François Busnel a pris un peu la lumière lors de son
interview d’Obama et affolé ses collègues se poussant du col eux aussi pour
faire croire que l’important était le journaliste. Il avait lancé peu de temps
auparavant la pétition « faisons le
choix de la culture » quand les librairies ont été exclues des
commerces essentiels, alors que leur syndicat avait refusé d’ouvrir lors du
premier confinement.
Pour dépenser plus que de raison dans ces lieux, je souris
quand je vois tant d’indignés qui achètent au mieux un livre à tonton pour
Noël, défendre « un des plus
efficaces remparts contre l’ignorance et l’intolérance » tandis que
galopent plus que jamais bêtise et fanatisme.
N’y aurait-il pas un vieux livre coincé à ressortir de derrière
les écrans 85 pouces
pour apaiser cette soif inédite de lecture?
La rumeur persiste laissant entendre qu’il est impossible de
se procurer le moindre ouvrage au « pays-des-lumières-fille-ainée-de-l’église »
comme le fit Sylvain Tesson nullement contredit par les habituels
« détenteurs de la bienveillance ». Il est vrai qu’il était venu pour
du plus sérieux : le sort des arméniens au Haut-Karabagh.
Piéton pénard en Grenoble confinée, aucun obstacle ne s’est
dressé sur mon chemin menant à la librairie du Square pour acquérir le dernier
Régis Debray commandé par téléphone
ni pour récupérer deux BD de Riad Sattouf à la bibliothèque Barnave qui sait bien recevoir.
J’avais acheté le Lucky Luke à Carrefour,
avant l’interdiction qui n’a même pas satisfait ceux qui la
réclamaient ; toutefois je crains que les pétitions contre Amazon ne
concernent guère ceux qui font son succès.
Quels signataires ne sont pas
référencés chez le distributeur souriant bouc émissaire de la semaine ?
Il est de plus en plus difficile de s’extraire de cette
confusion des mots avec « dictature » ou « guerre » balancés à tous propos,
même dans les zones se disant pourtant allergiques aux fake-news. Les
lumineuses plumes de la culture grandiloquentes face aux obscurantistes adeptes
du masque, sûres d’être vues de loin, se ternissent de près.
Nonobstant, le
débat entre les soucieux de la santé et les obsédés du PIB s’est nuancé et les
positions deviennent fluctuantes quant aux précautions sanitaires à l’école.
Peut-on parler d’acteurs économiques avec ceux qui
reprochent au gouvernement de ne pas anticiper, pris au dépourvu pour
leur propre compte ? Les donneurs de
leçons, prescripteurs de menus, mouches du coach, décroissants du petit matin,
devraient se réjouir d’un rayon d’action ramené à 1 kilomètre et les
sobres aimer les rideaux fermés, les huis clos, les salles vides, les
nouveautés rares, les fêtes réduites, les alcoolos à l’eau,eh non ils râlent.
Pendant ce temps les abuseurs de l’arrêt maladie ont retardé
l’attention aux alertes touchant à la santé mentale de certains de nos
compatriotes.
Si les fraudeurs au chômage partiels ont mis en évidence la
générosité des dispositifs de l’état, la créativité des arnaqueurs ferait mieux
de s’employer dans des instituts de
recherche plus altruistes.
Attali, en appelant à une sortie « positive » de
la crise, pourra-t-il minimiser tous ces comportements égoïstes et nous élever
au-dessus des pulsions dépréciatives ?
Ses remarques replaçant le « complotisme » dans la recherche
éternelle des hommes d’une « cause unique » comme le firent les
religions monothéistes sont fécondes.
Les mots trop grands ou trop petits, divulguent ou cachent;
ils n’en sont pas moins trompeurs quand ils sont beaux comme ceux d’Anna de
Noailles s’apprêtant à écouter Schumann :
« Quand l'automne
attristé, qui suspend dans les airs
Des cris d'oiseaux
transis et des parfums amers,
Et penche un blanc
visage aux branches décharnées,
Reviendra, mon amour,
dans la prochaine année,
Quels seront tes
souhaits, quels seront mes espoirs ? »
.......
Le dessin du début de l'article a paru dans "Le Canard Enchaîné".