dimanche 30 septembre 2012

Tout est bien. Robert Charlebois.



A la première écoute du dernier CD du québécois qui nous fit passer de Félix Leclerc au rock, je n’avais pas été accroché.
Puis j’ai lu les paroles du fidèle  David Mc Neil :
« Les poètes ont souvent raison »,
 l’inusable Dabadie :
«  je chante donc je suis »,
 avec Mozart aux paroles :
«  Le garnement brûle encore plus
 Il ne se console plus
 Et ne souhaite rien d’autre
 Que posséder ton très joli cul »
Il y a  du Saint Augustin aussi dont quelques mots donnent le titre à l’album qui sonne comme une conclusion, avec aussi « Satisfaction » résumé d’une vie.
La musique est de Charlebois dont je préfère les percussions aux violons ; il agence aussi quelques paroles :
« Autour du monde, on refaisait l’amour
Elle l’a défait, sans espoir de retour
Son dernier tour m’a laissé un grand trou
Juste à côté du cœur »
Il regarde toujours les Jumbo jet, tricote avec  des « moi », voyage de Winipeg à Calgary, rappelle l’amour, croise un joli nez, toujours « drette dans ses bottes » surtout quand la country s’invite, ou quand il va s’asseoir devant l’ivoire d’un piano.

samedi 29 septembre 2012

Zone. Mathias Enard.



Voilà un livre, le livre de mon année qui assouvit mon goût de littérature, porté par une forme inhabituelle où seulement quelques points se posent lors d’un court roman enchâssé dans ce récit flamboyant de 500 pages, d’un trait.
Au cours de ces divagations intimes au bord de l’apocalypse, je n’ai jamais pensé à un procédé moi qui redoute par ailleurs les livres épais.
« nous chantions trois jeunes tambours en buvant, maintenant j’ai bu seul et ri et ran, rantanplan, maintenant je suis seul dans la nuit enfermé dans ce réduit »
Un souffle épique traverse ces lignes inexorables, poétiques et documentées.
Une énergie communicative brasse la mythologie, les villes, des hommes, quelques femmes fatales, l’histoire du bassin méditerranéen,  et une histoire d’identité qui se cherche au rythme d’un train entre Milan et Rome.
« attachés par les liens indissolubles du sang héroïque, par les intrigues de nos dieux jaloux ».
Tragédie où les cadavres s’empilent, bourreaux et victimes, « guerriers brillant d’une lumière noire », de guerres espagnoles ou bosniaques, en Palestine et de Birkenau à Beyrouth.
Des silhouettes d’écrivains  traversent les rues et les canaux, l’alcool nous abrutit.
Je pensais qu’il aurait été parfait de lire ce livre dans un train, mais une maman n’arrivait pas à se rendre maître de ses bambins malgré sa bonne volonté, un corse téléphonait abondamment, alors que de jolies pépettes tenaient des conversations de charretier à propos des échos d’un match de football qui parvenaient sur leurs Smartphones.
Pour ajouter un plan supplémentaire à ceux qui se superposaient déjà dans ce livre profus, je me souvins alors de l’accueil favorable qu’avait reçu une Union pour la Méditerranée du conducteur de quad et qui disparut  dans la comédie tunisienne tragique et le revirement Libyen où un écrivain tourna un film.  
J’ai avancé dans ce livre ferroviaire au cours de la période où à l’occasion du film « Sur la route » on reparlait du livre de Kerouac. J’ai trouvé le film fade mais je me suis imaginé le beat de l’écrivain américain comme celui qui me transportait : intense.

vendredi 28 septembre 2012

Rêverie de Gauche. Régis Debray.



Du beau, du bon Debray en 100 pages allègres où il érige un monument à l’historien Marc Bloch.
Il redonne couleur à nos valeurs et avec style revient aux fondamentaux qui nous échappaient depuis que people a remplacé peuple.
Alors que « La droite matérialiste et frétillante a partie liée avec le jour-le-jour »,  il illustre brillamment  une des missions de la gauche «plus soucieuse d’expliquer que d’émouvoir», en revenant à l’histoire :
« A quel instant situer le changement de climat culturel : le passage du social au sociétal, de qui est juste à ce qui se dit moderne, de l'égalité à l'équité, de l'élan de solidarité au crime humanitaire, de la culture pour tous à la culture pour chacun, du fraternel au compassionnel, du "changer la vie" au "changer de cantine" ? Quand le prolo est-il devenu le beauf de Cabu, Le militant, supporter; le courant de pensée, écurie; la classe, réseau; et le bobo, boussole ? »
Il nous rappelle l’allégeance  honteuse de socialistes envers l’ambassadeur US au moment de la guerre en Irak.
 «Billancourt à la rouille, c’est Moody’s désormais qu’on ne veut pas désespérer.»
Quand il argumente la locution anglaise est souvent péjorative : « business plan » «Le light et le lourd ont permuté, notre monde a fait plus que changer de base: il marche sur la tête ».
Non, je ne vais pas tout citer de ces  bonheurs d’écriture.
Ses positions sont critiques sur l’Euroland,  « qui s’est voué à détricoter méthodiquement tout ce que la gauche française avait péniblement tissé depuis 1936, droits sociaux, souveraineté populaire, services publics, nationalisations.»  
Il rallume chez moi quelque lumière quand il défend l’école républicaine qui   devrait retrouver goût à la transmission pour atténuer les tintamarres de la com’.

jeudi 27 septembre 2012

Isabelle Cornaro au Magasin.



Une fois de plus, et pourtant je persiste, je n’ai pas saisi l’intention de l’auteur présentée au Magasin à Grenoble alors que dans le genre contemporain je suis sorti enthousiaste du musée d’art moderne de Lyon avec Combas et de celui de Saint Etienne avec Jan Favre.
Mais les ready made ont épuisé pour moi leur charme, je n’ai rien vu de nouveau chez
«  l’artiste française qui interroge les notions de perspective, de point de vue et de positionnement. Elle met en scène des objets familiers qui une fois intégrés dans une composition se dotent d’un sens nouveau et d’une valeur nouvelle. Elle montre ainsi comment les modes de représentation historiquement et culturellement déterminés influencent notre perception du monde »
Les mots utilisés lors de ces installations font écran pour moi et je n’ai pas ressenti de quelconque  « mise en tension » parmi des objets chinés rangés en vitrines. De grandes peintures ont de l’allure grâce à leurs dimensions mais les éléments de chantier disposés sous les verrières de la halle Bouchayer Viallet laissent indifférents. La peinture est « au tapis » mais l’humour est absent. Je n’ai pu m’empêcher de penser à la mésaventure d’un ami dont le fond d’un pot de peinture de 10 kg céda sur le beau plancher de sa maison. Ici des tapis trempés dans des restes de Ripolin sont exposés avec quelques dentelles engluées dans des pastels fadasses.
Ces démarches me semblent paresseuses : en réinvestissant le travail des autres, elles nappent de mots les expositions qui ne révèlent rien par elles mêmes. N’est ce pas ainsi que travaillent les DJ reprenant la musique des autres disparaissant sous les balles doum doum ? Des fois ça marche sur les marchés, mais la multiplication des copistes finit par user les pistes et les plus indulgents des curieux.

mercredi 26 septembre 2012

Requiem for a dream. Darren Aronofsky.



Film de 12 ans d’âge,  trop clinquant à mes yeux fatigués des éclairs,  m’a laissé indifférent, pourtant ces jeunes qui s’abiment dans la drogue pourraient nous émouvoir.
L’abus d’effets nuit à la compassion.
Le signe égal placé à équidistance parmi toutes les dépendances - pour éviter  le mot usé « addiction »- est vraiment simpliste : entre les gâteaux devant des émissions débiles et l’héroïne, ce n’est pas pareil !
Mémère finit en psychiatrie, son fils perd plus qu’un bras.
La façon de filmer est celle des clips où la musique compte avant tout, pourtant celle du Chronos quartet  ce n’est pas rien mais il n’en subsiste pas grand chose.
La succession des images ne décrit pas des personnages, elle les soumet à l’état de fantoches ayant perdu tout libre arbitre.
Les rêves sont conventionnels, la réalité sans mystère.

mardi 25 septembre 2012

Pascin. Joann Sfar.



Il s’agit de la  libre biographie du peintre  Julius Pinkus dit Pascin dans les années 20, aux riches heures de Montparnasse. On y croise Hemingway, légèrement ridicule, Chagall, Soutine, Kokoshka, dans les ateliers, les bordels, les cafés.  
Ces peintres juifs ont bataillé avec la représentation de l’homme, et de la femme :
« Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi. Tu ne te feras point d’idole de ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre. »Exode XX 2
Le peintre  suicidaire ressemble à Gainsbourg et trimballe un même humour désenchanté.
La bohème exhibe ses charmes vénéneux avec ses modèles, ses putes, ses voyous, des bouchers auxquels Soutine achète une carcasse, un soupeur.
Dans cette traversée d’une vie agrémentée  à forte teneur érotique,  d’un trait souple, sensuel,  Sfar, évoque la folie, la création artistique, l’amour, la mort.
Le dessin séduit,  ajoute des dimensions à la vie et transcende un quotidien misérable.
C’est puissant, décalé, original.

lundi 24 septembre 2012

Cherchez Hortense. Pascal Bonitzer.



Le titre n’est pas évident : Hortense  est le nom de quelqu’un de haut placé qui pourrait épargner une expulsion à une  jeune femme sans papier.
Dans les Inrock :  
« « Je vais voir Hortense » serait tout simplement une façon déguisée, dans le langage populaire des Ardennes que Rimbaud connaissait bien, de dire : « Je vais aux cabinets ». Ultime pied de nez de Bonitzer aux hommes de pouvoir, aux hommes de « cabinet » de son film, qui se comportent comme des merdes? »
Qui le sait ? Ce type de clin d’œil nous ramènerait à cette fâcheuse tendance du cinéma français à ne parler que pour un microcosme.
Pourtant la comédie aux dialogues ciselés avec un adolescent aux sentences jubilatoires va au-delà du Palais Royal et des préoccupations de bobos las.
Les rapports père/fils, la liberté, la responsabilité, le piston ; des craintes infantiles peuvent subsister même pour un expert des mentalités chez les maîtres du monde…
Souvent je suis gêné de trop connaître les artistes qui font écran aux personnages qu’ils incarnent. Et là j’ai aimé leur jeu : Jean-Pierre Bacri, Kristin Scott Thomas, Claude Rich, Berroyer…
Ils croient être les metteurs en scène de leur vie et  sont coincés comme tout un chacun,  ils nous font sourire de leurs vains bavardages, de leurs pathétiques emballements.

dimanche 23 septembre 2012

William Forsythe. Ballet de l’Opéra Lyon.



Avec le document distribué à l’entrée pour accompagner  ce spectacle à la MC2, nous savons que nous allons rencontrer une figure majeure de la danse, beaucoup copié dans les années 2000, comme Pina Bausch le fut dans les années 90, Cunningham dans les années 80 et Béjart dans les années 70.
Les figures sont classiques et la mise en scène contemporaine ; beaux mouvements, beaux danseurs et belles danseuses, mais leur énergie ne déborde pas du plateau dans la première partie avec une musique de Berio difficile.
Par contre  le morceau «  quintett » de la deuxième partie avec la voix lancinante « Jesus Blood Never failed me » (le sang de Jésus jamais ne m'a trahi) est émouvant tout en gardant la rigueur, la vitalité qui traversent toute la représentation vivement applaudie.
La chute est inévitable, l’intensité, l’élégance n’y pourront rien changer.

samedi 22 septembre 2012

Anquetil tout seul. Paul Fournel.

Ce n’est pas  seulement une biographie de plus à propos d’un champion qui demeure un mythe pour toute une génération. « Facile à admirer et si difficile à aimer »
Mais tout est dit : Bordeaux- Paris  gagné juste après le critérium du Dauphiné, les grands prix de Lugano, les équipiers, les femmes, le champagne, les stimulants, l’argent, ses souffrances, son mystère… bien écrit.
Cet exercice d’admiration sans flafla parle du Grand Jacques et bien sûr de l’auteur lui-même avec intensité et finesse.
En vue de la ligne d’arrivée de ces 150 pages, un joli tour littéraire mérite le bouquet.
Je fus un partisan de Poulidor le besogneux et j’ai aimé ce livre dont la photo de couverture souligne l’inquiétude de l’élégant rouleur. 
« Je me souviens avoir pleuré le jour où Anquetil a décidé d’abandonner dans le Tour de France- d’abandonner le Tour et le vélo. Je l’imaginais faire cela avec hauteur, perché sur le toit du monde, comme Bobet au sommet de l’Iseran. Point du tout : Anquetil a fini dans un obscur trou de pluie. Il s’est arrêté là, en pleine peur, pour abandonner au milieu d’une descente, sous un orage froid. Ce froid glacé, je l’ai partagé un moment. Quelque chose s’est gelé en moi qui était peut être ma jeunesse, tout simplement, où l’envie forcenée d’être un autre. »

vendredi 21 septembre 2012

« Ça mange du bon Dieu, ça chie le diable » (bis)



Décidément semaine après semaine, ce titre s’impose : voir une semaine en arrière sur ce blog quand il était question des évadés fiscaux.
Cette fois  ce sera sur le mode tragique et au premier degré tant les  pieux démons se sont déchainés récemment.  
Et ce n’est pas de la rigolade; l’humour n’est pas la qualité première des provocateurs de tous bords, des preneurs au pied de la lettre, des frustrés déchainés.
 « Qui veut faire l’ange fait la bête », sous les arcades sublimes que de conneries !
Certes les fondamentalistes religieux n’ont pas le monopole de la haine démonstrative, des individus agrégés appartenant à d‘autres sages civilisations peuvent perdre tout discernement et remettre en cause le caractère sacré d’une ambassade, d’une école, d’une vie.
Tant de foyers de haine sont attisés par les dévots que nous les laïcards sommes pressés de ressortir les couverts qui accompagnèrent nos festins de bouffeurs de soutane, nous qui aimons tant les chevelures  offertes au vent, la liberté.  
Aujourd’hui cette impatience  je la modère car la  réponse de Charlie hebdo à l’emprise des excités crispe nos sourires, les réactions délirantes dépasseront encore le prévisible.
La provoc ajoutée à la provoc ne conduit pas les excités à la modération, à la compréhension.
Est ce que la sagesse s’approche parfois de la lâcheté ?
Si la foi a porté l’homme au dessus de lui-même, depuis des millénaires les routes du paradis dégoulinent de sang.
La religion musulmane serait celle des mâles, la catholique celle de vieilles femmes, mais l’une comme l’autre, si elles capitonnent nos cercueils, gâchent bien des vies ici et de plus en plus.
Qu’elles nous foutent la paix !  
Que les imans admettent que d’autres puissent apprécier le saucisson, et les curés qu’ils laissent tranquilles les homos, les derniers à vouloir se marier avec les curés défroqués. 



jeudi 20 septembre 2012

Trainspotting. Danny Boyle.



Je ne me souvenais que de la scène des chiottes les plus infâmes d’Ecosse et de l’écho lointain du succès qu’il connut à sa sortie en 1996. Je pensais que ce film aux allures d’ « Orange mécanique » un brin plus déglingué encore aurait vieilli… eh bien non !
C’est que l’époque a fini par ressembler à cette tragi comédie ambiguë, rythmée où la drogue est présentée comme un orgasme multiplié par mille, une alternative à une vie conformiste où tout de même les bébés abandonnés peuvent en tourmenter certains. 
La bande son séduisante ajoute au charme vénéneux où de surcroit l’humour vient au secours de personnages qui se comportent comme des caricatures depuis la pensionnaire délurée sous son uniforme d’une public scholl jusqu’au psychopathe dangereux dont la dénomination est désormais banale dans les cours de récréation.
Le sordide avec une bonne musique devient pittoresque.
Ne sommes nous pas devenus, comme ceux qu’évoquent le terme « trainspotting », des maniaques des chemins de fer, semblables à ceux qui se focalisent sur des collections insignifiantes pour éviter d’être engloutis par les tourments, l'absurdité du monde ?

mercredi 19 septembre 2012

JR 28mm



JR : c’est un jeune photographe qui colle ses photographies très agrandies dans les rues.
28mm : c’est le calibre du grand angle avec lequel il prend des portraits de très près ce qui occasionne une déformation accentuée souvent par les grimaces des personnages mis en scène.
Dans un recueil  de 250 pages, trois séries de travaux sont présentées et nous pouvons approfondir les démarches, nous régaler des mises en situation et mesurer l’ampleur prise par des installations sur toute la façade d’un immeuble, sur le toit de trains. 
Le surgissement de portraits en noir et blanc au milieu des tôles ondulées est saisissant.
Les projets mis en lumière ont une haute teneur politique.
« Women are héroes »  est la  production la plus récente où depuis les favelas jusqu’aux toits kenyans, la dignité des femmes est magnifiée. 
Le récit de leur souffrance rend « Portraits d’une génération » images des banlieusards français plus fades bien que l’énergie de leur regard nous transperce souvent.
Les affiches  du projet « Face2face » ont été collées essentiellement sur le mur qui sépare Israël de la Palestine, deux visages accolés de deux personnes qui exercent le même métier : bien malin qui saurait qui est l’israélien, qui est le Palestinien ? Imparable.
Un prof à Haïfa :
« Nous on ne connaît pas les arabes ? En ce moment en Israël, le ministre de la culture et le président sont des arabes. Ce n’est pas en France que ça arriverait ça… »

mardi 18 septembre 2012

Titeuf, la loi du préau. Zep.



Cet album d’un phénomène éditorial majeur dans la BD de ces dernières années est le neuvième d’une série qui en est à son treizième numéro. 
La naïveté  du personnage  principal favorise sourires et petites leçons.  
Même si la représentation de la maîtresse n’est pas flatteuse bien des enseignants apprécient la fraicheur du garçon à la mèche rebelle qui peut encourager les élèves les plus éloignés des livres à suivre un récit.
 - Là tu vas être mal. J’ai eu le chevalier à trois têtes ! Fais tes prières !
- Héé non ! Je te le prends ! Car j’ai le grand sorcier Pixelius qui lui fait fusionner ses têtes dans le grand brasier noir.
Cet album paru en 2002, cultive les clichés habituels: la soupe n’est pas bonne, ni les épinards et la fréquentation d’un parc d’attractions à Megafunland facilite les redites vomitoires au sein de la bande de  joyeux copains.
La violence sous la forme d’un racketteur  avachi est présente mais ne remet pas en cause l’atmosphère bon enfant qui est la marque de fabrique du dessinateur suisse.
Bien sûr, éducateur incorrigible, j’ai apprécié la planche concernant une petite fille atteinte de leucémie où Zep est au mieux de sa délicatesse et de son humour.
Les effets comiques sont  certes garantis en prêtant des mots d’adultes aux enfants, même si c’est  parfois facile.
Alors que le plus souvent les traits sont justes : dans les rêves de l’écolier, ses enthousiasmes, ses indignations, ses changements d’humeur, son regard sur les adultes.
Le père se voit privé de ses bouteilles de Bordeaux après avoir conseillé à son fils de construire son Action man avec des bouchons et les grands parents sont bienveillants jusqu’à l’aveuglement et ça c’est pas exagéré.

lundi 17 septembre 2012

The we and the I. Michel Gondry.



Le cinéaste inventif abandonne sa légèreté dans cette immersion à l’intérieur d’un groupe de lycéens du Bronx, le temps d’un trajet en autobus.
Film violent, désespérant ; la vigueur des dialogues ne rachète pas de la régression des rapports sociaux où la loi du plus fort est la loi.
Il y a bien quelques séquences de fantasmes bricolées qui permettent de respirer un peu mais l’ambiance est tellement électrique, insupportable tout au long du trajet que la conclusion qui recèlerait un éclair de tendresse parait peu crédible.

dimanche 16 septembre 2012

Albin de la Simone.



 J’ai suivi un de ses concerts à la MC2 où il avait carte blanche ; par ailleurs il devait jouer un autre soir avec des amis, proposer des films à inventer ou une sieste musicale. Cette série de chansons venait après une vingtaine d’autres de son cru qu’il avait présentées la veille au moment du débat pour les présidentielles qualifié par le jeune homme, injustement, « de concours de pets ».
Le public du petit théâtre complice de cette soirée sympathique était conquis.
Le doux chanteur  chanson française à la voix cajoleuse réserve des surprises.
Son charme ouvre parfois sur de noires visions, un pommier porte un pendu, au cœur d’un moment de solitude romantique il tombe sur « un film de boules » et   il se retrouve sur le palier quand sa porte vient de claquer. Situation ridicule qui peut virer à la catastrophe, mais reste jouable sous les sautillantes musiques synthétiques.
 « Il est vingt heures j'ai froid aux pieds
En pyjama sur le palier
Un courant d'air et tout bascule
Claquer sans clé je suis bien nul
Grosjean debout devant la porte
De mon appartement fermé
Alors qu'au feu brûle le fond
De mon dîner dans un poêlon
Aïe Aïe Aïe
Catastrophe »
Les poètes chanteurs d’à présent font preuve de plus d’humour que leurs plombants prédécesseurs, pourtant quand il rend hommage à Pierre Vassiliu, c’est dans un répertoire loin d'être frivole qu'il nous ramène :
« Mais elle a eu un seul amant
Et ne se souvient plus du tout
Du goût du baiser dans le cou
Elle me demande de l’embrasser
Je n’sais plus si c’est déplacé
Et je suis bien embarrassé
Même juste comme ça un baiser
Amour amitié
Je ne sais pas si par dépit ou par pitié
Je franchirai cet océan
Qui va de l’ami à l’amant »
Pour conclure : « etc… » conviendrait car souvent il laisse en suspend une histoire amorcée, nous laisse libre de compléter le tableau.
Suave et déséquilibrant, sucré et piquant, talentueux.

samedi 15 septembre 2012

Mammifères. Pierre Mérot.



Les titres des trois chapitres donnent le ton des 250 pages:
Gastrite érosive,
Dépôt de bilan,
Linge sale.
Tout un programme où s’illustre le lieu commun :
« on ne fait pas de  bonne littérature avec de bons sentiments ».
C’est vache à souhait : le premier  des mammifères est la mère du narrateur, celui-ci recherche dans une consommation excessive d’alcool, le liquide amniotique.
C’est imbibé de la poésie de nuits désespérées.
Les expériences amoureuses sont sans amour.
 « Vous vous mariâtes en septembre. La fête eut lieu chez vos parents naïfs comme l’art du même nom. Elle ressembla à un goûter d’enfants amélioré. Votre épouse désenchantée se tint un peu à l’écart. »
Les métiers qu’il exerce, en dilettante, dans l’édition ou l’éducation nationale, sont seulement des occasions pour des portraits sévères et drôles de nos contemporains.
Comme beaucoup d’écrivains sans illusions ( Muray, Cioran, Houellebeck…) il manie la formule définitive, à profusion :
« Une famille sans raté n’est pas vraiment une famille, car il lui manque un principe qui la conteste et lui donne sa légitimité. » 
« Le travail est l’une des causes essentielles du malheur de l’humanité, l’autre étant l’amour. »
« L’ennui est l’une des libertés majeures que Dieu a concédé aux hommes »
L’écriture tonique rend agréable la lecture de ce roman dépressif.
Ecrit en 2003, il nous venge des sirops New Age, des diapos de toutous enrubannés ou des sourires crispés des marchands de bons sentiments. Jubilatoire et expéditif.

vendredi 14 septembre 2012

«Ça mange le Bon Dieu et ça chie le diable.»



Jean Marie Rouart remet au goût du jour une expression gasconne citée par Mauriac à propos du MRP et qu’il applique, lui, au journal Marianne dont il n’a pas apprécié les copinages en littérature. Toujours la distance des paroles et des actes
La formule m’a bien plu  pour sa vigueur et je la mets en titre des mes indignations à propos des raffinés qui viennent au secours de Bernard Arnault en se pinçant le nez à la vue de la une de Libé : 
« Casse toi, riche con ! »
Quand il était pauvre, le con, ces culs serrés n’y voyaient pas de mal.
Hollande attend 30 milliards ; la fortune d’Arnault est de 32 milliards.
Où est l’indécence ?
Le sujet  est central : s’y rencontrent, la morale  qui ne s’enseigne pas qu’à l’école, la liberté de la presse, la solidarité.
Dans cette péripétie de la lutte des classes, je suis content d’être dans le camp opposé à celui choisi une fois de plus par « Le Monde » et ses dessinateurs.
Le mérite de Libération, passant outre les pressions des annonceurs est de faire revenir dans le débat national les problèmes posés par l’évasion fiscale, et de révéler tous les hypocrites qui aimaient tant se draper dans les postures patriotes et se retrouvent à barboter en fâcheuse compagnie sur les plages bondées des Caïmans.
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Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 13 septembre 2012

Camille Claudel.



Emoustillés par le film qui fit  apparaître la  réprouvée  sous les traits d’Adjani, au delà de son maître Rodin, nous sommes partis à la recherche de Camille Claudel, mais le château de frère Paul à  Brangues était fermé aux visiteurs et  cette année le village du Nord Isère réservait son espace d’exposition à Antoine Berthet,  enfant de là bas qui inspira  Stendhal pour le personnage de Julien Sorel.
A Morestel, ville voisine, la maison Ravier était fermée le matin, nous ne pourrons vérifier la complicité du poète et de la sculptrice.
La guide du château de Longpra mentionnera la rareté des visites du diplomate à l’internée  de Montfavet.
A Saint Geoires en Valdaine au bout d’une belle allée cavalière, la  maison forte accueille des œuvres de Camille Claudel et de Rodin. Sur la petite île au milieu des champs chartrousins parmi les meubles signés Hache, la confrontation des artistes passionnés est intéressante car il s’agit plus que d’un échantillon avec 22 œuvres, sans arriver à être exhaustive.
« La petite châtelaine » est plus émouvante que bien des postures contorsionnées  mais  c’est « La valse » dans son déséquilibre qui m’a emporté. 
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Je suis allé chercher une image sur la toile, les photos n'étaient pas autorisées.

mercredi 12 septembre 2012

La part des anges. Ken Loach.



Des whiskies rares peuvent atteindre des prix astronomiques ; les films du bon Ken, eux, valent tout l’or du monde car il sait extirper parmi les engrenages les plus inéluctables, des raisons de croire en la générosité des hommes.
Je pensais assister à une rigolade et ne savais si le maître du cinéma social saurait faire.
Ce n’est pas qu’une comédie et des scènes sont particulièrement réussies sans simplisme : par exemple la confrontation avec une victime. Le personnage de l’éducateur est beau parce qu’il n’est pas  un bellâtre. Et comme une copine qui est propulsée hors de son siège dès qu’un chien se fait écraser une patte à l’écran, j’ai bondi quand une bouteille  de whisky a éclaté. De bonnes idées de scénario, des acteurs crédibles. Quand un récit hautement politique est habile c’est remarquable. Le talent  œnologique découvert pour le personnage principal n’est pas une révélation miraculeuse, il entre dans un processus  optimiste de remise à flot où le murissement ne vaut pas seulement pour le malt. Un enfant peut faire sortir de l’enfance et l’amour lorsqu’il  n’est pas aveugle peut donner un coup de fouet  décisif sans qu’il y ait tourbe à rajouter.
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La  scottish photo est de Margaux
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mardi 11 septembre 2012

Le défilé ouvre la biennale de la danse. Lyon 2012.



Je vais éviter de me répéter puisque figurent sur ce blog des articles et des photos sur les défilés 2008 et 2010.
Quand la culture populaire rencontre les créateurs, l’enrichissement mutuel allume bien des regards : l’investissement des 4000 personnes de tous âges, de toutes conditions, de tous les tours de taille, qui avancent rue de La « Ré » est toujours aussi tangible et réconfortant.
Parmi les milliers de spectateurs, beaucoup se sont retrouvés pour la Tarentelle qui clôturait la journée et ouvrait une biennale où 15 créations mondiales seront accueillies.
Cette année, c’était la neuvième édition sur le thème « Entre ciel et terre ».
Dominique Hervieux est directrice artistique pour la première fois avec Mourad Merzouki qui ouvrait et fermait la marche, un ton au dessus des autres groupes.
Il a présenté aussi, place Bellecour,  un extrait de « Récital », son spectacle fondateur.
Des lapins, des coccinelles, des flamants roses en ballons brillaient au dessus des groupes de ceux qui assuraient la ponctuation entre les ensembles de danseurs et musiciens de Rillieux, Saint Priest, Chambéry, Villefontaine, Villeurbanne…
Tellement étourdi par le kaléidoscope des images, c’est au hasard d’une photographie que j’ai découvert Keith Harring sur des tambours: ainsi bien des allusions sont passées très vite, mais pas le plaisir d’une ivresse quand les batucadas accélèrent les « pace maker ».
Avions et hôtesses de l’air, acrobates, rêveurs, nous ont fait décoller.
Un postier avait accroché des chevaux légers sur son porte-bagages, un potier derrière des plastiques nous rappelait que la glaise pouvait être créative, un baobab en  bois de cagette se promenait et les brouettes dansaient. Un beau dimanche en ville.
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Si la photographie des reflets vous plait vous pouvez voter sur le site de la biennale. http://www.biennaledeladanse.com/fr/participez/concours-defile/votez.html?page=3
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lundi 10 septembre 2012

Monsieur Lazhar. Philippe Falardeau.



Fellag qu’on retrouve avec plaisir dans ce film canadien joue le rôle d’un instituteur venant remplacer une enseignante qui s’est suicidée dans sa classe.
Il a lui-même vécu un drame et peut aider les élèves traumatisés à chasser leur culpabilité.
Il se permet de parler plus librement que les collègues qui ont connu la désespérée.
Des questions pédagogiques sont posées avec justesse : la place de l’éducatif et des apprentissages, l’exotisme, la langue française,
« les enfants sont-ils devenus des produits radio actifs qu’on ne peut plus toucher ? »
C’est réjouissant de voir le natif  de Tizi Ouzou défendant une  belle langue classique dans la belle province.
Réfugié politique au Canada, le pseudo instituteur  va lui aussi guérir un peu de ses blessures.
Les acteurs sont authentiques et l’expérience caricaturale de la série « l’Instit » rappelle que ce n’est pas évident de filmer la vie d’une école, là c’est réussi.

dimanche 9 septembre 2012

Zebda aux rencontres Brel.



Le groupe  qui tourne cet été dans trente deux festivals est passé à Saint Pierre de Chartreuse et  même si le cadre verdoyant n’est pas vraiment celui des cités, l’accueil du public a été très chaleureux ; c’est vrai qu’ils savent chauffer une salle.
Il y a déjà des années, 17ans déjà qu’ils sont apparus.
Ils avaient interprété jadis, entre autres « Jaurès », donc chez maître Jacques, les Motivés  avaient toute leur place.
Ils  nous ont offert « les bourgeois c’est comme les cochons plus ça devient vieux, plus ça devient… »
Le temps était frais, mais bien des spectateurs ont remonté les bras de  leur chemise pour suivre le trio avec Magyd qui avait le tee shirt à tordre et les frères Amokrane, une énergie à grimper en haut du chapiteau.
Révision du dernier album « Second tour », celui de la remise en train du groupe et reprise de certaines  d’ « Essence ordinaire », « Le bruit et l’odeur »…
Ils parlaient  d’un manouche: 
« Y nous a pas fait latche
Et tout ça à la tchatche
Y nous a fait le match
Et nous a dit là ya tchi
Ah ! Quel plaisir »
En première partie, Gari Grèu, avec son univers coloré et sa dynamique, ancien du Massilia Sound system, complice marseillais des Toulousains  de Toulouse « était raccord ».
L’émotion collective ne peut se retrouver que dans le spectacle vivant et celui là vous « remet du gaz », même si les mots disparaissent parfois sous les battements.
C’est qu’il faut acheter le CD.
Une soirée chaleureuse de retrouvailles et aussi sûrement de découvertes pour les plus jeunes dans une foule où  les toutes générations étaient visibles, mais où les beurs étaient peu nombreux.
J’ai été effaré des réactions sur le site de la radsoc Dépêche de Toulouse depuis la ville où  le trio pêchu a animé le 14 juillet et sur le site du Nouvel Obs. 
Bien que Cherfi dise que Merah leur a cassé les jambes, il n’est pas entendu, et son interview est le prétexte à un déchainement de bêtises dans les commentaires  sous le label  d’une gauche qui auparavant savait se tenir.
Je les trouvais paranos quand ils chantaient « n’attends pas qu’ils reviennent… » après la prise par le front de quatre villes ; je pétoche aujourd’hui devant l’avancée de l’extrême droite qui ne se compte pas seulement sur le plan institutionnel.
Nous, les héritiers de Grenoble compagnon de la libération,  les avons rappelés et le chant des partisans a été partagé avec d’autant plus de ferveur qu’à Bollène la chanson a été interdite récemment :
« C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère
Il est des pays où les gens au creux des lits font des rêves
Chantez compagnons, dans la nuit la liberté vous écoute »

samedi 8 septembre 2012

France culture papiers. Printemps 2012.


Un billet de Danièle Sallenave, à propos de l’usage du mot « maman » à tout va, pointe nos régressions et Philippe Meyer qui use si élégamment de la langue oralement, est également délicieux à l’écrit.
Le dialogue entre Thibault et Ronsavallon invités de Finkielkraut mérite la reprise :
« le problème est de vivre en égaux, et pas simplement d’être des égaux ».
Semprun, Laurette Nobécourt, Jan Fabre, Bourlanges, Jean Rollin, Pasolini…
« La première étincelle qui embrase l’Europe en fin 1847 est d’origine agricole. 
Aujourd’hui encore, plusieurs pays arabes se sont soulevés contre la vie chère. »
Pour revenir sur le printemps arabe, des brèves viennent ponctuer des entretiens variés replacés dans une continuité historique. Par ailleurs Robespierre  se rappelle à nos souvenirs.
L’autre thématique développée ce trimestre concerne la psychiatrie, mais les urgences environnementales traversent les 190 pages depuis le séjour de deux ans du philosophe Thoreau dans une cabane en 1845 jusqu’aux malheurs des animaux qui subissent des souffrances inutiles avec par exemple un format A4 comme surface réglementaire pour une poule.
Vancouver « une ville occupée à devenir ce qu’elle sera » est parait-il la ville la plus agréable à vivre du monde.
Et Raphaël Enthoven revient sur le mot « changement » dans la routine électorale :
« le changement comme d’hab’. »
Je dépose rapido ce billet, le numéro suivant vient de paraître.