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samedi 25 octobre 2025

Chantecler. Edmond Rostand.

Au moment le plus chaud de l'été, j’avais envoyé dans le réseau familial la moins ronflante des strophes extraite de l’ « Hymne au soleil » du coq le plus bavard du répertoire. 
« Tu changes en émail le vernis de la cruche ;
Tu fais un étendard en séchant un torchon ;
La meule a, grâce à toi, de l’or sur sa capuche,
Et sa petite sœur la ruche
A de l’or sur son capuchon !
 »
 
Et puis après avoir ajouté un autre extrait, 
« Toi qui sèches les pleurs des moindres graminées,
Qui fais d’une fleur morte un vivant papillon,
Lorsqu’on voit, s’effeuillant comme des destinées,
Trembler au vent des Pyrénées
Les amandiers du Roussillon, »
 
je suis allé jeter un œil dans une édition de 1910 qui figurait, inexplorée, dans mon héritage et là, j’ai été saisi par la modernité de la pièce de théâtre dont même les didascalies sont poétiques. 
« Un rayon de lune traverse la toile d’araignée, qui semble tamiser de la poudre d’argent. » 
La nature, les animaux sont magnifiés, frétillants comme ceux de notre film d’animation préféré, « Madagascar », les alexandrins en moins. 
L’humour est constant avec en particulier un merle persifleur. 
« - Que dis-tu quand tu vois sur les monts l’aube luire ?  
 - Je dis que la montagne accouche d’un sourire ! » 
La poésie donne du talent aux cigales- pardon- aux « tzigales » : 
«  Ici - C’est si – Vermeil - Qu’on s’y - Roussit - Merci ! »
Le héros emplumé qui croit faire lever le jour peut se trouver en proie au doute.
Il tombe amoureux d’une poule faisane, en transition de genre, travestie dans les couleurs du mâle faisan.
A bout du quatrième acte, lorsque des humains s’annoncent, le rideau rouge retombe.
Il s’était levé avec retard, l’attente de la représentation avait duré quatre ans, le directeur du théâtre était intervenu : 
« Chut ! Avec tous les bruits d'un beau jour, la Nature
Fait une rumeur vaste et compose en rêvant
Le plus mystérieux des morceaux d'ouverture,
Orchestré par le soir, la distance et le vent ! »
 Chantecler dialogue avec le rossignol : 
« - Vais-je pouvoir chanter ? Mon chant va me paraître
Hélas ! trop rouge et trop brutal
- Le mien peut être
M’a semblé quelque fois trop facile et trop bleu. […]
- Oh être un son qui berce
- Etre un devoir qui sonne. »
Toutes sortes de coqs participent à un défilé « kaléidoscopiquement cosmopolite » dans une variation de « Kikiriki » «  Cocorico » internationaux, participant à un feu d’artifice de mots qui ajoute des couleurs à une vie d’autant plus célébrée qu’elle est éphémère.  

samedi 18 octobre 2025

Passages. Georges Navel.

L’auteur aurait pu être lauréat du « Prix du roman populiste » auprès de Jules Romain, Louis Guilloux, Bernard Clavel dont le manifeste proclame :  
« Nous en avons assez des personnages chics et de la littérature snob ; 
nous voulons peindre le peuple. 
Mais avant tout, ce que nous prétendons faire, c’est étudier attentivement la réalité. »
 …tant cette biographie répond à la devise :  
« Le peuple plus le style ». 
Le sens péjoratif accordé désormais à l'adjectif populiste signe une époque peu favorable aux ouvriers et paysans. 
« Intimidé par leur aspect, j’hésitais à mettre ma main dans leurs grandes pinces. 
Un regard attendri précédait le geste, je les trouvais finalement très gentils, ces ogres, 
ces gaillards qui me serraient la main sans me faire mal. » 
Très jeune, il multiplie les expériences, exerçant une multitude de métiers, en Algérie où la Croix Rouge l’a mis à l’abri de la guerre qui bouleversait sa Lorraine natale, puis à Lyon où il fréquente les milieux libertaires.
« J’entendais les essoufflements de l’usine et les grattements espacés de la pioche des vieux travaillant leurs vignes. Le grand pré du versant dégageait en toutes saisons une bonne senteur de vie. »
Ce récit, respectueux des hommes et de la nature, bien écrit par le petit dernier d’une famille de 13 enfants, enthousiaste à dix ans au début de la guerre de 14, n’est pas figé dans un passé  haut en couleurs :  
« On connaissait des jeunes crâneurs qui durant leur séjour en prison s’étaient fait tatouer sur la poitrine : « Fils de veuve ne sera pas militaire ».  
Ces 380 pages alimentent nos questionnements contemporains après que les valeurs de travail, d’instruction, de solidarité aient basculé.
Les péripéties s'enchaînent et illustrent concrètement les mots centenaires toujours d'actualité. A part peut être « termitière » aucun de ces termes n’a pris la poussière. 
« Termitière, esprit de troupeau, sectarisme, conformisme, grégarisme, dogmatisme, nationalisme, chauvinisme : ces mots revenaient souvent dans les propos de notre ainé, de même qu’optimisme, aveuglement, naïveté, esprit critique, libre examen, volonté, précurseur, ouvriérisme, rationalisme, universalisme. »

samedi 11 octobre 2025

Le caveau de famille. Katarina Mazetti.

Quel plaisir de retrouver, comme de vieilles connaissances, la bibliothécaire et le paysan qui dans cette suite de « La tombe d’à côté » se mettent en ménage !
Benny et Désirée « font famille » comme le suggère le titre laissant croire à une tragédie alors que la vie déborde dans ces 260 pages avec ses douleurs, ses difficultés, ses amours simples et des arrangements où l’humour bienveillant vient adoucir les épreuves.
Benny vivait avec sa cousine Anita quand son ancienne amante lui fit part de son envie d’enfant. 
« Anita essaya d'arracher, avec ses ongles, le papier peint qu'elle venait de poser. Et elle lança le nouveau lecteur CD, à travers la fenêtre. Fermée la fenêtre, par dessus le marché!
Benny cacha le couteau à désosser et mit une pile neuve dans l'alarme incendie. »
La santé des protagonistes surmontant leur fatigue remonte le moral dans un récit à deux voix qui évite toute vision surplombante d’un quotidien éprouvant. 
« Je souris souvent un peu jaune quand on parle de l'homme suédois égalitaire qui "endosse sa part". Je veux dire, on n'arrache pas les comportements avec les racines aussi vite que ça seulement parce que les hommes ont formellement la possibilité de prendre un congé paternité ! Et j'ai le sentiment que ce n'est pas à la campagne qu'on trouve les fers de lance en matière d'hommes nouveaux. En revanche, il y a beaucoup de congés paternité durant la chasse à l'élan. » 
Les observations justes et fines concernant le métier de paysan en Suède ou la condition féminine s'avèrent plus efficaces que de véhémentes leçons. 
« Vers le milieu de l’automne quand j’ai commencé à laisser les enfants à la crèche, j’ai réalisé que s’ils étaient sales ou si leurs vêtements étaient tachés, ce serait à moi de me sentir gênée en venant les chercher même si c’était Benny qui les avait déposés dans cet état. » 
Quand des bavards saturent nos oreilles alors qu’ils n’ont rien à dire, ce conducteur de tracteur, pas vraiment un taiseux, nous console lorsqu’il reconnaît que les mots lui manquent et puis se tait.  Il rappelle une évidence oubliée : le silence peut être salutaire.  

samedi 4 octobre 2025

Ascendant beauf. Rose Lamy.

Le bob rose, très second degré, offert en produit dérivé à l’achat du livre m’a ouvert l’appétit sur un sujet qui m’interroge depuis longtemps. 
Mais la question « Pourquoi le RN séduit plus facilement les pauvres que la gauche » reste en suspens et les critiques concernant les médiatiques transfuges de classe ne sont pas assez développées.
Même si je suis passé facilement par-dessus l’excluante écriture inclusive de l’auteure, j’ai apprécié davantage ses récits autobiographiques et ses incertitudes qui lui font oublier le point médiant quand elle se définit comme « beaufe » plutôt que ses plates amorces d’analyses, paresseusement bourdieusiennes.
Rien de bien neuf depuis l’opposition première entre Duduche et son beauf créé par Cabu : 
« misogyne, machiste, homophobe, raciste, xénophobe, anti-intellectuel, partisan de l’ordre, conservateur, conformiste, grossier, obtus, belliqueux, chasseur, militaire, fan de centrale nucléaire, ignorant, bête, inculte. » 
La barque répétitive est quelque peu chargée.
La notoriété de Rose Lamy, née sur Instagram, lui a valu d’être publiée dans un processus déjà en place pour les chanteurs de la génération d’après les Goldman, Aznavour et Dassin qu’elle cite abondamment avec tendresse.
Dans ces 176 pages faciles à lire, sa critique du film « Vingt dieux » est pertinente 
comme son rappel utile du juste combat bannissant l’excuse «  meurtre passionnel » pour qualifier les féminicides. 
Mais quand elle ironise: 
« quand j’aurai besoin de désigner un homme méprisable, bête et de moralité douteuse, je dirai qu’il est un macroniste »
son arrogance est du même ordre que celle de la bourgeoisie à l’égard des classes populaires décrites par... Gramsci qu'elle cite: 
«  Un ensemble de pauvres hères moralement et intellectuellement inférieurs, un ramassis de brutes qui se préoccupent seulement de se remplir le ventre, de faire l’amour et de cuver leur soûlerie dans un profond sommeil. » 
ou pour s’en tenir à des dates plus récentes (2012), dans la même veine que Technikart qu’elle épingle, décrivant Guéret sous le titre «  La bouse ou la vie » : 
« Un parking où zonent quelques bouseux en casquette-survêt- banane tchachant probablement de la mobylette à Greg. »    

samedi 27 septembre 2025

Le grand secret. René Barjavel.

Comme ma culture en science-fiction s’approche pour moi du vide sidéral, il était temps que j’aborde cet auteur réputé dans le genre, recommandé dans les lycées.
Les thèmes abordés dans les années 70 : l’équilibre des puissances mondiales, la guerre des générations… sont toujours d’actualité. Bien que quelques procédés d’avant l’ADN et l’intelligence artificielle aient pris la poussière, ces 343 pages bien ficelées sont intéressantes.
L’élégance datée du style me convient.
« Jeanne et Roland combinèrent une escapade de cinq jours, juste le temps d’aller, tout près en Normandie, voir éclater les arbres ronds de fleurs, et jaillir de la terre la foule de l’herbe nouvelle drue, émerveillée de pâquerettes, si pressée d’atteindre le ciel avant l’hiver. »
L’amour, moteur narratif, se doit d’être intense et variable: 
«Tout à coup, j’étais nue, écorchée de toi, saignante de toute ma chair comme une bête accrochée au croc de l’abattoir. » 
Voire tendrement osé : 
« Elle se mit à rire doucement avec tendresse et reconnaissance, en regardant le sexe endormi. Il avait l’air, dans un nid de mousse, d’un oiseau épuisé à couver des œufs trop gros pour lui. »
L’ambiance initiale très « peace and love » aux couleurs pastel d’un territoire ignorant la mort tranche avec les paysages noircis d’après l’apocalypse de romans plus contemporains.
Cette utopie de la vie éternelle pose quelques problèmes à De Gaulle, Khrouchtchev et Kennedy… tout en permettant au lecteur de poursuivre la conversation à propos de la démographie, de l’avortement, de la vie, de la mort, de la liberté 
Une uchronie : « Récit d'évènements fictifs à partir d'un point de départ historique. »

samedi 20 septembre 2025

Un autre ailleurs. Agnès Riva.

Créteil dans les années 70 nous emmène loin dans le temps et l’espace.
Un jeune homme s’extasie devant les panneaux publicitaires apposés devant les chantiers de la ville nouvelle en construction, il va devenir un animateur convaincu d’un de ces quartiers. 
« Sur la palissade qui en interdisait l’accès une fresque naïve représentait des gens accoudés à une barrière qui, tournant le dos au vrai lac, regardaient des voiliers rouges et bleus de comptine naviguer sur un fond bleu. »  
Ce roman nous dépayse puisque seules quelques mesquineries effleurent avant les dernières pages qui finissent bien.
C’est le temps des couleurs, des expérimentations pédagogiques et architecturales, des fêtes antillaises ouvertes à tous. 
Une candide journaliste en devenir, lit à l’organisateur son projet de compte-rendu où elle projette son « désir d’île ». Le guadeloupéen relativise la joie de vivre de ce qui ne s’appelait pas encore une communauté, sans tomber toutefois dans une peinture sombre du déracinement.
Les amours en devenir se vivent sans drame et la douceur et la complicité entre femmes permet de surmonter l’épreuve d’un avortement. 
A propos de la pilule : 
« - Moi, je crois que ça rassure les mecs au fond, qu’on ait la trouille à chaque fois qu’on baise, renchérit la grande brune.
- Pas tous, quand même, lui répondit celle qui avait lancé la conversation. » 
Ailleurs.

samedi 13 septembre 2025

Ces fleuves qui coulent en nous. Erik Orsenna.

Beau titre pour une exploration de notre corps où la poésie rend la science aimable.
L’académicien illustre parfaitement la formule de Bachelard : 
« Qui enseigne est enseigné, qui est enseigné enseigne », agréablement. 
Devant notre merveilleuse machinerie, il convient de revenir aux fondamentaux. 
« Les relations entre l’intestin et le cerveau font intervenir les mêmes acteurs que le commerce planétaire. D’abord, la mer, sur laquelle passe comme tu sais, 80% des échanges. Dans notre corps, ce liquide est le sang. Y circulent des « cargos » : le cargo du cholestérol, le cargo des glucides, le cargo plein d’hormones… Cette flotte n’arrête pas de monter du ventre vers la tête. » 
Le souvenir d’« Il était une fois la vie », série télévisée destinée aux scolaires, dans laquelle les virus étaient personnifiés, peut être convoqué tant l’habileté de l’écrivain permet de mieux appréhender la complexité et nous conduire vers des réflexions profondes.
L’évocation des légendes indiennes ou japonaises, la sagesse des chercheurs antiques, leurs erreurs, excusent nos ignorances et stimulent la curiosité. 
Hildegarde de Bingen tient une place de choix dans ce rappel de l’histoire des sciences.
La découverte des sources du Nil par Burton ne s’est pas faite en un jour : 
« Oui, vive ce fou curieux né à Torquay deux jours avant la venue du printemps 1821 ! Il prouve en était-il besoin ?, que ces fleuves qui coulent en nous ne sont pas faits que d’eau mais aussi de mots et d’émois, d’histoires grandes et petites, de vérités avérées comme autant de songes improbables, de légendes et de mélodies. » 
Plutôt que de livrer une bibliographie plantureuse, Orsenna nous promène en 200 pages dans les rues de Paris pour aller d’un infectiologue à un spécialiste de l’autisme ou une familière des moustiques, en notant au passage quelques bonnes adresses de restaurants.
Il voit Robert Hue en tant qu'ancien rocker- judoka, qui a créé une ONG pour lutter contre la drépanocytose, la plus fréquente des maladies génétiques, née de la mutation d’un gène codant l’hémoglobine (80 % en Afrique et 15 % en Inde) : 260 000 décès d’enfants en bas âge.
L’écrivain compare cette maladie à l’embâcle quand les troncs s’accumulaient dans les rivières canadiennes, et que les draveurs couraient sur les radeaux mouvants. 
« ça commence au fond du lac Brûlé, 
Alentour du huit ou dix de mai. 
La mort à longues manches,
Vêtue d'écume blanche,
Fait rouler le billot
Pour que tombe Sylvio. »
 
Félix Leclerc
En partageant son gai savoir, l’ambassadeur de l’Institut Pasteur remercie la vie.

vendredi 12 septembre 2025

Colonisations. Front populaire.

La revue de Michel Onfray fournit une matière riche à un débat souvent escamoté sous des positions sommaires et irréconciliables où « repentance », « indépendance » dansent et que « soumission » et « insurrection » font impression.
Le philosophe a le sens de la formule et porte le fer dans la plaie lors de son édito traitant des empires.  
«  La France ne sait pas démanteler un point de deal à saint Ouen […] mais elle a la prétention de croire qu’elle pourrait entrer frontalement en guerre contre Moscou. »
Si la dénonciation des faiblesses de l’Europe est davantage documentée que des propositions de la part des souverainistes, les dernières lignes de la livraison de ces vacances 2025 à propos  de «  Vendredi ou les limbes du Pacifique » de Michel Tournier laissent une impression raisonnable et sensible.  
« … au lecteur de repenser, à la lumière de cet hymne à l’univers, érotique et solaire, les codes et les critères qui sont les siens, dans notre monde civilisé. » 
Une bibliographie claire, « Au temps des colonies », caractérise Fanon, Césaire, Senghor, Glissant dans leurs apports divers, mais aussi Gide, Conrad, Vuillard, Daoud… dont des citations vont enrichir divers articles de ces 160 pages copieuses traitant
- de la « rente mémorielle » algérienne,
- de l’instrumentalisation anti-coloniale et anti-raciste aux racines de l’antisionisme,
- mais aussi de la colonisation des esprits avec les partis pris de Wikipédia
- et l’emprise numérique en général
- ou lorsque le marché infiltre l’Etat.
Montaigne a sa place dans la généalogie de l’idée décoloniale :  
« Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage. » 
Quelques mises au point sont nécessaires pour infirmer l’idée que la colonisation serait un projet spécifiquement européen et essayer de clarifier la notion d’ingérence. 
« Sur le plan commercial, ce sont les acteurs privés qui se sont enrichis véritablement. »
Les affects ne sont pas oubliés et la question se pose : «  L’histoire est-elle morale ? ».
La description de l’évolution de l’idée de décolonisation des années 50 à nos jours est stimulante en mettant en cause l’idée d’un universalisme européocentré porteur par ailleurs des idées d’émancipation.
Avec le recul des raisons cachées se révèlent: 
« De Gaulle veut passer l’éponge, amnésie, amnistie, coopération […] est-ce la contrepartie de la jouissance de droits pétroliers et stratégiques négociés au Sahara pour quelques années ? »  
Hors de la thématique centrale, la revue trimestrielle participe aux débats tendances du moment à propos de l’héritage, de la GPA, des ZFE, des retraites… des terroirs à réenraciner et développer technologiquement… avec des recommandations d’autres lectures dont un alléchant : « Face à l’obscurantisme woke » visant à « déconstruire la déconstruction ».

samedi 6 septembre 2025

Jacaranda. Gaël Faye.

Le mot « génocide » avait été prononcé il y a trente ans pour qualifier le massacre de 800 000 Tutsis.
L’auteur du remarquable « Petit pays » retrace l’histoire du Rwanda sur quatre générations. 
 «  Le taxi traversait une ville ocre au paysage grillé par la saison sèche, troué ici et là par de verts bosquets. Sur la chaussée pleine de fondrières, le véhicule brinquebalait, les roues soulevaient une latérite aérienne et suffocante qui se répandait en un brouillard de poussière sur les malheureux piétons, les façades des bâtiments et la végétation environnante. » 
Les mémoires se reconstituent difficilement parmi les hésitations, les silences. 
« C'était une histoire de monarchie et de guerres, de grands troupeaux et de clans, d'intrigues de cour et de drames familiaux, une histoire où les colonisateurs arrivaient et changeaient la société rwandaise en mesurant les nez et les fronts avec un compas à glissière, puis en imposant une religion et des lois venues d'ailleurs. »
La folie des hommes, leur vitalité quand même, sont dévoilés avec pudeur et force au cours de 380 pages où les personnages évoluent, ne restent pas figés.
« J’observais les gamins comme on se venge de tout - des enfances gâchées, des bagarres de rue, des coup de couteau et de machette, des nuits à dormir dehors, des overdoses de colle à sniffer, des familles décimées, de la misère crasse, de l’alcool frelaté, des viols, des maladies, de l’indifférence ou de la pitié des honnêtes gens. »
 Le récit bien écrit ne cache rien des violences parfois inouïes, avec deux séquences d’exposés replaçant les destins de quelques familles dans une histoire venue de loin.
«  En 1957, parut le Manifeste des Bahutu, un document qui désignait les Tutsi comme des envahisseurs et des exploiteurs. Avec ce texte, le poison de la division et de l'ethnicisme habillement distillé par les colons belges et l’Eglise devint la prison mentale dans laquelle la grande majorité des Rwandais se laissèrent enfermer et dont ils ne sortirent plus. » 
Victimes et bourreaux vivent maintenant dans ce pays dont la résilience n’apparaît pas artificielle, alors que se redessinent progressivement des identités.

samedi 28 juin 2025

Un été avec Alexandre Dumas. Jean Christophe Rufin.

Au rendez-vous annuel de la jolie série : un été avec…
un bel écrivain écrit en bien à propos d’un des plus vivants de nos romanciers dont le fils avec « La Dame aux camélias » entra à l’académie Française qui s’était refusée au père des « Mousquetaires » maintenant au Panthéon. 
Une belle formule extraite de « Joseph Balsamo » pourrait résumer l’œuvre et la vie romanesque du descendant du général Davy de la Pailletterie et d’une servante Cézette Dumas. 
« Nous aimons le monde comme les damnés le paradis : sans le connaître ». 
Alexandre a visité tant de pays, connu fortune et faillites, réalisé une œuvre foisonnante, seul et en collaboration, aimé tant de femmes.
« … il multiplie les liaisons avec des actrices. Virginie, Hyacinthe, Henriette, Caroline, les noms des victimes s’alignent, comme sur un monument aux amours mortes. »
Les succès cinématographiques de Monte-Cristo et des Mousquetaires confirment des siècles plus tard, sa qualité d’orfèvre  mettant en valeur le matériau brut extrait par les historiens.
« Qu’est-ce que l’histoire ? C’est un clou auquel j’accroche mes romans. »
Il contredit Feydeau qui décrit parfaitement cette fin passionnante du XIX° siècle : 
«  A une époque qui a enfanté le suffrage universel, les emprunts nationaux, les embellissements de Paris, les associations de capitaux, les chemins de fer, les télégraphes électriques, les bateaux à vapeur, les canons rayés, la photographie, les expositions de l’industrie, tout ce qui va si vite, tout ce qui est mathématique, utile, matériel, commode, le réalisme est la seule littérature possible. »
Dans ces 186 pages où figurent des recettes de cuisine du maître des feuilletons, la description de ses bateaux, de son château, le rappel de quelques souvenirs de voyages, des échos de ses rencontres avec Hugo, Garibaldi, ses expériences de spiritisme, je retiens une dernière citation pour apprécier sa tolérance : 
« C’est une des singularités de ma vie, d’avoir connu tous les princes et, avec les idées les plus républicaines de la terre, de leur avoir été attaché, du plus profond de mon cœur. »  

lundi 23 juin 2025

Le festival de Cannes ou le Temps perdu. Santiago H Amigorena.

Le « Temps perdu » avec la majuscule c’est celui gaspillé par le lecteur après 345 pages qui ne disent rien et  n’évoquent surtout pas Proust pourtant sollicité à l’évocation de chaque triste fête, autour d’un festival où il n’est pas question de cinéma. 
Comme l’ancien amant de Philippine, ce « Monsieur Gayet » ou « Monsieur Binoche » ainsi que le nomme le concierge du Carlton prétend au Panthéon littéraire, il ne lui sera rien pardonné, même si son manque de délicatesse est tempéré par quelque autodérision pas plus sincère que les emballements amoureux du piètre baiseur. 
«…  plus désireux de plaire en bavardant que de m’instruire en écoutant. »
 Sa chronique people est bien fade, et la magie du festival bien éventée. 
« On a cru faire partie d’un monde, on finit par faire partie des meubles ». Un tapis.
Il ne s’agit pas d’un dévoilement des coulisses de cet événement mondial, mais par le fait qu’un tel livre puisse être édité, preuve est faite de la vacuité d’un milieu culturel où à aucun moment n’effleure la moindre raison d’admirer, de s’émouvoir, d’être surpris…    
Ses apostrophes au lecteur, ses répétitions, son style de bric et de broc ose ce genre d’astuce : « Nez en moins, si je comprends, ou feins de comprendre… »
 Quand « La grande librairie » titre : « Proust sur la Croisette », le dossier concernant les connivences critiques s’épaissit . 
« Je me demandais même si, ayant réussi à imiter Proust au point d’être méprisé par certains comme un écrivain mondain… » 
Les écrivains mondains ont au moins plus d’humour.

samedi 21 juin 2025

La nuit n’est jamais complète. Niko Tackian.

Pour diversifier mes lectures, je suis allé au rayon livres de mon Supermarché, oubliant les suggestions de mes magazines et journaux habituels.
Une atmosphère apocalyptique, proche du livre «  La route » de Cormac McCarthy que je n’avais pas apprécié contrairement à l’ensemble des critiques, nous remet le nez dans la poussière noire.
L’accumulation des déboires d’un père et de sa fille arrêtés en plein désert sur le site d’une mystérieuse mine abandonnée et l’addition de tous les motifs propres à faire monter l’angoisse m’ont incité pourtant à aller au bout des 248 pages pour voir comment l’auteur allait se tirer de ce festival de clichés étouffants. 
« Il vit le puma à la gueule sanglante, la bête tapie dans l'ombre qui les menaçait,
cette bête, c'était lui. »  
Le style conventionnel participe au malaise résolu pourtant dans une conclusion horrifique bien ficelée qui nous sort de la perplexité.
Nous aurons d’autres cauchemars.

samedi 14 juin 2025

Dernières nouvelles de Rome et de l’existence. Jean Le Gall.

L’éditeur écrivain a accordé la forme de son roman désabusé à son propos :
« A vouloir démontrer l’inexistence de Dieu, l’homme n’a pas vu la sienne. » 
Un ami pense lancer la carrière du narrateur à partir d’un livre qu’il n’a pas écrit.
Dans les années 70, le dénommé Palumbo démissionne le jour où il est élu à la tête d’un parti politique sensé renouveler le paysage intellectuel transalpin. 
« Ce communisme new age avait vécu. Deux heures et quart pour être précis. » 
Il s’établit comme vendeur de canapé pour mieux observer « l’homme moyen ».
Cette démarche déjà testée en Chine où les intellectuels étaient invités aux champs pouvait renouveler la réflexion sur la fracture sociale de par chez nous.
Mais rien de probant n’apparaît dans ce récit de 187 pages avec quelques formules désabusées :  
« Souvent, il usait de son charme comme d’une allumette humide qui, frottée dix fois, ne prend toujours pas. »
Il  a perdu ses illusions, il s’écrit à lui-même: 
« La moitié de l’humanité est prête à remplacer l’amour par des parcs d’attractions, la beauté par la chirurgie, les pâtes par les nouilles, les écrivains par les journalistes. » 
La littérature pourrait être un recours : 
« Stendhal, c’est inégal en fait de style, de caractères et d’intérêt, mais c’est un observateur à l’œil millimétrique, c’est un désenchanteur de première bourre, un railleur exceptionnel, un maître du scepticisme. » 
Mais même Rome, issue de tous les chemins, se voit maltraitée : 
« Rome n’est pas seulement ignoble et excrémentielle, elle est aussi inauthentique.
Sa « décadence » et sa « chute » sont des crâneries d’historiens, des tics d’écriture, des vanités d’éditorialistes impatients de placer leurs conclusions sur l’Occident. » 
Cette errance désincarnée, dépressive, ne nous donne aucune nouvelle de la ville éternelle, mais réussit son pari d’une approche de l’inexistence. 
« Se trouvent dans les romans non advenus, l’éloquence et l’émotion qui manquent si sadiquement à la littérature une fois qu’elle est imprimée. Le roman, en tant que roman se dérobe toujours. Et l’on devine quel avantage il y aurait dans le privilège d’être un romancier qui n’a rien écrit ! »  
A lire de nuit, dans une salle vide, peinte en blanc d’une FRAC, qu’il ne sera pas utile d’éclairer pour exciter malgré tout notre pensée.

vendredi 13 juin 2025

Futu&r. N°46.

Usbek & Rica a pris le nom de Futu&r avec le même objectif depuis 2010 : tourner  vers l’avenir un regard persan comme les personnages de Montesquieu auteur de lettres « naïves et sans préjugés ».
Orphelin de Jean François Khan et de Jacques Julliard, je m’applique à chercher des voix nouvelles et le titre de ce trimestriel ne pouvait que m’accrocher.
« L’écriture va disparaître, et alors ? »
« Et si, après cinq siècles de domination de l’écrit, notre civilisation redevenait orale ? »
Plus guère de courrier dans les boites à lettres, 
le livre audio est plébiscité par 62% des enfants de 7-9 ans, 
7 milliards de notes vocales par jour circulent sur les réseaux permettant aux langues sans clavier de s’exprimer, à ceux qui ont des difficultés de lecture de communiquer.
L’oral devient un atout dans les entreprises.
Le traitement du sujet est alerte avec un journaliste qui a passé une semaine sans écrire, approfondi sous le regard d’une philologue italienne, 
décapant avec un essayiste américain qui reconnaît :  
«  On sous estime à quel point les gens détestent écrire »
Une librairie au Japon propose un seul livre (en plusieurs exemplaires) par semaine. 
Bien sûr il est question de ChatGPT dont on se demande s’il ne va pas tuer l’alphabet …et les alphabètes. 
Il est intéressant d’envisager une école sans écrit, 
de nouveaux métiers à l’âge de l’oralité,
et les glissements dans les pratiques des entreprises, en politique. 
Les historiens emprunteront-ils aux techniques des griots ?
Cinq œuvres de sciences fiction qui ont prévu la disparition des livres ont toute leur place parmi ces 150 pages denses qui offrent en outre une uchronie originale :  
«  Et si Louis XVI n’avait pas été guillotiné ? » 
Le dialogue entre un expert du Giec et une activiste intersectionnelle autour de la question  
«  Faut-il arrêter de militer pour le climat ? » est tout à fait pertinent…
Tout cela suffit à me nourrir même si je laissé au bord de l’assiette  
« La ville cybernétique de SimCity » 
ou « J’ai discuté avec mon futur moi » avec un jeu de l’oie autour de la planète Mars... Dépassé par les enjeux exposés par un expert du stockage sur ADN,  
difficile de suivre « l’anti nataliste qui nous veut du bien »
Plus familier des personnalités de « Vieux » ou « Schnock », je n’ai pas été attentif aux propositions de Simona Levi, 
ni à celles de Mélody Mourey d'illustres inconnues pour moi, 
par contre la découverte de la face cachée de Brian May, rock star et astrophysicien a piqué ma curiosité.

samedi 7 juin 2025

Clamser à Tataouine. Raphaël Quenard.

Les cadavres divertissants, déjà abondants chez Fabcaro,  
s’accumulent dans ce roman du comédien à la mode, un « narvalo » comme on dit à Echirolles, sa ville d'origine,  
« Près de chez nous » du nom du film culte dans le même genre déjanté.
Les 190 pages plaisantes du « gadjo » punchy se lisent en un souffle. 
« La société doit s'acquitter de ce mal-être dont je la tiens responsable.
Pour que l'anéantissement soit total et que mon action porte, je dois frapper symboliquement. Je vais tuer un représentant de chacune des classes sociales.»
Le narrateur, tueur en série, a choisi de supprimer 
une aristocrate, 
une ingénieure, 
une jeune active, 
une femme de footballeur, 
une caissière, 
une SDF, 
avec en prime un homme qui l’agace.
Le psychopathe, mot plus familier dans les cours de récréation que le mot « maçon », 
est volubile. 
« Certains affirment que nos vies ont le sens qu'on leur donne. Je n'y crois pas. 
Pour moi, nos vies ont le sens que les autres lui donnent. 
Notre entourage fait de nous ce qu'on devient et non l'inverse. 
La mer érode le rocher pour lui donner sa forme. Elle le travaille, le façonne. Imparfaitement, bien sûr. Les mouvements d'eau sont aussi erratiques que ceux de nos entourages respectifs. Se fracassant sur nous comme la mer sur son rivage, ils nous donnent forme. Libre à nous d'aménager la côte pour contenir ses assauts. »
L'écrivain, en son premier roman, a le sens de la formule et des paradoxes que j’aime tant traquer :  
« Comme tous les conseils sortant d’une bouche plus âgée, on ne les comprend que plus tard. Nul pédagogue n’égale le temps qui passe. »
« Nos recoins les plus obscurs ont ceci de paradoxal qu’ils nous éclairent. »
« A Paris, la concentration démographique annihile toute individualité.
C’est là que j’ai commencé à prendre conscience de mon insignifiance.
C’est dans le trop-plein que l’idée du vide est née. »
« On rêve de tout donner à celui qui ne veut rien.» 
Un amour des femmes manifesté de façon expéditive participe à un ensemble politiquement incorrect. 
Son humour noir dispensé à jet continu permet de conclure brillamment par une fin morale. 
Il était temps ! Délicieux. 

vendredi 30 mai 2025

Alice au pays des idées. Roger-Pol Droit.

Après un voyage au pays de l’art d’un grand-père et sa petite fille, cette fois sans images,
nous sommes invités à suivre une jeune fille qui pour une première rédaction à rendre va nous emmener au marché avec Socrate dont elle retiendra la fécondité des questionnements jusqu’au chalet où niche Nietzche ou dans le salon de Louise Dupin. 
Bien que Socrate ait bu la cigüe et qu’Hypatie d’Alexandrie ait été assassinée, des penseurs antiques revenus à la Renaissance ou ceux du désert, en Inde ou en Chine nous parlent encore.
La renaissance : 
« La principale mutation consiste à placer l’idée de l’homme au centre de tout. 
C’est autour de la définition de la nature humaine que tourne désormais la réflexion. 
Dieu n’est plus l’idée principale. 
Les capacités de l’humanité l’emportent sur ses faiblesses ou ses vices. 
L’accent n’est plus mis sur l’obéissance, la soumission à la loi, l’inscription de l’humanité dans un plan divin. » 
L’idée de progrès née à cette époque se voit secouée de tous côtés en ce moment : 
« La destruction peut se révéler constructrice. Le mal peut produire le bien. »  
Le dispositif mis en place par le critique du « Monde »  accompagne agréablement le lecteur pour un voyage intense et paisible en compagnie de deux souris, l’une sage, l’autre folle,d'un kangourou nommé Izgourpa toujours prêt à sortir une fiche de sa poche et de la fée objection.  
Le côté Descartes en dix pages me convient parfaitement pour réviser et découvrir depuis le vaisseau qu’elle emprunte un riche panorama des idées. Comme Alice j’ai adhéré aussi bien aux paroles d’Epicure qu’à celle des stoïciens, et compris son envie d’abandonner devant la complexité, les contradictions des différentes écoles et religions. 
Tout en respectant l’impatience de la jeunette avide de trouver des solutions pour vivre honnêtement  et réparer la planète, la simplicité de l’auteur nous rassure en plaidant  tout du long pour le frottement des idées. 
Dans les respirations pédagogiques, à chaque étape, la demoiselle bien de son temps donne sa version et retient une phrase qu’elle voudrait se faire tatouer.   
Parmi une belle récolte, celle qui me convient en ce moment, je la trouve chez Kant : 
«  Le bois dont l’homme est fait est si noueux qu’on ne peut y tailler de poutre bien droites. » 
J’évite les tatouages. 

samedi 17 mai 2025

Vers les îles Eparses. Olivier Rolin.

Nous partageons la vie de l’écrivain embarqué sur un bateau militaire qui ravitaille quelques garnisons françaises sur des îles minuscules du Canal du Mozambique.
Cet exotique séjour, au-delà de la description de terres inconnues dans l’Océan Indien, revient sur la prise de conscience de l'auteur à propos de son vieillissement, déjà finement exploré, avec le détachement qui convient.
Les mots des marins font voyager : 
« Le bateau se rapproche lentement du quai, chassant une masse de cannettes, de bouteilles en plastique, d’épaves diverses, on lance des pommes de touline, que récupèrent des lamaneurs en combinaison orange, on capelle les aussières sur les bollards, on les raidit… » 
Parfois ses hésitations dans la description ajoutent à l’étrangeté, à la richesse du spectacle de la nature qu’il rend avec sobriété sans en effacer la couleur.
« … ces oiseux, frégates, fous, hérons cendrés, d’autres dont j’ignore le nom (un cardinal ?), rouge et noir jacassant au milieu d’un bosquet de lantaniers aux fleurs jaunes et rouges, à l’odeur poivrée, et surtout les sternes fuligineuses qui tournoient par centaine de milliers au-dessus de l’île, du côté du phare. »
Pour tromper l’ennui, rien de tel que quelques livres bien mis en valeur, quelques notes spontanées, sans apprêt dans son écriture, la recherche du mot juste dans ces îles à dix mètres au dessus du niveau de la mer où le bleu est plus que bleu. 
«  dans d’autres langues, blue, azul, c’est peut être mieux, parce qu’il y a quelque chose de fluide, de longuement alangui dans le blue anglais, qui va avec le glissement de l’eau (et la couleur bouge respire), quelque chose d’ailé et de salé dans l’azul espagnol ou portugais. » Avec la même honnêteté, il décrit le jeune équipage qui le conduit, sans forcer leur intimité, respectueux de leurs personnalités, affronté, sans dramatiser, à son âge.
« Habitué qu'on est à soi-même et à son apparence, on ne s'est pas vu se transformer en cet être de papier mâché en qui les autres, qui ne vous connaissent pas, identifient immédiatement un semi-vivant. […] Parfois je m'en amuse, mais pas toujours. »