« A vingt heures
et quatre minutes, Daniel Barenboïm libère, tel un torrent de montagne, « La Fileuse » (Romances sans paroles de Mendelssohn), prélude à un chœur de voix joyeuses, rageuses,
élogieuses, acrimonieuses, affectueuses, courageuses, mais jamais révérencieuses,
doucereuses, filandreuses, ennuyeuses . »
En 2015, l’animateur de l’émission « le Masque et la
plume » avait raconté en 300 pages l’histoire du mythique spectacle
radiophonique joué depuis soixante ans par des critiques de théâtre,
littérature et cinéma.
« Ecouter «
Le Masque » c’est se brancher sur
l’actualité en remontant dans son passé, c’est entendre parler de 3D dans un
lointain ronronnement de 4L ».
Hormis le format initial de deux heures scandées
d’improvisations au piano, le principe
de la diversité des opinions exposées en public a survécu aux modes et
fidélisé de nombreux auditeurs dont quelques lettres émouvantes ou drôles ont
été retenues.
Une galerie de portraits permet de mieux connaître quelques voix
familières.
« …il y a le
gentil, le méchant, le grincheux, le cynique, le dilettante, le méticuleux,
l’extravagant, le séducteur, le susceptible, le raisonneur, l’affectueux,
l’exigeant, l’indulgent, j’en oublie. »
En dehors des éloges de Babelio, n’apparaît aucune critique
de ce livre pour disserter autour de ce
rendez-vous dominical dont l’auditoire exigeant s’interroge sur la pérennité du
concept au gré des changements de maître du jeu.
Rebecca Manzoni la dernière sera-t-elle regrettée par nos
enfants comme nous avons eu du mal après François Régis Bastide ?
« Convaincre,
sans humilier l’œuvre choisie.
L’éclairer et non l’endimancher.
Evitant de
l’encanailler, la rendre belle et accessible
à tous. » Jean Vilar
Sont rappelées des formules qui firent nos délices :
Bory dénonçant « Les forces assoupissantes » à
propos du « Corniaud » de Gérard Oury
ou Ezine donnant la main à Raspiengeas :
« Voici après La
liste de mes envies, la liste de mes emmerdes.
Soit un abreuvoir
lacrymal auquel viennent boire tous les assoiffés du pathos. »
« C’est de la
littérature de toile cirée. Passez un coup d’éponge, et il n’en reste plus
rien. »
Si des lettres antisémites ont conforté le choix de la
musique introductive, d’autres apports d’auditeurs ont fait naître des
vocations tel Guillaume de Fonclare en faussaire talentueux ou André Degaine
auteur d’une originale histoire du théâtre.
Les chapitres rangés par ordre alphabétique comme dans les « Dictionnaires
amoureux » varient les approches, les émotions.
Purin d’orties ou quelque « divulgachage »
d’un film ont suscité bien des réactions et les zeugmas
« Il admirait
l’exaltation de son âme et les dentelles de sa jupe »Flaubert
ont éveillé bien des connivences.
François Morel a présenté sur scène les affrontements entre
Charensol et Bory, un agriculteur a nommé ses vaches « les
Garcinettes », un pâtissier créé un gâteau « Le masque et la
plume ».
Pour tant d’auditeurs, dont je suis, la messe dominicale a lieu en
début de soirée, même si
la météo marine prologue charmant est diffusée depuis un moment sur d’autres
ondes.