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samedi 16 novembre 2024

L’intérêt de l’enfant. Ian McEwan.

Bien que mon échantillon des auteurs anglais soit réduit, il est pour moi « the author » typique avec lequel l’humour permet la profondeur et de grands plaisirs de lecture. 
Une juge aux affaires familiales rencontre un jeune témoin de Jéhovah qui risque sa vie en ne voulant pas être transfusé. 
« Je vais vous dire pourquoi je suis là Adam ; je veux m’assurer que vous savez ce que vous faites. Certains vous trouvent trop jeune pour prendre une telle décision et croient que vous êtes sous l’influence de vos parents et des anciens. D’autres pensent que vous êtes extrêmement intelligent et doué qu’on doit vous laisser aller jusqu’au bout. » 
Le conflit entre la foi et la loi est traité avec finesse.
Nous suivons, en dehors de son travail, cette femme sans enfants à un moment où son couple est remis en question sans entamer son sens de la justice ni son humanité . 
« Ecoute Fiona, dit-il soudain, je t’aime. »
Elle mit quelques secondes à répondre.
« Je préfèrerais que tu dormes dans la chambre d’amis. »
Il baissa la tête en signe d’acquiescement.
« Je vais mettre ma valise ailleurs. »
Il ne se leva pas. Ils connaissaient tous le deux la vitalité du non-dit, dont les fantômes invisibles dansaient autour d’eux à présent. » 
Bien que des questions complexes de vie et de mort, de liberté, de choix de vie, soient examinées avec minutie, c’est le mot « limpidité » qui  peut caractériser ces 237 pages.

vendredi 15 novembre 2024

La littérature ça paye ! Antoine Compagnon.

Bien sûr la dimension économique est traitée, mais avec l’académicien aussi à l’aise avec les chiffres qu’avec les lettres, nous allons plus loin avec ce livre bref et tonique (185 pages). 
« Les familles s’inquiètent du retour sur investissement de leurs dépenses d’enseignement supérieur, notamment aux Etats-Unis, plombés pas une énorme dette étudiante ( la deuxième après la dette immobilière). » 
Le dessin de Sempé en couverture, bien que je le sache trompeur, m’a bien sûr amené près de la caisse du libraire, et les arguments du professeur au Collège de France m’ont évité de me complaire dans la déploration de l’effacement de la littérature et permis de voir plus positivement l’avenir.
Il ne se contente pas de flatter le lecteur dans un mol plaidoyer dans lequel il n’y aurait plus rien à dire après la sentence de Sénèque : 
« Le repos sans lecture est la mort et pour l’homme vivant un tombeau. » 
Le propos n’est pas figé en prenant en compte les nouvelles technologies. Pour un chapitre consacré à la bibliophilie, activité de petite niche, la mise en évidence du développement des audio-livres m’a paru tout à fait intéressante. 
« … un peu de technique éloigne de la littérature, mais que beaucoup y reconduit, et qu’un enseignement littéraire, dans les écoles professionnelles, droit, médecine, ingénierie, commerce, ne fait pas de mal et au contraire beaucoup de bien. » 
« Transfuges de classe », bénéfices pour la santé de l’apprentissage d’autres langues, démocratisation de l’enseignement supérieur, constituent  des thèmes familiers, mais sont abordés avec simplicité, même si je dois revoir quelques définitions : « sérendipité » ou « nudge »…
Dévitalisant pourtant les départements de littérature, un grand nombre de disciplines universitaires font de plus en plus appel à la narration. 
Plus intimement, le temps passé à lire permet d’approcher l’ambition de devenir auteur de sa vie. 
Patiemment, nous apprenons que le chemin vers soi passe par les autres, par les livres.

samedi 9 novembre 2024

La symphonie du hasard. Douglas Kennedy.

Illustration de l’épigraphe de Malraux :  
« La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache. » 
Il faut  bien 402 pages pour un premier volume d’une histoire comportant trois tomes, autour d’une famille américaine pendant les années Nixon. 
« Sachant que, derrière toute loyauté familiale, se cache une bonne dose de culpabilité. »
 Au-delà des formules, la façon de typer les personnages du brillant conteur, facilite la lecture.
« Comme le disait mon entraîneur : “Avoir du talent, ça demande du talent.” »
« Ceux qui savent faire font, ceux qui ne savent pas faire, enseignent » 
A travers toutes sortes de fumées, la narratrice, Alice, au pays des contrastes, parfois naïve porte un regard lucide sur sa condition : 
« Deux parents nés dans l'abondance des années folles, avant la dégringolade vers les épreuves et l'abattement national. Trois enfants nés plus tard, dans la paix et la prospérité du milieu du siècle. Un quintette d'Américains issus des sommets de la classe moyenne ; cinq brillants exemples-chacun à sa manière- du gâchis que tant d'entre nous font de leur vie. » 
La vélocité de l’écriture, dont la décontraction met en valeur la force des personnages,  s’essouffle quelque peu quand apparaissent comme des archétypes par exemple la mère d’origine juive possessive et le père tellement irlandais mêlé de près à l’histoire en train de se faire au Chili au moment de la chute d’Allende, à la façon d’un McEvan.
« Même ceux qui proclament : « Je n’ai pas besoin de vos bandes, de l’approbation de vos cliques, ni de faire partie de votre petit club », même ceux-là, viscéralement attachés à leur condition de loups solitaires, s’avouent parfois dans un élan de lucidité que chacun, à sa manière, n’a qu’un rêve : se sentir appartenir à quelque chose. »

samedi 2 novembre 2024

Trois contes. Flaubert.

Ce que je savais du genre « conte » tenait à leur caractère oral et imaginaire, alors que ce dernier ouvrage de Flaubert est on ne peut mieux écrit et pour la première nouvelle 
« Un cœur simple », terriblement réaliste.
Félicité, une servante, consacre sa vie à la famille qui l’emploie. 
Un perroquet bien-aimé dont elle hérite finira empaillé près d’une image pieuse appartenant à la domestique très croyante.
«  … elle pleura en écoutant la Passion. Pourquoi l’avaient-ils crucifié, lui qui chérissait les enfants, nourrissait les foules, guérissait les aveugles, et avait voulu, par douceur naître au milieu des pauvres, sur le fumier d’une étable ? » 
Je ne sais que me conformer à l’ancienne hiérarchie qui place Flaubert au plus haut 
«  Elles retirèrent également les jupons, les bas, les mouchoirs, et les étendirent sur les deux couches, avant de les replier. Le soleil éclairait ces pauvres objets, en faisant voir les taches, et des plis formés par les mouvements du corps. L’air était chaud et bleu, un merle gazouillait, tout semblait vivre dans une douceur profonde. »
Pour ceux qui trouvent le styliste trop appliqué, pourrait suffire ce court extrait:
« Un jour d’été, elle se résigna ; et des papillons s’envolèrent de l’armoire. »
Comment mieux dire ce moment où la servante accompagne sa patronne dans la chambre de sa fille morte? 
« Saint Julien l’Hospitalier » commence sa vie en chevalier héroïque, dans la fureur d’un moyen-âge enluminé : 
« Il vainquit les Troglodytes et les Anthropophages. Il traversa des régions si torrides que sous l’ardeur du soleil les chevelures s’allumaient d’elles-mêmes comme des flambeaux ; et d’autres qui étaient si glaciales que les bras, se détachant du corps, tombaient par terre ; et des pays où il y avait tant de brouillards que l’on marchait environné de fantômes. » 
Il finit sa vie misérable et solitaire, digne cependant de figurer sur un vitrail : 
« Alors le lépreux l’étreignit ; et ses yeux tout à coup prirent une clarté d’étoiles ; ses cheveux s’allongèrent comme les rais du soleil ; le souffle de ses narines avait la douceur des roses ; un nuage d’encens s’éleva du foyer, les flots chantaient. » 
Dans l’édition en livre de poche le troisième conte « Hérodias » comporte beaucoup de notes tenant parfois la moitié des 190 pages, nécessaires cependant pour s'y reconnaître dans la multiplicité des personnages et tenter de mieux saisir les références au temps des danseuses fatales, en Galilée. 
« Sous un voile bleuâtre lui cachant la poitrine et la tête, on distinguait les arcs de ses yeux, les calcédoines de ses oreilles, la blancheur de sa peau. Un carré de soie, gorge-de-pigeon, en couvrant les épaules tenait aux reins par une ceinture d'orfèvrerie. Ses caleçons noirs étaient semés de mandragores, et, d’une manière indolente, elle faisait claquer de petites pantoufles en duvet de colibri ».

vendredi 1 novembre 2024

Histoire littéraire des français. Charles Dantzig.

Le brillant écrivain érudit est un lecteur original bien qu’il se place parfois en surplomb des auteurs qu’il introduit.
L’évocation de l’histoire de notre pays traitée sous des angles divers nous passionne, d’Henri IV à De Gaulle, « Heures tristes » et « Many fêtes » pour reprendre quelques titres de chapitres.
Villon, Voltaire, Etienne Daho, Copi, Proust, Despentes, Stendhal à côté de Flaubert Bassompierre et tant d’auteurs dont je n’avais pas lu une ligne : Léon Paul Fargue ou Maurice Garçon permettent d'évoquer quelques grandes figures de l’Histoire ou celles des plus modestes aux histoires signifiantes. 
Comme dans un festival, la diversité des styles en exhalent encore mieux leur saveur.
« J’accuse » de Zola mérite sa place mais aussi un autre de ses textes « Les juifs ».
Eugène Sue : quelle vigueur ! 
Et Alphonse Daudet quelle richesse lorsqu’il décrit les charmantes nourrices enrubannées du jardin du Luxembourg avant de révéler leurs conditions d’embauche et comment elles surmontent leur condition.  
« Il vaut mieux avoir affaire à des ennemis intelligents qu’à des amis stupides. » 
Gambetta.
Du panorama émerge La France d’ailleurs, La France universelle, Paris vu par les étrangers, celle des « Petits enfants du siècle » avec Charlot rêvé depuis les tranchées, et Churchill francophile.  
« … un pauvre genevois disons-nous, bien élevé et bien lettré d’ailleurs, qui vint à Paris, il y a six ans, n’ayant pas devant lui de quoi vivre plus d’un mois, mais avec cette pensée, qui en a leurré tant d’autres, que Paris est une ville de chance et de loterie, où quiconque joue bien le jeu de sa destinée finit par gagner ; une métropole bénie où il y a des avenirs tout faits et à choisir, que chacun peut ajuster à son existence… »  
Victor Hugo  
Les tragédies côtoient la légèreté : Elisabeth de Gramont en 1914 : 
« Des jeunes gens insouciants disent :
« Vais-je rejoindre mon corps d’armée ou partir pour Le Touquet ? » 
Tocqueville en 1848 : 
« Ce que j’appelle l’esprit littéraire en politique consiste à rechercher ce qui est ingénieux et neuf plus que ce qui est vrai, à aimer ce qui fait tableau plus que ce qui sert, à se montrer très sensible au bien jouer et au bien dire des acteurs, indépendamment des conséquences de la pièce, et à se décider enfin par des impressions plutôt que par des raisons. » 
Pourquoi retenir ou écarter tant de formules heureuses, nourrissantes parmi les cent trente six écrits sur plus de mille pages ?
Si les slogans de « Nuit Debout » apparaissent bien plus plats que ceux de 68, l’enthousiasme de Théophile Gautier lors de la représentation d’Hernani est communicatif et on peut penser à nos  propres traces incertaines quand Remy de Courmont cite Verlaine: 
«  Dans le vieux parc solitaire et glacé  
Deux formes tout à l’heure ont passé ».  
A conserver auprès d’une BD tout aussi passionnante

samedi 26 octobre 2024

Eugénie Grandet. Balzac.

Merci aux prescripteurs de jadis d’avoir mis tout en haut de la liste des livres à lire ce chef- d’œuvre, dont je viens d’apprécier cinquante ans après toute la force et les finesses.
Roman de la passion de l’argent pour le père Grandet et celui d’un amour essentiellement imaginaire de sa fille pour son cousin. 
« Les avares ne croient pas à une vie à venir, le présent est tout pour eux. Cette réflexion jette une horrible clarté sur l’époque actuelle, où, plus qu’en aucun autre temps, l’argent domine les lois, la politique et les mœurs. Institutions, livres, hommes et doctrines, tout conspire à miner la croyance d’une vie future sur laquelle l’édifice social est appuyé depuis dix-huit cents ans. Maintenant le cercueil est une transition peu redoutée. L’avenir qui nous attendait par delà le requiem, a été transposé dans le présent. » 
L’avarice du « bonhomme » est aussi mythique que celle d’Harpagon, son habileté diabolique lui a assuré une fortune colossale. 
Des dialogues succulents mettent en valeur un personnage de méchant plein de verve, très moderne. 
« - Faudra que j’aille à la boucherie.
- Pas du tout ; tu nous feras du bouillon de volaille, les fermiers ne t’en laisseront pas chômer. Mais je vais dire à Cornoiller de me tuer des corbeaux. Ce gibier-là donne le meilleur bouillon de la terre.
- C’est-y vrai, monsieur, que ça mange les morts ?
- Tu es bête, Nanon ! Ils mangent, comme tout le monde, ce qu’ils trouvent. Est-ce que nous ne vivons pas des morts ? Qu’est-ce donc que les successions ? »
 
Condition féminine et servitude, Province/Paris, spéculation, mobilité professionnelle et désillusions … la narration s’accélère une fois le décor planté et que la psychologie des personnages se dévoile, évolue.
Faut-il protester de la modernité du texte pour faire valoir son plaisir de vieux lecteur, quand les descriptions littéraires ne sont plus à la mode, alors qu’on se régale de films de trois heures et de séries en quatre saisons ? 
 Des expressions archaïques peuvent dire au plus près le moindre geste : 
« Le père prit ses gants au bord de son chapeau, les mit avec son calme habituel, les assujettit en s’emmortaisant les doigts les uns dans les autres, et sortit. » 
La précision balzacienne vaut toutes les lunettes immersives. Quel support peut mieux mettre en valeur la profondeur des portraits de l’auteur de la comédie humaine dont la densité est palpable dans une édition concentrée en 180 pages ? 
« … ce peintre, amoureux d’un si rare modèle, eut trouvé tout à coup dans le visage d’Eugénie la noblesse innée qui s’ignore ; il eut vu sous un front calme un monde d’amour ; et dans la coupe des yeux, dans l’habitude des paupières, le je ne sais quoi divin… » 
De l’amour perdu naissent des images fortes :  
« Le vaisseau sombrait sans laisser ni un cordage, ni une planche sur le vaste océan des espérances ».
La vie est encore plus tragique lorsqu’elle se condense en mots essentiels : 
« Mes enfants, disait madame Grandet, je ne regrette point la vie. 
Dieu m’a protégée en me faisant envisager avec joie la fin de mes misères. »

samedi 19 octobre 2024

Les gens sont comme ça. Philippe Delerm.

La dernière livraison de l’écrivain des familles procure le plaisir d’être à nouveau réunis tout en mesurant le temps qui passe. 
Sa collection d’expressions toutes faites ne révèle pas que de doux instruments de la sociabilité : sans être exclusif comme « Ah oui, non mais moi », ou aussi envahissant qu’ « Elle m’a fait une angine »
« C’est mignon » ou «  Tu me diras » recèlent quelques ambigüités plaisantes à relever. 
Il redonne de la rugosité au « panier » qui avait disparu sur l’écran de nos commandes : 
«  Ajouter au panier ».
Je me suis amusé à retrouver : « Tu vas sortir de ta zone de confort » pour un clin d’œil à ma petite fille qui m’a ainsi conseillé lorsque je m’obstine à choisir « vanille-chocolat » comme parfum de glace. Le « T’inquiète » de son frère est devenu légendaire.
La légèreté de l'annonce « On est entré dans le temps additionnel » finalement pas si anodine que cela, va bien avec la gravité familière de : « ça nous fait une sortie ». 
« … on n’est pas à l’abri d’une averse, j’avais cinq degrés ce matin dans le jardin, je ne sais s’il y a encore plus de monde que l’année dernière, je vais rentrer faire une soupe. » 
Je demanderais volontiers : « Auriez-vous une petite carte ? » pour revenir à la librairie retrouver le poète une fois prochaine. Il ne s’agit sûrement pas « De faire avec » que contredirait « Mais quand même » pour jouer avec les têtes des 35 chapitres.
Les paresseux pour qui « Les mots sont impuissants » sont ici contredits, et si « On refaisait le monde » marque l’impuissance, ces 100 pages : «  C’est que du bonheur ! »
 La frontière vers le Sud est franchie à partir de laquelle on entend « Avé plaisir »,mais le soir tombe :  
« Le soleil commence à peine à fléchir dans cet orange chaud qui donne à la pierre des bastides une douceur d’éternité romane. »

samedi 12 octobre 2024

Rencontres avec des animaux extraordinaires. Andrés Cota Hiriart.

Un enfant mexicain passionné d’insectes, de reptiles, d’amphibiens, parce que sa maman était allergique aux animaux à poils, une fois devenu naturaliste nous fait partager son parcours, en dressant le portrait passionnant d’une foule d’étranges bestioles. 
«  Durant ces longues journées de marche nous avons rencontré des champignons bioluminescents, des sangliers à moustaches, des dizaines d’espèces de plantes carnivores aux pièges en forme de vase (certaines aussi grosses que des bouteilles de vin), des chauves-souris qui font davantage penser à des aigles nocturnes, en raison de leur taille, qu’à des chiroptères, des poissons pulmonés qui rampent… »
Depuis  l’axolotl avec lequel il commença un vivarium jusqu’aux orangs-outans et autres caméléons à quatre cornes qu’il observa dans ses voyages aux Galápagos, à Bornéo, ou sur l’île de Guadalupe, il nous renseigne aussi sur nous-mêmes, quand sa fille lui demande si les animaux sont plus importants que les gens.
Sans verser dans l’anthropomorphisme, il décrit par exemple la voracité des dragons de Komodo capables de déterrer des habitants décédés, mais aussi nos aveuglements et la fragilité de notre monde. 
« Nous sommes incapables de nous imaginer autrement que tels que nous nous concevons depuis des millénaires : les fils de Dieux qui n’existent pas, les créatures prodigues de l’évolution. Alors qu’en réalité nous ne sommes pas plus qu’une minuscule branche perdue au sein du grand arbre de la vie, des bestioles à peine semi-conscientes, des excroissances technologiques et hyperactives, un fragment du cosmos qui se regarde lui-même avec orgueil sans se soucier le moins du monde du reste de l’univers et qui néanmoins propage partout son néant, ce rien qui nous condamne à l’extinction. » 
L’humour présent pendant 300 vivantes pages ne masque pas la gravité de notre situation.

samedi 5 octobre 2024

Récits de certains faits. Yasmina Reza.

Il n’y a pas que Maylis (De Kerangal),
Marie-Hélène (Lafon),
parmi mes romancières préférées,avec Yasmina : «  C’est du sérieux ! » aussi,
pour parodier Sarkozy à propos duquel elle avait écrit  « L'aube, le soir ou la nuit ». 
Et de Sarko, il en est aussi question parmi tant d’autres brefs récits de séances de tribunaux pas seulement à Saint Omer ou à Vesoul, alternant avec des scènes qu’elle fait sortir de la banalité avec son écriture limpide, son aptitude à mettre en évidence les fragilités humaines, son humanité.
Que ce soit dans le récit d’un caprice d’enfant dans un chalet à la montagne alors qu'au même moment la neige tombe chez lui à Paris, ou dans la présentation d’un prévenu, l’écriture agit comme un flash.
Monsieur Louette est accusé de non assistance à personne en danger : 
«  Monsieur Louette n’a pas assez de consistance à ses propres yeux pour se mêler.
Son esprit s’est fabriqué avec la honte, la crainte, le sentiment d’infériorité. » 
Les criminels qui ont pu commettre des crimes monstrueux ne sont pas présentés comme des monstres, ni comme des victimes de la société. Une juge appelant des débats « dans une atmosphère sereine et digne » peut manquer à la justesse. 
«  On juge un quadruple meurtre doublé d’un dépeçage de cadavres mais le ton doit rester courtois, aucune fièvre ne doit perturber la vénérable travail de la justice. Une crainte des débordements qui rend tout morne  et sans objet. Tempérer, apaiser jusqu’à l’idiotie là où précisément la tension pourrait illuminer. C’est le goût du jour, la pente honorable de notre temps. »
 Il y a bien de la magie dans l’écriture ou tout du moins du talent, quand un paquet de mouchoirs oublié sur un banc peut dire toute la détresse du monde.

samedi 28 septembre 2024

La réserve. Russell Banks.

Dans les vastes forêts des Adirondack au nord de New York, bien des surprises nous sont offertes dans  le microcosme des privilégiés qui habitent « La réserve » du parc national. 
« Une batterie de fusées sifflantes envoyait dans l’obscurité de grands arcs flamboyants, rouges, jaunes et bleus, semblables à des éclairs lancés contre les dieux. Très haut dans le ciel au-dessus de la Réserve, les fusées finissaient leur ascension, perdaient de la force et flottaient un instant avant d’exploser les unes après les autres dans un éclair- gigantesques fleurs de lumière aussitôt éteintes, froissées et dissoutes dans la nuit. »
 Un artiste rencontre une riche et belle héritière, « pauvre petite fille riche » : passion et folie.
L’écriture est précise, jamais laborieuse. 
«  Si à l’âge adulte, ses fils souhaitaient utiliser leur deuxième prénom - lequel, dans un esprit de compromis, avait été pris chez les ascendants familiaux d’Alicia et de Jordan - il n’y trouverait rien à redire. Mais il était certain que cela ne se produirait pas. A cet âge-là, ils sont devenus leur nom, affirmait-il. ». 
Les portraits des protagonistes sont vivement tracés et les évènements d’avant la seconde guerre mondiale, traversés par un immense et luxueux zeppelin craignant la moindre étincelle, nous étonnent tout au long des 380 pages. 
« Les secrets ne sont pas comme les mensonges. Ils sont plutôt comme une opération au cerveau. Ils tuent votre âme. Le mensonge n’est qu’une technique pour conserver des secrets. » 
Sans leçon insistante, se précisent les caractères où la candeur rejoint la perversité, l’authenticité rencontre les contre-vérités. 
« Pour Vanessa, la vérité était comme un oiseau qui vole d’arbre en arbre, de sorte que la proposition « sur l’arbre est perché un oiseau » se rapportait à cet arbre-ci tout proche puis à un autre dès que l’oiseau s’envolait sur l’arbre suivant, puis à encore un autre, et ainsi de suite jusqu’à ce que toute la forêt y passe. »

samedi 21 septembre 2024

Continuez sans moi. Jean Michel Mestre.

Dans son deuxième roman, l’auteur revient sur la vie de sa sœur qui s’est suicidée il y a quarante ans. Ce livre essaye de réparer l’absence de toute plaque sur la tombe où elle est enterrée. 
« À défaut de souvenirs, je m'en suis sorti en pensant : ce n'est pas moi qui l'ai oubliée, c'est elle qui est partie en claquant la porte, elle qui a tiré le rideau en lâchant : Ça suffit, basta, j'en ai assez, continuez sans moi. Elle ne l'a pas dit comme ça. A-t-elle seulement eu le temps de penser à ceux qui continueraient sans elle ? Et si ce que je prends pour de l'oubli relevait de la gêne. Il suffirait de la surmonter, d'ouvrir une vanne, puis deux ou trois, pour que d'autres bulles remontent à la surface. La trappe est lourde. » 
Dans toutes les appréciations de lecteurs à propos de ces 200 pages, figure l’expression « sans pathos » pour mieux souligner l’originalité du narrateur dans un exercice périlleux. J’ajouterai son honnêteté.
« Quand la maladie ou un accident emporte un proche, l'art de converser avec lui, de le garder vivant, d'entretenir un lien avec lui est casse-gueule mais un chemin reste possible. Chacun emprunte comme il peut, avec ses mots, ses silences, ses doutes, ses failles. Mais quand la violence du suicide éradique la possibilité d'un chagrin, qu'est-ce qui peut lui succéder ? J'ai cru remplacer la peine par l'effacement, la culpabilité par l'indifférence et le remords par le silence. Foutaises, bien sûr. » 
Le cheminement à l’intérieur de sa mémoire lacunaire est plus émouvant que le rappel des années post-68 communes à la génération boomeuse et au delà. Ses recherches tardives de souvenirs fantomatiques, bien sûr plus personnelles, font tout l’attrait, la force de ce retour vers ses faiblesses, ses fuites, son incompréhension.
Le cinéma, la musique, sont les instruments de cette archéologie avec Beaucarne, IBanez(Palabras para Julia de Juan Goytisolo). 
«  Mais souviens-toi toujours
De ce qu’un jour j’ai écrit
En pensant à toi, en pensant à toi
Comme j’y pense à présent. » 
Ses prospections minutieuses, fines, sont permises par un style limpide en accord avec l’intégrité de l’écrivain.  

vendredi 20 septembre 2024

Penser contre soi-même. Nathan Devers.

Tellement assailli par les dogmatiques, j’ai été attiré par ce titre alors qu’il est déjà si difficile de penser par soi même.
J’ai apprécié le récit d’un parcours intense depuis l’envie de devenir rabbin sous sa kippa, « dôme d’humilité », jusqu’à l’abandon de cette vocation exigeante intellectuellement. 
« Oui, il fallait se frotter aux questions difficiles. Aux religions différentes. Aux idées qui dérangent. Aux sciences. Aux arts. Aux livres. Aux révolutions intellectuelles, aux fluctuations de l’histoire. Ce n’est qu’à ce prix qu’on déployait sa singularité. Qu’on explorait sa propre altérité. » 
Avec ces 326 pages, le jeune philosophe met en pratique ses réflexions ancrées dans le quotidien: 
«  Réconcilier la littérature et la philosophie, moi qui étais amoureux de l’une et religieux de l’autre : n’était-elle pas là la clef ? Ne plus voir de différence entre ces deux continents. Abolir tout schisme séparant théorie et pratique ; conformer ses actions et ses idées, mais ne pas réduire celles-ci à la conceptualité. » 
Loin des manuels de savoir penser, vivre, cuisiner, les fatigués peuvent se requinquer avec ce livre accessible, agréable à lire: 
« Un scepticisme qui n’a plus rien à voir avec les sables mouvants de l’hésitation mais qui constitue un principe actif de la philosophie. Le moteur d’une négation qui travaille secrètement la pensée. Un doute souterrain, destructeur autant que créateur, qui, souvent invisible, traverse toute la philosophie et l’aide à s’accomplir. »

samedi 14 septembre 2024

Jour de ressac. Maylis de Kerangal.

Comme je me trouvais à Bordeaux, un tour s’imposait à la librairie Mollat où je ne pouvais qu’acquérir le tout récent ouvrage de Maylis de Kerangal.
« Une affaire vous concernant » lui a dit l'officier de police judiciaire au téléphone. » 
Cette affaire finalement ne concernera guère le lecteur cherchant à éviter les polars, mais la précision de l’auteur, dont la patte se reconnaît au bout d’une page à peine parmi les 242 de cette livraison, est toujours là. 
« D'ailleurs, ai-je songé tandis que mes yeux se portaient maintenant sur l'estran lavé, miroitant, peut-être que si l'on analysait des carottes de sable au spectromètre, peut-être que si l'on prélevait des échantillons de sols à marée basse pour les observer au microscope électronique, on y découvrirait des poussières d'obus, des atomes de microbes de fer, ou des fragments de verre apparus quand la chaleur des explosions avait vitrifié la surface de la plage, des microns de matière que ni le temps, ni la corrosion de la mer et du vent, ni la lente décomposition de tout, n'auraient réussi à dissoudre et à faire disparaître. »
 La ville du Havre reconstruite après son anéantissement en 44 tient une place centrale.
Les thèmes des migrants, de l’intelligence artificielle, de l’Ukraine, sont abordés avec acuité. 
« … tu ne connais pas non plus, les cadavres dans les puits, ceux des hommes et ceux des bêtes, tu ne connais pas- tu as éventuellement vu des films de guerre et de mafia, joué en ligne à des jeux violents, mais ça non tu ne connais pas-, les bombardements plusieurs fois par jour, réaliser que ta vie est en danger, tu ne connais pas … » 
Nous savons tout sur l’imprimerie du mari et sur l’escrime que pratique sa fille.
Le retour de la narratrice, doubleuse de voix, vers sa jeunesse, va au-delà de la molle enquête policière, et nos regards s’élargissent lorsqu’il est question de reconnaître un corps:  
«…  je me souvenais avoir lu dans la presse que parmi les proches des victimes du 13 Novembre certains n'avaient pas toujours su reconnaître leur enfant, leur femme, leur ami, leur sœur… »

samedi 7 septembre 2024

La symphonie du hasard. Douglas Kennedy.

L’épigraphe de Malraux :  
« La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache. »  
est parfaitement illustré en 402 pages pour un premier volume d’une histoire comportant trois tomes, autour d’une famille américaine pendant les années Nixon. 
« Sachant que, derrière toute loyauté familiale, se cache une bonne dose de culpabilité. » 
Au-delà des formules, la façon de typer les personnages du brillant conteur, facilite la lecture. 
« Comme le disait mon entraîneur : “Avoir du talent, ça demande du talent.” »
« Ceux qui savent faire font, ceux qui ne savent pas faire, enseignent » 
A travers toutes sortes de fumées, la narratrice, Alice, au pays des contrastes, parfois naïve, porte un regard lucide sur sa condition : 
« Deux parents nés dans l'abondance des années folles, avant la dégringolade vers les épreuves et l'abattement national. Trois enfants nés plus tard, dans la paix et la prospérité du milieu du siècle. Un quintette d'Américains issus des sommets de la classe moyenne ; cinq brillants exemples-chacun à sa manière- du gâchis que tant d'entre nous font de leur vie. » 
La vélocité de l’écriture, dont la décontraction met en valeur la force des personnages,  s’essouffle quelque peu quand apparaissent comme des archétypes par exemple la mère d’origine juive possessive et le père tellement irlandais mêlé de près à l’histoire en train de se faire au Chili au moment de la chute d’Allende, à la façon d’un McEvan. 
« Même ceux qui proclament : « Je n’ai pas besoin de vos bandes, de l’approbation de vos cliques, ni de faire partie de votre petit club », même ceux-là, viscéralement attachés à leur condition de loups solitaires, s’avouent parfois dans un élan de lucidité que chacun, à sa manière, n’a qu’un rêve : se sentir appartenir à quelque chose. »

mercredi 4 septembre 2024

Nos dimanches soir. Jérôme Garcin.

« A vingt heures et quatre minutes, Daniel Barenboïm libère, tel un torrent de montagne, 
« La Fileuse » (Romances sans paroles de Mendelssohn), prélude à un chœur de voix joyeuses, rageuses, élogieuses, acrimonieuses, affectueuses, courageuses, mais jamais révérencieuses, doucereuses, filandreuses, ennuyeuses . »
En 2015, l’animateur de l’émission «  le Masque et la plume » avait raconté en 300 pages l’histoire du mythique spectacle radiophonique joué depuis soixante ans par des critiques de théâtre, littérature et cinéma. 
« Ecouter «  Le Masque »  c’est se brancher sur l’actualité en remontant dans son passé, c’est entendre parler de 3D dans un lointain ronronnement de 4L ». 
Hormis le format initial de deux heures scandées d’improvisations au piano, le principe  de la diversité des opinions exposées en public a survécu aux modes et fidélisé de nombreux auditeurs dont quelques lettres émouvantes ou drôles ont été retenues. 
Une galerie de portraits permet de mieux connaître quelques voix familières. 
« …il y a le gentil, le méchant, le grincheux, le cynique, le dilettante, le méticuleux, l’extravagant, le séducteur, le susceptible, le raisonneur, l’affectueux, l’exigeant, l’indulgent, j’en oublie. » 
En dehors des éloges de Babelio, n’apparaît aucune critique de ce livre pour disserter autour de ce rendez-vous dominical dont l’auditoire exigeant s’interroge sur la pérennité du concept au gré des changements de maître du jeu.
Rebecca Manzoni la dernière sera-t-elle regrettée par nos enfants comme nous avons eu du mal après François Régis Bastide ? 
« Convaincre, sans humilier l’œuvre choisie. 
L’éclairer et non l’endimancher.
Evitant de l’encanailler, la rendre belle et accessible  à tous. » Jean Vilar 
Sont rappelées des formules qui firent nos délices :
Bory dénonçant « Les forces assoupissantes » à propos du « Corniaud » de Gérard Oury 
ou Ezine donnant la main à Raspiengeas : 
« Voici après La liste de mes envies, la liste de mes emmerdes.
Soit un abreuvoir lacrymal auquel viennent boire tous les assoiffés du pathos. »
« C’est de la littérature de toile cirée. Passez un coup d’éponge, et il n’en reste plus rien. » 
Si des lettres antisémites ont conforté le choix de la musique introductive, d’autres apports d’auditeurs ont fait naître des vocations tel Guillaume de Fonclare en faussaire talentueux ou André Degaine auteur d’une originale histoire du théâtre.
Les chapitres rangés par ordre alphabétique comme dans les « Dictionnaires amoureux » varient les approches, les émotions.
Purin d’orties ou quelque « divulgachage » d’un film ont suscité bien des réactions et les zeugmas 
« Il admirait l’exaltation de son âme et les dentelles de sa jupe »Flaubert  
ont éveillé bien des connivences.
François Morel a présenté sur scène les affrontements entre Charensol et Bory, un agriculteur a nommé ses vaches « les Garcinettes », un pâtissier créé un gâteau «  Le masque et la plume ». 
Pour tant d’auditeurs, dont je suis, la messe dominicale a lieu en début de soirée, même si la météo marine prologue charmant est diffusée depuis un moment sur d’autres ondes. 

samedi 29 juin 2024

La vie de ma mère ! Magyd Cherfi.

J’ai retrouvé avec plaisir l’écrivain toulousain
exprimant avec ardeur la vie d’une famille où l’amour se cherche sous de virulentes répliques. 
« De la peine, je savais que j'en avais aussi pour moi, parce qu'arrive un âge où on rêve de trêve, de frères et sœurs, de vrais parents qui bien qu'âgés, nous traiteraient encore en enfants, nous époussetant un peu de poussière sur un revers de manche. » 
La truculence permet de dépasser la violence d’une existence: la mère s’émancipe sous les yeux écarquillés de ses enfants avec la complicité permise sur le tard des petits enfants. 
« Je commençais à admettre qu’on puisse être mère et vomir sa couvée, qu’on pouvait être frère et vomir la fratrie, qu’on pouvait être un bon père et ne pas vouloir de ses mômes tout le temps à la maison… » 
Mais à la longue l’humour s’émousse alors que l’évolution de la mère survient après tant de relations devenues caricaturales.
Le narrateur aime cuisiner et parfume son récit d’expressions telle celle du titre devenue familière, pour résumer parfaitement les 270 pages, point d’exclamation compris !  

samedi 22 juin 2024

Incidences. Philippe Djian.

L’image de couverture énigmatique comme le titre s’avère signifiante après la lecture des 230 pages du livre. Il s’agit d’une faille où s’entassent des morts, d’une fente évoquant le sexe qui mène bien des protagonistes de cette histoire chaude et glaçante. 
« Le gouffre était un solide allié. Il s’y était caché durant trois jours et trois nuits, autrefois, sans bouger, se préparant déjà à trembler de tous ses membres dès que la nuit viendrait, claquant des dents par avance, gémissant par anticipation comme n’importe quel enfant de son âge… or, contre toute attente, en complète contradiction avec ses sombres pronostics, il s’y était senti protégé, en sécurité, apaisé, malgré ce silence caverneux et cette noirceur sans fond qui semblaient siffler autour de lui, et n’eussent été la soif et la faim qui l’avaient tiraillé, le froid qui l’avait mordu, les représailles qui l’attendaient d’une façon ou d’une autre lorsque l’on remettrait la main sur lui, il s’était estimé relativement comblé par son séjour dans son intimité minérale et moussue. » 
Un écrivain raté enseigne l’écriture à des étudiantes et en baise quelques unes, il vit avec sa sœur, boit et fume comme sa Fiat 500. Ses goûts littéraires quoique désabusés sont affirmés et le narrateur met en œuvre ce qu’il préconise : 
« N'importe quel crétin est capable de raconter une histoire. 
La seule affaire est une affaire de rythme, de couleur, de sonorité. » 
Le style singulier de Djian nous permet de prendre du recul envers cette famille tordue, d’entamer un suspens policier puis de l’abandonner, de nous régaler à retrouver le plus rock de nos écrivains. 
« Son appétit pour elle s’aiguisait une nouvelle fois comme un rasoir, repartait comme une flamme de la braise, dans un souffle brûlant, en sorte qu’il se leva vivement, posa un billet sur le comptoir sans attendre sa monnaie… »

mercredi 19 juin 2024

La mauvaise rencontre. Philippe Grimbert.

L’amitié fusionnelle entre Mando et Loup est tellement fusionnelle que l’issue habillement annoncée éclatant au bout des 180 pages ne peut être révélée. 
« Nous avions tant partagé, jeux, lectures, premières expériences amoureuses, 
mais il fallait échapper à l’exigence de cette amitié, de plus en plus tyrannique. » 
Depuis les châteaux de sable du parc Monceau jusqu’aux séances de spiritisme, la culpabilité accompagne le narrateur devenu psychanalyste, alors que Mando rédacteur lui aussi d' un journal intime a choisi droit et politique.  
Passion et remords alternent également, envers Nine ou Gaby, l’amie haute en couleurs de sa mère.
«  … si vraiment le Verbe était au commencement, 
le néant ne pouvait pas être d’un « Et tu retourneras à la poussière »
mais plutôt d’un « Et tu retourneras au Verbe ».
Je n’étais pas mécontent de cette idée d’inscription : 
des mots, toujours des mots pour annoncer notre venue comme pour se souvenir de nous,
de « Comment va s’appeler ce petit bonhomme ? » à «  Comment s’appelait-il déjà ? » 
L’auteur par ailleurs psychanalyste propose une écriture précise, presque trop clinique, mais pourquoi ne pas nommer Lacan qui le fascine pour le surnommer « Psychopompe », bien peu élégant.  
« Tous les tabourets n’ont pas quatre pieds, il y en a qui tiennent avec trois. 
Mais alors, il n’est plus question qu’il en manque un… »