la collection d’Antoine de Galbert, dont certaines pièces ont déjà  été vues au musée de Grenoble, est attrayante car hétéroclite, émouvante et distanciée.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2019/06/souvenir-de-voyage-2-etienne-brunet.html
Parmi 250 pièces ou se côtoient avec bonheur, art brut, art premier, humour et coups de poings, les dents en or d’une hyène vont bien
avec les nuages poétiques de Nicolas Nabonne.
La carte de France en allumettes de Clairefontaine saute aux yeux.
Nous nous souvenons de l’attentat de Nice, des tours jumelles avec les maquettes sensibles de Stéphane Pencréac’h,
et la verrière brisée de Stéphane Thidet intitulée « A bout de souffle » nous trouble : 
la destruction peut générer de belles ombres.
Nous retrouvons le travail impressionnant d’ ACM 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2015/11/elevations-hauterives.html
« L’Armée de la Paix »
d’Ingrid Berger nous rappelle de belles heures vécues au Musée International des Arts Modestes (MIAM) à Sète,
et célébrons dans le même esprit les « Sculptures de fond de poche » de Benoit Pype.
Toute l’exposition « L’éloge des meilleurs amis » n’est pas aussi limpide que les photographies de Markéta Luskacová et ses « Children in Playground IV ».
« Seven Days Hotel »
de Fabien Verschaere évoque plutôt une solitude sublimée par de grandes pages enluminées comme au moyen-âge.
« La Lutte amoureuse »
de Marie-Anita Gaube conte plutôt l’affrontement 
à la manière d’un Bacon réveillé par Hockney.

mercredi 19 juin 2024

La mauvaise rencontre. Philippe Grimbert.

L’amitié fusionnelle entre Mando et Loup est tellement fusionnelle que l’issue habillement annoncée éclatant au bout des 180 pages ne peut être révélée. 
« Nous avions tant partagé, jeux, lectures, premières expériences amoureuses, 
mais il fallait échapper à l’exigence de cette amitié, de plus en plus tyrannique. » 
Depuis les châteaux de sable du parc Monceau jusqu’aux séances de spiritisme, la culpabilité accompagne le narrateur devenu psychanalyste, alors que Mando rédacteur lui aussi d' un journal intime a choisi droit et politique.  
Passion et remords alternent également, envers Nine ou Gaby, l’amie haute en couleurs de sa mère.
«  … si vraiment le Verbe était au commencement, 
le néant ne pouvait pas être d’un « Et tu retourneras à la poussière »
mais plutôt d’un « Et tu retourneras au Verbe ».
Je n’étais pas mécontent de cette idée d’inscription : 
des mots, toujours des mots pour annoncer notre venue comme pour se souvenir de nous,
de « Comment va s’appeler ce petit bonhomme ? » à «  Comment s’appelait-il déjà ? » 
L’auteur par ailleurs psychanalyste propose une écriture précise, presque trop clinique, mais pourquoi ne pas nommer Lacan qui le fascine pour le surnommer « Psychopompe », bien peu élégant.  
« Tous les tabourets n’ont pas quatre pieds, il y en a qui tiennent avec trois. 
Mais alors, il n’est plus question qu’il en manque un… »

mardi 18 juin 2024

Le monde de Sophie. Nicoby. Vincent Zabus.

Reprise en bande dessinée du roman
du Norvégien Jostein Gaarder vendu depuis 1995 à 50 millions d’exemplaires, avec la même intention pédagogique permettant d’aborder l’histoire de la philosophie. 
Sophie ( La Sagesse), jeune suédoise, féministe préoccupée par le climat, fait d’abord connaissance dans l’ordre chronologique des mythes et philosophes de la nature, à partir de la question initiale : « Qui es-tu ? » déposée dans sa boîte aux lettres.
Puis elle comprend mieux le matérialisme avec les Légo de Démocrite et peut envisager ce qu’est le destin. Elle rencontre Socrate et Platon qui s’est davantage intéressé aux idées que son élève  Aristote « le premier biologiste », mais aussi les cyniques, les stoïciens, Epicure, Plotin…   
Entre Antiquité et Renaissance, le moyen-âge chrétien : 
«  Si on peut dire que saint Augustin a christianisé Platon, 
Saint thomas d’Aquin, lui, a christianisé Aristote. »  
Au bout de 264 pages de ce premier volume, la période baroque est évoquée par des personnages de théâtre shakespearien avant que la jeune fille prenne conscience d’être un personnage de BD : bien joué ! 
De toutes les citations qui n’entravent pas la fluidité du récit,  revient celle-ci : 
« Donne-moi le courage de changer les choses que je peux changer, 
la sérénité d'accepter celles que je ne peux pas changer,
et la sagesse de distinguer les deux. » 
Marc Aurèle

lundi 17 juin 2024

Le Deuxième acte. Quentin Dupieux.

Ce film dans le film, on ne peut mieux à sa place en ouverture du festival de Cannes,
aborde avec légèreté  des sujets plombants: ne sommes nous pas à nous abuser dans le divertissement quand la planète est vouée à sa perte ?
Humour grinçant, «  politesse du désespoir » : la salle rit quand il est question de la désaffection des salles.
Les acteurs, Lindon, Garrel, Seydoux, Quenard, sont mis en valeur lorsqu’ils doivent rejouer des scènes, car ils ont débordé dans leurs improvisations écrites avec malice.
Les soucis du cinéma vont au-delà de l’entre-soi : # MeToo, l’intelligence artificielle, égo des stars… Tout est fiction et c’est bien bon.
On ne voit pas passer le temps : 1h 20 avec un dernier travelling pendant lequel peut se lire toute l’ambition du cinéma et sa vanité, sa démesure et sa modestie, la voie des rêves et la banalité d’un chemin vers nulle part.

samedi 15 juin 2024

L’origine des larmes. Jean-Paul Dubois.

Le narrateur a mis deux balles de pistolet dans la tête de son père, mort depuis plusieurs jours de mort naturelle. Douze séances chez un psy dont les yeux coulent vont délimiter les chapitres. 
« Rouvrir les livres de peine, les almanachs de chagrin, les albums d’humiliation, entendre à nouveau cette voix de carnassier, voir ses mâchoires voraces mastiquer les jours de nos vies. » 
Ce prétexte insolite d’un assassinat, qui n’en est pas un, est pesant, tant l’auteur insiste sur le caractère haïssable de ce père à un point tel que seul le second degré peut le sauver:
« « Tu es un vrai salaud » Il a éclaté de rire. Un rire boueux, grasseyant, porteur de miasmes de toute une vie, un rire de bourreau, d’équarisseur, un rire de désaxé capable d’arracher la tête d’un oiseau avec les dents et celle de son fils au fil des ans » « Lanski a macéré dans l’immobilier véreux, la dépravation politique, les affaires frelatées, l’escroquerie médicale, le trafic d’animaux, les projets insensés, la corruption… » 
Mais  l’humour de Jean-Paul Dubois,
voyant son avocat en cocker, le psy en suricate et le père en murène, nous fait tout avaler.
Nous sommes pris par sa fantaisie farfelue, abordant vigoureusement les thèmes de l’intelligence artificielle, les rapports à la mémoire, à la réalité, les animaux bien plus consolants que les hommes ou les femmes, la mort, sous une pluie continue en 2032 à Toulouse. 
« De l’eau de l’eau partout et pas une goutte à boire ».
 L’écrivain à succès est facétieux lorsqu’il accumule les mots rares souvent à forte connotation médicale: sphénoïde, puisard, érubescence, cérébelleuse, ergastule, aristarque, épiphora, conjonctivochalasis, empyreume, enbata, acide ursodésoxycholique…
Quant à la corde d’un pendu il s’agit d’ :  
« Un beau cordage à trois torons, avec une épissure haute et une cosse en inox pour mieux faciliter le coulissement » 
Dans ce roman tourbillonnant de 256 pages, nous partons à la recherche d’un ancien secrétaire de L’ONU, retrouvons le livre d’un écrivain du moyen-âge Thomas a Kempis « L’imitation de Jésus Christ », accompagnant des cadavres, et souhaitons aller voir des images de Kim Tschang-Yeul peintre coréen des gouttes d'eau. 
« Il ne faudrait jamais rien dire, garder son moi pour soi, s’accommoder de ses nuisances intimes, les laisser décanter dans le bac à compost, attendre que ces épluchures de l’âme atteignent une granulométrie acceptable pour les évacuer à travers un tamis peu regardant. » 
Mais ce serait dommage de s’en passer !

vendredi 14 juin 2024

Dress code.

Le RN gagne du terrain. Quand le fond boueux est remué, des réalités peuvent apparaître à la surface. Les fariboles ci-dessous visent à distraire du stress démocratique dans lequel nous sommes plongés, tout en revenant sur des aspects en apparence hors sujet, avec la prétention de ne pas reproduire tant d’avis qui se ressemblent. 
Jadis, le baromètre s’en remettait à l’expertise de l’ancêtre de la maison qui après en avoir tapoté la vitre délivrait ses prévisions météorologiques.
Désormais le thermomètre est devenu l’instrument de nos angoisses planétaires quand 
«  Non seulement nous sommes en danger, mais nous sommes le danger ». 
António Guterres secrétaire général de l’ONU.
L’été hésite, la désinvolture apparaît hors saison, les robes légères seraient-elles devenues désuètes ?
Sans insister sur des photographies des années 1960 d’Afghanes ou d’Iraniennes « délurées », que de voiles noirs hissés ici et là en 2024 !
Même s'il s'agissait d’une anodine mode vestimentaire destinée à se faire remarquer pour sa discrétion, les tenues les plus couvrantes et les moins chatoyantes ont donné le ton.
Le plaisir de plaire s’est-il perdu ?
Le noir est chic certes, encore faudrait-il que le moindre regard ne conduise à se retrouver face à un juge en toge sombre. 
Depuis qu’ « enfoiré » est devenu un marqueur amical et que perdure le « grunge », « se faire une beauté » est devenu suranné. 
Pourtant montrer son meilleur aspect n’est pas que narcissique et l’on peut choisir la discrétion. Pourquoi le choix de la sophistication serait réservé aux drag-queens ou aux tribus exotiques (les Wodaabe en illustration de l’article) ?
Les hommes - pas tellement les femmes - se « foutent sur la gueule » depuis l’aube des temps jusqu’au crépuscule présent des civilités, alors que c’est par l’agréable commerce avec ses semblables que le chétif et frustre préhistorique a survécu, allant jusqu’à se sentir pousser des ailes par amour de son prochain ou de sa proche.
Lors du festival de Cannes, un dress code strict en vigueur au palais participe au côté exceptionnel des premières cinématographiques. Mais il y a belle lurette qu’on ne s’habille plus pour aller au spectacle et que la beauté a disparu des programmes. De la soupe éclabousse des tableaux. Les casqués en sandales - chaussettes sortis du garage à vélos au pied d’une scène couverte de pétales de fleurs de Pina Bausch détonnent-ils encore ?
Voilà les habits du dimanche relégués dans les armoires de mémé avec la blouse et les costars qui distinguaient les politiques quand ils pensaient honorer ainsi leurs électeurs. 
C’est d’ailleurs un des rares arguments de Bardella, mis en valeur par de conformistes Insoumis pensant afficher leur « rebellitude » en évitant la cravate.
Respect et distance sont dépassés, le tutoiement est de mise. Le journal « Le Monde » qui avait jadis de la tenue, tape volontiers sur le ventre du Président de la République  et par contre donne du « Monsieur » à Yahya Sinouar, le chef du Hamas. Combien de médias manquent de déférence envers les élus, tout en regrettant que ceux-ci soient attaqués violemment par de mauvais citoyens. 
La politesse ne remet pas en cause l’égalité républicaine, elle aurait permis peut être de faire des économies de garde du corps. 
« La politesse est plus généreuse que la franchise,
car elle signifie qu’on croit à l’intelligence de l’autre. »
Roland Barthes
Ces soupirs rétrogrades passeront pour moins pathétiques s’il ne fallait pas rappeler que la contradiction est indispensable à la conversation. 
Des pressions fortes font taire les opinions contraires aux dogmes communautaires et poussent au conformisme, bien que paradoxalement l’uniforme à l’école puisse marquer  la dignité, la singularité de l’institution républicaine, son prestige.
Faut-il inscrire certains lieux d’éducation parmi les « territoires perdus de la république » quand des portes se ferment au nez d’une juive et que se fragilise le lieu commun où il était permis de rencontrer d’autres milieux, d’autres individus, pour sortir de soi, de l’entre-soi, pour devenir soi? 

jeudi 13 juin 2024

Japon à Lyon.

Prévoir plus de deux heures de stationnement quand une voiture peut être utile pour parvenir à la Sucrière à la confluence de la Saône et du Rhône, si vous n’habitez pas la ville accueillante aux vélos en son centre mais cernée en périphérie de cohortes de véhicules à moteurs.
L’exposition annoncée immersive, en tous cas exhaustive tout en restant accessible, permet de réviser et d’apprendre à propos du « pays du soleil levant »
dans ses dimensions historiques, artistiques, culturelles, ses paysages, ses  traditions et ses innovations annoncé par son drapeau, …
Nous franchissons un torii (« là où sont les oiseaux »), portail traditionnel séparant le profane du sacré
placé à l’entrée des temples shintoïstes qui accueillent parfois des rites bouddhiques, 
les deux religions s’étant influencées.
La reconstitution d’un jardin zen en milieu fermé
( pas conforme à cette photographie)
nous déçoit un peu,
alors qu’une maison traditionnelle ou un « capsule hôtel » nous convainquent davantage.
De brèves vidéos nous expliquent dans les arts de la scène, la différence entre le nô plus statique sous ses masques et le kabuki plus expressif,
 
et distinguent sweet, classical et gothic Lolitas.
Arts martiaux, art du thé et de la table, art des origamis et des mangas,
art textile et des tatouages,
tout est codifié, chaque geste, chaque objet est chargé de sens.
Le raffinement est à la mesure de leur discrétion, par exemple :
le kimono n’ayant pas de poche, étaient glissées dans la ceinture des boites comportant au bout d’une cordelette un contrepoids finement sculpté.
Karaoké, cinéma, littérature, jeux d’arcade, geisha et cosplay ( quand l'amateur se met dans le costume de son héros) confirment les traits d’une culture sachant mêler harmonieusement tradition et modernité.

mercredi 12 juin 2024

S’en aller. François Sureau.

J’ai failli renoncer : 
« On y trouve des livres consacrés à Kew Gardens, à Nainital, à Bath, à Cimiez, à Mürren. 
J’y ai empilé dans les coins les centaines de boîtes de Balkan Sobranie dont ma mémoire physique ne peut se séparer. 
C’était un tabac de Latakieh qui dégageait une formidable odeur de papier brûlé. » 
Trop d’inconnus, et trop de subordonnées digressives comme j’en commets à longueur d’articles. 
Et puis je me suis remis à l’ouvrage après avoir lu le dernier chapitre consacré à la Grande Chartreuse dont j’avais quelques images me permettant d’apprécier les réflexions du retraitant à propos du silence. 
Il n’en est pas à son premier monastère : 
«… au milieu des  lourdes montagnes  dorées de l’automne et dans le bruit des sources, d’un esprit où le Moyen-âge se mêlait aux harmonies de l’époque ».
Il est question aussi d’Hugo, de Stevenson, de Loti et d’inconnus aux vies incroyables sans que soient délivrées quelques coutumières leçons de morale.
Tout au long des 285 pages où des résumés pourtant énigmatiques aiguisent la curiosité, les occasions d’apercevoir une pensée originale, érudite, poétique, ne manquent pas, qui évoquent les voyages, l’enfance, des destins singuliers à foison ...
Un tour du monde et un tour d’auteurs, un tourbillon : le Sahara ou sa chambre, l’exil face à l’océan ou l’exil intérieur. Je suis face à ce livre comme avec mon ordinateur, n’en exploitant qu’une infime partie de son potentiel.
Je comprends quand il s’amuse : 
« Longtemps je me suis caché de bonne heure » 
ou «  Qui n’a pas lu L’île au trésor dans un placard, aux environs de treize ans, n’a pas connu le bonheur de vivre. » 
Ces clins d’œil sont justifiés et même la multiplication adéquate des imparfaits du subjonctif permet d’aérer un ensemble ardu, plaisant justement pour ses aspérités.