dimanche 30 novembre 2008
Kliniken
Mise en scène de J.L. Martinelli d’une pièce de Lars Norén. Une douzaine de personnes dans l’espace fumeurs d’un hôpital psychiatrique. Trois heures d’un spectacle qui nous bouleverse par la qualité de la performance des acteurs, secoue nos équilibres, nous déchire par la violence des rapports humains ou plutôt la brutalité des solitudes. Il satisfait notre curiosité en nous permettant de jeter un coup d’oeil par dessus les murs d’établissements loin de nos cités. Et tellement parmi nous. En essayant pourtant de ne pas « romantiser » ; l’expression « passage au-delà du miroir» ne peut s’éloigner. Les chansons, « l’âge d’or » de Ferré et « lettre à France » de Polnareff détonnent dans cet univers où les clopes ne sont même pas un plaisir ; les fous, eux, croient encore aux chansons : « Depuis que je suis loin de toi, je suis comme loin de moi». Ils vivent tout avec intensité, pleurent devant la télé, s’attendrissent aux souvenirs de vaches, mais leurs planètes ont bien du mal à s’approcher. Humains terriblement, enfermés non dans cette pièce mais dans leurs souvenirs, leurs frustrations, et pourtant leurs paroles, leurs cris semblent libres. Je me doutais que le sexe pouvait devenir une hantise, mais j’ai été frappé aussi par la recherche obsessionnelle de la propreté chez beaucoup, alors que leurs pathologies sont distinctes, mais leurs angoisses communes.
samedi 29 novembre 2008
Au troisième temps…
J.C Guillebaud dans un article de Libé :
« on voit ce qui s’effondre, pas ce qui surgit »
décrit trois révolutions :
- la mondialisation qui transforme l’économie en un processus sans sujet
- la révolution informatique où toutes les activités s’installent et se transforment : information, culture, commerce, finance
- la révolution génétique.
Pour lui les trois vertus théologales de la raison sont
- la capacité critique
- la liberté
- la modestie
Dictionnaire : théologal : « qui a Dieu pour objet » : la foi, l’espérance et la charité.
B. Guetta pense que les gauches européennes ne retrouveront une place qu’en
- restaurant la redistribution fiscale
- inventant de nouvelles protections sociales
- bâtissant une puissance publique européenne à même de contrebalancer la puissance du Capital.
vendredi 28 novembre 2008
XXI automne.
Le numéro 4 de ce magazine trimestriel de 200 pages illustrées de dessins et comportant des reportages photographiques mémorables comme celui de familles françaises à table qui révèle des solitudes poignantes, des familles explosives, des originaux. Le dossier principal est consacré à l’Afrique avec quelques reportages complets et bien écrits comme d’habitude : l’assassinat de Dieuleveult au Congo pays de silence, le retour au Zimbabwe d’un exilé, la mort d’une Capverdienne à Fresnes, la vie d’un passeur de diamants. Par ailleurs la statue de Marek Alter perd de sa majesté après le portrait qui lui est consacré et le récit graphique : « un amour de Chine » ajoute à l’originalité, à l’élégance, à l’éclectisme de cette entreprise éditoriale qui me ravit à chaque parution en librairie.
La petite fille de la photographie vend un oeuf
jeudi 27 novembre 2008
La chapelle Sixtine
Conférence stimulante de Damien Capelazzi pour les amis du musée. Nous sommes invités à regarder, sans nous casser le cou, les œuvres de Michel Ange avec un œil neuf. Le peintre qui s’échina des années sur le plafond de la chapelle commandée par le Pape Sixte IV, s’exprime surtout en sculpteur, portant puissamment la spiritualité de l’époque et aussi une régénérescence philosophique où les textes de Platon, dans les valises d’une Byzance finissante, venaient redonner poétiquement une issue aux âmes négligées, paraît-il, par Aristote dominant jusque là. Au-delà de la connaissance des vies trépidantes des personnages bibliques, augmentées de sibylles, accompagnés de putti, nous pouvons nous étonner encore de la cruauté des destins des personnages représentés. C’est un hymne, un film dédié à la création, le christ est athlétique, les corps sont magnifiques dans leur nudité pour ceux qui ont échappé à Braghetonne (surnom du peintre qui en voila plus d’un). L’annonciateur du maniérisme, avait commencé en copiant des sculptures pour les faire passer pour des antiquités grecques et dans la fresque du jugement dernier bien des damnés cornus ont des airs de Moyen-Âge. Traversée du temps, une fois la voûte restaurée, Jean Paul II put dire
« tout l’homme suspendu au dessus de nos têtes ».
mercredi 26 novembre 2008
Ecole sensible. « Faire classe » # 10
Sensibles : se disait des quartiers, autrefois avant que Lagardère et Bouygues ne soient les dispensateurs de nos informations.
Et si l’école qui est au cœur des cités n’avait pas aussi ses délicatesses ?
Je risquerais de manquer de cohérence dans mon propos, si je n’exhumais pas quelques réflexions livrées à chaud, il y a maintenant trois ans, en regard de la situation actuelle, où je ne sais percevoir d’améliorations.
INCENDIES :
Tout n’avait pas commencé par l’acte fou, suicidaire de s’enfermer dans un transformateur à Clichy.
Les classes sociales ne datent pas de l’année dernière, la relégation ne date pas de novembre 2005.
Même si C.N.N. a exagéré à l’époque ; les lueurs des incendies de belles écoles, de gymnases neufs sont parvenues dans le monde entier jusqu’aux établissements d’enseignement sans toit, dans des aires misérables où se mime la francophonie. Que pouvaient-ils comprendre les petits qui font sept kilomètres à pied pour venir à 40 dans un lieu dit école, là-bas au Cameroun ?
Le pays d’Hugo a pris un coup à l’espérance démocratique. Les ascenseurs absents à l’étage disparaissent des métaphores ; qui parle d’ascenseur social en ce moment ? Leurs portes ouvrent sur le vide.
« Tu viens d'incendier la bibliothèque ?
- Oui.
J'ai mis le feu là.
- Mais c'est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage. »
V. Hugo conclut le poème par l’aveu de l’incendiaire : il ne sait pas lire.
AN 3 AVANT SARKO
Est-il fécond encore de pointer quelques paradoxes glanés au cours de débats et d’articles de l’époque ?
Il ne fallait pas donner raison aux casseurs, mais les réflexions se sont accélérées, les subventions n’étaient plus jugées infructueuses, un service civil a été proposé, les dossiers dans la presse s’épaississaient. Le modèle républicain n’était plus en cause mais plutôt sa non - application.
Aujourd’hui les leurres se multiplient : Amara ne fait plus illusion, elle n’a pas de budget et l’effet Obama qui nous met du baume au cœur, ira-t-il contre les désespérances creusées par les désengagements de l’état ?
Les effets de la suppression de la carte scolaire sont d’une portée infiniment plus lourde et inversement proportionnelle aux annonces de visites médiatisées avec GIGN sur les toits et qu’un président du CRAN au perron de l’Elysée.
Vanité des mots, mais aussi cristallisation autour d’une expression.
Ce fut « racaille ».
Selon un bon mot de J.P. Chevènement, « N. Sarkozy n’a pas inventé la poudre ». Mais le parler djeun’, stratégie publicitaire pour faire semblant d’abolir la distance entre les politiques et le peuple en employant des mots chocs est revenu comme un boomerang.
Il y a eu des moments de sourire quand un casseur regrettait la police de proximité. Les mots attendus qu’il fallait dire.
Il y avait doute quand un jeune pensait avoir épuisé ses chances d’obtenir un emploi malgré ses efforts de porter le costard - cravate pendant un mois. Le look.
Il y a eu inquiétude quand un maire avouait sa peur, celle qui annihile bien des réflexions.
Il y a contradiction évidente entre l’attente d’annonces immédiates et l’ardente nécessité du long terme.
Honorable madame Daty, elle pouvait au départ marquer de son sceau des progrès en intégration, mais elle voisinait avec des chaudrons suspects où immigration se touille avec identité nationale. Comment ne pas être méfiant lorsque nous sommes invités à admirer cet exemple photogénique de mérite républicain alors que dans le même temps il faudrait oublier l’arrogance des nantis et de leurs serviteurs à casquette de yachtman ?
L’idée s’installe cependant que le passé, l’origine des habitants de notre pays compte moins que l’avenir que nous tisserons ensemble. Les idées grises n’ont pas disparu mais les mentalités évoluent.
En 98, l’équipe de France colorée a ravi son monde au delà de quelques coups de klaxon, comme la familiarité avec Arsenal équipe de la banlieue de Londres enracine l’idée européenne.
SOLIDARITE RENOUVELLEMENT URBAIN (SRU)
La reprise du chômage touche d’abord les emplois en intérim, ce n’était déjà pas terrible, ça ne va pas aller vers le mieux. Il faut augmenter les impôts si l’on veut que l’état retrouve la capacité d’investir, lui qui a brûlé les meubles du patrimoine national.
Les néos convertis à une régulation du cannibalisme financier ne désespèrent pas de revenir sur la loi SRU : ils n’ont pas changé ! L’offre de logements se réduit. Il est fondamental que des habitats à loyer modéré ne poussent pas seulement là où quelques bonnes volontés, de plus en plus rares, acceptent quelques pauvres. Jusque dans les plus petites communes les anciennes complicités se brisent sur le Plan d’occupation des sols et autre PLU ; les urbains parfois généreux en pétitions charitables voient d’un mauvais œil des lotissements nouveaux sous leurs fenêtres. Quand on surprend des écolos contre les éoliennes ou un nouveau tracé de chemin de fer, il faut revoir un peu de ses candeurs.
DEVOIRS
Et l’école, celle qui est encore debout, qui croit encore à ses valeurs, qui voit son autorité rabotée à longueur d’émission par ceux qui ont réussi « parce qu’ils étaient des cancres » est appelée une fois de plus comme recours universel. Celle-ci aura des chances de répondre aux attentes si on n’empile pas des animations, mais si on laisse aux personnels le temps d’assurer les fondamentaux. La baisse des effectifs n’est pas la solution miracle, mais la casse actuelle de l’école abrase les énergies, et c’est une dégradation des conditions de travail qui est à l’ordre du jour. Les horaires d’enseignement et d’éducation sont réduits.
Les personnels spécialisés dans l’aide aux enfants en détresse étaient déjà en nombre insuffisant : ils luttent en ce moment pour leur survie ! S’il y a des bénéfices pour certains enfants de retrouver leur maîtresse en petit comité, les difficultés des plus démunis ne seront pas résolues. On a parlé de soutien pour mieux remettre en cause le travail des professionnels du soutien. Où en est l’hypocrisie des textes qui bannissaient les devoirs mais dont les thuriféraires pensent qu’une aide… aux devoirs peut être salutaire?
Beaucoup d’enseignants donnent des devoirs malgré les conseilleurs qui les interdisent : tragique démagogie qui veut faire croire que le travail n’est pas nécessaire.
Que soit contrarié le conformisme qui jette l’opprobre contre « l’intello ». Valorisons les élèves « qui en veulent » pour redonner de l’espoir à ceux qui ont cru qu’il faut travailler à l’école pour réussir dans un emploi : bourses, internat d’excellence, une autre orientation pour ceux qui n’ont pas envie à un moment et des possibilités pour reprendre des études plus tard.
SE VOILER LA FACE
La banalité de la dichotomie entre collectif et individuel se retrouve entre l’approche sociologique de la gauche et le recours au psychologique de la droite. Est ce participer à un unanimisme benêt, à un centrisme paresseux que de regretter l’hémiplégie qui exclut une des causes des problèmes ?
Les détresses matérielles alimentent toutes les déraisons, les mises en cause des valeurs accélèrent les désarrois. Voilà pourquoi votre fille se voile. Fastoche.
Ce ne sont plus les mêmes qui s’aveuglent : « circulez, y a rien à voir !»
ou qui proposent : « vous voulez du feu pour la bougie d’anniversaire des émeutes? » derrière la caméra qui s’impatiente.
Quand une grenade éclate près d’une mosquée que de jeunes pour s’indigner ! Quand une école brûle…
Qui expliquera comment certains d’entre eux sans repères vont plutôt vers les cadres contraignants de la religion que vers les valeurs bienveillantes de l’école républicaine ?
mardi 25 novembre 2008
Paysans.
Quand je m’enthousiasme pour le dernier film de Depardon, et sur ses photos de toujours, j’adhère à sa subjectivité, à son trop plein d’égo, à ses points de vues forcément partiels, même si lors de son film « l’Afrique, comment ça va avec la douleur ? » il nous embarquait dans des panoramiques à 360°. Et puis quand on blogue, on sait bien faire clignoter l’expression « se prendre pour sa photo ». Lorsque je cadre avec un appareil photo, je choisis, j’oublie, et plus encore lorsque je pioche, comme on dit d’un cheval qui piétine fébrilement, pour écrire. Je me laisse volontiers bercer par la sonorité des mots qui veulent bien se nommer parfois : poésie. Les amertumes de la vie y corsent leur goût, les lumières d’un instant se prolongent, les plaisirs se donnent à voir.
Novembre, et mes années me portent à me laisser envahir avec délices par d’ultimes images des années soixante. Comment ne pas vouloir fixer un dernier souffle de ces gens là, des hauts plateaux d’Ardèche, au cul des vaches. Je crois savoir mesurer l’indécence à admirer la frugalité de ces vies depuis mon canapé moelleux. Et qui suis-je pour mettre à distance ces pairs ? Mon immense respect d’aujourd’hui est venu après des incompréhensions réciproques. Que mon père fut encore considéré comme étranger au village après des années parce qu’il n’allait pas à la messe, reste une fierté après avoir été une blessure. Ils étaient droits et bien souvent de droite, ces hommes que je connaissais, mais en d’autres lieux parpaillots, les familles sont de toujours à gauche et droits. Cabochards comme mules, muets comme pierres, tirant de ces cailloux le lait de la vie.
Je n’échappe pas à ces nostalgies coupables quand je reprends la recension de mes pratiques pédagogiques, mais je me défends de toute complaisance rétroactive lorsque je m’essaye à la politique.
Porter témoignage sur les paysans ne compromet pas le travail d’un cinéaste qui écouterait avec empathie de jeunes agriculteurs. Lorsque je me laisse aller à contempler les soldats de terre cuite de Xian, je ne m’interdis pas un reportage sur les années Mao. « Et tenant l’autre et l’une, moi je tenais le monde »
lundi 24 novembre 2008
The Duchess
Des robes XVIII °,des paysages, pour se dépayser dans ce film avec Keira Knightley (« Orgueil et préjugés »). S’étonner de la correspondance entre ce destin d’une ancêtre de Lady Di et celui de la populaire princesse. S’amuser aussi des images d’une belle qui apparaît sur les tréteaux d’un parti dont je voulais m’abstraire des difficultés de l’heure. Ce n’est pas Barry Lindon dont le destin m’avais ému ; là je me suis distrait, intéressé par certains sujets : la situation des femmes à l’époque, ce que recèle la volonté de plaire à tous prix… Les parcs des châteaux se prêtent bien au grand écran.
dimanche 23 novembre 2008
Le banquet flamand.
Conférence des amis du musée. Bien sûr qu’ils sont roboratifs les tableaux et conformes à nos fantasmes de victuailles, de ripailles. Ce sont des images de rêves d’abondance à une époque qui venait d’être dévastée par les guerres de religion. Au marché, le vendeur de gibier lutine la marchande des quatre saisons en tournant le dos à des scènes bibliques. Cette vitalité renaissance fait plaisir à voir. Les plumes se déploient, les poils sont soyeux, les lumières sculptent fruits et légumes et il y a toujours un chien dans les parages pour chaparder un morceau de barbaque. Depuis Bosch et le péché de gourmandise jusqu’au patron de l’atelier de Rubens, en passant par Bruegel et d’autres peintres du côté d’Anvers, des banquets, des kermesses, des trognes, les plaisirs de la vie.
vendredi 21 novembre 2008
Moscow Belgium
Film bon qui apporte un plaisir sans mélange ; la langue flamande est savoureuse, les acteurs subtils, transfigurés, passant de l’accablement de vies compliquées à la grâce de l’amour. Le réalisateur Christophe Van Rompaey aime ses personnages et nous aussi. Barbara Sarafian incarne magnifiquement l’héroïne parfois défaite, d’autres fois rayonnante. Familles recomposées, en HLM, sans misérabilisme, sans soleil artificiel, avec un beau courage au quotidien d’une femme qui a bien mérité son petit moment de bonheur, même si elle "s'obstine à tout tartiner de moutarde pour ne goûter à rien", comme lui dira son camionneur.
Soir de vote à la section P.S.
77% pour Ségolène dans notre ville. Au niveau local ce ne sont pas les consignes de Delanoë qui ont eu beaucoup de poids. La présence de Fabius au côté de Martine a fait l’effet de repoussoir parmi un groupe où les militants pour l’Europe sont influents. Nous au village aussi, l’on a eu nos tractations et le secrétaire de la section a changé ; le sortant avait débouché le beaujolais nouveau : une belle preuve de son fair-play. La nouveauté n’était pas seulement dans les gobelets : le beau score de Royal est un gage de dynamisme, de cohérence parmi nous, de volonté de renouvellement des pratiques à confirmer puisqu’il nous faut retourner aux urnes ce soir.
jeudi 20 novembre 2008
Art concret
A Mouans Sartoux, petite ville à proximité de Cannes, le château à trois faces accueille un musée dédié à l’art concret autre nom de l’abstraction géométrique. Il y a des toiles de Morellet que nous avons pu voir au musée de Grenoble. Et une exposition temporaire sur le rythme ne pouvait ignorer Sonia Delaunay. Ces productions conviennent bien aux architectures dépouillées où la lumière est éclatante. Cette esthétique qui se veut proche de l’art appliqué, de la musique s’oppose à tout sentimentalisme ; pourtant les plaques piquées d’allumettes de Bernard Aubertin qui ont laissé une trace de leur éphémère embrasement éveillent une émotion qui n’est pas qu’une construction purement intellectualisée. Il en va pour moi comme la mémoire d’une fulgurance. Le regard fait une pause après avoir balayé bien des surfaces trop lisses, des agencements tellement minimalistes qu’il n’en reste rien.
mercredi 19 novembre 2008
Corps.« Faire classe » #9
« Le meilleur que je sais sur la morale et sur les obligations de l’homme, c’est au football que je le dois » A. Camus. J’ai abusé de la citation envers ceux qui méprisaient le sport. Je ne les convaincs pas quand je compare mes plaisirs d’exégète des délires Ribéryens à leurs pointilleux échanges entre mélomanes. Affaire de classes sociales peut être, de filiation, de glèbe. Quand les souvenirs de rectangles tracés à la sciure au milieu des champs des dimanches après-midi, d’hier, m’émeuvent plus que les toutouyoutous périodiques qui vendent leur peau à la pub, aujourd’hui ; le sport a bien un lien avec la jeunesse. Bref !
J’ai eu des plaisirs jamais éventés et la chance d’exercer dans une commune dotée de gymnases nombreux, de stades soignés. Nous avons travaillé avec des moniteurs compétents, dans le confort, sans avoir le sentiment d’être l’enseignant spectateur / consommateur.
Un luxe qui nous dispensait d’installer les agrès, les plots, les haies, les poinçonneuses dans les buissons d’un parcours d’orientation, d’avoir à préparer des séquences toujours innovantes et efficaces. L’équilibre existait dans notre part prise pour animer un groupe, en arbitrer un autre, parer les débutants, apporter son éclairage, observer mes apprentis, moment rare, sans être obnubilé par mon propre discours.
Dans une programmation cohérente avec toutes les classes de la ville, sur une année, nous foulions les parquets, les sous-bois et le goudron, les tatamis, le tartan, la neige, le sable, la faïence, pour des cycles hand-ball, endurance, sports d’opposition, athlétisme, ski de piste, beach-volley, piscine. Certaines années en catamaran et kayak de mer, nous sommes sortis de l’estuaire pour aller vers l’océan.
- Dis Yacine, tu étais bien, alors, le roi du monde ?
Et Dounia du haut du télésiège redoutant la pente : « jamais je ne descendrai ça ! »
« Si, tu l’as fait : victoire ! » et pour nous le miel parce que ce n’est pas tous les jours que nous pouvons mesurer les acquis d’une façon aussi éclatante, en plein soleil, au-dessus des nuages.
Les rencontres de sports collectifs, des journées d’athlétisme, de course longue, permettaient des retrouvailles avec d’autres groupes scolaires.
Les horaires d’E.P.S. structuraient notre année. Quelques photographies, posters renouvelés au fil des cycles sur un panneau aux alentours de la classe pour faire joli, pour entourer emploi du temps et résultats, affirmer- il n’en était pas besoin - le lien entre tous les aspects de la formation. Les évaluations variées que nous avons essayé de mettre au point en concertation participaient aussi de cette légitimation du travail mené tous terrains.
Du soin était apporté pour anticiper les rendez-vous, être muni des équipements nécessaires : avoir survêt’ et des chaussures de sport pour le sport : s’appliquer. « Etre à ce que l’on fait », simplement, sans singer les égarements médiatiques concernant la concentration des athlètes gonflés à l’image, où l’impudeur les poursuit jusque sous les douches. La classe médiatique pipeautante s’est moqué longtemps de J.P. Papin de modeste origine, ce sont les mêmes qui auront des paroles bienveillantes pour les assignés faibles de l’heure : le même mépris.
Les clameurs du troisième pouvoir retentissent beaucoup dans ce champ, dictature consentie aux labels marchands. Vive les chasubles masquant les griffes des marques pour que l’équipe existe dans sa nouveauté, sa mobilité, sa diversité : les gaîtés de l’uniforme.
Les aristocrates ont des héritiers admirateurs de l’amateurisme et méprisant un peu les pue-la-sueur monnayant leurs inlassables cannes kenyanes. Cette distinction se décalque dans le monde intellectuel où les biens pourvus peuvent dédaigner l’argent, l’effort. Le vocabulaire agressif, dépréciateur, « chambreur », est celui des vestiaires, alors que dehors sur les panneaux lumineux s’affichent des idéaux. Double langue.
La métaphore sportive se vend bien, car pas mal d’évidences se révèlent en ces lieux. Il faut reprendre sans cesse les mots, les éponger, redonner du sens à « équipe », à « agressivité ». Vérité du corps, vocabulaire des postures : « adresser une passe ».
La fortune du mot « passeur » désignant le moindre sous - titreur signerait- elle l’épuisement prochain de sa réalité ?
mardi 18 novembre 2008
Le Bernin
Il faut bien du professionnalisme aux conférenciers qui officient pour les amis du Musée de Grenoble, car leurs diapositives désuètes ne sont pas à la hauteur des chefs d’œuvre qu’ils doivent nous faire découvrir. Pourtant les extravagances, les contorsions des statues du Bernin se prêteraient bien à un exposé expressif. Nous avons revu des Fiat 500 garées au bord de la Barcaccia sur la place d’Espagne à Rome… mais pas seulement. L’exposé clair mettait en lumière le passage de la sagesse aux incertitudes après le concile de Trente qui dura 18 ans : l’homme a quitté le centre de l’Univers et ses vérités intangibles. L’architecte adoptera l’ellipse et l’ovale. Les sculptures sont moins sages, moins statiques, les visages plus expressifs. La vérité de la représentation est dans le mouvement. C’est le baroque et sa théâtralité, ses volutes, sa sensualité. L’exemple développé de la statue de Saint Thérèse D’avilla visitée par un ange sardonique laisse place à des interprétations pas forcément mystiques. Son superbe David s’apprêtant à un coup décisif n’a plus la sérénité de la renaissance, mais son énergie est séduisante. Au service de sept papes, on doit à Bernini le baldaquin tortillé et le dessin de la colonnade de la place Saint-Pierre.
Père de onze enfants, il s’essaya au théâtre et fut un peintre aux autoportraits remarquables.
lundi 17 novembre 2008
Stella
Film autobiographique de Sylvie Verheyde. L’école finalement peut avoir du bon : je ne peux que souscrire à cette morale édifiante. La reconstitution des années 70 connaît quelques anachronismes particulièrement dans le langage. Le juke-box fonctionne beaucoup dans un café plein de vie, mais ce procédé qui abuse des musiques populaires est un peu facile. La voix off de l’enfant qui s’efface heureusement en cours de route, n’est pas authentique à mes oreilles. C’est toujours ce travers irritant de vouloir faire porter à l’enfant un regard distancié sur la société adulte avec une parole qui dirait la vérité alors que cette petite fille est fragile et bien peu extravertie. Le merchandising du RC Lens n’avait pas atteint les cours de récréation de l’époque, mais les épisodes en terre Chti sont émouvants, comme beaucoup de scènes entre enfants ; leur amitié, les premiers baisers maladroits sont finement saisis. Les adultes bien interprétés sont tous tragiques. Il est heureux que le législateur ait tenu éloigné les débits de boisson des lieux d’enseignement.
dimanche 16 novembre 2008
La terre des paysans
Pourquoi ces banalités recopiées dans le livre de photos accompagnées de textes de Depardon me touchent au plus profond ?
« - Vous vous êtes mariés à quel âge ?
Marcel Chalaye : - Oh ! M’en rappelle plus !!
Germaine Chalaye : - Il s’en rappelle plus !
Marcel Chalaye : - M’en rappelle pas…
Germaine Chalaye :- Il s’en rappelle plus… »
J’en ris, et je m’arrête, ce pauvre dialogue dans un livre de plus du bourlingueur bourguignon, résonne dans ma mémoire plus que de raison. Quand je lis ces autres mots précieux, car je sais aussi leur rareté : « rien me faisait un souci ; il fallait faire les foins, bon… pourvu qu’il pleuve pas, pourvu que si, pourvu que ça, et ça ronge », je sens que mes racines paysannes ne sont pas qu’une métaphore. Ces fibres me tiennent et vibrent. J’en ai eu honte comme Depardon et je suis tranquille aujourd’hui. Les photos des paysages des collines de hauts plateaux rendent tangibles la rudesse des conditions, cinq hommes s’abritent de la neige dans une bétaillère ; ces portraits toujours beaux et pas seulement graphiques, la chaleur du poêle, la folie du chien à sa chaîne, les biscuits sur la toile cirée, les solitudes et des solidités de rocs. Et comme dans son film « la vie moderne » le chant désespéré, sublime, de la fin d’un monde. Une vie se résume : « j’ai fait un peu de tout et un peu beaucoup de choses ».
samedi 15 novembre 2008
Masocialiste.
Florilège de quelques avis d’intellectuels recueillis dans un seul article du « Monde ».
"Le PS est en panne d'idées parce qu'il est en panne d'une compréhension du monde", estime Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France et animateur de La République des idées. "Ce n'est pas la société qui est indifférente, au contraire. En revanche le lien s'est rompu entre le monde des idées et la gauche. A droite, Nicolas Sarkozy a su redonner un langage et une culture politique à son camp, il a métabolisé vingt ans de réflexions sur le nouveau capitalisme et ses effets sur la société. La gauche n'a pas fait la traduction progressiste de cette évolution."
Marcel Gauchet, historien, philosophe et rédacteur en chef de la revue Le Débat : "Nous sommes dans un moment de creux historique très grave. Le gauche conserve des positions très fortes sur le plan des valeurs de notre société, mais elle a perdu la main sur la perspective de l'avenir ; elle est devenue un parti complètement défensif contre les méfaits d'un monde dont elle a perdu le secret. Elle est donc le parti des perdants"
Yann Moullier-Boutang, économiste et directeur de la revue de gauche critique et culturelle Multitudes: "Il n'y a pas de politique intellectuelle au PS, pas de débat créatif. Le contenu même du mot socialisme est d'un flou total. La conséquence est évidente : faute d'un affrontement sur les idées, on assiste à un affrontement hystérique sur les personnes."
Gilles Finchelstein, un proche de Dominique Strauss-Kahn, est directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, dont la mission est d'être le lieu de la rénovation de la pensée socialiste. "Traditionnellement, quand le PS perdait une élection, il en tirait la conclusion qu'il n'avait pas été assez à gauche. Après la défaite de 2007, il a lui-même considéré qu'il avait perdu parce qu'il s'était éloigné du réel. Et parce sa vision du monde, ses mots et ses concepts parlaient davantage aux socialistes qu'au pays."
Laurent Bouvet, professeur de sciences politiques et rédacteur en chef de la Revue socialiste à la fin des années 1990, estime pour sa part que le PS "a perdu ce qui faisait sa force dans les années 1970 : une efficacité électorale construite sur une compréhension de la société française. Il ne s'en sortira pas sans un réinvestissement du champ doctrinal".
A la recherche d’un sigle tel que CARESSES (Convergence des Alternatives et Résistances Ecologistes et Socialistes pour des Sociétés Equitables et Solidaires) celui-ci est préempté par les partisans de Besancenot (Le Nouvel Observateur)
vendredi 14 novembre 2008
Yvonne Besset
Elle apparaîtra sous ce nom gravé sur une pierre tombale.
Pour nous, elle reste « Mamiche » parce que sa fille l’a mêlée à son cercle d’amis. Son mari instituteur-secrétaire de mairie était un de ces « hussards noirs de la République ». Elle qui aimait tellement les mots et en jouait avec tant de précision, elle aurait pu me suggérer une féminisation de l’expression, aujourd’hui désuète et pourtant… Je viens de retrouver dans un de ses cahiers à l’écriture si bien formée,les paroles d’une chanson qu’elle fit sûrement chanter à ses garçons de la laïque - les filles étaient promises aux religieuses de l’école privée :
« Noël vient de passer
Que vous a- t-il laissé ?
Un beau pantin agitant ses sonnettes
Et un Pierrot chantant pour sa Pierrette
La la la…
Juste une auto que l’on roulait en rêve
Une auto vraie avec des pneus qui crèvent.
Rro Rro Rro »
Pour dire les années de bonheur où ces instituteurs trouvaient le soleil après des mois de« Burle » dans les faubourgs de Cannes. Tous ceux qui ont profité de leur balcon donnant sur la Côte d’Azur doivent aux parents de Dany et grands-parents de Laurence, une part de lumière et de sourire.
jeudi 13 novembre 2008
Moineau dans le brouillard
« Le brouillard a tout mis
Dans son sac de coton ;
Le brouillard a tout pris
Autour de ma maison.
Plus de fleurs au jardin,
Plus d'arbres dans l'allée ;
La serre du voisin
Semble s'être envolée.
Et je ne sais vraiment
Où peut s'être posé
Le moineau que j’entends
Si tristement crier. »
Maurice Carème
Et dire que le moineau lui-même a quasiment disparu en Angleterre et en Belgique,
sa population en France est en déclin, faute d’insectes semble-t-il. A Paris il boude les quartiers chics car il y a moins de trous pour nicher, et moins de déchets pour se nourrir.
mercredi 12 novembre 2008
Education civique - Faire classe # 8
Education civique - nous évite de dire éducation tout court - avec ses airs de chez madame De Rothschild. Au carrefour affectif de l’éducatif et de l’instructif, la civique recueille bien des demandes de la société. Pourtant, notre école victime en ce moment d’attaques sans précédent est bien mollement défendue. Le service public est déconstruit mais l’appel mécanique à la résolution de trop de problèmes est quand même dirigé vers lui. Les enfants, nos clients comme disait Illitch : entre trente sept sollicitations médiatiques ils forment un auditoire au bord de la cellule psychologique où se côtoient les abandonnés de 16h 30 à une extrémité avec les autres branchés sur GPS en mode couveuse ; de cette diversité il faut bien essayer de soigner les uns par les autres. Bien sûr, nombreux sont les enfants qui montent dans des trains à l’heure et qui sont élevés avec justesse mais ils sont ignorés. Ceux qui ne se font pas oublier se débattent parfois sous un amour maladroit et collant ou sont victimes des démissions d’adultes jamais devenus tels ; ils sont à convaincre, comme ceux qui sont corsetés dans des rigidités d’un autre age.
Nous sommes dans le cataplasme transversal, dans le credo bavard du « vivre ensemble ». Jadis l’air d’un temps excluait toute réprimande, et se montrait tellement compassionnel, que nous pouvions imaginer ce type d’appréciation à vous faire tomber les bras : « utilise le cutter exclusivement pour couper du carton, a su dire « merci » et « bonjour » : sera admis au brevet ». Maintenant on rase les RASED ; les cutters, jeunots, servent pour abréger le temps des pénitenciers.
Au temps où j’exerçais, sous la rubrique civique, j’ai accueilli l’infirmière autour de la maltraitance et j’ai pu vérifier le syndrome du livre de médecine qui donne toutes les maladies à ses lecteurs. A la suite de son intervention, des enfants avaient dénoncé des parents indignes qui n’autorisaient pas leur fille de 9 ans à aller toute seule à Carrefour !
Et la nouvelle psychologue qui venait faire la pub pour son bureau des complaisances du lundi se dispensait du suivi des cas nécessiteux.
Difficultés d’animer une matière austère qui a tout à gagner avec des voix diverses : une avocate, monsieur le maire... Jusqu’aux C.R.S. de la prévention routière qui étaient les bienvenus avec leur circuit avec petits vélos. Sinon au gré des échéances électorales : la fonction présidentielle, les régionales voire les cantonales apportaient de l’air du dehors à un enseignement qui abordait le racisme, les droits de l’homme et de l’enfant, à quoi sert l’argent ? Et la « Sécu » ? Bruno Heitz et ses planches humoristiques peuvent servir d’appui pour maintes leçons. C’était un temps où l’inspecteur nous accordait sa confiance et pensait que nos petites entreprises valaient mieux que de grands discours.
Dans la plage horaire dévolue à cette matière je casais les rendez-vous avec les élèves du C.M. 2 qui venaient d’entrer en sixième : discussions riches, joviales où les anciens primaires venaient montrer qu’ils avaient grandi. L’occasion jamais déçue de mesurer aussi leur attachement à l’école ; le suivi, la liaison C.M.2/ sixième à hauteur d’enfants. Des moments de convivialité qui dispensaient de dispositifs lourds et disproportionnés afin de dédramatiser le collège. Les chercheurs n’auront pas à gloser sur la nécessité des rites de passage. Un peu de stress mobilise.
Pendant ce temps il faut préparer les conseils d’élèves de l’école et du conseil municipal d’enfants pour aborder la notion de mandat et du retour vers les mandants. La démocratie quoi !
« Il a été décidé qu'on reparlerait, dès les petites classes, d'éducation civique, d'honnêteté, de courage, de refus du racisme et d'amour de la République. Il est dommage que l'école ne soit fréquentée que par les enfants. » A. Frossard
mardi 11 novembre 2008
L'imprévisible 2009
C’est le titre d’un agenda dont le prix 20,09 € pour cette année, donne le ton.
Une augmentation est à craindre pour l’an prochain, mais on ne pleurera pas son argent cette année, tant l’humour léger est présent à chaque page. Le premier mai est ainsi décrété « journée de la gratuité des temps d’attente ».Chaque jour est consacré à une cause allant de « la journée de la France qui se lève tôt » assez attendue à celle de « l’airbag » et autre « journée des variables d’ajustement ». Des anniversaires bien réels sont aussi mentionnés. Par exemple est cité toujours pour le premier mai :
« en 1899, pour la première fois, une automobile électrique, la Jamais Contente, dépasse les 100km/h ».
A chercher sur Internet, sur le site « le jeu de la règle ». C’est une maison d'édition de Caen qui a confectionné artisanalement ces 2009 mignons petits cadeaux.
lundi 10 novembre 2008
Picasso et De Staël à Antibes
Le musée Picasso à Antibes a de nouveau ouvert ses portes. L’artiste qui a séjourné là pendant quelques mois de 1946 utilisait en ses périodes de pénurie des matériaux inhabituels : fibro ciment, Ripolin, contreplaqué. Tout ce qu’il touche devient or ; deux traits et c’est le mur qui sourit. Le moindre pigeon sur une assiette est un décor de roi, celui de la fantaisie, de la vitalité. Période de faunes, de centaures, d’oursins, de flûtes. Nicolas de Staël est aussi accroché en majesté dans les salles rénovées. Quand pour un bref instant la Côte d’Azur se met en Toussaint, les coups de pattes de l’exilé font entrer la lumière. De se souvenir que son suicide a eu lieu à Antibes nous fait approcher la violence de son dilemme entre figuration et abstraction.
dimanche 9 novembre 2008
Congrès fédéral
Après Oui Oui vote à la section, je ne vais pas souffler dans les trompettes indiscrètes d’un Saint Jean Bouche d’Or en congrès fédéral. Pas plus que je ne goûte les caméras dans les vestiaires, je n’aime pas quand on éloigne les micros qui essayaient de se faufiler dans les groupes en discussion lors de notre congrès départemental. Même si je fulmine à longueur de journée contre les raccourcis journalistiques, aurions nous des choses à cacher ? C’est aussi la curiosité qui m’a poussé à partager ma voiture avec deux délégués de la motion E (Ségo) pour aller à Gières où se tenait l’assemblée des militants PS afin de désigner les délégués au congrès de Reims. A ce niveau les innocences fussent-elles surjouées sont mises à l’épreuve. Pour essayer de comprendre par exemple la multiplication des candidatures, un plateau de soixante quatre cases est nécessaire:il vaut mieux se faire manger un pion pour aller vers la dame. Je n’étais pas mécontent que Mermaz me prenne par le bras pour me raconter des anecdotes Morvandelles avec Mitterrand, quand je venais de lui poser la question des échéances horaires en protestant de l’inorganisation. Mon expérience pédagogique m’avait amené à penser que des cadres précis et solides sont la condition de l’expression la plus démocratique. Mais en regard de mon passé CFDT où nous passions pour des babas cools inefficaces, j’ai trouvé des maîtres au P.S. Quand en section je regrette les ordres du jour élastiques, lorsque 400 personnes doivent s’exprimer le manque d’ordonnancement est coupable. Mermaz qu’il m’est venu de tutoyer, alors que je vouvoie des beaucoup plus familiers, a beau dire que nous ne sommes pas dans un congrès de notaires, et rappeler les assemblées soixante huitardes, je pense que ce type de « bazard » est délibéré pour noyer le poizon. Sous des airs de démocratie, d’écoute la plus bienveillante, la grogne militante que j’ai perçue, mettait en lumière que le renouvellement des pratiques politiques passe par des informations claires, anticipées et on ne se refait pas… pédagogiques
samedi 8 novembre 2008
L’empire de la honte. Jean Ziegler
Heureusement qu’il y a l’inlassable énergie de l’auteur de ce livre accablant pour ne pas nous enfuir au rappel de toutes les souffrances de notre monde si injuste ; pour continuer à nous informer, voire agir. Intellectuellement il est facile d’adhérer à la formule d’Hugo : « Vous voulez les pauvres secourus- je veux la misère abolie » ; mais au bout ce sera une petite pièce pour une association, notre façon d’agir. Le côté terrible du constat du socialiste suisse est que la situation des damnés de la terre s’aggrave.
Entre 1972 et 2002 le nombre des africains sous alimentés a augmenté de 81 millions à 203 millions.
Le système féodal a été aboli dans la nuit du 4 août 1789, aujourd’hui les nouveaux féodaux capitalistes ont plus de pouvoirs que les rois ! Monsanto, Nestlé, Union Carbride, Novartis…
340 pages en livre de poche, de statistiques où l’on nous rappelle que les dépenses militaires mondiales en un an s’élevaient à 780 milliards de dollars, alors que 19 milliards auraient suffi pour éliminer la faim.
Des évocations donnent le frisson. Dans cet hôpital éthiopien sont soignées des fistules : « du fait de l’étroitesse du vagin chez une jeune fille de 12 ou 14 ans, l’accouchement provoque la déchirure dans la chair entre le rectum et le vagin. Ni l’expulsion des excréments ni celle de l’urine ne sont alors contrôlables ».
Je n’étais pas persuadé de la justesse de l’annulation de la dette qui étrangle des pays qui doivent consacrer bien plus d’argent au service des banques que pour leurs services sociaux, et je tempère mon scepticisme envers les pourfendeurs d’OGM en prenant connaissance de toute une organisation très puissante qui conduit, en Inde, un nombre effrayant d’agriculteurs au suicide en ne permettant plus de ressemer une part de ce qu’ils ont récolté. Le titres des chapitres indiquent bien sûr le sens de l’ouvrage et l’ampleur du désastre : la rareté organisée, le fantôme de la liberté, l’agonie du droit…Il y a une foule de portraits depuis les enfants d’Oulan Bator qui vivent dans les sous terrains jusqu’à Lula sur son camion dont les partisans répercutent les paroles aux 80 000 personnes qui sont au meeting : le pouvoir avait détérioré la sono. La honte est le sentiment de ceux qui ont faim ; dans les jardins genevois, le monsieur du FMI avec son arrogance, en rabattra peut être après la crise financière que nous vivons.
Au pays du café, en Ethiopie, le cultivateur a vu le prix de ses grains s’effondrer des deux tiers en moins de cinq ans. Le Savonarole helvète comme le qualifie « Le Monde » vient d’écrire un nouveau livre : « la haine de l’occident »
jeudi 6 novembre 2008
Jour de vote à la section P.S.
A la ludothèque de Fiancey à Saint Egrève il n’y avait plus de cidre pour les retardataires qui avaient de 17h à 22h pour voter ce jeudi,D Day pour les socialistes. Chez nous, c’est la motion Delanoë qui arrive en tête d’une voix devant la motion Collomb-Royal : 4 délégués pour chaque équipe sont mandatés pour le congrès fédéral qui a lieu samedi à Gières;la motion Aubry pourra envoyer un délégué, mais les autres motions n’ont pas obtenu assez de voix. Nous avons encore parlé tram, du collège et d’Obama, et plaisanté sur nos choix nationaux avec certains. Je n’ai d’ailleurs pas perçu depuis que je suis entré dans la maison rose, d’ostracisme à l’égard d’untel parce qu’il avait affiché sa préférence pour une liste. A livrer ce sentiment, qui contredit le discours dominant où sont décrits essentiellement les querelles, les coups tordus, j’ai l’impression de mettre une indéfectible naïveté sur la place, et pourtant c’est bien cette camaraderie qui nous fait aussi nous coucher tard et lever tôt et même pas payés pour les heures sup’.
Home.
« Alexandre le bienheureux » en version familiale pour la fantaisie, l’anticonformisme, mais la comédie vire à l’étouffement. L’idée d’une maison en bord d’autoroute était sympathique mais elle tourne court, malgré l’humanité de Gourmet et le grain de folie d’Huppert. D’excellents acteurs enfants pour ce film pour enfants. Le film d'Ursula Meier manque d’aire.
mardi 4 novembre 2008
Appaloosa
Film de Ed Harris. J’ai suivi les conseils de mon commentateur le plus assidu en allant voir un western, genre pour lequel ma culture est aussi maigre que les flancs d’un coyote. Pourtant, j’ai aimé retrouver tous les codes du genre. La lenteur est ponctuée de déchaînements où la vitesse est vitale, les rivières se passent à gué et le café la nuit au bivouac doit être bien âpre ; l’amitié, les calibres. Nous sommes cependant dans un film de 2008 où les politiques sont pourris, la femme n’a pas qu’un rôle secondaire, les sentiments sont peu romantiques et le justicier vieillissant tombe sous le charme d’une dame parce qu’elle se lave régulièrement : crédible dans cet univers où le cheval est la plus belle conquête. Il n’y a rien de parodique à mes yeux et s’il nous arrive de sourire par exemple avec une critique littéraire en milieu carcéral, l’ambiance est fidèle aux images que nous formons aujourd’hui de ces années 1885. Il fait bon de se faire raconter une histoire où les serviteurs de la loi mouillent la chemise. Il y a des méchants et des gentils mais le shérif cherche ses mots, chacun a ses failles et qui n’aurait pas quelques faiblesses pour le méchant s’il est joué par Jérémie Irons ?
Et même des fois le gentil triomphe, et c'est dans la réalité!
lundi 3 novembre 2008
Un jour nous partirons
Livre de Georges Bonnet composé d'une douzaine de séquences limpides, sans tapage, où sont évoquées des vies modestes avec le temps qui fait son œuvre. Des destins simples, émouvants : les tendresses et les ferveurs de l’enfance, les arrangements de la vieillesse, les occasions manquées. Une poésie du quotidien loin des fracas de la mode. Ce ne sont pas des nouvelles qui offriraient un dénouement inattendu ou spectaculaire mais une lecture apaisante de lignes claires.
La vie moderne. R. Depardon
En bout de chemin. Depardon fait partie avec Sempé de mon Panthéon. Ma connivence est totale avec le photographe fils de paysan qui s’affiche à la première personne dans ses films jusqu’à l’insistance. Je fais partie du public aimant retrouver ses racines paysannes dans ce cinéma qui sait garder de si belles traces d’existences d’hommes et de femmes dans leur vérité : si rare ! Ces portraits, cette fois, valent surtout par les routes, les silences. Bien sûr ces figures peuvent paraître savoureuses, et la proximité palpable avec les personnes filmées est très émouvante, mais c’est de mort dont il s’agit, celle d’un monde. Il n’y aura pas de transmission, ces hommes têtus ne l’ont pas envisagée et là haut sur les plateaux dont la beauté vous ravit dans un plan de cinéma, qui voudrait vivre ? Les cinémas sont loin. Le lait est tiré dans les étables obscures, on ne sait plus par qui.
dimanche 2 novembre 2008
Vicky Christina Barcelona
Film dont Woody Allen serait le réalisateur : aucune trace d’humour, de légèreté. Un scénario sans intérêt, truffé de clichés sans recul, personnages vacants, les belles actrices semblent des marionnettes. Les rendez-vous avec le new yorkais faisaient partie des rites attendus par les amateurs de mélancolie bavarde et drôle:là, il n’y a personne au rendez-vous.
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