Le narrateur a mis deux balles de pistolet dans la tête de
son père, mort depuis plusieurs jours de mort naturelle. Douze séances chez un
psy dont les yeux coulent vont délimiter les chapitres.
« Rouvrir les
livres de peine, les almanachs de chagrin, les albums d’humiliation, entendre à
nouveau cette voix de carnassier, voir ses mâchoires voraces mastiquer les
jours de nos vies. »
Ce prétexte insolite d’un assassinat, qui n’en est pas un,
est pesant, tant l’auteur insiste sur le caractère haïssable de ce père à un
point tel que seul le second degré peut le sauver:
« « Tu es un
vrai salaud » Il a éclaté de rire. Un rire boueux, grasseyant, porteur de
miasmes de toute une vie, un rire de bourreau, d’équarisseur, un rire de désaxé
capable d’arracher la tête d’un oiseau avec les dents et celle de son fils au
fil des ans » « Lanski a macéré dans l’immobilier
véreux, la dépravation politique, les affaires frelatées, l’escroquerie
médicale, le trafic d’animaux, les projets insensés, la corruption… »
Mais l’humour de
Jean-Paul Dubois,
voyant son avocat en cocker, le psy en suricate et le père
en murène, nous fait tout avaler.
Nous sommes pris par sa fantaisie farfelue, abordant vigoureusement
les thèmes de l’intelligence artificielle, les rapports à la mémoire, à la
réalité, les animaux bien plus consolants que les hommes ou les femmes, la
mort, sous une pluie continue en 2032 à Toulouse.
« De l’eau de
l’eau partout et pas une goutte à boire ».
L’écrivain à succès est facétieux lorsqu’il accumule les
mots rares souvent à forte connotation médicale: sphénoïde, puisard,
érubescence, cérébelleuse, ergastule, aristarque, épiphora,
conjonctivochalasis, empyreume, enbata, acide ursodésoxycholique…
Quant à la corde d’un pendu il s’agit d’ :
« Un beau cordage à trois torons, avec
une épissure haute et une cosse en inox pour mieux faciliter le
coulissement »
Dans ce roman tourbillonnant de 256 pages, nous partons à la
recherche d’un ancien secrétaire de L’ONU, retrouvons le livre d’un écrivain du
moyen-âge Thomas a Kempis « L’imitation de Jésus Christ », accompagnant
des cadavres, et souhaitons aller voir des images de Kim Tschang-Yeul peintre
coréen des gouttes d'eau.
« Il ne faudrait
jamais rien dire, garder son moi pour soi, s’accommoder de ses nuisances
intimes, les laisser décanter dans le bac à compost, attendre que ces
épluchures de l’âme atteignent une granulométrie acceptable pour les évacuer à
travers un tamis peu regardant. »
Mais ce
serait dommage de s’en passer !
Très peu pour moi, Guy. Je fuis le vocabulaire médicale, qui est un latin SAVANT depuis des millénaires maintenant. J'ai suffisamment de mots savants à ma disposition pour vouloir employer d'autres quand je peux. Je ne crache pas sur les mots savants, mais je me souviens de mon inconfort chez le gynécologue, à l'époque où j'y allais encore, à devoir parler de moi avec ces mots savants. Cela ne me convenait pas, et me mettait mal à l'aise. J'ai/j'ai eu tort, peut-être, car je les connais ces mots savants, mais je ne veux pas/plus les employer pour parler... de moi. Et je ne veux pas les entendre non plus pour parler de moi ou d'autres, d'ailleurs. Un vrai rejet... extrémiste, j'en conviens.
RépondreSupprimerTa dernière citation me fait penser à cette manière d'être qui est à 180° de moi, le "jamais rien dire, garder son moi pour soi" qui exprime la pensée.. orientale à la perfection.
Je refuse d'être une orientale. Je ne le serai pas, et je paierai le prix pour ne pas l'être dans notre monde... moderne, si colonisé par cet orientalisme.
De très vieux... conflits, là entre l'Orient et l'Occident, je vois. J'ai choisi mon camp. Parler de moi ne m'empêche pas de pouvoir écouter, lire des autres, et leur laisser une place, je l'espère. Que peut-on faire de plus dans notre bas monde ? Moi, de toute façon, je n'ai pas trop envie d'imiter Jésus, et pas le Bouddha non plus. Qu'ils restent... là où ils sont, ces éminences.