Merci à la grand-mère de Titouan et Lilou d’avoir transmis ces mots :
« Ça me fait des guilis sur mes cuisses, les étoiles d'araignée sous ta table. »
« - Mamie j'ai faim
- Déjà? Tu viens de prendre un bon goûter!
- Oui, mais ça va vite, mon corps, il est en pente! »
Titouan découvre que dieu n'existe pas.
"Un jour j'ai voulu le prier, eh ben il a même pas répondu....alors....."
Devant une petite souris au pied d'une énorme citrouille:
« - Oh, qu’est-ce qu'elle voit, la souris?
- Un potiron
- Non! Un gros rond »
Un jour devant une image de vaches:
« - C'est quoi ce veau?
- Son nouveau - né.
- Ah, et l'ancien, il est où? »
« Les militaires, ils doivent se mettre en garde à vue ».
Lilou, a eu quatre ans, elle est en vacances à Niort.
Au bord de la Sèvre elle observe les canards: ils vont souvent par deux.
« Ah oui, le canard et sa canaille! »
Quand Lilou n'est pas contente elle boude, elle se cache la tête dans les coussins du canapé.
« - Alors Lilou, tu boudes?
- Non, je regarde le coussin de près. »
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mercredi 27 juin 2012
mardi 15 novembre 2011
Association pour l’Autobiographie (APA)
J’écoute souvent « Carnets de campagne », l’émission de Philippe Bertrand sur France Inter à 13h30.
Ce journaliste présente pendant 15 minutes de nombreuses associations dans les domaines les plus divers. Comme est riche le réseau associatif de notre pays ! Chassons les découragements !
Un jour j’entends parler d’autobiographie, d’une association dont le siège se trouve à Ambérieu-en-Bugey. Comme j’ai des documents familiaux qui dorment sur des étagères, je dresse l’oreille, prends des notes et envoie les documents autobiographiques laissés par ma mère.
Réponse rapide de l’APA qui enregistre le document qui sera conservé, enregistré sous un numéro APA dans les archives de « La Grenette », département réservé à l’APA dans la médiathèque d’Ambérieu.
Ce document protégé sera mis à disposition de chercheurs de toutes disciplines s’ils le souhaitent et si vous l’autorisez !
L’APA se consacre à la reconnaissance de l’écriture autobiographique et à la conservation de son patrimoine. Elle organise en mars annuellement, une table ronde sur un thème autobiographique ; En juin et en novembre une journée et une matinée du Journal etc. Les manifestations diverses ne manquent pas tout au long de l’année.
L’APA a été fondée en 1992 à la suite d’un colloque tenu à Nanterre. L’association compte 800 membres répartis en France et dans dix pays. Elle est reconnue d’intérêt général, animée par un C.A. élu.
Pour déposer un texte à l’APA, nul besoin d’être adhérent, il suffit de l’envoyer en deux exemplaires.
L’adhésion permet de recevoir les publications de l’APA. Cinquante euros (en partie déductibles des impôts).
Les revues s’intitulent : La Faute à Rousseau et le Garde-mémoire qui éditent des comptes-rendus des documents reçus (textes, photos, dessins en relation avec l’autobiographie).
Des groupes de lecteurs se chargent de rédiger des résumés qui paraissent dans ces publications.
Le président Philippe Lejeune est assez souvent reçu sur les chaînes audio publiques. Il a publié plusieurs ouvrages dont vous trouverez les titres sur le site de l’APA. Certains sont disponibles dans les bibliothèques de St Egrève.
Informations pratiques : APA La Grenette 10, rue Amédée Bonnet 010500 Ambérieu en Bugey.
Tél : 04 74 34 65 71
Mail : apa@sitapa.org Site : http://sitapa.free.fr
Alors ne jetez pas vos documents familiaux, vos journaux personnels, vos textes autoédités, en tapuscrits, bouquins, CD audio, vidéo ou numériques. Ils seront peut être utiles à des sociologues ou historiens.
Marie Treize
Ce journaliste présente pendant 15 minutes de nombreuses associations dans les domaines les plus divers. Comme est riche le réseau associatif de notre pays ! Chassons les découragements !
Un jour j’entends parler d’autobiographie, d’une association dont le siège se trouve à Ambérieu-en-Bugey. Comme j’ai des documents familiaux qui dorment sur des étagères, je dresse l’oreille, prends des notes et envoie les documents autobiographiques laissés par ma mère.
Réponse rapide de l’APA qui enregistre le document qui sera conservé, enregistré sous un numéro APA dans les archives de « La Grenette », département réservé à l’APA dans la médiathèque d’Ambérieu.
Ce document protégé sera mis à disposition de chercheurs de toutes disciplines s’ils le souhaitent et si vous l’autorisez !
L’APA se consacre à la reconnaissance de l’écriture autobiographique et à la conservation de son patrimoine. Elle organise en mars annuellement, une table ronde sur un thème autobiographique ; En juin et en novembre une journée et une matinée du Journal etc. Les manifestations diverses ne manquent pas tout au long de l’année.
L’APA a été fondée en 1992 à la suite d’un colloque tenu à Nanterre. L’association compte 800 membres répartis en France et dans dix pays. Elle est reconnue d’intérêt général, animée par un C.A. élu.
Pour déposer un texte à l’APA, nul besoin d’être adhérent, il suffit de l’envoyer en deux exemplaires.
L’adhésion permet de recevoir les publications de l’APA. Cinquante euros (en partie déductibles des impôts).
Les revues s’intitulent : La Faute à Rousseau et le Garde-mémoire qui éditent des comptes-rendus des documents reçus (textes, photos, dessins en relation avec l’autobiographie).
Des groupes de lecteurs se chargent de rédiger des résumés qui paraissent dans ces publications.
Le président Philippe Lejeune est assez souvent reçu sur les chaînes audio publiques. Il a publié plusieurs ouvrages dont vous trouverez les titres sur le site de l’APA. Certains sont disponibles dans les bibliothèques de St Egrève.
Informations pratiques : APA La Grenette 10, rue Amédée Bonnet 010500 Ambérieu en Bugey.
Tél : 04 74 34 65 71
Mail : apa@sitapa.org Site : http://sitapa.free.fr
Alors ne jetez pas vos documents familiaux, vos journaux personnels, vos textes autoédités, en tapuscrits, bouquins, CD audio, vidéo ou numériques. Ils seront peut être utiles à des sociologues ou historiens.
Marie Treize
mardi 5 juillet 2011
Mots d’enfants 3.
Merci à la grand-mère de Titou et Lilou :
L'autre jour, en revenant de l'école:
- Titou,est-ce que tu aimes toujours Eglantine?"
- Boh, non"
- Elle sort avec un autre garçon?
- Boh non, elle sort à toute vitesse..."
Lilou marchait sagement sur le trottoir, quand un vélomoteur arrive à grand bruit.
Elle sursaute.
- N'aie pas peur, c'est le facteur, il est gentil.
- Je peux le caresser?...
Lilou :"pourquoi tu veux pas de frites"?
Moi:"parce que je suis au régime."
Lilou:" non! tu es Mamie!"
Elle regarde son grand père avaler un médicament et elle demande:
- Pourquoi tu prends un médicament?"
- Pour soigner mon dos"
- Pourquoi tu le mets pas dans ton dos ?"
Lilou regarde sa maman corriger des copies, des tas de copie
- Qu'est-ce qu'elle fait ta maman ?
- Son travail"
Quelques temps plus tard:
- Qu'est-ce qu'elle fait ta maman?
- Son travail"
- C'est quoi son travail?"
- Du papier"
Titouan est préoccupé par la mort.
"Mamie ,je t'aimerai toujours, toute la vie, même quand tu seras morte.
Et toi quand tu seras morte, tu m'aimeras encore?"
Lilou est en train de cuisiner au jardin: terre, feuilles, cailloux....et un peu de crème "gentille"
Lilou veut venir faire les courses car à la poissonnerie elle verra les crabes et les cauchemars (homards).
La petite Lilou se promène au jardin le jour de ses 3 ans.
Sous un sapin: "oh des pommes dauphines!"
....
Avec ces mots des petits, s'ouvrent les vacances: je reprendrai mes lignes en ligne au mois de septembre.
Bel été aux lecteurs fidèles du blog.
L'autre jour, en revenant de l'école:
- Titou,est-ce que tu aimes toujours Eglantine?"
- Boh, non"
- Elle sort avec un autre garçon?
- Boh non, elle sort à toute vitesse..."
Lilou marchait sagement sur le trottoir, quand un vélomoteur arrive à grand bruit.
Elle sursaute.
- N'aie pas peur, c'est le facteur, il est gentil.
- Je peux le caresser?...
Lilou :"pourquoi tu veux pas de frites"?
Moi:"parce que je suis au régime."
Lilou:" non! tu es Mamie!"
Elle regarde son grand père avaler un médicament et elle demande:
- Pourquoi tu prends un médicament?"
- Pour soigner mon dos"
- Pourquoi tu le mets pas dans ton dos ?"
Lilou regarde sa maman corriger des copies, des tas de copie
- Qu'est-ce qu'elle fait ta maman ?
- Son travail"
Quelques temps plus tard:
- Qu'est-ce qu'elle fait ta maman?
- Son travail"
- C'est quoi son travail?"
- Du papier"
Titouan est préoccupé par la mort.
"Mamie ,je t'aimerai toujours, toute la vie, même quand tu seras morte.
Et toi quand tu seras morte, tu m'aimeras encore?"
Lilou est en train de cuisiner au jardin: terre, feuilles, cailloux....et un peu de crème "gentille"
Lilou veut venir faire les courses car à la poissonnerie elle verra les crabes et les cauchemars (homards).
La petite Lilou se promène au jardin le jour de ses 3 ans.
Sous un sapin: "oh des pommes dauphines!"
....
Avec ces mots des petits, s'ouvrent les vacances: je reprendrai mes lignes en ligne au mois de septembre.
Bel été aux lecteurs fidèles du blog.
mardi 7 décembre 2010
La vie d'Augustine # 5
La boucherie se trouvait rue Pasteur à Loos qui touche Lille. Il y avait un couple de jeune mariés et les parents ( ?). Le père était énorme, sa femme petite et boulotte. Mais le jeune couple était sympathique. Ils m’ont attribué une toute petite chambre et le lendemain on m’a mise au courant de mon travail.
D’abord je devais faire la tournée pour porter la viande aux clients par tous les temps, le matin. Il fallait appuyer sur les pédales et aller bien loin parfois.
Une fois mon panier vide je devais retourner le remplir à la boucherie avec les nouvelles commandes et pédaler jusqu’à midi.
Le soir j’allais chercher les commandes chez les particuliers. Mais entre-temps, il fallait nettoyer la boucherie, récurer les billots, ensuite le local où se faisait la charcuterie. Les outils, je n’aimais pas les nettoyer car c’était tout gras. Le soir j’étais éreintée aussi je dormais bien.
Je gagnais 150 francs par mois. J’envoyais 100 francs à mon père et je gardais le reste pour m’acheter des chaussures et des pulls car l’hiver était dur : je rentrais souvent trempée jusqu’aux os !
Heureusement je mangeais de bons steaks. Je n’avais pas le droit de sortir le dimanche aussi j’allais voir des gens de la rue car je sympathisais avec tout le monde surtout les petits vieux.
Je commençais à prendre tournure. Je n’étais pas trop mal de ma personne avec mes cheveux tout blonds. J’ai commencé à faire quelques ravages dans le coin et pendant mes tournées.
J’avais mon grand panier sur le porte-bagages avant. Quelque fois on me faisait des croche-pattes et je faisais de belles bûches ! Cela était le fait de ceux qui ne me plaisaient pas et qui se vengeaient de cette façon. J’aurais pu faire des courses cyclistes car pour la pédale j’étais rodée.
D’abord je devais faire la tournée pour porter la viande aux clients par tous les temps, le matin. Il fallait appuyer sur les pédales et aller bien loin parfois.
Une fois mon panier vide je devais retourner le remplir à la boucherie avec les nouvelles commandes et pédaler jusqu’à midi.
Le soir j’allais chercher les commandes chez les particuliers. Mais entre-temps, il fallait nettoyer la boucherie, récurer les billots, ensuite le local où se faisait la charcuterie. Les outils, je n’aimais pas les nettoyer car c’était tout gras. Le soir j’étais éreintée aussi je dormais bien.
Je gagnais 150 francs par mois. J’envoyais 100 francs à mon père et je gardais le reste pour m’acheter des chaussures et des pulls car l’hiver était dur : je rentrais souvent trempée jusqu’aux os !
Heureusement je mangeais de bons steaks. Je n’avais pas le droit de sortir le dimanche aussi j’allais voir des gens de la rue car je sympathisais avec tout le monde surtout les petits vieux.
Je commençais à prendre tournure. Je n’étais pas trop mal de ma personne avec mes cheveux tout blonds. J’ai commencé à faire quelques ravages dans le coin et pendant mes tournées.
J’avais mon grand panier sur le porte-bagages avant. Quelque fois on me faisait des croche-pattes et je faisais de belles bûches ! Cela était le fait de ceux qui ne me plaisaient pas et qui se vengeaient de cette façon. J’aurais pu faire des courses cyclistes car pour la pédale j’étais rodée.
mardi 30 novembre 2010
La vie d'Augustine#4
La guerre 14-18 était terminée : on arrivait à mieux se nourrir. Mais il a fallu attendre deux ans avant d’avoir un approvisionnement plus varié.
L’été on allait glaner le blé pour nourrir les lapins. Mon père acheta un demi cochon qui fut mis au saloir.
On allait aussi aider les fermiers au moment du ramassage des pommes de terre. On n’était pas les seuls car c’était pendant les vacances. Mais il nous arrivait aussi de manquer l’école pour profiter d’une récole de patates. Les fermiers nous donnaient les plus petites. Ma mère en faisait cuire à l’eau et on les accompagnait avec du hareng saur. C’était un bon repas.
Mon père faisait de gros pâtés quand il y avait le cochon. Il préparait le saindoux avec sel et poivre. On étalait le saindoux sur de grandes tartines tirées de pains de quatre livres. Au retour de l’école, c’était bien bon.
Il nous arrivait aussi d’aller sur les terrils où les mineurs déversaient les déchets et la terre remontés du fond. En triant, nous trouvions des morceaux de charbon. On avait des sacs exprès pour porter ce charbon. Souvent des gens étaient blessés et même tués par le contenu des bennes qui déversaient leur chargement en haut du terril. On s’arrangeait pour travailler de l’autre côté de la benne mais ce n’était pas facile.
Un jour, je suis rentrée avec une blessure au pouce à la main droite. Sans désinfection, cela a tourné au panaris. Ce que j’ai pu souffrir ! On essayait un tas de remèdes, en vain. Une voisine, Félicie et son amie Adèle ont dit à ma mère, en cachette de mon père, qu’il fallait me faire un pansement avec de la bouse de vache !
Finalement mon père m’a envoyé au dispensaire avec ma soeur Marie-Louise. On m’a ouvert le pouce, quel soulagement ! Je ne dormais plus depuis plusieurs nuits.
L’été on allait glaner le blé pour nourrir les lapins. Mon père acheta un demi cochon qui fut mis au saloir.
On allait aussi aider les fermiers au moment du ramassage des pommes de terre. On n’était pas les seuls car c’était pendant les vacances. Mais il nous arrivait aussi de manquer l’école pour profiter d’une récole de patates. Les fermiers nous donnaient les plus petites. Ma mère en faisait cuire à l’eau et on les accompagnait avec du hareng saur. C’était un bon repas.
Mon père faisait de gros pâtés quand il y avait le cochon. Il préparait le saindoux avec sel et poivre. On étalait le saindoux sur de grandes tartines tirées de pains de quatre livres. Au retour de l’école, c’était bien bon.
Il nous arrivait aussi d’aller sur les terrils où les mineurs déversaient les déchets et la terre remontés du fond. En triant, nous trouvions des morceaux de charbon. On avait des sacs exprès pour porter ce charbon. Souvent des gens étaient blessés et même tués par le contenu des bennes qui déversaient leur chargement en haut du terril. On s’arrangeait pour travailler de l’autre côté de la benne mais ce n’était pas facile.
Un jour, je suis rentrée avec une blessure au pouce à la main droite. Sans désinfection, cela a tourné au panaris. Ce que j’ai pu souffrir ! On essayait un tas de remèdes, en vain. Une voisine, Félicie et son amie Adèle ont dit à ma mère, en cachette de mon père, qu’il fallait me faire un pansement avec de la bouse de vache !
Finalement mon père m’a envoyé au dispensaire avec ma soeur Marie-Louise. On m’a ouvert le pouce, quel soulagement ! Je ne dormais plus depuis plusieurs nuits.
mardi 23 novembre 2010
La vie d’Augustine.#3
Je suis entrée à l’école à 6 ans. Cela a été une grande joie pour moi d’apprendre à lire et à écrire. J’y mettais tout mon cœur car je voulais devenir institutrice.
Dans nos jeux nous jouions souvent à ce que nous voulions faire plus tard. Comme c’est bizarre qu’à cette époque on n’avait aucune possibilité de faire des études.
Les quelques institutrices que j’ai eues, je les trouvais déjà âgées.
Peut-être mon imagination d’enfant ?
Le matin on nous faisait d’abord une leçon de morale avec tout ce qui s’en suit. Je trouvais cela très bien car nous étions de petits diables.
Vers l’âge de 10 ans j’ai eu une institutrice qui m’a prise en affection : elle avait peut-être pitié de ma maigreur. Elle habitait dans l’école. Elle me demandait de venir un peu plus tôt le matin et me conduisait chez elle devant un grand bol de lait sucré et des tartines beurrées avec de la confiture. Il ne fallait pas surtout que j’en parle et je m’en gardais bien. Mais Nana a fini par avoir des doutes !
Tous les ans il y avait la fête des écoles. On chantait, on dansait.
Il y avait une sorte de loterie. Le dispositif comportait deux poteaux auxquels était fixée une corde. Les institutrices accrochaient des cadeaux, récupérés auprès de bénévoles, à ce fil. On nous mettait un bandeau sur les yeux. On nous laissait à 7 ou 8 mètres : avec des ciseaux on essayait de couper les ficelles auxquelles pendaient les cadeaux. Une institutrice m’avait mise au courant, me signalant la ficelle que je devais couper. C’est elle qui nous mettait les bandeaux pour sa classe. Naturellement j’avais un œil qui voyait un peu. J’ai fait celle qui hésitait pour ne pas semer le doute. Mon paquet était le deuxième à droite : il y avait un cadeau pour chaque enfant.
Je suis partie avec mon paquet à la maison et quand le l’ai ouvert j’ai trouvé une belle robe bleu marine avec un col blanc. Je m’en souviendrai toujours car je portais les restes de mes sœurs aînées et des fois on avait des colis pour les familles nombreuses. De la Croix Rouge probablement.
Les tabliers noirs étaient obligatoires. Les nôtres étaient tout simples, parfois trop grands, parfois trop petits.
Dans le nombre, il y avait des enfants plus riches, eux étaient plus coquets. Nous, on s’en fichait bien.
Il y avait une école de bonnes sœurs plus bas que la nôtre. C’était pour les classes supérieures, les enfants des commerçants. Mais ils n’apprenaient pas mieux que nous. C’était beaucoup de prières, matin, midi et soir !
Dans nos jeux nous jouions souvent à ce que nous voulions faire plus tard. Comme c’est bizarre qu’à cette époque on n’avait aucune possibilité de faire des études.
Les quelques institutrices que j’ai eues, je les trouvais déjà âgées.
Peut-être mon imagination d’enfant ?
Le matin on nous faisait d’abord une leçon de morale avec tout ce qui s’en suit. Je trouvais cela très bien car nous étions de petits diables.
Vers l’âge de 10 ans j’ai eu une institutrice qui m’a prise en affection : elle avait peut-être pitié de ma maigreur. Elle habitait dans l’école. Elle me demandait de venir un peu plus tôt le matin et me conduisait chez elle devant un grand bol de lait sucré et des tartines beurrées avec de la confiture. Il ne fallait pas surtout que j’en parle et je m’en gardais bien. Mais Nana a fini par avoir des doutes !
Tous les ans il y avait la fête des écoles. On chantait, on dansait.
Il y avait une sorte de loterie. Le dispositif comportait deux poteaux auxquels était fixée une corde. Les institutrices accrochaient des cadeaux, récupérés auprès de bénévoles, à ce fil. On nous mettait un bandeau sur les yeux. On nous laissait à 7 ou 8 mètres : avec des ciseaux on essayait de couper les ficelles auxquelles pendaient les cadeaux. Une institutrice m’avait mise au courant, me signalant la ficelle que je devais couper. C’est elle qui nous mettait les bandeaux pour sa classe. Naturellement j’avais un œil qui voyait un peu. J’ai fait celle qui hésitait pour ne pas semer le doute. Mon paquet était le deuxième à droite : il y avait un cadeau pour chaque enfant.
Je suis partie avec mon paquet à la maison et quand le l’ai ouvert j’ai trouvé une belle robe bleu marine avec un col blanc. Je m’en souviendrai toujours car je portais les restes de mes sœurs aînées et des fois on avait des colis pour les familles nombreuses. De la Croix Rouge probablement.
Les tabliers noirs étaient obligatoires. Les nôtres étaient tout simples, parfois trop grands, parfois trop petits.
Dans le nombre, il y avait des enfants plus riches, eux étaient plus coquets. Nous, on s’en fichait bien.
Il y avait une école de bonnes sœurs plus bas que la nôtre. C’était pour les classes supérieures, les enfants des commerçants. Mais ils n’apprenaient pas mieux que nous. C’était beaucoup de prières, matin, midi et soir !
mardi 16 novembre 2010
La vie d’Augustine.#2
Et puis il y a eu les bombardements des mines. Le plus affreux c’était la nuit. Un jour, il est tombé un obus en haut de notre rue en plein milieu. Les vitres et portes ont volé en éclats. Comme les maisons du coron se soutiennent les unes les autres, elles ne sont pas tombées. Une petite fille qui était assise devant sa porte a disparu : on n’a jamais retrouvé son corps.
Les obus tombaient dans les jardins. Sitôt l’alerte, mon frère Arthur nous prenait, une sur son dos, l’autre devant et on partait se mettre à l’abri. Mon père n’a jamais quitté la maison. Il ne voulait pas non plus que l’on emmène Lucienne qui couchait dans la chambre de nos parents. Lui, étouffait dans les abris ! Pauvre père ! C’est lui qui gérait tout car notre mère ne savait ni lire ni écrire et chez les commerçants elle se faisait toujours avoir. Mon père l’appelait « sans bile » ce qui signifiait sans responsabilité.
Elle nous tenait bien propres : une fois par semaine, aidée par mes aînées, elle nous donnait un bain dans un demi tonneau. On faisait chauffer l’eau dans de grandes lessiveuses. C’était la même chose pour mes frères quand ils rentraient de la mine. Ils étaient si noirs et il n’y avait pas de douches à la mine. On avait une réserve d’eau dans un grand tonneau pour récupérer l’eau de pluie avec laquelle on faisait la lessive ce qui nécessitait moins de savon.
On avait une petite remise dans le jardin. C’est là que qu’on se nettoyait comme beaucoup de grandes familles. Il y avait un petit poêle à charbon.
Pour se chauffer, les mineurs avaient droit à du poussier c'est-à-dire des débris et poussières de charbon. L’hiver on était livré par quinzaine et l’été chaque mois. Un tombereau tiré par un cheval déversait le poussier devant la maison. Nous le poussions vers le trou de la cave. Il fallait le faire dans les deux heures qui suivaient la livraison. Pour nous éclairer nous avions les lampes à pétrole.
Les corons étaient construits en briques rouges qui devenaient marron puis noires avec le temps. On mouillait le poussier pour en faire des sortes de briquettes. Il fallait une bonne braise pour que le poussier s’enflamme : on perçait un trou au milieu de la briquette pour faciliter. Nous avions des poêles adaptés à ce genre de combustion.
On les importait de Belgique. Ils étaient larges devant avec une grille plus bas pour poser et chauffer les pieds. Mon père s’occupait d’entretenir le poêle l’hiver.
On était tous réunis et heureux d’être ensemble : c’était quand même une belle vie. On appréciait les bons moments de la vie quand il y en avait !
L’électricité n’était pas pour nous..
Les obus tombaient dans les jardins. Sitôt l’alerte, mon frère Arthur nous prenait, une sur son dos, l’autre devant et on partait se mettre à l’abri. Mon père n’a jamais quitté la maison. Il ne voulait pas non plus que l’on emmène Lucienne qui couchait dans la chambre de nos parents. Lui, étouffait dans les abris ! Pauvre père ! C’est lui qui gérait tout car notre mère ne savait ni lire ni écrire et chez les commerçants elle se faisait toujours avoir. Mon père l’appelait « sans bile » ce qui signifiait sans responsabilité.
Elle nous tenait bien propres : une fois par semaine, aidée par mes aînées, elle nous donnait un bain dans un demi tonneau. On faisait chauffer l’eau dans de grandes lessiveuses. C’était la même chose pour mes frères quand ils rentraient de la mine. Ils étaient si noirs et il n’y avait pas de douches à la mine. On avait une réserve d’eau dans un grand tonneau pour récupérer l’eau de pluie avec laquelle on faisait la lessive ce qui nécessitait moins de savon.
On avait une petite remise dans le jardin. C’est là que qu’on se nettoyait comme beaucoup de grandes familles. Il y avait un petit poêle à charbon.
Pour se chauffer, les mineurs avaient droit à du poussier c'est-à-dire des débris et poussières de charbon. L’hiver on était livré par quinzaine et l’été chaque mois. Un tombereau tiré par un cheval déversait le poussier devant la maison. Nous le poussions vers le trou de la cave. Il fallait le faire dans les deux heures qui suivaient la livraison. Pour nous éclairer nous avions les lampes à pétrole.
Les corons étaient construits en briques rouges qui devenaient marron puis noires avec le temps. On mouillait le poussier pour en faire des sortes de briquettes. Il fallait une bonne braise pour que le poussier s’enflamme : on perçait un trou au milieu de la briquette pour faciliter. Nous avions des poêles adaptés à ce genre de combustion.
On les importait de Belgique. Ils étaient larges devant avec une grille plus bas pour poser et chauffer les pieds. Mon père s’occupait d’entretenir le poêle l’hiver.
On était tous réunis et heureux d’être ensemble : c’était quand même une belle vie. On appréciait les bons moments de la vie quand il y en avait !
L’électricité n’était pas pour nous..
mardi 9 novembre 2010
La vie d’Augustine.#1
Augustine Marie Joseph née en 1912 est décédée en 1999.
A l’attention de ses enfants, petits enfants et arrière petits enfants, elle a laissé trois cahiers dont un de poésies.
Née dans le Pas de Calais à Auchel dans le Pays minier, elle a pris son stylo à bille en 1978 afin de relater l’histoire de sa vie. Elle a quitté l’école avant d’obtenir son certificat d’études primaires, ce qui était le cas de la plupart des enfants de mineurs. Mais son caractère joyeux, son énergie, son sens de l’observation, son humour ont guidé la rédaction de souvenirs sans misérabilisme.
Les travailleurs du charbon étaient fiers de leur condition de mineurs.
Certes, pauvreté allant jusqu’au dénuement quand le nombre d’enfants était important mais ciment familial, solidarité gages de survie.
La fratrie d’Augustine ( 11 enfants ) n’a connu aucun décès.
Je suis sa fille aînée à qui elle a confié ses écrits. Je les ai saisis me contentant de corriger l’orthographe et la ponctuation.
Ses textes sont écrits sans ratures : de simples ajouts très rares.
Document illustrant un passé ouvrier, la lutte opiniâtre pour améliorer sa condition, « s’élever » socialement, devenir son propre patron.
Les grandes guerres aussi comme des vols de vautours sur l’innocence des agneaux.
Si des jeunes lisent les fragments publiés par Guy que je remercie de tout mon cœur au nom de ma mère disparue, ils découvriront combien forte était la soif d’apprendre chez les enfants de mineurs. Aujourd’hui l’Ecole est parfois vécue comme une punition par les ados dans nos pays privilégiés.
« Il va falloir recruter 9,1 millions d’enseignants d’ici à 2015 … pour combler la pénurie et assurer la scolarisation de tous les enfants de 6 à 11 ans
selon le dernier rapport de l’Unesco sur la demande mondiale… »
« Le Monde » 4 octobre 2010.
Marie Treize
Nous poursuivrons la publication de ses écrits en plusieurs épisodes,les mardis qui viennent.La vie d’Augustine.#1
Du temps de mon père, quand les mineurs toussaient, on disait qu’ils crachaient leurs poumons.
La vie devenait très dure. Les ouvriers commençaient à se révolter. Ils s’attaquaient aux hommes politiques surtout (Poincaré). On sentait la guerre venir. Il y a eu des assassinats. Heureusement, Clémenceau était pour la classe ouvrière : il nous aidait mieux.
Mes aînés travaillaient, aidant la famille à vivre car la retraite de mon père ne suffisait pas. Mais le docteur était gratuit pour les mineurs (Les Mines, propriétés privées avaient un dispensaire pour les familles de mineurs).*
Ma mère et mes sœurs, Sophie et Jeanne, faisaient des lessives : pas de machines à laver !
Cela se faisait dans de grands tonneaux sciés en deux. Chaque moitié était équipée d’un battoir accroché à la paroi. On le manipulait de droite et de gauche. Et toute cette eau qu’il fallait transporter depuis la pompe avec les jougs…
Maria, la mère de Lucienne prenait des cours d’infirmière tout en travaillant.
Nous n’avions pas de W.C. dans la maison. Le « cabinet » était au fond du jardin.
C’était souvent la galopade : il fallait faire la queue. Parfois on allait dans le cabinet du voisin qui était collé de dos au nôtre.
Le réservoir à excréments était une cuve en bois qu’il fallait vider de temps en temps
Nous-mêmes car il n’y avait pas de vidangeurs dans les corons. On vidait les caisses dans un trou du jardin comme toutes les familles des corons. Cela se faisait surtout l’hiver. Il fallait avoir une sacrée santé !
Mes frères reconnaissaient l’odeur des voisins. Ils disaient : tiens, chez les Vylérie, ils vident leur merde. On reconnaît leur parfum !
Et pour nous c’était pareil, puisque l’on ne pouvait pas faire autrement.
Mais il fallait voir comme nos légumes étaient beaux !
On recouvrait les trous avec de la paille et des épluchures et ça nous donnait un excellent fumier que l’on répartissait dans tous les jardins par roulement.
* Note du transcripteur
A l’attention de ses enfants, petits enfants et arrière petits enfants, elle a laissé trois cahiers dont un de poésies.
Née dans le Pas de Calais à Auchel dans le Pays minier, elle a pris son stylo à bille en 1978 afin de relater l’histoire de sa vie. Elle a quitté l’école avant d’obtenir son certificat d’études primaires, ce qui était le cas de la plupart des enfants de mineurs. Mais son caractère joyeux, son énergie, son sens de l’observation, son humour ont guidé la rédaction de souvenirs sans misérabilisme.
Les travailleurs du charbon étaient fiers de leur condition de mineurs.
Certes, pauvreté allant jusqu’au dénuement quand le nombre d’enfants était important mais ciment familial, solidarité gages de survie.
La fratrie d’Augustine ( 11 enfants ) n’a connu aucun décès.
Je suis sa fille aînée à qui elle a confié ses écrits. Je les ai saisis me contentant de corriger l’orthographe et la ponctuation.
Ses textes sont écrits sans ratures : de simples ajouts très rares.
Document illustrant un passé ouvrier, la lutte opiniâtre pour améliorer sa condition, « s’élever » socialement, devenir son propre patron.
Les grandes guerres aussi comme des vols de vautours sur l’innocence des agneaux.
Si des jeunes lisent les fragments publiés par Guy que je remercie de tout mon cœur au nom de ma mère disparue, ils découvriront combien forte était la soif d’apprendre chez les enfants de mineurs. Aujourd’hui l’Ecole est parfois vécue comme une punition par les ados dans nos pays privilégiés.
« Il va falloir recruter 9,1 millions d’enseignants d’ici à 2015 … pour combler la pénurie et assurer la scolarisation de tous les enfants de 6 à 11 ans
selon le dernier rapport de l’Unesco sur la demande mondiale… »
« Le Monde » 4 octobre 2010.
Marie Treize
Nous poursuivrons la publication de ses écrits en plusieurs épisodes,les mardis qui viennent.La vie d’Augustine.#1
Du temps de mon père, quand les mineurs toussaient, on disait qu’ils crachaient leurs poumons.
La vie devenait très dure. Les ouvriers commençaient à se révolter. Ils s’attaquaient aux hommes politiques surtout (Poincaré). On sentait la guerre venir. Il y a eu des assassinats. Heureusement, Clémenceau était pour la classe ouvrière : il nous aidait mieux.
Mes aînés travaillaient, aidant la famille à vivre car la retraite de mon père ne suffisait pas. Mais le docteur était gratuit pour les mineurs (Les Mines, propriétés privées avaient un dispensaire pour les familles de mineurs).*
Ma mère et mes sœurs, Sophie et Jeanne, faisaient des lessives : pas de machines à laver !
Cela se faisait dans de grands tonneaux sciés en deux. Chaque moitié était équipée d’un battoir accroché à la paroi. On le manipulait de droite et de gauche. Et toute cette eau qu’il fallait transporter depuis la pompe avec les jougs…
Maria, la mère de Lucienne prenait des cours d’infirmière tout en travaillant.
Nous n’avions pas de W.C. dans la maison. Le « cabinet » était au fond du jardin.
C’était souvent la galopade : il fallait faire la queue. Parfois on allait dans le cabinet du voisin qui était collé de dos au nôtre.
Le réservoir à excréments était une cuve en bois qu’il fallait vider de temps en temps
Nous-mêmes car il n’y avait pas de vidangeurs dans les corons. On vidait les caisses dans un trou du jardin comme toutes les familles des corons. Cela se faisait surtout l’hiver. Il fallait avoir une sacrée santé !
Mes frères reconnaissaient l’odeur des voisins. Ils disaient : tiens, chez les Vylérie, ils vident leur merde. On reconnaît leur parfum !
Et pour nous c’était pareil, puisque l’on ne pouvait pas faire autrement.
Mais il fallait voir comme nos légumes étaient beaux !
On recouvrait les trous avec de la paille et des épluchures et ça nous donnait un excellent fumier que l’on répartissait dans tous les jardins par roulement.
* Note du transcripteur
mardi 7 septembre 2010
Citations de groupe dans un gite en Savoie.
Sur un set de table personnalisé : « entendu à la Chiserette et nulle part ailleurs » à Champagny-le-haut(Savoie).
Mots d’enfants :
« Quand il bruine c’est de l’eau en poudre. »
« Le cimetière, c’est là où les morts vivent. »
« Pourquoi en montagne, il fait froid alors qu’on est plus près du soleil ? »
« Les vaches de Léon ont été bien traitées ce soir. »
« Un caillou qui bouge, c’est une marmotte. »
« Le nuage, c’est la maison des gouttes d’eau »
Les grands :
« La paresse est un vice couché. »
« Bienheureux les fêlés car ils laissent passer la lumière. »
« Quand il est trop tard pour partir tôt, rien ne sert de s’acharner. »
« La montagne, valeur refuge. »
« Une erreur peut être vraie ou fausse selon que celui qui la commise s’est trompé ou pas. »
« Heureux ceux qui ne savent rien d’eux-mêmes car ils n’ont pas fini de s’amuser. »
« On doit appeler un chat un chat sauf si c’est un chien. »
« On a pris de l’avance sur notre retard ! »
« Vos paroles vous habillent et vous mettent à nu. »
« L’infini, ce n’est pas une adresse, c’est là où nous sommes. »
Mots d’enfants :
« Quand il bruine c’est de l’eau en poudre. »
« Le cimetière, c’est là où les morts vivent. »
« Pourquoi en montagne, il fait froid alors qu’on est plus près du soleil ? »
« Les vaches de Léon ont été bien traitées ce soir. »
« Un caillou qui bouge, c’est une marmotte. »
« Le nuage, c’est la maison des gouttes d’eau »
Les grands :
« La paresse est un vice couché. »
« Bienheureux les fêlés car ils laissent passer la lumière. »
« Quand il est trop tard pour partir tôt, rien ne sert de s’acharner. »
« La montagne, valeur refuge. »
« Une erreur peut être vraie ou fausse selon que celui qui la commise s’est trompé ou pas. »
« Heureux ceux qui ne savent rien d’eux-mêmes car ils n’ont pas fini de s’amuser. »
« On doit appeler un chat un chat sauf si c’est un chien. »
« On a pris de l’avance sur notre retard ! »
« Vos paroles vous habillent et vous mettent à nu. »
« L’infini, ce n’est pas une adresse, c’est là où nous sommes. »
mardi 31 août 2010
Mots d'enfants.
Titouan est le principal pourvoyeur de cette série:
- Quand je serai grand je serai un papa"
- Combien auras-tu d'enfants?
- Quatre.
- Comment les appelleras-tu?
- Venez, c'est l'heure de manger!
Un jour Titouan joue avec de l'herbe.
- Je veux faire du lait.
- Avec de l'herbe?
- Ben oui, la vache elle mange de l'herbe pour faire son lait.
A zoorama de Chizé, il a vu des espèces européennes dont la fouine.
- Elle couinait
- Qu'est-ce qu'elle disait?
- J'ai pas compris, c'était de l'anglais.
Titouan buvait du pétillant sans alcool.
- Qu'est-ce qu'on arrose?
- Nos ventres.
Explication pour son premier feu d’artifice :
- Les fusées montent et quand elles touchent le ciel, elles explosent.
Lilou, sa petite sœur à 2 ans arrose son petit carré dans le jardin, et dit:
- Regarde, i poussent bien cailloux!
Une autre fois :
- Maman, va tomber la lune en volant!
- Quand je serai grand je serai un papa"
- Combien auras-tu d'enfants?
- Quatre.
- Comment les appelleras-tu?
- Venez, c'est l'heure de manger!
Un jour Titouan joue avec de l'herbe.
- Je veux faire du lait.
- Avec de l'herbe?
- Ben oui, la vache elle mange de l'herbe pour faire son lait.
A zoorama de Chizé, il a vu des espèces européennes dont la fouine.
- Elle couinait
- Qu'est-ce qu'elle disait?
- J'ai pas compris, c'était de l'anglais.
Titouan buvait du pétillant sans alcool.
- Qu'est-ce qu'on arrose?
- Nos ventres.
Explication pour son premier feu d’artifice :
- Les fusées montent et quand elles touchent le ciel, elles explosent.
Lilou, sa petite sœur à 2 ans arrose son petit carré dans le jardin, et dit:
- Regarde, i poussent bien cailloux!
Une autre fois :
- Maman, va tomber la lune en volant!
lundi 7 juin 2010
Les secrets. Raja Amiri
Trois femmes squattent une maison abandonnée quoique belle où le fils de l’ancienne propriétaire revenu dans ses murs avec une jeune fille moderne ne s’aperçoit pas de l’existence de ces oubliées. Indifférence et différences de classe, avec par-dessus le marché, un secret de famille bien lourd dont la révélation va tourner au massacre. La problématique de la recherche de la féminité est marquée par des chaussures à talons, du rouge à lèvres : schématique. La folie est la seule issue au bout d’une succession d’invraisemblances qui rend ce film pesant. L’affiche était bien jolie avec des airs de laitière de Vermeer en pays méditerranéen et le sujet des femmes au Maghreb est certes crucial, mais ce traitement sous forme de fable ne me semble pas faire avancer la cause des opprimées.
mardi 30 mars 2010
De Spar en Spar
A cette terrasse du bistrot près du Spar, je ne m’y suis jamais assise.
Une femme de la cité, attablée seule dans l’unique troquet à des kilomètres à la ronde, c’est suspect. Vous imaginez les regards hostiles des ménagères de cinquante ans plus ou moins, les ragots de porte en porte dans les coursives à courants d’air, les yeux vicelards des mecs. Une femme seule à une terrasse de l’unique rade à des kilomètres à la ronde, c’est louche, ça fait désordre, c’est de la provocation, surtout si la dame est rousse, qu’elle fume et qu’elle croise les jambes, haut. C’est pas mon portrait, je m’habille en sac pour m’épargner le viol. Y a des pervers qui aiment se faire des mamies : remarquez l’inverse est juste aussi.
Alors chaque mardi, mon jour de ménagèr, je ralentis la marche devant la terrasse minuscule pour vérifier s’il est là, devant son café, toujours sur la même chaise, les yeux dans le vague. Il a les mains fines, une barbiche à la Ho Chi Minh, une calvitie bien avancée. S’il pleut, il s’abrite sous un parapluie, ce qui doit énerver la tenancière, j’imagine, vu qu’elle ne déploie pas le store quand il pleut. Se mouiller pour deux euros !
Le chien de la patronne, un caniche grisonnant mal peigné ou pas peigné du tout, un clébard inoffensif, s’installe aux pieds de l’inconnu. Il sommeille, le museau sur les vieilles baskets de ce régulier en poussant des soupirs émouvants. Lonely dog for a lonely man !
Il y a ce va-et-vient des clients, leurs sacs Carrefour ou Picard, gonflés de bonnes intentions écologiques et équitables. J’entre au Spar. J’aime les Spar qui offrent moins de tentations que les hypermarchés, sont moins fatigants pour les quilles. De surcroît les proprios connaissent mes habitudes, mes préférences : ils me sourient.
Une de mes copines, un peu foldingue, ce qui fait en grande partie le plaisir de la fréquenter - elle s’appelle Andrée - adore se balader de Spar en Spar quand elle est en congés.
Elle n’achète rien, sort la tête haute, sourire énigmatique, je dirais plutôt sardonique, moi ! Elle préfère, dit-elle, trouver sa pitance aux marchés quotidiens de notre bonne commune : ce qui marche bien chez nous ce sont les marchés ! Quant au reste, c’est à chacun d’en décider !
Pourquoi, tu n’achètes rien ? C’est mon luxe, me répond-elle, ma séance de résistance à la tentation, l’exercice de ma liberté de non consommatrice de mal bouffe. Tu n’imagines pas combien je me sens libre, forte, glorieuse quand je sors d’une supérette, ou d’un hyper, les mains vides ! La caissière m’interroge du regard, (quitte à faire la queue, je ne passe jamais par la sortie « sans achats ») donc, je lui présente les paumes de mes mains, et je ris le plus bêtement possible. Ma caissière préférée, celle que je harcèle chaque semaine chez Merlin le pas enchanteur, me sourit maintenant en vissant son index sur la tempe. Elle a de jolies fossettes qui me mettent la pèche !
Andrée fait sa tournée à bicyclette. S’exercer dans les trois Spar et les dizaines de grandes surfaces de la zone, ça lui prend la journée.
Il n’y a aucune relation entre l’homme seul et Andrée, du moins à ma connaissance. Ce qui fait de cette histoire un rébus !
Vous pourriez imaginer une idylle intéressante entre ces deux-là, bien faits pour s’entendre, à première vue. Il n’entre jamais dans le Spar ; elle en sort sans avoir consommé. Comme je ne fréquente le commercial que le mardi et Andrée ses jours de congés très aléatoires, mon enquête va prendre beaucoup de temps. J’ai bien autre chose à faire ! Pour être honnête, je n’ai rien à faire.
Désormais, je me poste entre 10 et 11 heures derrière la camionnette du Spar pour les surveiller, ces potentiels tourtereaux. Epier les gens, c’est plus instructif que de faire des confitures ou du tricot : la journée prend du sens, les rêves se nourrissent.
Vous objecterez que je ne suis pas logique, que je patauge dans la contradiction et que c’est énervant pour les personnes armées de références classiques. C’est ainsi.
En général je m’autorise ce que je m’interdis, jamais l’inverse. « Je » étant un autre, cela ne pose aucune difficulté.
D’abord il faut résoudre ce rébus d’une manière ou d’une autre, ensuite la logique est ennemie du vivant ! J’ai même envie de dire qu’elle est son pire ennemi !
Je suis en vigilance, imper gris, un tic à l’oeil gauche pour me fondre dans le béton. De ma place je vois le Spar et la terrasse du bistrot. Lundi, rien. Mardi, rien : Je fais mes courses. Mercredi, rien. Normal Andrée fait son marché.
Vendredi, c’est veine et déveine ! Andrée sort du Spar, les mains vides, la tête haute, sourire sardonique. Prévu.
Il y a un attroupement à la terrasse du bistrot. Andrée enfourche son vélo et file en sifflant, indifférente. Les obsessionnels n’ont pas de cœur… Je m’approche. La patronne, assise à sa terrasse, pleure toutes les larmes de son corps. Expression un peu osée, non ? Des soubresauts agitent son gravissime décolleté. Elle a les pieds dans le caniveau, une chaussure en errance, les chevilles gonflées des fortes femmes de bar toujours debout.
- Je l’ai vu. C’est lui qui m’a enlevé mon Titi. Il a profité des cinq minutes que j’ai passées au Spar pour me l’enlever, mon Titi chéri. Ah ! L’hypocrite ! Le salaud ! Et ce chien ! Pourquoi il s’est laissé kidnapper, hein ? L’ingrat !
Ainsi la vie… Enigmes insolubles, même dans le café.
Marie Treize
-------------------------------------------------------------------------------------
Remplir les sacs… mais aussi les vider.
Marie Treize, alias Philomène, alias Marie-Thérèse Jacquet
a épuisé sa réserve de nouvelles courtes. Bien désolée de ne plus vous faire
le petit coucou du mardi sur le blog de Guy, un lieu bien famé (ou femmé ?)
Si vous souhaitez lire mes nouvelles longues et quelques autres non éditées sur ce blog vous pouvez acquérir « Allumez le four et autres récits… » aux Editions Alzieu
1 rue du Moulin au Fontanil.
Ci dessous un bon de souscription pour ce livre vendu 13 euros jusqu’au 15 avril.
Merci à vous.
.....................................................................................
Bon de souscription
Nom :
Prénom
Adresse :
Désire recevoir… exemplaire(s) du livre :
« Allumez le four et autres récits… »
de Marie-Thérèse Jacquet
(120 pages environ : 24 nouvelles )
Prix de souscription : 13 euros l’un valable jusqu’au 15 avril 2010
Parution dans un délai maximum de deux mois après la fin de la souscription
Prix public 15 euros
Ci-joint un chèque de …………….. correspondant au règlement de ….. exemplaires
Lettres et Règlement
Editions Alzieu La Maison du Livre : 1 bis rue du Moulin Le Fontanil Cornillon Tel : 04 76 75 33 76
e.mail : admin@editions-alzieu.com
« Si elle sait peindre dans les couleurs subtiles de l’aquarelle, son écriture emprunte à toutes les ressources des palettes de la mémoire. Du fantastique vient enchanter une réalité âpre qui recèle aussi bien des tendresses. Sous le sourire et les mots choisis qui pétillent, elle exprime la fidélité à ses origines, quand le four s’ouvrait pour offrir le pain essentiel, chaud et parfumé. Elle nous fait voyager du Marais Poitevin à l’île de Batz en passant par la Mauritanie…
Une documentation précise permet de tracer des univers variés avec une nature très présente où les herbes révèlent leurs mystères et les oiseaux leurs rêves. Humour, sensualité, plaisir de l’écriture. Et quand elle reçoit un certain monsieur Dieu, elle hésite à lui faire écouter la Symphonie Liturgique d’Arthur Honegger qui serait trop marquée. Aucune faute de goût. »
Une femme de la cité, attablée seule dans l’unique troquet à des kilomètres à la ronde, c’est suspect. Vous imaginez les regards hostiles des ménagères de cinquante ans plus ou moins, les ragots de porte en porte dans les coursives à courants d’air, les yeux vicelards des mecs. Une femme seule à une terrasse de l’unique rade à des kilomètres à la ronde, c’est louche, ça fait désordre, c’est de la provocation, surtout si la dame est rousse, qu’elle fume et qu’elle croise les jambes, haut. C’est pas mon portrait, je m’habille en sac pour m’épargner le viol. Y a des pervers qui aiment se faire des mamies : remarquez l’inverse est juste aussi.
Alors chaque mardi, mon jour de ménagèr, je ralentis la marche devant la terrasse minuscule pour vérifier s’il est là, devant son café, toujours sur la même chaise, les yeux dans le vague. Il a les mains fines, une barbiche à la Ho Chi Minh, une calvitie bien avancée. S’il pleut, il s’abrite sous un parapluie, ce qui doit énerver la tenancière, j’imagine, vu qu’elle ne déploie pas le store quand il pleut. Se mouiller pour deux euros !
Le chien de la patronne, un caniche grisonnant mal peigné ou pas peigné du tout, un clébard inoffensif, s’installe aux pieds de l’inconnu. Il sommeille, le museau sur les vieilles baskets de ce régulier en poussant des soupirs émouvants. Lonely dog for a lonely man !
Il y a ce va-et-vient des clients, leurs sacs Carrefour ou Picard, gonflés de bonnes intentions écologiques et équitables. J’entre au Spar. J’aime les Spar qui offrent moins de tentations que les hypermarchés, sont moins fatigants pour les quilles. De surcroît les proprios connaissent mes habitudes, mes préférences : ils me sourient.
Une de mes copines, un peu foldingue, ce qui fait en grande partie le plaisir de la fréquenter - elle s’appelle Andrée - adore se balader de Spar en Spar quand elle est en congés.
Elle n’achète rien, sort la tête haute, sourire énigmatique, je dirais plutôt sardonique, moi ! Elle préfère, dit-elle, trouver sa pitance aux marchés quotidiens de notre bonne commune : ce qui marche bien chez nous ce sont les marchés ! Quant au reste, c’est à chacun d’en décider !
Pourquoi, tu n’achètes rien ? C’est mon luxe, me répond-elle, ma séance de résistance à la tentation, l’exercice de ma liberté de non consommatrice de mal bouffe. Tu n’imagines pas combien je me sens libre, forte, glorieuse quand je sors d’une supérette, ou d’un hyper, les mains vides ! La caissière m’interroge du regard, (quitte à faire la queue, je ne passe jamais par la sortie « sans achats ») donc, je lui présente les paumes de mes mains, et je ris le plus bêtement possible. Ma caissière préférée, celle que je harcèle chaque semaine chez Merlin le pas enchanteur, me sourit maintenant en vissant son index sur la tempe. Elle a de jolies fossettes qui me mettent la pèche !
Andrée fait sa tournée à bicyclette. S’exercer dans les trois Spar et les dizaines de grandes surfaces de la zone, ça lui prend la journée.
Il n’y a aucune relation entre l’homme seul et Andrée, du moins à ma connaissance. Ce qui fait de cette histoire un rébus !
Vous pourriez imaginer une idylle intéressante entre ces deux-là, bien faits pour s’entendre, à première vue. Il n’entre jamais dans le Spar ; elle en sort sans avoir consommé. Comme je ne fréquente le commercial que le mardi et Andrée ses jours de congés très aléatoires, mon enquête va prendre beaucoup de temps. J’ai bien autre chose à faire ! Pour être honnête, je n’ai rien à faire.
Désormais, je me poste entre 10 et 11 heures derrière la camionnette du Spar pour les surveiller, ces potentiels tourtereaux. Epier les gens, c’est plus instructif que de faire des confitures ou du tricot : la journée prend du sens, les rêves se nourrissent.
Vous objecterez que je ne suis pas logique, que je patauge dans la contradiction et que c’est énervant pour les personnes armées de références classiques. C’est ainsi.
En général je m’autorise ce que je m’interdis, jamais l’inverse. « Je » étant un autre, cela ne pose aucune difficulté.
D’abord il faut résoudre ce rébus d’une manière ou d’une autre, ensuite la logique est ennemie du vivant ! J’ai même envie de dire qu’elle est son pire ennemi !
Je suis en vigilance, imper gris, un tic à l’oeil gauche pour me fondre dans le béton. De ma place je vois le Spar et la terrasse du bistrot. Lundi, rien. Mardi, rien : Je fais mes courses. Mercredi, rien. Normal Andrée fait son marché.
Vendredi, c’est veine et déveine ! Andrée sort du Spar, les mains vides, la tête haute, sourire sardonique. Prévu.
Il y a un attroupement à la terrasse du bistrot. Andrée enfourche son vélo et file en sifflant, indifférente. Les obsessionnels n’ont pas de cœur… Je m’approche. La patronne, assise à sa terrasse, pleure toutes les larmes de son corps. Expression un peu osée, non ? Des soubresauts agitent son gravissime décolleté. Elle a les pieds dans le caniveau, une chaussure en errance, les chevilles gonflées des fortes femmes de bar toujours debout.
- Je l’ai vu. C’est lui qui m’a enlevé mon Titi. Il a profité des cinq minutes que j’ai passées au Spar pour me l’enlever, mon Titi chéri. Ah ! L’hypocrite ! Le salaud ! Et ce chien ! Pourquoi il s’est laissé kidnapper, hein ? L’ingrat !
Ainsi la vie… Enigmes insolubles, même dans le café.
Marie Treize
-------------------------------------------------------------------------------------
Remplir les sacs… mais aussi les vider.
Marie Treize, alias Philomène, alias Marie-Thérèse Jacquet
a épuisé sa réserve de nouvelles courtes. Bien désolée de ne plus vous faire
le petit coucou du mardi sur le blog de Guy, un lieu bien famé (ou femmé ?)
Si vous souhaitez lire mes nouvelles longues et quelques autres non éditées sur ce blog vous pouvez acquérir « Allumez le four et autres récits… » aux Editions Alzieu
1 rue du Moulin au Fontanil.
Ci dessous un bon de souscription pour ce livre vendu 13 euros jusqu’au 15 avril.
Merci à vous.
.....................................................................................
Bon de souscription
Nom :
Prénom
Adresse :
Désire recevoir… exemplaire(s) du livre :
« Allumez le four et autres récits… »
de Marie-Thérèse Jacquet
(120 pages environ : 24 nouvelles )
Prix de souscription : 13 euros l’un valable jusqu’au 15 avril 2010
Parution dans un délai maximum de deux mois après la fin de la souscription
Prix public 15 euros
Ci-joint un chèque de …………….. correspondant au règlement de ….. exemplaires
Lettres et Règlement
Editions Alzieu La Maison du Livre : 1 bis rue du Moulin Le Fontanil Cornillon Tel : 04 76 75 33 76
e.mail : admin@editions-alzieu.com
« Si elle sait peindre dans les couleurs subtiles de l’aquarelle, son écriture emprunte à toutes les ressources des palettes de la mémoire. Du fantastique vient enchanter une réalité âpre qui recèle aussi bien des tendresses. Sous le sourire et les mots choisis qui pétillent, elle exprime la fidélité à ses origines, quand le four s’ouvrait pour offrir le pain essentiel, chaud et parfumé. Elle nous fait voyager du Marais Poitevin à l’île de Batz en passant par la Mauritanie…
Une documentation précise permet de tracer des univers variés avec une nature très présente où les herbes révèlent leurs mystères et les oiseaux leurs rêves. Humour, sensualité, plaisir de l’écriture. Et quand elle reçoit un certain monsieur Dieu, elle hésite à lui faire écouter la Symphonie Liturgique d’Arthur Honegger qui serait trop marquée. Aucune faute de goût. »
mardi 23 mars 2010
« Le pays d’où je viens… »
Au pays d’où je viens, le Plat Pays, ses maigres chevaux, les rivières ne coulent pas : elles sont canaux paisibles, porteurs de péniches ou se baladent sous terre, se font marécages et les égouts puent.
Au pays d’où je viens les murs sont de briques usées, rouges et noires parfois blanchies de peinture grasse vite ternie.
Ce pays d’où je viens dressait autrefois de hautes cheminées dominant les crassiers. Aujourd’hui les terrils ont verdi, devenus collines en hiver, modestes pentes pour timides skieurs.
Au pays de mes grands parents, dans les cités processionnaires, au pays de mes grands parents, Pas-de-Calais, il y a encore des corons. Leur maison toujours debout, deux pièces en bas, deux pièces en haut, si exiguës. Les temps nouveaux ont ajouté des vérandas. L’aluminium tient les fenêtres.
Ma mère y a grandi, si vite passant de l’enfance à l’âge adulte. Ma mère, ses onze frères et sœurs. Les filles promises aux « wassingues », les garçons « au fond », aux lampes à éthylène, aux boyaux, à une mort pas facile.
Au pays de mes ancêtres les hommes mouraient jeunes. Les veuves se mettaient en ménage avec un mineur moribond. On ne se mariait pas : ça faisait deux pensions.
Il y a une vingtaine d’années je suis retournée à Auchel (Pas de Calais) dans une de ces petites maisons de briques restaurées. Il y avait sur une couche mauve à volants l’avant-dernier de mes oncles, à son côté des bouteilles d’oxygène, sa future veuve aussi. Le mineur en tenue de momie, visage d’Indien.
Au pays d’où je viens les survivants ont le souffle court. Ils jouent aux boules et à la belote en toussant. Le foot c’était il y a si longtemps.Ils jouent dans les vestiaires de la vie en buvant leur bistouille (du Genièvre dans un fond de café).
Au pays d’où je viens, la pluie est mère fidèle, lavant et délavant, jamais découragée, son enfant meurtri.
En Novembre, il y a la Grande Braderie ; on y mange des tonnes de moules et de frites. La bière autrefois, en un temps moins écologique, coulait des braguettes aux caniveaux. Les femmes se retenaient.
Le soir on brûle toujours des géants de tissu, de papier et de bois sur la grande place de la Bourse, autrefois celle du Général de Gaulle.
Les Lillois font la ronde en chantant sous un ciel blanc et gris.
Misérabilisme ? Passéisme ? Nostalgie ? Que dalle !
Ecoutez ma mère :
« On a eu une enfance si joyeuse, on se faisait des farces, je lavais les longs cheveux de ma mère. Mes parents s’adoraient. On craignait la ceinture du père mais on courait plus vite qu’un mineur essoufflé.
On voisinait, on s’entraidait, on se mettait des branlées ; on était communistes et on baptisait les nouveaux-nés. »
Marie Treize
Au pays d’où je viens les murs sont de briques usées, rouges et noires parfois blanchies de peinture grasse vite ternie.
Ce pays d’où je viens dressait autrefois de hautes cheminées dominant les crassiers. Aujourd’hui les terrils ont verdi, devenus collines en hiver, modestes pentes pour timides skieurs.
Au pays de mes grands parents, dans les cités processionnaires, au pays de mes grands parents, Pas-de-Calais, il y a encore des corons. Leur maison toujours debout, deux pièces en bas, deux pièces en haut, si exiguës. Les temps nouveaux ont ajouté des vérandas. L’aluminium tient les fenêtres.
Ma mère y a grandi, si vite passant de l’enfance à l’âge adulte. Ma mère, ses onze frères et sœurs. Les filles promises aux « wassingues », les garçons « au fond », aux lampes à éthylène, aux boyaux, à une mort pas facile.
Au pays de mes ancêtres les hommes mouraient jeunes. Les veuves se mettaient en ménage avec un mineur moribond. On ne se mariait pas : ça faisait deux pensions.
Il y a une vingtaine d’années je suis retournée à Auchel (Pas de Calais) dans une de ces petites maisons de briques restaurées. Il y avait sur une couche mauve à volants l’avant-dernier de mes oncles, à son côté des bouteilles d’oxygène, sa future veuve aussi. Le mineur en tenue de momie, visage d’Indien.
Au pays d’où je viens les survivants ont le souffle court. Ils jouent aux boules et à la belote en toussant. Le foot c’était il y a si longtemps.Ils jouent dans les vestiaires de la vie en buvant leur bistouille (du Genièvre dans un fond de café).
Au pays d’où je viens, la pluie est mère fidèle, lavant et délavant, jamais découragée, son enfant meurtri.
En Novembre, il y a la Grande Braderie ; on y mange des tonnes de moules et de frites. La bière autrefois, en un temps moins écologique, coulait des braguettes aux caniveaux. Les femmes se retenaient.
Le soir on brûle toujours des géants de tissu, de papier et de bois sur la grande place de la Bourse, autrefois celle du Général de Gaulle.
Les Lillois font la ronde en chantant sous un ciel blanc et gris.
Misérabilisme ? Passéisme ? Nostalgie ? Que dalle !
Ecoutez ma mère :
« On a eu une enfance si joyeuse, on se faisait des farces, je lavais les longs cheveux de ma mère. Mes parents s’adoraient. On craignait la ceinture du père mais on courait plus vite qu’un mineur essoufflé.
On voisinait, on s’entraidait, on se mettait des branlées ; on était communistes et on baptisait les nouveaux-nés. »
Marie Treize
mardi 16 mars 2010
Agiassos #2
"Tout droit je descendrai vers l'agora. Sous la voûte de feuilles rouges je boirai le café brûlant, très lentement. Je rêverai dans le sexe des feuilles écarlates. Silencieuse, j'enfanterai un chant en écho au saxo jamais vu qui joue pourtant sur les terrasses d'Agiassos. Saxo du Dieu caché.
Et puis il sera temps de filer ailleurs. »
C'est ici que le texte s'arrête, dit la jeune femme en décroisant ses bottes métallisées. Elle redresse son dos tandis que se meuvent ses beaux seins sous la combinaison souplement ajustée. Son compagnon allume une nouvelle cigarette sans la quitter des yeux.
- Tu ne lis plus...
- Il n'y a plus rien. Le carnet de ma grand-mère s'arrête là.
Le jeune homme se penche vers le sol, la fumée embrume les brodequins à semelles d'acier.
- Comment était-elle ?
- J'avais deux ans quand elle est morte. Sur les photos, elle est plutôt ordinaire. Elle avait la bougeotte. Ses carnets, elle me les a légués. Avant de partir en Grèce, elle a dit à mes parents que ses carnets, ses livres seraient pour moi. Bien brave ce pope du bas quartier d'avoir gardé les derniers carnets de grand-mère.
- Comment sont-ils tombés entre ses mains ?
- La police les lui a confiés et il a oublié de les renvoyer en France. Les popes ne sont pas riches...
La jeune femme caresse le casque anti U.V. posé sur la table de faux marbre. " Quel style ringard quand même !
- Je ne suis pas de ton avis, Electre, c'est une époque où il y avait encore des Grecs. Regarde autour de nous, regardons-nous. Qui sommes-nous dans nos armures de métal et de plastique ?
Le jeune homme se tait, il sourit un peu parce qu'il est amoureux. Ses bagues et ses bracelets lancent des feux agressifs. La lumière du crépuscule traverse la coupole de verre au-dessus de l'agora et des rues d'Agiassos. Elle se difracte, éclabousse les tenues brillantes des consommateurs. Il n'y a pas de musique aujourd'hui. L'Association Européenne des Oto-rhino a obtenu de Bruxelles la trêve d'une journée par semaine. Les coupoles, la climatisation autorisent les touristes à se découvrir. Les peaux roses et blanches sont de fragiles lumières dans la lumière du couchant. Le jeune homme repose son verre d'eau minérale deux fois recyclée :
- Tu ne trouves pas que l'humanité, ici, ressemble à un ramassis de vers blancs sous un bocal renversé ?
- Arrête, tu n'es pas drôle !
- Et ta ringarde de grand-mère faisait du vélo sans masque, sans scaphandre. Elle dormait à la belle étoile. Les étoiles elle les voyait, et le ciel de Grèce, toujours bleu l'été... C'est ce que disent les vieux guides...
Main dans la main les jeunes gens gravissent une des huit avenues de la cité. Les néons annoncent des spectacles pornographiques ou des films d'épouvante. Des garçons très maquillés, attirent les consommateurs à des tables minuscules. Des familles s'agglutinent aux vitrines des magasins : Bonbéton, Monkikian, Zony... Les lasers balafrent le ciel composant et décomposant les silhouettes de dieux et de héros helléniques.
Ils s'arrêtent devant le musée des arts et techniques. Sous un globe de verre un âne empaillé, gueule ouverte, oreilles dressées. Pour un Euro, on entend braire le dernier baudet de l'île décédé en 2008. Pour deux Euro supplémentaires on assiste à l'érection de son pénis, dit la pancarte. La mécanique est tombée en panne. Une petite fille s'obstine à appuyer sur le bouton, ce qui provoque le rire du père occupé à vider une boîte de bière. Un cinéma annonce des succés européens : "Quand l'ozone reviendra", "A nous, les petites mongoliennes", "Les Requins sont fatigués".
- Je me demande si on a eu une bonne idée de venir à Métylène...
- Et les carnets de ma Grand-mère ? On va y trouver une foule d'informations sur la faune... La pauvre elle n'était pas douée pour les prophéties... mais elle s'y connaissait en oiseaux...
- Ouais... "Rien ne change jamais à Agiassos..." Vaut mieux en rire...
- Allez, ne perd pas le moral. Nous irons travailler dans les mines d'eau douce au Spitzberg l'été prochain. Il paraît que trois mois de boulot là-bas, ça te donne de quoi vivre bio pendant un an. Trois ans si tu bouffes n'importe quoi !
Dans le parking souterrain l'air de la climatisation souffle comme un vent d'Odyssée. Les jeunes gens referment leurs tuniques, ils enfilent leurs gants. La moto bondit à l'extérieur du réseau couvert. Le jeune homme fait le plein à une pompe automatique tandis que le visage de la jeune femme soudain s'immobilise en direction du Mont Olympe brillant comme un os de seiche dans la nuit. Ce n'est pas la montagne qui brille, c'est un immense écran sur lequel un type aux yeux dégoulinants distribue des cadeaux à un couple obèse.
- Ecoute... Ne remets pas le moteur en marche... On dirait un saxo... quelqu'un joue du saxo... Tu n'entends pas ?
- Ton casque est mal vissé, Electre. Tu vas te prendre une giclée de saloperies. Si Pan a échappé à la syphillis et au sida, les U.V. et le plomb auront sa peau. En route, accroche-toi, y a douze virages dans la descente.
Au carrefour de Vassilika et d'Ipio, elle lui demande d'arrêter leur bolide. "C'est ici que Grand-mère s'est défoncé le crâne. Le pope a dit que sa bicyclette était irrécupérable. Mon oeil !
- Les popes sont pauvres, c'est toi qui l'as dit... Tu as les carnets et la sacoche de cuir... Qu'est-ce que tu ferais d'un vélo ?
- Rien. Mais j'aurais aimé le voir, na !
- Ton ancêtre savait couper les fils, prends en de la graine !
La moto fonce vers Molivos où se trouve un des camps des Jeunesses Ecologistes Européennes. On y élève des requins. Le requin métabolise le plomb et le mercure et ne développe pas de cancers. Les chercheurs du génie génétique espèrent greffer dans un avenir très prochain des gènes du squale sur les chromosomes humains. L'avenir est à ceux qui savent couper. La moto fonce.
Marie Treize
Et puis il sera temps de filer ailleurs. »
C'est ici que le texte s'arrête, dit la jeune femme en décroisant ses bottes métallisées. Elle redresse son dos tandis que se meuvent ses beaux seins sous la combinaison souplement ajustée. Son compagnon allume une nouvelle cigarette sans la quitter des yeux.
- Tu ne lis plus...
- Il n'y a plus rien. Le carnet de ma grand-mère s'arrête là.
Le jeune homme se penche vers le sol, la fumée embrume les brodequins à semelles d'acier.
- Comment était-elle ?
- J'avais deux ans quand elle est morte. Sur les photos, elle est plutôt ordinaire. Elle avait la bougeotte. Ses carnets, elle me les a légués. Avant de partir en Grèce, elle a dit à mes parents que ses carnets, ses livres seraient pour moi. Bien brave ce pope du bas quartier d'avoir gardé les derniers carnets de grand-mère.
- Comment sont-ils tombés entre ses mains ?
- La police les lui a confiés et il a oublié de les renvoyer en France. Les popes ne sont pas riches...
La jeune femme caresse le casque anti U.V. posé sur la table de faux marbre. " Quel style ringard quand même !
- Je ne suis pas de ton avis, Electre, c'est une époque où il y avait encore des Grecs. Regarde autour de nous, regardons-nous. Qui sommes-nous dans nos armures de métal et de plastique ?
Le jeune homme se tait, il sourit un peu parce qu'il est amoureux. Ses bagues et ses bracelets lancent des feux agressifs. La lumière du crépuscule traverse la coupole de verre au-dessus de l'agora et des rues d'Agiassos. Elle se difracte, éclabousse les tenues brillantes des consommateurs. Il n'y a pas de musique aujourd'hui. L'Association Européenne des Oto-rhino a obtenu de Bruxelles la trêve d'une journée par semaine. Les coupoles, la climatisation autorisent les touristes à se découvrir. Les peaux roses et blanches sont de fragiles lumières dans la lumière du couchant. Le jeune homme repose son verre d'eau minérale deux fois recyclée :
- Tu ne trouves pas que l'humanité, ici, ressemble à un ramassis de vers blancs sous un bocal renversé ?
- Arrête, tu n'es pas drôle !
- Et ta ringarde de grand-mère faisait du vélo sans masque, sans scaphandre. Elle dormait à la belle étoile. Les étoiles elle les voyait, et le ciel de Grèce, toujours bleu l'été... C'est ce que disent les vieux guides...
Main dans la main les jeunes gens gravissent une des huit avenues de la cité. Les néons annoncent des spectacles pornographiques ou des films d'épouvante. Des garçons très maquillés, attirent les consommateurs à des tables minuscules. Des familles s'agglutinent aux vitrines des magasins : Bonbéton, Monkikian, Zony... Les lasers balafrent le ciel composant et décomposant les silhouettes de dieux et de héros helléniques.
Ils s'arrêtent devant le musée des arts et techniques. Sous un globe de verre un âne empaillé, gueule ouverte, oreilles dressées. Pour un Euro, on entend braire le dernier baudet de l'île décédé en 2008. Pour deux Euro supplémentaires on assiste à l'érection de son pénis, dit la pancarte. La mécanique est tombée en panne. Une petite fille s'obstine à appuyer sur le bouton, ce qui provoque le rire du père occupé à vider une boîte de bière. Un cinéma annonce des succés européens : "Quand l'ozone reviendra", "A nous, les petites mongoliennes", "Les Requins sont fatigués".
- Je me demande si on a eu une bonne idée de venir à Métylène...
- Et les carnets de ma Grand-mère ? On va y trouver une foule d'informations sur la faune... La pauvre elle n'était pas douée pour les prophéties... mais elle s'y connaissait en oiseaux...
- Ouais... "Rien ne change jamais à Agiassos..." Vaut mieux en rire...
- Allez, ne perd pas le moral. Nous irons travailler dans les mines d'eau douce au Spitzberg l'été prochain. Il paraît que trois mois de boulot là-bas, ça te donne de quoi vivre bio pendant un an. Trois ans si tu bouffes n'importe quoi !
Dans le parking souterrain l'air de la climatisation souffle comme un vent d'Odyssée. Les jeunes gens referment leurs tuniques, ils enfilent leurs gants. La moto bondit à l'extérieur du réseau couvert. Le jeune homme fait le plein à une pompe automatique tandis que le visage de la jeune femme soudain s'immobilise en direction du Mont Olympe brillant comme un os de seiche dans la nuit. Ce n'est pas la montagne qui brille, c'est un immense écran sur lequel un type aux yeux dégoulinants distribue des cadeaux à un couple obèse.
- Ecoute... Ne remets pas le moteur en marche... On dirait un saxo... quelqu'un joue du saxo... Tu n'entends pas ?
- Ton casque est mal vissé, Electre. Tu vas te prendre une giclée de saloperies. Si Pan a échappé à la syphillis et au sida, les U.V. et le plomb auront sa peau. En route, accroche-toi, y a douze virages dans la descente.
Au carrefour de Vassilika et d'Ipio, elle lui demande d'arrêter leur bolide. "C'est ici que Grand-mère s'est défoncé le crâne. Le pope a dit que sa bicyclette était irrécupérable. Mon oeil !
- Les popes sont pauvres, c'est toi qui l'as dit... Tu as les carnets et la sacoche de cuir... Qu'est-ce que tu ferais d'un vélo ?
- Rien. Mais j'aurais aimé le voir, na !
- Ton ancêtre savait couper les fils, prends en de la graine !
La moto fonce vers Molivos où se trouve un des camps des Jeunesses Ecologistes Européennes. On y élève des requins. Le requin métabolise le plomb et le mercure et ne développe pas de cancers. Les chercheurs du génie génétique espèrent greffer dans un avenir très prochain des gènes du squale sur les chromosomes humains. L'avenir est à ceux qui savent couper. La moto fonce.
Marie Treize
mardi 2 mars 2010
Agiassos #1
Sur son front est tatoué un requin de profil, gueule fermée. Elle lit à haute voix un carnet jauni. Le jeune homme l'écoute en fumant, les yeux levés vers la coupole de verre. Elle tousse et poursuit sa lecture : "...Je retournerai à Agiassos. J'y retournerai. Je sais que je retrouverai la cité inchangée. Rien ne peut jamais changer à Agassios. Tout y tourne à la suite du soleil. Dès l'aube, la ville tourne sa corolle vers le mont Olympe, recompose ses ombres, ses parfums et ses bruits, lâche ses chapelets d'ânes à demi sauvages, testicules écorchés aux épineux, sabots ébréchés, museaux blessés... Elle lâche, Agiassos, ses touristes à scooter, ses bandes de cupidons. Ils ne lancent pas de flèches mais des pierres aux visiteuses, aisselles et seins dévoyés sous les débardeurs. Cette ville que personne ne peut prendre, je la reverrai, pieds nus pour ne pas glisser. Je pactiserai à nouveau avec la traîtrise des pavés et tant pis si la pestilence des rats crevés me lève le cœur, et tant pis si midi me frappe. Je serai un insecte sur ton ventre, Agiassos car tout tourne et roule autour de ton ventre, Agiassos, ville-piège, ville-bousier. Je braverai les vieilles des ruelles, leurs cheveux pris dans des filets noirs. Leurs yeux fixes et doux comme ceux des chiennes de cette île, gardent les ombres de la ville haute... Je tracerai ma ligne de vie dans la main aux quarante rues, aux quarante doigts. Une jeune fille, un marmot morveux entre les jambes, me poussera vers le bas de la ville, me croyant égarée. J'éviterai le traquenard de ses :"Agora ! Agora !"Je ne me plierai pas à sa feinte sollicitude mais j'éviterai son regard sagace. J'irai plus haut que les boutiques de céramiques, plus loin que les derniers bistrots où se figent des dix heures les hommes pris à la ronde des cafés limoneux sous les yeux indéchiffrables des popes joufflus.
J'arriverai où elles m'attendent, dans le bric-à-brac de leur cour. Ce sera l'automne. Elles auront un pull noir sous leur robe noire, le noyer aura gardé quelques feuilles. Les quatre chèvres seront à grignoter ; le cabri sautera sur le toit de sa cabane, dressé sur ses sabots. Il bêlera :"C'est toi ! Bienvenue !
Une des femmes sera occupée à tourner le lait dans la marmite de fonte. Elle lâchera le bâton pour ajouter des sarments au feu, sous le trépied. Preste, elle reprendra le brassage de peur que le monde ne s'arrête. Comme la première fois je la contemplerai, la naïve, la travailleuse sans mémoire. J'agiterai mon carnet, elle comprendra, elle me désignera ma place sur la pile de planches. J'écraserai les épluchures, les crottes sèches, je m'assoirai face à la marmite. Je ne lèverai pas mon crayon, le fil sera tenu. Alors l'autre apparaîtra, forte et joviale. Elle me proposera le lait, elle m'offrira une chaise, apportera le pain grillé et les noix.
Et je couperai le fil.
Leur signe s'assentiment sera discret. Je leur donnerai le dessin. Je me lèverai, elles me presseront dans leur odeur de chèvrerie, elles laisseront à mes joues leur sueur.
Et le fil sera coupé.
Tout droit je descendrai vers l'agora. Sous la voûte de feuilles rouges je boirai le café brûlant, très lentement. Je rêverai dans le sexe des feuilles écarlates. Silencieuse, j'enfanterai un chant en écho au saxo jamais vu qui joue pourtant sur les terrasses d'Agiassos. Saxo du Dieu caché.
Et puis il sera temps de filer ailleurs. »
Marie Treize
J'arriverai où elles m'attendent, dans le bric-à-brac de leur cour. Ce sera l'automne. Elles auront un pull noir sous leur robe noire, le noyer aura gardé quelques feuilles. Les quatre chèvres seront à grignoter ; le cabri sautera sur le toit de sa cabane, dressé sur ses sabots. Il bêlera :"C'est toi ! Bienvenue !
Une des femmes sera occupée à tourner le lait dans la marmite de fonte. Elle lâchera le bâton pour ajouter des sarments au feu, sous le trépied. Preste, elle reprendra le brassage de peur que le monde ne s'arrête. Comme la première fois je la contemplerai, la naïve, la travailleuse sans mémoire. J'agiterai mon carnet, elle comprendra, elle me désignera ma place sur la pile de planches. J'écraserai les épluchures, les crottes sèches, je m'assoirai face à la marmite. Je ne lèverai pas mon crayon, le fil sera tenu. Alors l'autre apparaîtra, forte et joviale. Elle me proposera le lait, elle m'offrira une chaise, apportera le pain grillé et les noix.
Et je couperai le fil.
Leur signe s'assentiment sera discret. Je leur donnerai le dessin. Je me lèverai, elles me presseront dans leur odeur de chèvrerie, elles laisseront à mes joues leur sueur.
Et le fil sera coupé.
Tout droit je descendrai vers l'agora. Sous la voûte de feuilles rouges je boirai le café brûlant, très lentement. Je rêverai dans le sexe des feuilles écarlates. Silencieuse, j'enfanterai un chant en écho au saxo jamais vu qui joue pourtant sur les terrasses d'Agiassos. Saxo du Dieu caché.
Et puis il sera temps de filer ailleurs. »
Marie Treize
mardi 23 février 2010
Marie Treize
Les familiers de ce blog qui attendaient le mardi pour lire les histoires de Marie Thérèse Jacquet, pourront désormais choisir leur jour pour se régaler dans leur fauteuil et en découvrir des inédites. La prof de français a réuni 24 nouvelles en 120 pages papier. Pour 13 €, montant de la souscription, vous pourrez obtenir son livre « Allumez le four et autres récits » à l’adresse électronique suivante : admin@editions-alzieu.com ou aux Editions Alzieu La Maison du livre, 1 bis rue du Moulin 38120 Le Fontanil. Pour les impatients, vous pouvez retrouver certains de ses textes, en allant sur le petit moteur de recherche en haut de la colonne de droite de ce blog en tapant « Marie treize » ou en cherchant « écrits de lecteurs ».
Si elle sait peindre dans les couleurs subtiles de l’aquarelle, son écriture emprunte à toutes les ressources des palettes de la mémoire. Du fantastique vient enchanter une réalité âpre qui recèle aussi bien des tendresses. Sous le sourire et les mots choisis qui pétillent, elle exprime la fidélité à ses origines, quand le four s’ouvrait pour offrir le pain essentiel chaud et parfumé. Elle nous fait voyager aussi de la Grèce - attendez une semaine pour un aperçu - au marais poitevin, en passant par l’Afrique orientale… Une documentation précise permet de tracer prestement des univers variés avec une nature très présente où les herbes révèlent leurs mystères et les oiseaux leurs rêves. Humour, sensualité, plaisirs de l’écriture. Et quand elle reçoit un certain monsieur Dieu, elle hésite à mettre une musique liturgique qui serait trop marquée. Aucune faute de goût.
Si elle sait peindre dans les couleurs subtiles de l’aquarelle, son écriture emprunte à toutes les ressources des palettes de la mémoire. Du fantastique vient enchanter une réalité âpre qui recèle aussi bien des tendresses. Sous le sourire et les mots choisis qui pétillent, elle exprime la fidélité à ses origines, quand le four s’ouvrait pour offrir le pain essentiel chaud et parfumé. Elle nous fait voyager aussi de la Grèce - attendez une semaine pour un aperçu - au marais poitevin, en passant par l’Afrique orientale… Une documentation précise permet de tracer prestement des univers variés avec une nature très présente où les herbes révèlent leurs mystères et les oiseaux leurs rêves. Humour, sensualité, plaisirs de l’écriture. Et quand elle reçoit un certain monsieur Dieu, elle hésite à mettre une musique liturgique qui serait trop marquée. Aucune faute de goût.
mardi 12 janvier 2010
Envahisseurs
Une copine me disait, ironie inspirée par l’envie :
« Tu habites une Petite Suisse ! »
J’en suis restée chocolat, mais vérification faite, la dame a bien raison.
Tout est coquet, propret, sécurisé au Bombaril, département Risée, canton de Sainte Fièvre.
Cheu nous pas de pétarades nocturnes, pas d’agressions, pas de rixes, pas de risques. Pourtant les ancêtres à sac à main ne manquent pas, musardant en toute quiétude de banc en banc.
Chaque été mes chers petits enfants déboulent dans mes lieux sécurisés. Des gamins venus de cités moins protégées : Toulon, Perpignan, Barcelone… Des coins qui vous apprennent la vigilance pour biens et abatis.
Privée de siestes et de scrabble avec mes chevrotantes copines, je dois accompagner mes moustiques dans une tournée intégrale du village. Notre pacte est simple : si je veux regarder Super Nany sur la Six, Derrick sur la Trois, si je souhaite les jeux télévisés afin de ne pas attraper la sénilité, il leur faut absolument une histoire devant les récentes œuvres d’art apparues dans notre village mécénesque.
Les sculptures qu’ils préfèrent sont : « le prince et la princesse », au départ du sentier des Mollah et cette féerie de pierre, de verre et de métal prête à s’envoler. Hélas ! Elle a récemment perdu ses ailes caillassées par des ennemis de la beauté venus, c’est certain, de St Quentin les Voyous ! Cheu nous ya pas de voyous ! On ne veut pas de ça cheu nous a dit le Conseil Municipal. Donc onnennapa.
- Ca fait rêver, s’extasie Lili, six ans devant la fée privée de ses ailes.
- C’est trop, ajoute César en caressant la tête du roi.
- Beau, complété-je.
Arnaud, trop jeune, se contente de tripoter ses incisives.
Cette année là, j’ai cru à un été tranquille pour mes neurones. Ils se contenteraient des bibliothèques et des cinoches locaux, les sacripants ! Je parle de mes petits, non de mes cellules cérébrales, vous aurez compris.
J‘avais tout faux.
- On veut voir comment c’est avec le bus qui passe plus au milieu du Bombaril, a déclaré César, l’aîné, onze ans. Il veut devenir urbaniste depuis que H.P. l’a envoyé vivre à Barcelone. Devenu européen, le bonhomme développe un sens critique qui me laisse pantoise.
Frauduleusement nous prenons le raccourci par le parc de la Maison de Repos. Commence l’exploration des abribus. « Non, que je leur dis, c’est pas aujourd’hui qu’on ira au cinoche à Tataouine… J’ai compris pourquoi vous vouliez voir la nouvelle ligne du Trois, filous ! »
Rafraîchis par la brise poussiéreuse qu’engendre la circulation, nous atteignons le carrefour qu’agrémentent fleurs, feux de circulation sans oublier le cadran qui donne la date, la température et l’heure et le Sein à Téter- pardon, le Saint à fêter. C’est le moment de vérifier que Lili sait lire l’heure. C’est bon, elle sait.
- Et ça, c’est quoi ? interroge César.
Damned ! J’avais oublié la dernière en date des œuvres d’art érigées au village.
Suivi de Lili, César bafoue le feu rouge. Je les rejoins en faisant voler Arnaud au bout de mon bras.
J’enguirlande copieusement les grands. En vain. Ils sont ravis dans la contemplation de la statue.
César : C’est un niti…
Moi : C’est quoi un niti ?
César : Ben Mamie, tu lis quoi ? C’est un Alien.
Moi : Un fou ?
César : Mais Mamie, où est-ce que t’habites ? Un Alien c’est un extraterrestre, un venu d’un autre monde.
Ce mioche en sait plus qu’une Bombariloise aggravant la moyenne d’âge du canton.
César poursuit :
- Tu vois bien que c’est un niti : il a deux cerveaux et il a quand même du mal à lire tout ce qu’on doit savoir sur les humains. Ses oreilles de Pluto pendent de chaque côté des joues. Je les trouve très chouettes. Il hésite, réfléchit… A mon avis l’air de la Terre ne lui convient pas parce qu’il est en train de se décomposer. Vise les couleurs ! C’est d’un super réalisme. Il est bon pour danser avec les Morts Vivants de Mikaèle Jaquesonne. Faudrait ajouter des mouches et des vers, ça ferait plus vrai, hein, Mamie ? Je peux jeter de la terre dessus pour que ça fasse lèpre ?
Mamie n’a vu qu’un lecteur nu en position inconfortable, sur la pointe des pieds, ce que critiquerait notre animatrice de gym douce. Le pauvre, il ploie sous le fardeau d’une génération pas du tout intéressée par la lecture : un bambin à califourchon sur ses épaules d’ex-concentrationnarisé. Ah, combien est grande ma sympathie pour ce Papi ! Il ne fera pas de vieux os celui-là ! Même si on lui fait des rayons verts et violets la nuit. Cancer des os ou de la peau ?
Lili me chuchote :
- Dis Mamie, pourquoi le monsieur moche il fait caca sur des livres ?
- On ne parle pas comme ça. Il faut dire déféquer. Et puis il n’y a pas de chasse d’eau. C’est la preuve qu’il ne fait pas ce que tu dis !
J’entends un gros « blurp ». C’est Arnaud qui vomit un truc vert.
Soudain coup de vent glacial, mini tornades sur le bitume, passent des touffes d’herbes enroulées sur elles-mêmes… un harmonica invisible gémit au loin.
Tandis que nous fonçons aux abris, des bruits de tôles froissées ! Une dame aux dents de morse sort de sa Clio dont le pare-choc arrière gît sur le macadam. Poing droit levé, elle se dirige vers l’automobiliste qui lui a embouti le coffre. Tout penaud le jeune homme au menton démesuré, au cou filiforme montre le Niti en guise d’excuse.
Ouaf ! Fuyons ce lieu malsain ! Je crains un remake bombanilois de la Guerre des Mondes.
César me suit à regrets : « T’as peur de tout Mamie ! » Il n’a pas vu les écailles qui lui poussent sur la main. A double tour, je nous enferme dans mon bunker pressurisé.
Cérémonial avant le coucher :
César quand tu auras fini de brosser ta longue barbe, pense à la tresser. Elle pourrait t’étouffer pendant le sommeil. Il y a des chouchoux dans le tiroir sous le lavabo.
Arnaud, cesse de chougner ! César est un imbécile : tu n’as pas des oreilles d’âne. Les ânes n’ont pas les oreilles roses. Allez, dors bien mon lapin.
Lili ! Tu n’es pas encore couchée. Ah, je vois. Tu ne sais pas encore replier tes ailes. Je vais t’aider. Bonne nuit, ma petite fée.
Quel délice de s’allonger sous la couette ! Mes pieds bleu marine et qui plus est palmés n’ont pas froid. Plus besoin de chaussons de nuit ! Nageons dans un sommeil sans cauchemar…
Marie Treize
« Tu habites une Petite Suisse ! »
J’en suis restée chocolat, mais vérification faite, la dame a bien raison.
Tout est coquet, propret, sécurisé au Bombaril, département Risée, canton de Sainte Fièvre.
Cheu nous pas de pétarades nocturnes, pas d’agressions, pas de rixes, pas de risques. Pourtant les ancêtres à sac à main ne manquent pas, musardant en toute quiétude de banc en banc.
Chaque été mes chers petits enfants déboulent dans mes lieux sécurisés. Des gamins venus de cités moins protégées : Toulon, Perpignan, Barcelone… Des coins qui vous apprennent la vigilance pour biens et abatis.
Privée de siestes et de scrabble avec mes chevrotantes copines, je dois accompagner mes moustiques dans une tournée intégrale du village. Notre pacte est simple : si je veux regarder Super Nany sur la Six, Derrick sur la Trois, si je souhaite les jeux télévisés afin de ne pas attraper la sénilité, il leur faut absolument une histoire devant les récentes œuvres d’art apparues dans notre village mécénesque.
Les sculptures qu’ils préfèrent sont : « le prince et la princesse », au départ du sentier des Mollah et cette féerie de pierre, de verre et de métal prête à s’envoler. Hélas ! Elle a récemment perdu ses ailes caillassées par des ennemis de la beauté venus, c’est certain, de St Quentin les Voyous ! Cheu nous ya pas de voyous ! On ne veut pas de ça cheu nous a dit le Conseil Municipal. Donc onnennapa.
- Ca fait rêver, s’extasie Lili, six ans devant la fée privée de ses ailes.
- C’est trop, ajoute César en caressant la tête du roi.
- Beau, complété-je.
Arnaud, trop jeune, se contente de tripoter ses incisives.
Cette année là, j’ai cru à un été tranquille pour mes neurones. Ils se contenteraient des bibliothèques et des cinoches locaux, les sacripants ! Je parle de mes petits, non de mes cellules cérébrales, vous aurez compris.
J‘avais tout faux.
- On veut voir comment c’est avec le bus qui passe plus au milieu du Bombaril, a déclaré César, l’aîné, onze ans. Il veut devenir urbaniste depuis que H.P. l’a envoyé vivre à Barcelone. Devenu européen, le bonhomme développe un sens critique qui me laisse pantoise.
Frauduleusement nous prenons le raccourci par le parc de la Maison de Repos. Commence l’exploration des abribus. « Non, que je leur dis, c’est pas aujourd’hui qu’on ira au cinoche à Tataouine… J’ai compris pourquoi vous vouliez voir la nouvelle ligne du Trois, filous ! »
Rafraîchis par la brise poussiéreuse qu’engendre la circulation, nous atteignons le carrefour qu’agrémentent fleurs, feux de circulation sans oublier le cadran qui donne la date, la température et l’heure et le Sein à Téter- pardon, le Saint à fêter. C’est le moment de vérifier que Lili sait lire l’heure. C’est bon, elle sait.
- Et ça, c’est quoi ? interroge César.
Damned ! J’avais oublié la dernière en date des œuvres d’art érigées au village.
Suivi de Lili, César bafoue le feu rouge. Je les rejoins en faisant voler Arnaud au bout de mon bras.
J’enguirlande copieusement les grands. En vain. Ils sont ravis dans la contemplation de la statue.
César : C’est un niti…
Moi : C’est quoi un niti ?
César : Ben Mamie, tu lis quoi ? C’est un Alien.
Moi : Un fou ?
César : Mais Mamie, où est-ce que t’habites ? Un Alien c’est un extraterrestre, un venu d’un autre monde.
Ce mioche en sait plus qu’une Bombariloise aggravant la moyenne d’âge du canton.
César poursuit :
- Tu vois bien que c’est un niti : il a deux cerveaux et il a quand même du mal à lire tout ce qu’on doit savoir sur les humains. Ses oreilles de Pluto pendent de chaque côté des joues. Je les trouve très chouettes. Il hésite, réfléchit… A mon avis l’air de la Terre ne lui convient pas parce qu’il est en train de se décomposer. Vise les couleurs ! C’est d’un super réalisme. Il est bon pour danser avec les Morts Vivants de Mikaèle Jaquesonne. Faudrait ajouter des mouches et des vers, ça ferait plus vrai, hein, Mamie ? Je peux jeter de la terre dessus pour que ça fasse lèpre ?
Mamie n’a vu qu’un lecteur nu en position inconfortable, sur la pointe des pieds, ce que critiquerait notre animatrice de gym douce. Le pauvre, il ploie sous le fardeau d’une génération pas du tout intéressée par la lecture : un bambin à califourchon sur ses épaules d’ex-concentrationnarisé. Ah, combien est grande ma sympathie pour ce Papi ! Il ne fera pas de vieux os celui-là ! Même si on lui fait des rayons verts et violets la nuit. Cancer des os ou de la peau ?
Lili me chuchote :
- Dis Mamie, pourquoi le monsieur moche il fait caca sur des livres ?
- On ne parle pas comme ça. Il faut dire déféquer. Et puis il n’y a pas de chasse d’eau. C’est la preuve qu’il ne fait pas ce que tu dis !
J’entends un gros « blurp ». C’est Arnaud qui vomit un truc vert.
Soudain coup de vent glacial, mini tornades sur le bitume, passent des touffes d’herbes enroulées sur elles-mêmes… un harmonica invisible gémit au loin.
Tandis que nous fonçons aux abris, des bruits de tôles froissées ! Une dame aux dents de morse sort de sa Clio dont le pare-choc arrière gît sur le macadam. Poing droit levé, elle se dirige vers l’automobiliste qui lui a embouti le coffre. Tout penaud le jeune homme au menton démesuré, au cou filiforme montre le Niti en guise d’excuse.
Ouaf ! Fuyons ce lieu malsain ! Je crains un remake bombanilois de la Guerre des Mondes.
César me suit à regrets : « T’as peur de tout Mamie ! » Il n’a pas vu les écailles qui lui poussent sur la main. A double tour, je nous enferme dans mon bunker pressurisé.
Cérémonial avant le coucher :
César quand tu auras fini de brosser ta longue barbe, pense à la tresser. Elle pourrait t’étouffer pendant le sommeil. Il y a des chouchoux dans le tiroir sous le lavabo.
Arnaud, cesse de chougner ! César est un imbécile : tu n’as pas des oreilles d’âne. Les ânes n’ont pas les oreilles roses. Allez, dors bien mon lapin.
Lili ! Tu n’es pas encore couchée. Ah, je vois. Tu ne sais pas encore replier tes ailes. Je vais t’aider. Bonne nuit, ma petite fée.
Quel délice de s’allonger sous la couette ! Mes pieds bleu marine et qui plus est palmés n’ont pas froid. Plus besoin de chaussons de nuit ! Nageons dans un sommeil sans cauchemar…
Marie Treize
mardi 5 janvier 2010
La mouette
mardi 29 décembre 2009
En famille
La soupe aux choux de grand-mère, un événement.
Grand-père se déchaussait le premier : cors, durillons, oeils de perdrix, quelques poils blancs. Il riait, agitait les orteils- les vieux sont joueurs- remontait le bas de son bleu de travail- on ne lui connaissait pas d’autre accoutrement- trempait le doigt dans la marmite. Vérifions la température du bouillon. Trop chaud c’est pas bon pour mes varices.
On l’aidait à se hisser sur le banc, puis sur la table paysanne de bois brut poli par le temps comme il se doit dans les illustrations de bouquins pour gamins, une manière de leur apprendre l’histoire des classes populaires.
Grand-père aimait les soupes de sa femme. Il levait le pied droit, soutenu par sa descendance, le plongeait dans la marmite, le gauche suivait vite le même chemin.
C’est qu’il avait fait la guerre dans les Aurès ; alors, la soupe vous pensez bien !
Le patriarche de son piédestal : oui, elle est assez salée. Comment un pied peut-il doser la salinité d’un liquide ? Je n’ai aucune réponse, de toute façon c’est en famille, les secrets, vous savez. Non, elle n’était pas trop grasse, l’os à moelle avait la bonne taille. Nous devinions que le pépé palpait la chose consciencieusement. Comment un pied peut-il palper, hein ? C’est un secret pour personne que les pieds palpent surtout dans les contes.
Il poussait un soupir de soulagement comme après une longue séance de massage podologique, lâchait un pet. Nous, on aimait les pets de Pépé : c’est pas un vice quand même !
Enfin il redescendait sur la terre battue, eh ! Pauvre terre ! C’était le tour d’oncle Hubert.
Il ne s’asseyait pas sur le tabouret à trois pattes placé dans la marmite. Debout, ses fesses de gendarme pointant. Son regard bleu ne mentait pas ; il fixait par la fenêtre les terres de l’héritage. Il jouissait du glissement des poireaux entre ses orteils et nous en avisait. Ca lui rappelait les algues à marée basse du côté de St Valérie-en-Caux.
Ma grande sœur Berthe, prenait la relève, son missel-mi-raisin, à la main. Droite comme une sainte médiévale, elle gravissait le banc, la table. Sa tête ignorait ce que trafiquaient ses panards. Avec un prénom pareil, on ne peut avoir que des panards, même si ce n’est pas élégant pour une future sainte d’en avoir de si grands.
Je souhaitais furieusement, follement, violemment que mon étourdie de sœur renversât le faitout. Je savais, hélas, de quelle extrême attention sont capables les distraits. Quant aux distraites…
C’était mon tour. Je n’étais pas bien vieille et si timide. Alors monter sur les planches même en famille me fichait la chamade. Je chougnais bien que je susse l’inutilité de mes larmes. Oh ! La grande fille pas courageuse ! Oh la brailloux !
On me juchait de force parmi les couverts. Le bouillon m’arrivait au bas des cuisses. C’était gluant et doux, ça sentait le laurier. Je fermais les yeux toujours et je chantais.
Qui aurait supporté tant d’appétit dans leurs yeux de loups ?
Marie Treize
Grand-père se déchaussait le premier : cors, durillons, oeils de perdrix, quelques poils blancs. Il riait, agitait les orteils- les vieux sont joueurs- remontait le bas de son bleu de travail- on ne lui connaissait pas d’autre accoutrement- trempait le doigt dans la marmite. Vérifions la température du bouillon. Trop chaud c’est pas bon pour mes varices.
On l’aidait à se hisser sur le banc, puis sur la table paysanne de bois brut poli par le temps comme il se doit dans les illustrations de bouquins pour gamins, une manière de leur apprendre l’histoire des classes populaires.
Grand-père aimait les soupes de sa femme. Il levait le pied droit, soutenu par sa descendance, le plongeait dans la marmite, le gauche suivait vite le même chemin.
C’est qu’il avait fait la guerre dans les Aurès ; alors, la soupe vous pensez bien !
Le patriarche de son piédestal : oui, elle est assez salée. Comment un pied peut-il doser la salinité d’un liquide ? Je n’ai aucune réponse, de toute façon c’est en famille, les secrets, vous savez. Non, elle n’était pas trop grasse, l’os à moelle avait la bonne taille. Nous devinions que le pépé palpait la chose consciencieusement. Comment un pied peut-il palper, hein ? C’est un secret pour personne que les pieds palpent surtout dans les contes.
Il poussait un soupir de soulagement comme après une longue séance de massage podologique, lâchait un pet. Nous, on aimait les pets de Pépé : c’est pas un vice quand même !
Enfin il redescendait sur la terre battue, eh ! Pauvre terre ! C’était le tour d’oncle Hubert.
Il ne s’asseyait pas sur le tabouret à trois pattes placé dans la marmite. Debout, ses fesses de gendarme pointant. Son regard bleu ne mentait pas ; il fixait par la fenêtre les terres de l’héritage. Il jouissait du glissement des poireaux entre ses orteils et nous en avisait. Ca lui rappelait les algues à marée basse du côté de St Valérie-en-Caux.
Ma grande sœur Berthe, prenait la relève, son missel-mi-raisin, à la main. Droite comme une sainte médiévale, elle gravissait le banc, la table. Sa tête ignorait ce que trafiquaient ses panards. Avec un prénom pareil, on ne peut avoir que des panards, même si ce n’est pas élégant pour une future sainte d’en avoir de si grands.
Je souhaitais furieusement, follement, violemment que mon étourdie de sœur renversât le faitout. Je savais, hélas, de quelle extrême attention sont capables les distraits. Quant aux distraites…
C’était mon tour. Je n’étais pas bien vieille et si timide. Alors monter sur les planches même en famille me fichait la chamade. Je chougnais bien que je susse l’inutilité de mes larmes. Oh ! La grande fille pas courageuse ! Oh la brailloux !
On me juchait de force parmi les couverts. Le bouillon m’arrivait au bas des cuisses. C’était gluant et doux, ça sentait le laurier. Je fermais les yeux toujours et je chantais.
Qui aurait supporté tant d’appétit dans leurs yeux de loups ?
Marie Treize
mardi 22 décembre 2009
C’est un jour de mai. (Troisième partie)
C’est un jour de mai, peut-être un dimanche dans un bourg de Moselle. Un homme, les chaussures alourdies de boue se présente d’abord chez le curé puis au commissariat de police. Il s’appuie sur un grand parapluie noir.
Il dit à voix haute et claire :
- Je viens de tuer ma femme, Philomène.
Il sort de sa poche un revolver, de marque Ortgies, le dépose sur une table que j’imagine en bois brut. Et il attend.
Cet homme s’appelle Jean-Baptiste. Il a 44 ans. Il vient d’assassiner ma grand-mère Philomène d’un coup tiré à bout portant à dix centimètres de sa bouche, en présence de trois de leurs onze enfants. Les témoins sont le bébé de deux ans que la victime a entraîné dans sa chute, leur fille Catherine âgée de seize ans, mon père Charles, adolescent de treize ans.
Les archives de Strasbourg m’ont révélé ce drame en 2003.
Charles est décédé sans jamais parler de ce meurtre.
Vit toujours Ernestine, en Lorraine. Le bébé que tenait Philomène quand une balle tirée à dix centimètres de son visage l’a rayée des vivants.
Les survivants ont poursuivi leur existence, ont fondé des familles. Mon grand-père a fini ses jours en Guyane au bagne de St Laurent du Maroni. Condamné à 30 ans de réclusion en 1924, il fut élargi 9 ans plus tard pour bonne conduite. Il est mort vers 1944 de « suites de tuberculose », formule consacrée depuis toujours…
Les archives du Bagne à Aix en Provence disent très peu de choses de l’existence de Jean-Baptiste. Il n’avait pas le droit de retourner en France et aurait exercé son métier de menuisier au 17 rue Victor Hugo à St Laurent-du-Maroni.
La fille d’Ernestine m’a dit qu’il envoyait à sa famille des objets de marqueterie mais n’écrivait jamais aucune lettre.
Un de mes frères, travaillant à Cayenne m’a envoyé la photo du dernier logement de Jean-Baptiste. Une case de bois peint en blanc avec un toit de tôle ondulée rapiécé. Cette habitation exiguë est encore habitée.
Je n’ai jamais visité les dernières demeures de mes grands parents paternels. Pour lui, une case rongée à l’équateur avant la fosse commune. Pour elle une grande cuisine meublée d’un buffet, d’un poêle, de quelques étagères, d’une table et de deux bancs, comme la décrit un des rapports versés au dossier de cette affaire de violence extrême. Philomène et Jean-Baptiste avaient le même âge : 45 ans. Ils avaient eu onze enfants et vivaient en instance de divorce quand les mines de la jalousie, du lucre, de l’alcoolisme leur ont explosé en pleine gueule : une morte, un bagnard, onze orphelins.
Une de leurs petites filles cherchant par l’écriture comme perdue dans les bois de l’écriture la piste menant aux paroles qui ne lui avaient pas été dites. Paroles exécutées par une balle d’Ortgies dans la bouche de sa grand-mère, paroles à jamais foudroyées sur les lèvres d’un jeune homme, mon père.
Et que faire de pareille histoire, sinon parler juste à défaut d’être exacte.
Ecrire.
Marie Treize
Il dit à voix haute et claire :
- Je viens de tuer ma femme, Philomène.
Il sort de sa poche un revolver, de marque Ortgies, le dépose sur une table que j’imagine en bois brut. Et il attend.
Cet homme s’appelle Jean-Baptiste. Il a 44 ans. Il vient d’assassiner ma grand-mère Philomène d’un coup tiré à bout portant à dix centimètres de sa bouche, en présence de trois de leurs onze enfants. Les témoins sont le bébé de deux ans que la victime a entraîné dans sa chute, leur fille Catherine âgée de seize ans, mon père Charles, adolescent de treize ans.
Les archives de Strasbourg m’ont révélé ce drame en 2003.
Charles est décédé sans jamais parler de ce meurtre.
Vit toujours Ernestine, en Lorraine. Le bébé que tenait Philomène quand une balle tirée à dix centimètres de son visage l’a rayée des vivants.
Les survivants ont poursuivi leur existence, ont fondé des familles. Mon grand-père a fini ses jours en Guyane au bagne de St Laurent du Maroni. Condamné à 30 ans de réclusion en 1924, il fut élargi 9 ans plus tard pour bonne conduite. Il est mort vers 1944 de « suites de tuberculose », formule consacrée depuis toujours…
Les archives du Bagne à Aix en Provence disent très peu de choses de l’existence de Jean-Baptiste. Il n’avait pas le droit de retourner en France et aurait exercé son métier de menuisier au 17 rue Victor Hugo à St Laurent-du-Maroni.
La fille d’Ernestine m’a dit qu’il envoyait à sa famille des objets de marqueterie mais n’écrivait jamais aucune lettre.
Un de mes frères, travaillant à Cayenne m’a envoyé la photo du dernier logement de Jean-Baptiste. Une case de bois peint en blanc avec un toit de tôle ondulée rapiécé. Cette habitation exiguë est encore habitée.
Je n’ai jamais visité les dernières demeures de mes grands parents paternels. Pour lui, une case rongée à l’équateur avant la fosse commune. Pour elle une grande cuisine meublée d’un buffet, d’un poêle, de quelques étagères, d’une table et de deux bancs, comme la décrit un des rapports versés au dossier de cette affaire de violence extrême. Philomène et Jean-Baptiste avaient le même âge : 45 ans. Ils avaient eu onze enfants et vivaient en instance de divorce quand les mines de la jalousie, du lucre, de l’alcoolisme leur ont explosé en pleine gueule : une morte, un bagnard, onze orphelins.
Une de leurs petites filles cherchant par l’écriture comme perdue dans les bois de l’écriture la piste menant aux paroles qui ne lui avaient pas été dites. Paroles exécutées par une balle d’Ortgies dans la bouche de sa grand-mère, paroles à jamais foudroyées sur les lèvres d’un jeune homme, mon père.
Et que faire de pareille histoire, sinon parler juste à défaut d’être exacte.
Ecrire.
Marie Treize
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