samedi 13 avril 2024

Cézanne. Marie-Hélène Lafon.

Les livres de poésie ne sont pas condamnés à la relégation : dans ce nouvel ouvrage, je retrouve l’écriture intègre de l’admiratrice de celui dont on a baptisé tant de rues de Provence.
Le travail de l’écrivaine est issu d’une exigence hors norme, quand elle se fustige d’avoir mis une virgule à la place d’un point dans la citation dont une partie sous titre les 160 pages : 
« C’est comme une carte à jouer. Des toits rouges sur une mer bleue. »  
Nous sommes invités à « aller au paysage » avec le peintre, qui pour moi encore se rebiffe,  lorsqu'il célèbre «La sainte Victoire», les « Sous bois » :  
«… je suis dans le bois, sous les arbres, traversée de lumière pâle. L'air est tiède, c'est un matin d'été caressant et parfait. Le vent bleu court dans les branches basses, le remuement des feuilles est tissé de pépiements d'oiseaux furtifs. »
Les regards des femmes, sa mère, sa femme, sa sœur, qui ont entouré l’Aixois et posé pour lui « comme une pomme » mais aussi celui de son père, le jardinier Vallier, enrichissent un portrait personnel de Paul, père de Paul.
La parole de l’impressionniste, elle, s'exprime essentiellement dans sa peinture. 
«  … on cherche la peinture, dans la lumière et dans le vent, dans le chatoiement des choses et dans leur fourbi, on est assailli, on est traversé, le monde est indémêlable, inextricable, c'est un taillis, une broussaille charnue et insolente couchée sous le ciel. Le monde est hirsute, il est offert, il se refuse, il galope, il s'écartèle, il suinte, il sue, il renâcle. On le prend comme il est, on n'a pas le choix, on s'appelle Paul Cézanne et on va tout réinventer. »
Nous percevons la solitude du maître, l’incompréhension qu’il a pu rencontrer, à travers ces pages ferventes, originales, subjectives, magnifiques. 
« On ne saisit pas Cézanne, on ne l'épuise pas, il résiste, on l'effleure, il glisse, il disparaît dans le sous-bois. On l'espère. On l'attend. »

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