En voyage à Venise, la visite des îlots de Murano et Burano
fait partie du pacquage touristique.
Et il est bien agréable de poursuivre vers
Torcello afin de se distinguer des foules de la « Sérénissime », bien
qu’il ne subsiste de la prospérité passée de cette surface au ras de l’eau
qu’un campanile et une église aux mosaïques remarquables.
« Cette
horizontalité de la topographie a peut être favorisé ou accentué la dynamique
de l’oubli. »
Dans ce livre recommandé cet été par « Le Monde »,
l’auteur en nous faisant part de ses recherches à propos de ce site aux
archives lacunaires, fait preuve d’une opiniâtreté égale à celle des hommes qui
se sont battus dans la lagune contre l’ensevelissement de leurs terres par les
eaux.
Les 490 pages se situant en phase avec la tendance
médiatique qui privilégie les approches allant à contre courant des
connaissances communes, auraient pu être réduites de moitié tant, comme dans
toute thèse, il y a des redites.
« Les faits sont là. Torcello mourut,
étouffé par les marais, ravagé par les miasmes et les fièvres. Par son jeu, par
ses décisions, la politique vénitienne ne sauva pas l’île. Faut-il alors penser
que cette communauté fut sacrifiée parce que l’autorité vénitienne, prise par
sa lutte séculaire d’aménagement et de défense d’un milieu rebelle, ne pouvait
combattre sur tous les fronts lagunaires à la fois ? »
Qui suis-je pour me permettre des remarques envers cette
spécialiste de Venise quand ce paragraphe placé dans la conclusion vient
nuancer un parti pris plus tranché développé tout au long de l’ouvrage, envers
la trop parfaite Venise?
Le travail de l’historienne est impressionnant, intéressant,
honnête, engagé, même si les notes apparaissent surabondantes aux yeux du
touriste.
« J’ai donc pris le parti de tenter
d’écrire la chronique de ce qui pourrait sembler être un évènement sans
évènement, mais qui pourtant produit une césure historique, la fin d’une
histoire qui advint quand aux maisons et aux églises furent substitués de rares
ruines, quelques vergers, la boue, des herbes, le marais »
Avec des échos du « crieur », des renseignements
fournis par les testaments, des pièces judiciaires, nous percevons la vie des
tavernes, les querelles qui soudent les communautés, le labeur des pêcheurs,
des transporteurs de bois.
Il y a quelques
années je n’aurai pas relevé l’importance de la religion et des reliques :
« A mesure que
l’Empire s’effondrait, que les vénitiens se retiraient devant l’avancée turque,
ils disaient sauver face aux Infidèles l’essentiel ou presque : les
précieux restes saints. Ils perdaient terres et comptoirs mais razziaient les
corps saints. »