Christian Loubet nous lit à la fin de sa conférence un
extrait d’une déclaration du sous- commandant (j’ai toujours adoré ce grade)
Marcos :
« Nous les
indigènes ne faisons pas partie du passé mais du futur. Car on regarde vers
l’arrière mais on rêve vers l’avant. Nos pieds demeurent dans la glaise de
l’histoire mais notre tête aperçoit de lumineux lendemains »
C’est que d’histoire
il en fut question, pas celle d’archives scellées mais s’inscrivant au présent,
indissociable du sujet de la soirée aux amis du musée.
Dès 1906, Murillo professeur
à l’académie des beaux arts fait appel au nationalisme des peintres mexicains contre « le
colonialisme parisien ». Il invente des procédés nouveaux (visions
aériennes pleines de courbes), de nouveaux produits (pétro résine).
C’est avant le temps de Pancho Villa et Zapata dont les
révoltes commencées en 1911 seront confisquées par Obregón en 1920.
Siqueiros, élève
de Murillo participe à la révolution activement puis il rencontre Diégo Rivera à Barcelone avec lequel ils
lancent un appel aux artistes d’Amérique, rejoints par Orozco.
« Nous proclamons
que lorsqu’on passe d’un ordre décrépit à un ordre neuf, les créateurs de
beauté doivent faire tous leurs efforts afin que leur production ait une valeur
idéologique pour le peuple. Ainsi le but de l’art qui est actuellement une
expression de la masturbation individualiste, sera enfin un art pour tous,
d’éducation et de lutte. »
Ils bénéficient de commandes du ministre Vasconcelos.
Rivera nourri de
Giotto exécute une grande fresque : « La
création » sur 100 m
2, avec des personnages à la Gauguin.
« Le dîner de
capitalistes » occupera 1600 m2 et prendra 4 ans.
Bien d’accord pour fustiger la peinture aristocratique de
chevalet, ils vont vers un expressionisme tropical qui réactualise des
traditions et se nourri de l’énergie du futurisme.
Le trotskiste Rivera sera traité de « folkloriste »
par son comparse le stalinien Siqueiros, allant lui vers plus d’abstraction.
Lors de leur séjour aux Etats-Unis, ils seront fascinés par la
société industrielle, ses immeubles, son dynamisme. Au temps du « New deal », Roosevelt leur procure aussi du travail.
Rivera réalise «L’homme
à la croisée des chemins » qui avait été refusé par Rockefeller à
cause d’une représentation de Trotski, figurait aussi Darwin.
Frida Khalo, sa jeune épouse passionnée, sera au centre
d’une fresque distribuant des armes aux paysans et aux prolétaires. Elle qui
n’a pu être mère, protège Diégo enfant
dans « Rêve dans le parc d’Alameda ».
Le palais national sera la Sixtine de Rivera : l’histoire
mexicaine avec son versant colonial, révolutionnaire autour de l’aigle et du
serpent originels est rappelée.
Le monde indien y figure dans toute sa richesse :
le Quetzalcóatl, serpent à plumes des Toltèques,
le marché Aztèque où une femme tatouée auréolée d’arums reçoit
un bras en offrande,
chez les Zapotèques,
au pays de l’or et de la plume, les
prêtres portent des masques de mort,
les artistes Tarasques travaillent le caoutchouc, les
teintures,
les voladores Totonaques effectuent 13 cercles autour de mâts (13X4= 52 semaines),
le maïs est à l’honneur chez les Huastèques, et le sisal et
l’agave.
L’origine de ces représentations est citée sur les
grisailles en soubassement du colossal
panorama où Cortès n’a pas le beau rôle, les noirs sont marqués au fer rouge,
le servage est montré dans toute sa violence.
Orozco dans sa « tranchée » guerrière, exprime
toute sa noire vigueur.
Le combattant Siqueiros apporte un souffle épique avec sa « Marche de l’humanité », son « Peuple en armes », sa
puissante « Nouvelle
démocratie », quand il représente la sécurité sociale et son « écho d’un cri » résonne
encore.
Ces peintres ont magnifié le collectif dans des rythmes
puissants, mis au jour l’héroïsme individuel, rappelé les aspirations du
peuple, ses valeurs, ses luttes, dans des cathédrales contemporaines en
conviant l’histoire, quand l’avenir se peignait de couleurs vives.