Livre utile et agréable édité par Larousse sous l’égide de France bleu.
Les chansons accompagnent notre vie, elles distinguent les générations :Johnny enterra Tino et NTM démoda « Chanson plus bi florée »,elles constituent ici une culture commune.
Les auteurs ont mêlé les chansons d’une époque et des évocations contemporaines, ainsi « Faut rigoler » d’Henri Salvador ouvre la chronologie à la page nos ancêtres les gaulois jusqu’à Mickey 3D « d’ici quelques années, on aura bouffé la feuille »
- Occasion de déguster des couplets ignorés
« Quand Dagobert mourut,
Le diable aussitôt accourut ;
Le grand saint E loi
Lui dit : Ô mon roi !
Satan va passer,
Faut vous confesser.
Hélas dit le bon roi,
Ne pourrais-tu mourir pour moi »
« Hideux dans leur apothéose
Les rois de la mine et du rail
Ont-ils jamais fait autre chose
Que dévaliser le travail ?
Dans les coffres-forts de la banque
Ce qu’il a créé s’est fondu ;
En décrétant qu’on le lui rende
Le peuple ne veut que son dû.
(Au refrain) : C’est la lutte finale… »
- de découvrir par exemple « le printemps retourné » (1586)
« Nous ne tenons plus de foy
Ny de loy,
Tant nous sommes gens
Ignares.
Nous sommes esblouis
Des cieux,
Gratieux
A tous nos peschez barbares »
- de constater dans ce petit dictionnaire que la délicieuse Marianne de Delpech passe à la postérité, ainsi que Renaud, Graeme Alwright, Montand, Lavilliers, Souchon… que du bon.
- de retrouver :
« Ces messieurs de Grenoble avec leurs longues robes
Et leurs bonnets carrés »
« Nous tisserons le linceul du vieux monde »
« J’aime Jeanne ma femme :
Eh bien ! j’aime mieux
La voir mourir que voir
Mourir mes bœufs »
samedi 31 janvier 2009
vendredi 30 janvier 2009
L’appel des appels
Et après la manif ?
Le texte ci-dessous montre la cohérence des réformes engagées par la droite au-delà des ressentis dans des domaines différents.
C’est le cœur de l’humanisme qui est visé.
Déjà qu’ils ont été désastreux avec nos sous !
Certes nous sommes sollicités quotidiennement pour signer des pétitions mais le ton de celle-ci a convaincu déjà 20 000 personnes.
L'initiative de l'"Appel des appels" revient à Roland Gori, professeur de psychopathologie de l'université d'Aix-Marseille. "J'étais frappé d'entendre, dans des milieux variés qui ne se connaissent pas forcément, s'exprimer la même souffrance sociale. C'est comme une maladie du lien social, qui proviendrait de l'indexation de notre civilisation sur les valeurs de l'ultralibéralisme. On impose aux professionnels des logiques de mobilité, de flexibilité, de traçabilité et de profit à court terme, dans une logique de casse des métiers. Or, ces valeurs nous ont conduits directement à la crise."
L'Appel des appels cherche à fédérer la protestation sociale
« Nous, professionnels du soin, du travail social, de l’éducation, de la justice, de l’information et de la culture, attirons l’attention des Pouvoirs Publics et de l’opinion sur les conséquences sociales désastreuses des Réformes hâtivement mises en place ces derniers temps.
A l’Université, à l’École, dans les services de soins et de travail social, dans les milieux de la justice, de l’information et de la culture, la souffrance sociale ne cesse de s’accroître. Elle compromet nos métiers et nos missions.
Au nom d’une idéologie de "l’homme économique", le Pouvoir défait et recompose nos métiers et nos missions en exposant toujours plus les professionnels et les usagers aux lois "naturelles" du Marché. Cette idéologie s’est révélée catastrophique dans le milieu même des affaires dont elle est issue.
Nous, professionnels du soin, du travail social, de l’éducation, de la justice, de l’information et de la culture, refusons qu’une telle idéologie mette maintenant en "faillite" le soin, le travail social, l’éducation, la justice, l’information et la culture.
Nous appelons à une Coordination Nationale de tous ceux qui refusent cette fatalité à se retrouver le 31 janvier 2009 à Paris. »
http://www.appeldesappels.org/
Le texte ci-dessous montre la cohérence des réformes engagées par la droite au-delà des ressentis dans des domaines différents.
C’est le cœur de l’humanisme qui est visé.
Déjà qu’ils ont été désastreux avec nos sous !
Certes nous sommes sollicités quotidiennement pour signer des pétitions mais le ton de celle-ci a convaincu déjà 20 000 personnes.
L'initiative de l'"Appel des appels" revient à Roland Gori, professeur de psychopathologie de l'université d'Aix-Marseille. "J'étais frappé d'entendre, dans des milieux variés qui ne se connaissent pas forcément, s'exprimer la même souffrance sociale. C'est comme une maladie du lien social, qui proviendrait de l'indexation de notre civilisation sur les valeurs de l'ultralibéralisme. On impose aux professionnels des logiques de mobilité, de flexibilité, de traçabilité et de profit à court terme, dans une logique de casse des métiers. Or, ces valeurs nous ont conduits directement à la crise."
L'Appel des appels cherche à fédérer la protestation sociale
« Nous, professionnels du soin, du travail social, de l’éducation, de la justice, de l’information et de la culture, attirons l’attention des Pouvoirs Publics et de l’opinion sur les conséquences sociales désastreuses des Réformes hâtivement mises en place ces derniers temps.
A l’Université, à l’École, dans les services de soins et de travail social, dans les milieux de la justice, de l’information et de la culture, la souffrance sociale ne cesse de s’accroître. Elle compromet nos métiers et nos missions.
Au nom d’une idéologie de "l’homme économique", le Pouvoir défait et recompose nos métiers et nos missions en exposant toujours plus les professionnels et les usagers aux lois "naturelles" du Marché. Cette idéologie s’est révélée catastrophique dans le milieu même des affaires dont elle est issue.
Nous, professionnels du soin, du travail social, de l’éducation, de la justice, de l’information et de la culture, refusons qu’une telle idéologie mette maintenant en "faillite" le soin, le travail social, l’éducation, la justice, l’information et la culture.
Nous appelons à une Coordination Nationale de tous ceux qui refusent cette fatalité à se retrouver le 31 janvier 2009 à Paris. »
http://www.appeldesappels.org/
jeudi 29 janvier 2009
Le mois du graphisme
Tous les deux ans, depuis 18 ans, la ville d’Echirolles - la seule en France avec Chaumont - consacre un mois au graphisme.
Lors d’une nocturne, j’ai pu apprécier au musée Géo Charles des productions de graphistes à Madagascar, au Cambodge, à Taiwan et à New York.
Aux moulins de Villancourt, des livres originaux de tous les pays du monde avec un mur complet décoré des interprétations imagées de Madame Bovary nous réjouissent par leur diversité.
La Rampe accueille les productions de Philippe Apeloig auteur de l’affiche du festival ; il joue avec les lettres, c’était le thème cette année. Son élégance peut être jugée un peu froide, mais lorsque ses lettres s’animent dans de courtes séquences filmées, quand les guides explicitent les démarches, nous pouvons être convaincus, d’autant plus que le buffet était excellent et les intermèdes musicaux bienvenus.
Cet événement n’est pas qu’un affichage ponctuel, mais une cohérence politique associe aussi des artistes à des habitants dans le cadre d’un contrat urbain de cohésion sociale. Dans un domaine où les marchands sont les maîtres, à Echirolles ce sont les créateurs qui sont les rois. Les trois lieux cités ne sont pas les seuls à se consacrer à l’évènement, le réseau des bibliothèques est dans le coup ainsi que le Lycée Marie Curie qui offre des formations de graphistes.
Dans ma commune du nord de l’agglomération, la population n’avait pas voulu de lycée.
-------------------------------------------------------------------------------------
Petites blagues au temps du marasme:
- Pourquoi les agents immobiliers ont-ils arrêté de regarder par la fenêtre le matin?
- Pour qu'il leur reste quelque chose à faire l'après-midi.
Un employé de banque demande à un collègue:
- Salut vieux, comment ça va?
- Bien
- Excusez-moi j'ai dû faire une erreur...
La différence entre Dieu et Gordon Brown?
- Dieu ne pense pas qu'il est Gordon Brown.
Lors d’une nocturne, j’ai pu apprécier au musée Géo Charles des productions de graphistes à Madagascar, au Cambodge, à Taiwan et à New York.
Aux moulins de Villancourt, des livres originaux de tous les pays du monde avec un mur complet décoré des interprétations imagées de Madame Bovary nous réjouissent par leur diversité.
La Rampe accueille les productions de Philippe Apeloig auteur de l’affiche du festival ; il joue avec les lettres, c’était le thème cette année. Son élégance peut être jugée un peu froide, mais lorsque ses lettres s’animent dans de courtes séquences filmées, quand les guides explicitent les démarches, nous pouvons être convaincus, d’autant plus que le buffet était excellent et les intermèdes musicaux bienvenus.
Cet événement n’est pas qu’un affichage ponctuel, mais une cohérence politique associe aussi des artistes à des habitants dans le cadre d’un contrat urbain de cohésion sociale. Dans un domaine où les marchands sont les maîtres, à Echirolles ce sont les créateurs qui sont les rois. Les trois lieux cités ne sont pas les seuls à se consacrer à l’évènement, le réseau des bibliothèques est dans le coup ainsi que le Lycée Marie Curie qui offre des formations de graphistes.
Dans ma commune du nord de l’agglomération, la population n’avait pas voulu de lycée.
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Petites blagues au temps du marasme:
- Pourquoi les agents immobiliers ont-ils arrêté de regarder par la fenêtre le matin?
- Pour qu'il leur reste quelque chose à faire l'après-midi.
Un employé de banque demande à un collègue:
- Salut vieux, comment ça va?
- Bien
- Excusez-moi j'ai dû faire une erreur...
La différence entre Dieu et Gordon Brown?
- Dieu ne pense pas qu'il est Gordon Brown.
mercredi 28 janvier 2009
De mer, la classe. Faire classe #19
J’aimais à penser que les lumières de l’école allumées l’hiver avant le réveil des enfants s’inscriraient prioritairement dans mes souvenirs; et puis les témoignages des anciens élèves qui ressassaient leur classe de mer m’ont amené à me confondre avec eux dans la célébration de ces hautes heures.
« Ce n’est pas en sortant du port, mais en y entrant qu’on détermine la réussite d’un voyage. » H.W Beecher
Nous avions choisi la Bretagne exotique pour les montagnards que nous sommes.
Voyage en train, traversée de la France : La Roche Migène sous la clarté de la lune.
Nous avons pratiqué les activités spécifiques à l’océan: pêche à pied, catamaran, kayak, étude d'une faune et d'une flore particulières, sorties à Concarneau, au Guilvinec. C’était grand !
Deux classes de la commune bénéficiaient du séjour. Des enseignantes en retraite apportaient leur expérience pour aider à l’encadrement de la vie collective. Nous avons partagé avec ces amis, travail, fatigue et plaisirs. Nous avons vécu intensément, à évoquer dans tous les rapports « le projet de l'école centré sur le développement de l'écoute et du langage », cette formule sent le procès-verbal administratif qui aime entendre : « nos préoccupations quotidiennes portent sur le civisme ».
L'océan et la Bretagne constituent des milieux propices à une ambiance de légendes, de contes. Comme chez les korrigans, en soirée, nous nous sommes regroupés au coin du feu d’une vraie cheminée et nous avons été enchantés.
La vie en groupe avec ses contraintes, ses découvertes a été une chance pour s'ouvrir aux autres. Les exigences des éducateurs du centre de Beg Porz à Kerfany s’inscrivaient tout à fait dans nos démarches. L'emploi du temps particulier pour cette classe « bleue »a incité à faire son lit, à s’asseoir pour déjeuner tranquillement, à bien dormir, à bien manger, à dire « bonjour ».
Nous n’avons pas dérogé non plus à nos fondamentaux :
La lecture s’imposait pour découvrir des écrits concernant le milieu maritime, les documentaires, pour identifier les prises recueillies dans l'aquarium et développer des informations sur celles-ci, et les romans pour perpétuer la vieille lubie de l’instit’ qui prie pour le livre quotidien.
L'activité poésie se maintenait sous la forme d'engagements nourris par un recueil consacré au thème de la mer. Les élèves ont présenté leur travail aux parents lors d’une soirée avec une projection de séquences tournées au caméscope.
Les apprentissages systématiques en grammaire, conjugaison, orthographe ont été mis entre parenthèses. Mais des opportunités nombreuses favorisaient la production d’écrits dont les rectifications ont alimenté un lexique personnalisé (correspondances, comptes-rendus, carnet de bord personnel, journal de classe de mer commun).
Nous avons également communiqué par Internet des informations hors de tout artifice, avec l’apprentissage d’une solitude inédite et collectivement en direction des parents et de l’école.
A la frontière entre mathématiques et lecture nous avons pris connaissance des horaires de trains et l'étude des nombres sexagésimaux a pu s'appuyer sur des préoccupations naturelles ; utilisation d'unités nouvelles ; étude des coûts ; notion de budget ; la réalisation de plans du centre en vue de la présentation aux parents entrait pleinement dans le domaine géométrique (échelles).
Quotidiennement, nous avons relevé des données météorologiques directement liées à nos emplois du temps. « Ouest France » y a pourvu. La lecture de plans s'est élargie aux cartes marines.
Et la situation de plain-pied des classes a favorisé des activités difficiles à mettre en place dans l'école habituelle : tels que des travaux manuels bruyants ou salissants, et le ping-pong et le football enfin possibles!
Le sort de chaque crevette des aquariums ne laissait personne indifférent. Les algues livraient quelques secrets après des expériences originales. Au chapitre unité du monde vivant, la matière ne manquait pas pour appliquer une approche écologique de l'environnement. Elle a activé sans doute une prise de conscience de problèmes tellement abstraits vus de notre quartier. Nous sommes entrés un peu dans la complexité de la compréhension du phénomène des marées. Nous avons mis en œuvre des notions d'orientation. En technologie des instructions et des conseils ont été prodigués pour les appareils photographiques de chacun et aussi pour le numérique de la classe.
La nouveauté des paysages a rendu plus marquantes des observations concernant des repères historiques. Les sorties diverses à travers cette partie de la Bretagne (habitat, activités des hommes...) ont apporté des éléments de comparaison pour une géographie vivante tout au long de l'année. Nous avons eu l’occasion rare d’étudier le travail des hommes : ostréiculteur, pêcheurs.
Une plage à marée haute puis basse nous a procuré l’occasion de deux séances de dessin sur le champ; nous avons essayé de saisir la multitude d'occasions offertes pour lire ces paysages. La proximité de Pont Aven célèbre pour son école de peinture a fourni une opportunité d'enrichir nos cultures artistiques.
La pratique du kayak avec des déplacements inédits et le catamaran ont développé des solidarités indispensables en milieu instable. L’utilité de l’équipier n’est pas une construction de l’esprit.
Quelques vigoureux chants de marins ont rythmé le séjour.
Un livret avec des lectures, des documents, des cartes a constitué un outil pour les recherches,ainsi qu'un carnet de bord constitué au fil des jours sollicitant des compétences en expression écrite et artistique.
Nous avions installé en 2003 un site Internet pourtant réactualisé qui avait connu 80 000 visites jusqu’au jour où un fonctionnaire CRDpesque l’a fermé sans daigner m’en avertir. Il est vrai, je suis hors circuit.
Se sont donc empilés dans nos bagages (de « Lann Bihoué ») :
1. Documents Bretagne 20 pages : histoire, géographie, sciences.
2. Livret de lectures de 15 morceaux choisis : d’Hemingway à un documentaire sur les phares.
3. Un cahier bleu : réponses de lecture et vocabulaire.
4. 20 poésies.
5. 10 chansons en livret.
Nous avions bourré nos coffres à trésor, de romans, de documentaires, de pinceaux, de vernis, de grandes feuilles comme pour des aventures Caraïbes.
Les domaines civiques, géographiques, technologiques, de l'éducation physique, de l’expression orale et écrite ressortent clairement pour les éducateurs. La découverte de nouvelles saveurs, de nouvelles camaraderies, de nouveaux rythmes, de nouvelles émotions, de nouvelles compétences, une autonomie plus affirmée, une paix plus grande, s’inscrivent dans l’expérience des élèves. Les journées étaient tellement pleines que le sevrage de télévision et de play station fut indolore, et pourquoi le masquer un part de mon plaisir. Séjour 12 étoiles. Allez, je l’accepte : « c’était trop bien ! »
Nous avons vécu 24 heures sur 24 des moments de prédilection et d’empreintes, témoins de l’évolution des relations du précepteur avec ses ouailles. Finis les petits bonsoirs affectueux comme il y a dix ans : une cohorte de pédophiles à forte teneur médiatique était passée par-là. Accompagner des enfants à la douche devenait un objet de gène alors que les joyeuses ribambelles sous leurs serviettes respiraient la santé. L’homophonie approximative et cruelle atteint le pédagogue. Finalement après la séquence nostalgie d’un paradis perdu, je savais mieux voir les abus d'une institutrice envahissante sous ses câlineries interdites aux hommes. « Ma puce », quand l'émotionnel ficelle la liberté du petit.
« Ce n’est pas en sortant du port, mais en y entrant qu’on détermine la réussite d’un voyage. » H.W Beecher
Nous avions choisi la Bretagne exotique pour les montagnards que nous sommes.
Voyage en train, traversée de la France : La Roche Migène sous la clarté de la lune.
Nous avons pratiqué les activités spécifiques à l’océan: pêche à pied, catamaran, kayak, étude d'une faune et d'une flore particulières, sorties à Concarneau, au Guilvinec. C’était grand !
Deux classes de la commune bénéficiaient du séjour. Des enseignantes en retraite apportaient leur expérience pour aider à l’encadrement de la vie collective. Nous avons partagé avec ces amis, travail, fatigue et plaisirs. Nous avons vécu intensément, à évoquer dans tous les rapports « le projet de l'école centré sur le développement de l'écoute et du langage », cette formule sent le procès-verbal administratif qui aime entendre : « nos préoccupations quotidiennes portent sur le civisme ».
L'océan et la Bretagne constituent des milieux propices à une ambiance de légendes, de contes. Comme chez les korrigans, en soirée, nous nous sommes regroupés au coin du feu d’une vraie cheminée et nous avons été enchantés.
La vie en groupe avec ses contraintes, ses découvertes a été une chance pour s'ouvrir aux autres. Les exigences des éducateurs du centre de Beg Porz à Kerfany s’inscrivaient tout à fait dans nos démarches. L'emploi du temps particulier pour cette classe « bleue »a incité à faire son lit, à s’asseoir pour déjeuner tranquillement, à bien dormir, à bien manger, à dire « bonjour ».
Nous n’avons pas dérogé non plus à nos fondamentaux :
La lecture s’imposait pour découvrir des écrits concernant le milieu maritime, les documentaires, pour identifier les prises recueillies dans l'aquarium et développer des informations sur celles-ci, et les romans pour perpétuer la vieille lubie de l’instit’ qui prie pour le livre quotidien.
L'activité poésie se maintenait sous la forme d'engagements nourris par un recueil consacré au thème de la mer. Les élèves ont présenté leur travail aux parents lors d’une soirée avec une projection de séquences tournées au caméscope.
Les apprentissages systématiques en grammaire, conjugaison, orthographe ont été mis entre parenthèses. Mais des opportunités nombreuses favorisaient la production d’écrits dont les rectifications ont alimenté un lexique personnalisé (correspondances, comptes-rendus, carnet de bord personnel, journal de classe de mer commun).
Nous avons également communiqué par Internet des informations hors de tout artifice, avec l’apprentissage d’une solitude inédite et collectivement en direction des parents et de l’école.
A la frontière entre mathématiques et lecture nous avons pris connaissance des horaires de trains et l'étude des nombres sexagésimaux a pu s'appuyer sur des préoccupations naturelles ; utilisation d'unités nouvelles ; étude des coûts ; notion de budget ; la réalisation de plans du centre en vue de la présentation aux parents entrait pleinement dans le domaine géométrique (échelles).
Quotidiennement, nous avons relevé des données météorologiques directement liées à nos emplois du temps. « Ouest France » y a pourvu. La lecture de plans s'est élargie aux cartes marines.
Et la situation de plain-pied des classes a favorisé des activités difficiles à mettre en place dans l'école habituelle : tels que des travaux manuels bruyants ou salissants, et le ping-pong et le football enfin possibles!
Le sort de chaque crevette des aquariums ne laissait personne indifférent. Les algues livraient quelques secrets après des expériences originales. Au chapitre unité du monde vivant, la matière ne manquait pas pour appliquer une approche écologique de l'environnement. Elle a activé sans doute une prise de conscience de problèmes tellement abstraits vus de notre quartier. Nous sommes entrés un peu dans la complexité de la compréhension du phénomène des marées. Nous avons mis en œuvre des notions d'orientation. En technologie des instructions et des conseils ont été prodigués pour les appareils photographiques de chacun et aussi pour le numérique de la classe.
La nouveauté des paysages a rendu plus marquantes des observations concernant des repères historiques. Les sorties diverses à travers cette partie de la Bretagne (habitat, activités des hommes...) ont apporté des éléments de comparaison pour une géographie vivante tout au long de l'année. Nous avons eu l’occasion rare d’étudier le travail des hommes : ostréiculteur, pêcheurs.
Une plage à marée haute puis basse nous a procuré l’occasion de deux séances de dessin sur le champ; nous avons essayé de saisir la multitude d'occasions offertes pour lire ces paysages. La proximité de Pont Aven célèbre pour son école de peinture a fourni une opportunité d'enrichir nos cultures artistiques.
La pratique du kayak avec des déplacements inédits et le catamaran ont développé des solidarités indispensables en milieu instable. L’utilité de l’équipier n’est pas une construction de l’esprit.
Quelques vigoureux chants de marins ont rythmé le séjour.
Un livret avec des lectures, des documents, des cartes a constitué un outil pour les recherches,ainsi qu'un carnet de bord constitué au fil des jours sollicitant des compétences en expression écrite et artistique.
Nous avions installé en 2003 un site Internet pourtant réactualisé qui avait connu 80 000 visites jusqu’au jour où un fonctionnaire CRDpesque l’a fermé sans daigner m’en avertir. Il est vrai, je suis hors circuit.
Se sont donc empilés dans nos bagages (de « Lann Bihoué ») :
1. Documents Bretagne 20 pages : histoire, géographie, sciences.
2. Livret de lectures de 15 morceaux choisis : d’Hemingway à un documentaire sur les phares.
3. Un cahier bleu : réponses de lecture et vocabulaire.
4. 20 poésies.
5. 10 chansons en livret.
Nous avions bourré nos coffres à trésor, de romans, de documentaires, de pinceaux, de vernis, de grandes feuilles comme pour des aventures Caraïbes.
Les domaines civiques, géographiques, technologiques, de l'éducation physique, de l’expression orale et écrite ressortent clairement pour les éducateurs. La découverte de nouvelles saveurs, de nouvelles camaraderies, de nouveaux rythmes, de nouvelles émotions, de nouvelles compétences, une autonomie plus affirmée, une paix plus grande, s’inscrivent dans l’expérience des élèves. Les journées étaient tellement pleines que le sevrage de télévision et de play station fut indolore, et pourquoi le masquer un part de mon plaisir. Séjour 12 étoiles. Allez, je l’accepte : « c’était trop bien ! »
Nous avons vécu 24 heures sur 24 des moments de prédilection et d’empreintes, témoins de l’évolution des relations du précepteur avec ses ouailles. Finis les petits bonsoirs affectueux comme il y a dix ans : une cohorte de pédophiles à forte teneur médiatique était passée par-là. Accompagner des enfants à la douche devenait un objet de gène alors que les joyeuses ribambelles sous leurs serviettes respiraient la santé. L’homophonie approximative et cruelle atteint le pédagogue. Finalement après la séquence nostalgie d’un paradis perdu, je savais mieux voir les abus d'une institutrice envahissante sous ses câlineries interdites aux hommes. « Ma puce », quand l'émotionnel ficelle la liberté du petit.
mardi 27 janvier 2009
La brioche
Une nouvelle recueillie dans le livre « Paroles d’enfance » édité par radio France chez Librio (3€) qui assemble des extraits de lettres, de journaux intimes épatants, émouvants.
« Nous étions extrêmement pauvres. J'allais avoir cinq ans. Mon père était parti travailler en France. Ma mère faisait du mieux qu'elle pouvait pour nous élever, mon frère et moi. Le mandat qu'elle recevait de France suffisait à peine à couvrir les dettes du mois. Sa principale préoccupation était de nous nourrir. Ma mère m'envoyait souvent chez ma tante Rosine qui n'était pas mariée et n'avait donc pas d'enfants. Pour lui tenir compagnie, me disait-elle.
L'heure du goûter n'évoque pas pour moi le moment délicieux entre la sortie des classes et la partie de billes, la bouche pleine de chocolat et de friandises, ça je l'ai connu un peu plus tard en France.
Non, le goûter était l'un des trois repas que l'on ne faisait souvent pas. En tout cas à la maison. Mais chez ma tante, j'avais toujours droit à une tranche de pain. Pain que ma tante pétrissait elle-même et cuisait une fois par mois au four communal. Le pain était frais et tendre la première semaine, ensuite il durcissait. A la fin du mois, je me souviens qu'il fallait le mettre à tremper pour pouvoir le manger. Nous étions tous les gosses à jouer dans la rue.
Vers 5 heures, une mère, du pas de la porte, appelait : « Tonino, Giuseppe, a mangiare ». C'était comme un signal. Alors de chaque porte ou fenêtre, apparaissait une tête pour appeler son petit. Nous nous précipitions. Chacun chez soi. Il n'était pas de coutume en ce temps-là de s'inviter aux goûters. Même pour son anniversaire. Les jours fastes, ma tante étalait sur le pain un filet d'huile d'olive et la saupoudrait parcimonieusement de sucre. Et je replongeais dans la rue rejoindre mes camarades de jeux.
Un jour, en train de croquer ma tranche de pain, je vois ma petite voisine, sur le pas de sa porte, qui mangeait quelque chose que je n’avais encore jamais vu.
Intrigué, je m'approche et je lui demande ce qu'elle mange.
« Tu vois bien, c'est de la brioche, tu connais pas ? » « Ben non. » « Alors goûte. » Et elle me tend cette brioche prise entre le pouce et l'index qu’elle dépose dans ma bouche. Je n'avais jamais goûté quelque chose d'aussi mou, d'aussi tendre, d'aussi sucré.
« Tu vois, me dit-elle, pour goûter on a toujours de la brioche, maman me donne dix lires pour aller l'acheter à la boulangerie. » « Tu manges jamais de pain ? » « Ah non ! ». Je retourne chez ma tante et lui dis : « Je ne veux plus manger de pain au goûter, pourquoi tu m'achètes pas de la brioche comme le fait la mère d'Angela ? » « Mais malheureux, que dis-tu là? Jésus s’il t'entend te punira si tu ne lui demandes pas pardon ! Tu sais pourquoi elle mange de la brioche ? » « Non. »« Parce que ses parents sont tellement pauvres qu'ils ne peuvent pas se payer du pain ! Voilà pourquoi elle est obligée de manger de la brioche. Tu devrais remercier le Seigneur d'être dans une famille qui ne manque pas de pain »
Je me suis retrouvé tout penaud, malheureux d'avoir envié quelqu'un de plus pauvre que moi.
Je me voyais déjà condamné à manger de la brioche par la colère de Dieu qui ne manquerait pas de me priver de pain si je ne me rachetais pas. Je me suis alors précipité à l'église et je suis allé m'agenouiller au pied de l'immense crucifix. Tout en demandant à Jésus de ne jamais me faire manquer de pain, j'ai eu une pensée pour ma petite voisine et je l'ai remercié d'avoir donné quand même un si bon goût à la brioche, pour l'aider à mieux supporter son malheur. »
« Nous étions extrêmement pauvres. J'allais avoir cinq ans. Mon père était parti travailler en France. Ma mère faisait du mieux qu'elle pouvait pour nous élever, mon frère et moi. Le mandat qu'elle recevait de France suffisait à peine à couvrir les dettes du mois. Sa principale préoccupation était de nous nourrir. Ma mère m'envoyait souvent chez ma tante Rosine qui n'était pas mariée et n'avait donc pas d'enfants. Pour lui tenir compagnie, me disait-elle.
L'heure du goûter n'évoque pas pour moi le moment délicieux entre la sortie des classes et la partie de billes, la bouche pleine de chocolat et de friandises, ça je l'ai connu un peu plus tard en France.
Non, le goûter était l'un des trois repas que l'on ne faisait souvent pas. En tout cas à la maison. Mais chez ma tante, j'avais toujours droit à une tranche de pain. Pain que ma tante pétrissait elle-même et cuisait une fois par mois au four communal. Le pain était frais et tendre la première semaine, ensuite il durcissait. A la fin du mois, je me souviens qu'il fallait le mettre à tremper pour pouvoir le manger. Nous étions tous les gosses à jouer dans la rue.
Vers 5 heures, une mère, du pas de la porte, appelait : « Tonino, Giuseppe, a mangiare ». C'était comme un signal. Alors de chaque porte ou fenêtre, apparaissait une tête pour appeler son petit. Nous nous précipitions. Chacun chez soi. Il n'était pas de coutume en ce temps-là de s'inviter aux goûters. Même pour son anniversaire. Les jours fastes, ma tante étalait sur le pain un filet d'huile d'olive et la saupoudrait parcimonieusement de sucre. Et je replongeais dans la rue rejoindre mes camarades de jeux.
Un jour, en train de croquer ma tranche de pain, je vois ma petite voisine, sur le pas de sa porte, qui mangeait quelque chose que je n’avais encore jamais vu.
Intrigué, je m'approche et je lui demande ce qu'elle mange.
« Tu vois bien, c'est de la brioche, tu connais pas ? » « Ben non. » « Alors goûte. » Et elle me tend cette brioche prise entre le pouce et l'index qu’elle dépose dans ma bouche. Je n'avais jamais goûté quelque chose d'aussi mou, d'aussi tendre, d'aussi sucré.
« Tu vois, me dit-elle, pour goûter on a toujours de la brioche, maman me donne dix lires pour aller l'acheter à la boulangerie. » « Tu manges jamais de pain ? » « Ah non ! ». Je retourne chez ma tante et lui dis : « Je ne veux plus manger de pain au goûter, pourquoi tu m'achètes pas de la brioche comme le fait la mère d'Angela ? » « Mais malheureux, que dis-tu là? Jésus s’il t'entend te punira si tu ne lui demandes pas pardon ! Tu sais pourquoi elle mange de la brioche ? » « Non. »« Parce que ses parents sont tellement pauvres qu'ils ne peuvent pas se payer du pain ! Voilà pourquoi elle est obligée de manger de la brioche. Tu devrais remercier le Seigneur d'être dans une famille qui ne manque pas de pain »
Je me suis retrouvé tout penaud, malheureux d'avoir envié quelqu'un de plus pauvre que moi.
Je me voyais déjà condamné à manger de la brioche par la colère de Dieu qui ne manquerait pas de me priver de pain si je ne me rachetais pas. Je me suis alors précipité à l'église et je suis allé m'agenouiller au pied de l'immense crucifix. Tout en demandant à Jésus de ne jamais me faire manquer de pain, j'ai eu une pensée pour ma petite voisine et je l'ai remercié d'avoir donné quand même un si bon goût à la brioche, pour l'aider à mieux supporter son malheur. »
lundi 26 janvier 2009
Frozen River
Pour le lieu parmi les glaces, viennent les références à « Fargo », pour les frontières problématiques voir « Trois enterrements », mais ce premier film a sa propre identité au charme rafraîchissant, si l’on peut se permettre. Je l’ai lu ailleurs, mais c’est vraiment ça : un film de femme, plus qu’un « thriller » tel que Tarantino l’a qualifié dans la publicité. Dans un milieu pauvre, où les cabanes en bois ne sont pas vraiment romantiques, où la réserve indienne recèle plus d’opportunités pour survivre que de richesses folkloriques, deux femmes arrivent à s’entendre pour garder la tête un peu hors de l’eau. La vision est documentaire, les actrices excellentes, l’histoire prenante et malgré tout, venant du diable vauvert : l’espoir. La dignité de ces femmes dégèle toutes les glaces du pessimisme. Et le jeune gars qui anime son manège de bric et de broc en clôture du film vaut toutes les ribambelles d’animateurs masqués de tous les Disneylands.
dimanche 25 janvier 2009
L’école des femmes
Jean Pierre Vincent regrette la pente de notre époque qui va au tragique, il veut réhabiliter le rire. Cette tendance est sûrement vraie dans les propositions théâtrales, mais ailleurs les rires enregistrés constituent un bruit de fond sinistre. Il est vrai que souvent, je préfère le sourire au rire, tandis que la « vis comica » de Molière m’a peu atteint contrairement à la salle qui a visiblement apprécié Auteuil en particulier qui me faisait penser trop souvent à De Funès. Il paraît que Michel Bouquet avait joué Arnolphe en personnage tragique. Je serais curieux de voir cette interprétation, car malgré ses maladresses, le tyran domestique est assez pathétique avec son amour. Son obsession de ne pas être cocu m’a semblée datée et malgré son charme la langue du XVIII° m’apparaît de plus en plus étrangère. Pourtant les vers coulent de source et les situations, les sentiments sont finement décrits. En ce moment, je mettrais volontiers un La Bruyère plus haut que, l’omniprésent Molière et ses barbons. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à toutes ces femmes qui sont recluses au XXI°, elles ne peuvent s’échapper par des pirouettes galantes avec des hommes qui eux ne quittent pas la scène, vaincus; et pour l’heure ce n’est pas rigolo.
samedi 24 janvier 2009
Les profs
BD aux éditions Bamboo qui ont aussi commis des albums sur les gendarmes, les pompiers, les rugbymen, les maîtres nageurs… mais le succès de cette série consacrée aux profs, comportant 11 volumes, prouve qu’il y avait un marché pour cet humour de bon aloi à déguster entre professionnels. Si un assureur est aussi adepte de la pétanque, voilà deux bonnes raisons de vendre des albums pour cette maison d’édition. Ce n’est pas d’une innovation folle, mais parfois Pica et Erroc tapent juste. J’en avais feuilleté quelques exemplaires vite oubliés dans les rayonnages de super marché, un double cadeau me permet de réviser ces portraits rigolards et sympathiques. La série tient plus « des bronzés en salle des profs » que d’ « entre les murs » mais les auteurs sont documentés et leurs traits valent ceux des responsables des rubriques éducation de bien des publications dont je m’abreuve. Dans la comédie humaine, une dose d’humour est salutaire comme le café en gobelet issu de la mythique machine à café. Les échantillons allant de la prof séductrice, au pleurnichard, au froussard sont vraiment fidèles à la réalité, de même que leur volonté de réduire l’ignorance d’une bande d’élèves qui cherchent à en faire le moins possible. Gentillet.
jeudi 22 janvier 2009
« Eduquer, c’est mourir »
Soit le silence qui suit cette sentence est porteur de pensée, soit la consternation vous gagne et vous n’entendez plus le ronron qui se rattrape aux branches des paradoxes « parce qu’il faut vivre pour mourir ». « Cause toujours ma poule, j’tembrouille »
J’aime parfois les psychanalystes, ils vous bousculent grave, ils sont tellement joueurs de mots, bienvenus au club des poètes ! J’ai eu, récemment, l’occasion d’en écouter une, au milieu d’éducateurs, autour de la question d’éduquer, action qui m’a occupé jusque là pas mal d’heures. Depuis longtemps je n’avais pas brandi mon appartenance à l’éducation nationale, mais quand j’ai jugé que trop de torts étaient attribués aux travailleurs de l’école, j’ai eu un retour de refoulé corporatiste.
Puisqu’il semble qu’éduquer soit une façon de parler, bien que son institution soit construite sur le vide (la parole), les mots, gros, n’ont pas manqué : "béance", "impossibilité", voire "éduquer, c’est mourir". Mais je suis mithridatisé.
La forte connotation psy autorise les jeux de mots (expert=ex-père), les images symboliques (« l’éducation, c’est une façon de disposer les fleurs dans le vase narcissique ») et l’autodérision : « en psychanalyse si vous prenez un voyou, à la sortie vous obtiendrez un voyou psychanalysé ».
Mais sur ce constat, on ne peut plus vide, il semble qu’à l’impossible soient tenus les éducateurs, non pas pour réduire les symptômes, bien que la demande politique avec ses grilles évaluatives penche de ce côté, mais pour aider à affronter la douleur d’exister, sacrifier ses pulsions. Il s’agit de surmonter la jouissance qui vous laisse au lit tout le temps pour entrer dans le désir qui vous fait gagner le lit, de temps en temps. J’ai bien voulu être frappé par le nombre important de cas dont les souffrances sont liées aux troubles du sommeil. Cela rejoint une de mes perceptions concernant les décalages sociaux entre le monde de la nuit peuplé de solitaires engloutis par leurs machines informatiques et le temps ensoleillé où peuvent s’apercevoir les autres, en vrai. Au fait quel temps fait-il, aujourd’hui ?
En ces temps de souffrance économique, j’ai mis du temps à comprendre qu’ « inscrire les gens dans la dette » (devoir) pouvait être positif, pour que ceux-ci sortent de la demande qui empêche le désir. Renoncer à être un objet dévoré par les images, mais s’inscrire dans une histoire en évitant de s’en raconter, des histoires, se réordonner. Même si remettre ses affaires en place peut faire du bruit.
La tache des travailleurs sociaux est des plus difficiles, envahis par les comptages administratifs, les formations là aussi tendent à devenir technocratiques.
La question d’Hölderlin « Pourquoi des poètes, en ces temps de détresse ? » risque de rencontrer le silence, même si c’est bien dit.
ACDA
Je fréquente cette année les Ateliers de Création et de Développement Artistique (ACDA) sur la zone industrielle de Saint Egrève.
J’ai choisi « modèles vivants » avec « maître » Blanc Brude qui dirige avec énergie cet atelier. Mais pour 270€, je peux avoir accès à d’autres cours de gravure, de modelage, d’aquarelle… (30h par semaine). Je réapprends à dessiner en essayant de saisir le mouvement d’une danseuse, ou la grâce d’une jeune femme prenant la pose un instant.
Je redécouvre le plaisir enfantin de m’amuser avec des crayons neufs, des papiers nouveaux quitte à gâcher pas mal de feuilles. Un travail, un plaisir.
Le premier jour au bout de trois heures j’étais épuisé pour avoir manié mon seul crayon 8B, alors que la jeune femme, qui en gestes déliés, avait évolué tout ce temps, restait tout à fait fraîche.
mercredi 21 janvier 2009
Géo. Faire classe # 18
Science de l’extérieur, elle tapisse l’intérieur de la classe.
Au mur, 1. une carte de la commune est affichée et montre l’école, des quartiers, des bâtiments caractéristiques. Le pourtour de la ville est reporté sur 2. une carte de Cassini voisine représentant une partie du département au XVIIIième siècle, son contour s’inscrit sur 3. la carte en relief de la région, indiquée elle-même sur 4. la carte de France, reportée à son tour sur 5. la carte politique de l’Europe, elle aussi en évidence sur 6. la carte du monde.
De chacune de ces cartes gigognes partent des fils de laine reliés aux cartes postales des vacances, de photographies de lieux évoqués dans les entretiens. Equivalent collectif de « mes mots » en orthographe : « mes images ». Présente depuis toujours, une photographie d’une classe du Cameroun rappelle les conditions de travail très difficiles dans ces contrées. Les élèves de là bas parcouraient une bonne dizaine de kilomètres par jour pour se rendre à des cours bien déficients, dans des locaux délabrés.
« D’où je parle ? » « Savoir où j’habite. »
Chaque année des volontaires prêtaient à la classe leurs globes terrestres qui restaient bien sûr toujours à portée de main et de rêve des camarades, pas en haut de placard fermé.
« Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! » Baudelaire
Dans le couloir conduisant à la bibliothèque, dans de beaux cadres, des photographies aériennes de l’agglomération, du quartier avant et après son urbanisation, égayaient les murs.
Bien sûr, nos sorties dans le Vercors pour le ski, nos classes de mer en Bretagne furent des moments privilégiés pour contredire l’ idée toute faite qui prend les français pour des nuls en géographie.
Terre à terre : retour de vacances, le littoral et les visages de la France en liaison avec l’expression artistique ; le nez bourgeonnant de la Bretagne. Les climats : liaison avec les sciences et les instruments de mesure : reprise des climats du monde ; nuances chez les tempérés. Après les rides des reliefs, la population de la France et le travail des hommes, la région Rhône Alpes la physique et l’humaine. Diapositives, petits films, papiers calques et crayons de couleurs.
Autour de l’Europe : un exposé à préparer à deux s’élabore autour d’une bonne douzaine de pays avec des statuts différents : lettre aux ambassades, calendrier prévisionnel pour la programmation des présentations, grille commune de renseignements à rechercher, notes évaluées par les acteurs et les spectateurs, critiques. Les duos rivalisent d’originalité depuis le jour légendaire où une maman a préparé, dès le petit déjeuner, des frites destinées à chaque auditeur se formant ainsi une idée plus vivante de la Belgique. D’autres s’attirent les faveurs du jury par des musiques, bienvenue dans la langue du pays, petits drapeaux montés sur de cure-dents, interro-écrite par les présentateurs, gâteaux.
mardi 20 janvier 2009
Michel Zevaco , la fureur de lire
Premier épisode: Atelier d’écriture
Quelle idée d’avoir proposé « bibliothèque » ! Tout à coup tu te dessèches, crevant d’ennui sur un banc d’école, rêvant à tes cabanes dans le bosquet aux sources de la Riante. Tu aimes les livres pourtant… La perspective d’un devoir à accomplir a-t-elle réveillé en toi la rébellion enfantine ?
Et pourtant tu aimes les livres et fréquentes « la » bibliothèque municipale.
Le mot imposé « bibliothèque » t’a agacée comme l’aurait fait un acouphène, une piqûre d’insecte, une fuite de robinet !
Jouer sur le mot, faire de l’esprit. Bof !
« Bon d’accord ? On prend ce mot comme déclencheur d’écriture … »
Et sniff ! A nous la poussière !
Bibi t’es toqué, la bibine en teck, la bible high tech, la bible en tchèque, l’habit bio-tech. Bref ça te « gratte » comme disent les gosses à juste titre : tu ne connais point de relation plus intime que celle d’une peau avec une puce. Et quand puce il y a on ne sait plus qui est tu et qui est moi.
De gratter le papier, aucune envie, mais l’obsession de t’y mettre te persécute au coucher, au lever, au petit déj, pendant les balades en montagne.
Et pourtant tu fréquentes une bibliothèque fort bien pourvue. Et pourtant tu aimes lire, et pourtant tu dévores des livres. Tu en as souvent trois en chantier que tu laisses bavarder entre eux : cela te repose de les laisser se critiquer ou s’aduler tandis que tu somnoles, que tu ronfles doucettement au tiède d’un fauteuil.
Deuxième épisode : Retour dans le passé
Tu as 13 ans. Ce que tes mère et tantes nomment « livres » ce sont des magazines édités après guerre : Confidences, Nous Deux, Bonnes soirées. Elles se les refilent. Tu les dérobes, les emportes dans ton coin secret ces éducateurs de vie sentimentale absolument cons. Et tu te gaves de feuilletons sucrés et moralisateurs. Tu sors de ces lectures les yeux hagards, les guibolles flageolantes : « T’as encore passé l’après midi à lire, tu ferais mieux de m’aider, dit ta mère. » Tu considères, vaguement honteuse, cette femme si terre à terre, aux ongles mal soignés, aux préoccupations grossières (comment finir le mois !) Ne voit-elle pas en sa fille l’émergence future (l’an prochain) d’une princesse adulée, d’une star du cinéma (Paramount), d’une assistante (faut quand même pas en demander trop !) de grand savant. Hein comment peut-elle l’ignorer ? Seuls les livres te comprennent et ton chien Adam si bien nommé, car il a de fameux crocs.
Au village de Caudry-en-Cambrésis (59), à l’époque, il n’y a pas de bibli. municipale. Il y a bien la bibli. de la paroisse tenue par une célibataire d’âge canonique pourvue d’un sublime jardin où nous pouvons nous égarer avec les abeilles et une Vie de Sainte. La vie des saintes est plus passionnante que celle des saints parce que les premières réagissent mieux aux différents martyrs, qu’elles laissent à leur passion des morceaux d’elles-mêmes. Mais leur vie est quand même insipide. Pas d’amants, de prétendants, d’amoureux. Vouées à des morts précoces, elles aiment un homme qui n’existe que dans le ciel, un homme sans bras vigoureux, sans voiture de course, sans compte en banque. Elles passent leur vie à se faire bouffer par des lions, ou dans le meilleur des cas à astiquer les parquets sous les quolibets des non initiées jusqu’à ce qu’elles choppent la tuberculose. Alors on les aime car elles vont avoir l’auréole.
D’autres mystères essentiels t’intéressaient mais les « livres » des tantes n’étaient guère explicites en la matière et que dire des leçons « live » du bouc et de la chèvre si dépourvues de poésie ?
Il y avait bien la bibli laïque : cinquante volumes dans l’armoire de la classe de quatrième du cours complémentaire : « Petite Fadette » , « Sans Famille », « En Famille », « Fabiola », « Ben Hur ». Les martyrs ne sont jamais loin même chez Jules Ferry.
Vous vous battiez pour les deux ou trois volumes les plus croustillants. Il y avait une liste d’attente. En juillet vous recouvriez de papier craft les livres usés ; on vous apprit même à les relier. Refaire un livre était passionnant, requerrait habileté et affection. Les grillons chantaient, vous attendiez les mois d’ennui des grandes vacances. Peut-être que l’amour ? Ce grand escogriffe aux mollets prometteurs sur son vélo de course et qui ne vous regardait pas.
Troisième épisode
La rencontre survint pourtant et ce ne fut pas dans une bibliothèque. Présidèrent à cet événement un film suivi d’un larcin.
On projetait au village, sur un drap tendu dans le parc municipal, un film qui mit en émoi toutes les cellules de ton organisme. Cela se passait dans la Tour de Nesle ; une terrible Marguerite de Bourgogne s’y livrait à des orgies. Ah le beau mot ! Comme il t’a fait rêver, imaginer ! Le héros ? Un magnifique personnage à la Mandrin, à la Robin des bois. Amoureuse folle du personnage, tu assistas aux trois épisodes de samedi en samedi et morte de chagrin après la disparition de l’élu, tu t’es traînée en état second de la maison au collège, de l’évier au lavoir, de ton lit à ton lit. C’était donc fini cet enchantement ? Tu ne verrais plus bondir le héros, de chevaux en murailles, de murailles en chevaux, de bras de belles en bras de plus belles, et bientôt dans tes bras à toi !
Il y avait une librairie à Caudry-en-Cambrésis (59)… Timidement tu as demandé si se vendait un livre dont on avait fait un film récent, Tour de Nesle et compagnie.
- Je dois le commander, te dit le libraire poupin. C’est un très gros roman vous savez. Cher (on n’avait pas encore inventé le pocket book) L’auteur, Mademoiselle, est Michel Zevaco.
Tu as commandé. Tu as volé dans la caisse de la boulangerie maternelle. Une pièce chaque jour pour masquer le larcin. La transgression est-elle nécessairement l’entrée en liberté ?
Un jeudi tu as réceptionné un gros bouquin qui n’entrait pas dans ton cartable.
Tu es entrée en religion. Tu ne quittais plus ta tour, te nourrissant d’eau, de sang, d’amours pirates.
Quand la lecture fut terminée, que ton amour t’eut quittée, il fut bien inutile d’essayer de réparer la rupture en relisant ici et là un passage. La passion ne fait pas marche arrière, quand bien même s’agirait-il d’une passion de papier.
Epilogue
Bien des années plus tard, te remémorant tes émois de lectrice devenue autonome, tu as constaté, mortifiée, que tu avais oublié le nom du héros volatile, sans avoir perdu pour autant celui de la sanguinaire bourguignonne.
Google a colmaté le trou de mémoire. Ton héros avait le sourire de ton père sur la toile blanche du parc municipal. L’aventurier intrépide se nommait Buridan. Rien à voir avec Buridan et son âne.
A treize ans tu as englouti les romans de Zevaco et autres auteurs de cap et d’épée. Jamais tu n’as retrouvé le goût du premier roman acheté en douce à Caudry-en-Cambrésis(59).
Alors de désespoir tu as épousé un rat de bibliothèque.
Marie Trèze
Quelle idée d’avoir proposé « bibliothèque » ! Tout à coup tu te dessèches, crevant d’ennui sur un banc d’école, rêvant à tes cabanes dans le bosquet aux sources de la Riante. Tu aimes les livres pourtant… La perspective d’un devoir à accomplir a-t-elle réveillé en toi la rébellion enfantine ?
Et pourtant tu aimes les livres et fréquentes « la » bibliothèque municipale.
Le mot imposé « bibliothèque » t’a agacée comme l’aurait fait un acouphène, une piqûre d’insecte, une fuite de robinet !
Jouer sur le mot, faire de l’esprit. Bof !
« Bon d’accord ? On prend ce mot comme déclencheur d’écriture … »
Et sniff ! A nous la poussière !
Bibi t’es toqué, la bibine en teck, la bible high tech, la bible en tchèque, l’habit bio-tech. Bref ça te « gratte » comme disent les gosses à juste titre : tu ne connais point de relation plus intime que celle d’une peau avec une puce. Et quand puce il y a on ne sait plus qui est tu et qui est moi.
De gratter le papier, aucune envie, mais l’obsession de t’y mettre te persécute au coucher, au lever, au petit déj, pendant les balades en montagne.
Et pourtant tu fréquentes une bibliothèque fort bien pourvue. Et pourtant tu aimes lire, et pourtant tu dévores des livres. Tu en as souvent trois en chantier que tu laisses bavarder entre eux : cela te repose de les laisser se critiquer ou s’aduler tandis que tu somnoles, que tu ronfles doucettement au tiède d’un fauteuil.
Deuxième épisode : Retour dans le passé
Tu as 13 ans. Ce que tes mère et tantes nomment « livres » ce sont des magazines édités après guerre : Confidences, Nous Deux, Bonnes soirées. Elles se les refilent. Tu les dérobes, les emportes dans ton coin secret ces éducateurs de vie sentimentale absolument cons. Et tu te gaves de feuilletons sucrés et moralisateurs. Tu sors de ces lectures les yeux hagards, les guibolles flageolantes : « T’as encore passé l’après midi à lire, tu ferais mieux de m’aider, dit ta mère. » Tu considères, vaguement honteuse, cette femme si terre à terre, aux ongles mal soignés, aux préoccupations grossières (comment finir le mois !) Ne voit-elle pas en sa fille l’émergence future (l’an prochain) d’une princesse adulée, d’une star du cinéma (Paramount), d’une assistante (faut quand même pas en demander trop !) de grand savant. Hein comment peut-elle l’ignorer ? Seuls les livres te comprennent et ton chien Adam si bien nommé, car il a de fameux crocs.
Au village de Caudry-en-Cambrésis (59), à l’époque, il n’y a pas de bibli. municipale. Il y a bien la bibli. de la paroisse tenue par une célibataire d’âge canonique pourvue d’un sublime jardin où nous pouvons nous égarer avec les abeilles et une Vie de Sainte. La vie des saintes est plus passionnante que celle des saints parce que les premières réagissent mieux aux différents martyrs, qu’elles laissent à leur passion des morceaux d’elles-mêmes. Mais leur vie est quand même insipide. Pas d’amants, de prétendants, d’amoureux. Vouées à des morts précoces, elles aiment un homme qui n’existe que dans le ciel, un homme sans bras vigoureux, sans voiture de course, sans compte en banque. Elles passent leur vie à se faire bouffer par des lions, ou dans le meilleur des cas à astiquer les parquets sous les quolibets des non initiées jusqu’à ce qu’elles choppent la tuberculose. Alors on les aime car elles vont avoir l’auréole.
D’autres mystères essentiels t’intéressaient mais les « livres » des tantes n’étaient guère explicites en la matière et que dire des leçons « live » du bouc et de la chèvre si dépourvues de poésie ?
Il y avait bien la bibli laïque : cinquante volumes dans l’armoire de la classe de quatrième du cours complémentaire : « Petite Fadette » , « Sans Famille », « En Famille », « Fabiola », « Ben Hur ». Les martyrs ne sont jamais loin même chez Jules Ferry.
Vous vous battiez pour les deux ou trois volumes les plus croustillants. Il y avait une liste d’attente. En juillet vous recouvriez de papier craft les livres usés ; on vous apprit même à les relier. Refaire un livre était passionnant, requerrait habileté et affection. Les grillons chantaient, vous attendiez les mois d’ennui des grandes vacances. Peut-être que l’amour ? Ce grand escogriffe aux mollets prometteurs sur son vélo de course et qui ne vous regardait pas.
Troisième épisode
La rencontre survint pourtant et ce ne fut pas dans une bibliothèque. Présidèrent à cet événement un film suivi d’un larcin.
On projetait au village, sur un drap tendu dans le parc municipal, un film qui mit en émoi toutes les cellules de ton organisme. Cela se passait dans la Tour de Nesle ; une terrible Marguerite de Bourgogne s’y livrait à des orgies. Ah le beau mot ! Comme il t’a fait rêver, imaginer ! Le héros ? Un magnifique personnage à la Mandrin, à la Robin des bois. Amoureuse folle du personnage, tu assistas aux trois épisodes de samedi en samedi et morte de chagrin après la disparition de l’élu, tu t’es traînée en état second de la maison au collège, de l’évier au lavoir, de ton lit à ton lit. C’était donc fini cet enchantement ? Tu ne verrais plus bondir le héros, de chevaux en murailles, de murailles en chevaux, de bras de belles en bras de plus belles, et bientôt dans tes bras à toi !
Il y avait une librairie à Caudry-en-Cambrésis (59)… Timidement tu as demandé si se vendait un livre dont on avait fait un film récent, Tour de Nesle et compagnie.
- Je dois le commander, te dit le libraire poupin. C’est un très gros roman vous savez. Cher (on n’avait pas encore inventé le pocket book) L’auteur, Mademoiselle, est Michel Zevaco.
Tu as commandé. Tu as volé dans la caisse de la boulangerie maternelle. Une pièce chaque jour pour masquer le larcin. La transgression est-elle nécessairement l’entrée en liberté ?
Un jeudi tu as réceptionné un gros bouquin qui n’entrait pas dans ton cartable.
Tu es entrée en religion. Tu ne quittais plus ta tour, te nourrissant d’eau, de sang, d’amours pirates.
Quand la lecture fut terminée, que ton amour t’eut quittée, il fut bien inutile d’essayer de réparer la rupture en relisant ici et là un passage. La passion ne fait pas marche arrière, quand bien même s’agirait-il d’une passion de papier.
Epilogue
Bien des années plus tard, te remémorant tes émois de lectrice devenue autonome, tu as constaté, mortifiée, que tu avais oublié le nom du héros volatile, sans avoir perdu pour autant celui de la sanguinaire bourguignonne.
Google a colmaté le trou de mémoire. Ton héros avait le sourire de ton père sur la toile blanche du parc municipal. L’aventurier intrépide se nommait Buridan. Rien à voir avec Buridan et son âne.
A treize ans tu as englouti les romans de Zevaco et autres auteurs de cap et d’épée. Jamais tu n’as retrouvé le goût du premier roman acheté en douce à Caudry-en-Cambrésis(59).
Alors de désespoir tu as épousé un rat de bibliothèque.
Marie Trèze
lundi 19 janvier 2009
Les plages d’Agnès
Ce film personnel d’Agnès Varda parle à chacun.
Un puzzle, malin et espiègle, épatant, pudique, inventif, pétillant, si peu mélancolique, intuitif et complètement maîtrisé, Sète et Noirmoutier, la « nouvelle vague », des miroirs, des couleurs vives, les photos, les films, les manifs, l’enfance, les enfants, Demy, Calder, Magritte, Los Angeles, les veuves, les filets, les bateaux, la voile latine, Braque.
Elle glane et chine et c’est plein de trouvailles.
Un bol de jouvence par une cinéaste enfantine qui joue ; elle joue à avoir 80 balais.
C’est ça le cinéma, du grand, de l’intime, celui qu’on aime.
Un puzzle, malin et espiègle, épatant, pudique, inventif, pétillant, si peu mélancolique, intuitif et complètement maîtrisé, Sète et Noirmoutier, la « nouvelle vague », des miroirs, des couleurs vives, les photos, les films, les manifs, l’enfance, les enfants, Demy, Calder, Magritte, Los Angeles, les veuves, les filets, les bateaux, la voile latine, Braque.
Elle glane et chine et c’est plein de trouvailles.
Un bol de jouvence par une cinéaste enfantine qui joue ; elle joue à avoir 80 balais.
C’est ça le cinéma, du grand, de l’intime, celui qu’on aime.
dimanche 18 janvier 2009
Les possédés.
Un monument. Six heures de spectacle avec bortch à l’un des entractes : une expérience pas forcément fatigante, même s’il faut reconnaître des fléchissements de l’attention. Quelle chance d’accéder à cette œuvre majeure grâce à Chantal Morel, sans s’encombrer avec les multiples patronymes russes, en se délectant des questions éternelles posées violemment par Fédor Dostoïevski ! « Autant de richesse et si peu de joie - c’est dégoûtant pour moi »est une petite phrase mise en évidence sur le document distribué à l’entrée, mais il y en a tant de ces pensées qui tapent juste, que même si certaines échappent, assister à cette pièce, c’est comme ouvrir un coffre rempli de pépites de théologie, de politique, de psychologie, de dramaturgie, de poésie. Ecrit en 1870 : c’est ébouriffant d’actualité par exemple quand l’humaniste parasite mais émouvant demande ce qu’il y a de plus important : Shakespeare ou une paire de bottes ? Je me retrouvais dans une discussion récente au sein de notre association politique. L’observation aigüe des comportements humains, des passions, du fonctionnement des groupes, semblait datée de cette nuit. Les interrogations concernant Dieu, la mort ne sont pas plaqués sur une agitation de personnages, mais incarnées, les mots ne sont pas qu’un bruitage. La mort peut venir des mots. Nous sortons plus riches.
samedi 17 janvier 2009
Proximité.
Bien sûr ce mot fait partie des mots qui s’usent comme « interpeller » et tant d’autres : « Jeune entreprise dynamique recherche personne talentueuse aimant les défis ». C’est pourtant dans ses parages que nous avons abordé bien des sujets dans notre première réunion politique 2009.
Proximité. Quand fut évoquée une recherche de meilleure efficacité administrative, la disparition éventuelle de l’échelon départemental est apparue à certains comme un éloignement du citoyen, et une aggravation des risques de désintérêt de la politique. Alors que la soumission aux intérêts particuliers, voire le clientélisme, empêche toute audace au bénéfice de l’intérêt général : une réplique du débat qui n’a pas manqué au moment des européennes et qui reviendra.
Proximité. La taille des écoles appelle aussi le sujet : la divergence était nette entre ceux qui sont de la maison et ceux qui ne voient pas où est le problème des grandes structures à priori plus économiques. Une certaine culture instit’ tient à la responsabilité dans le travail, se montre rétive aux chefs qui ne manquent pas de peser quand vient le temps des gestionnaires, des cohortes, des colonnes, des ratios. L’école n’est pas qu’un nombre d’élèves, elle est le point central d’un village, d’un quartier, elle doit être proche, dispensée par des proches (des écoles).
Proximité. A fabriquer nos petits débats avec nos petites mains sans nous assoupir devant les talk show des autres, sous vitre, à point d’heure, nous recherchons plus d’adhésion à nos démarches militantes, bien que des Dray ne nous facilitent pas vraiment la tache. Nous confectionnons cependant notre pelote. Il nous reste à souhaiter que le jour où nos élus seront débarrassés du cumul des mandats, ils seront plus disponibles pour se tenir aux côtés de leurs administrés. Leur expertise viendra plus de la fréquentation des citoyens que d’une filière spécialisée stérilisante où dit-on les experts se perdent parfois.
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Petite Nouvelle réjouissante : Deux journalistes, femmes, F. Fressoz et M.E. Malouines ont refusé la légion d’honneur : « pour exercer librement sa fonction, un journaliste doit rester à l’écart des honneurs » Elles ne travaillent pas à la télévision « sans pub mais soumise » mais au « Monde » et à «France Info » : respect.
vendredi 16 janvier 2009
Sur la plage de Chesil
Une fois encore, j'ai apprécié l’auteur anglais Yann Mc Evan; j'ai été ému, d'autant plus que je ne connaissais pas la conclusion.
Le livre s’achève par un travelling vif et puissant sur deux vies, alors que les pages précédentes se focalisaient sur la nuit de noces avec subtilité, intensité : unité de lieu, de temps.
Le terme « jouissif » vient pour évoquer le plaisir à profiter d’une écriture tout en finesse,mais l’adjectif serait déplacé pour caractériser ce moment sensuel et très pudique. Dans ce bref roman tout en dentelles, l’auteur nous balade entre le sourire quand la fermeture éclair se coince, et les jeux où il sait montrer et cacher, où l’acmé se fait attendre. Les deux tourtereaux semblent promis au bonheur, ils pensent se dégager de leurs histoires familiales et puis…
Contrairement à certains critiques qui soulignent l’importance de la date : au début des années soixante, je pense que ce récit peut parler à tout le monde.
Aujourd’hui, si tout se dit autour du sexe, les malentendus persistent.
Beaucoup parlent de chef d’œuvre, évoquent Stendhal, c’est un plaisir.
jeudi 15 janvier 2009
Boli.
Eh non, pas mon « Basilou » qui propulsa le ballon au fond des filets du Milan AC en 93 pour une coupe aux grandes oreilles, aujourd’hui pris dans la nasse UMP.
Non c’est une autre manifestation de la divinité que nous avons acquise à la galerie Kanaga au 5 rue Chenoise à Grenoble. En raison de l’avancée de l’Islam, bien des objets de culte traditionnels en Afrique, sont désenvoûtés et viennent garnir nos bobos intérieurs. Ses formes élémentaires, bovines, nous ont séduit. C’est une sorte d’autel, gardien des fétiches. Au moment où quelqu’un veut emprunter l’un d’eux, un sacrifice lui est adressé : de la bouillie de mil, du lait seront versés sur son dos, le sang d’un coq… Il est léger, composé de matériaux organiques : terre mêlée de paille, écorces, noix de cola mâchée…Il symbolise l’univers, réceptacle de l’énergie de l’esprit, présent dans la société Bambara au Mali. Mystérieux.
mercredi 14 janvier 2009
Orthographe. Faire classe # 17
C’est le saint suaire qui fait pleurer les amoureux de la langue.
Hénorme apparaît encore plus énorme, en effet.
Est-ce que le soumis au SMS et les désinvoltes peuvent percevoir les subtilités ?
Pour aller vers les nuances, c’est une affaire de chaque instant sans drame avec rendez-vous hebdomadaire :
- Pour l’orthographe d’usage, travail au long cours : une feuille de classeur couleur intitulée « mes mots » recueille les erreurs relevées dans les textes, dans les copies. Oh ! Pas une liste interminable : le faible comptabilisera 80 expressions incontournables à la fin de l’année avec lesquels il se sera entraîné pour pouvoir écrire : « monsieur », « est-ce que », « aujourd’hui », correctement, pour constituer un socle personnalisé.
Je vérifiais si ceux-ci étaient correctement recopiés avec le déterminant pour les noms, le sujet pour les verbes afin d’éviter toute confusion quand le voisin, lors d’une dictée mutuelle, l’interrogera sur les mots de son répertoire.
S’il a droit au feu vert, il rayera l'importun de la liste ; s’il est rouge : il devra y revenir.
- Pour les difficultés ciblées, leçon frontale :
Par exemple éclairage sur les mots en - té et en - tié : «’ berté, ‘galité, pitié » :
Quelques spécimens agrémentés de dessins si possible humoristiques sont présentés ; petit théâtre ; règle (exceptions) ; application ; vérification. Désormais un nouveau panneau pense-bête sera installé. Ardoise, livret, cahier, soutien.
- Les résumés du livre aideront à la révision pour le contrôle trimestriel.
- Les autodictées proviennent d’une série d’une quinzaine de textes courts, simples, retraçant une situation insolite, genre blague de papillotes.
Au tableau d’affichage style stade vélodrome, le C.M. 2 rencontre le rival « autodictée ».
Nous nous proclamions champions quand nous infligions 22 à 0 à cette reine de l’embrouille (22 élèves sur 26 avaient réussi un « sans - faute »)
Wouai ! Le coach avait entraîné son équipe avec l’ancestrale méthode de la reconstitution de texte propice à solliciter la mémoire, pour observer l’orthographe et l’appliquer en s’imprégnant des structures de phrases. Les vertus de cette technique valent aussi pour installer des habitudes d’écriture qui soient un peu réfléchies.
Lecture du texte au tableau. Repérage des difficultés. Vocabulaire. Les phrases apparaissent, disparaissent. Restent à la vue des élèves, la trace de la ponctuation, les contours des groupes grammaticaux,des petits rappels mnémotechniques avec des dessins. Répétitions. Vérifications, tableau ouvert. Travail sur la syntaxe. La mémorisation par effacement prouve aussi son efficacité.
- Les dictées à l’ancienne sont réservées au mois de juin. On saute une ligne, un élève derrière le tableau : on le corrige, on se corrige( ½ point pour les fautes d’usage, 1 pour les grammaticales). Nous aurions pu les écrire à la plume comme nous l’avions expérimenté avec des encres de couleurs en expression artistique, et il y aurait eu du plaisir. C’était aux moments chauds, où dit-on les C.M. 2 sont démotivés. Eh bien la torture scolastique leur semblait douce, en général, entre les illustrations et la frappe sur ordinateur de leurs romans, avant un tour à la piscine. Efficace, ce moment d'apprentissage ne mérite pas l’honneur d’un débat sociétal. Cette survivance a de l’impact pour ceux qui ont une occasion qui leur conviendra peut être pour apprendre à s’interroger sur les difficultés, comme l’élève qui y était convié se questionnait à haute voix pendant que tous écrivaient, s’appliquaient.
« … je recopiai ma trop belle lettre, en supprimant la phrase spirituelle qui se moquait de son tendre mensonge. Je supprimai aussi au passage les « s » paternels ; j’ajoutai quelques fautes d’orthographe, que je choisis parmi les siennes : les orthollans, les perdrots… » M. Pagnol
Je ne me sens pas visé quand la dictée doit être réhabilitée dans les amphis pour minimiser les carences des étudiants. La distinction entre un infinitif et un participe est accessible à la plupart des enfants : mordre/mordu pour remplacer un verbe du premier groupe, cette mécanique s’élucidera petit à petit.
Je joins en contrepoint, un extrait d’un texte de Paul Le Bohec (83 ans) militant Freinet qui replace l’obsession orthographique dans sa dimension politique et historique. Je ne suis pas persuadé que les enjeux d’aujourd’hui soient du même ordre, j’ai essayé d’être léger sur le sujet, voici plus dramatique, mais nourrissant :
« Dès 12 ans, pour les Bourses Nationales et le CEP, on exigeait moins de cinq fautes dans la dictée, sinon c'était l'élimination. Que de souffrances pour les enfants et les familles, que d'angoisses pour les maîtres, que de drames, que d'humiliations, que de coups même, et en nombre ! Ainsi, parce qu'au jour fixé, des dizaines de millions de personnes n'avaient pas eu la possibilité ou la chance de franchir l'obstacle, elles s'étaient trouvées déconsidérées aux yeux de tous et à leurs propres yeux pour le restant de leur vie. Quel crime, cette obligation prématurée de la maîtrise de l'orthographe !
Mais pour la classe bourgeoise, c'était bien joué. Comme dans cette matière, on n'était jamais assuré de réussir, il fallait y consacrer beaucoup de temps. Et cela empêchait de faire autre chose. À l'approche de l'examen, les maîtres organisaient gratuitement des études le matin et le soir. Et si on entrait à l'École Normale d'Instituteurs, ce n'était pas pour des raisons de justesse des idées, d'excellence de la pensée, mais à la suite de la réussite à l'épreuve de la dictée qui avait un fort coefficient. »
mardi 13 janvier 2009
Autrement : le mook n°1
Je reviens faire un tour du côté des éditions « Autrement » qui lancent le n°1 d’un trimestriel baptisé mook (magazine/book)15€ -120 pages. Henry Dougier, l’infatigable chercheur en innovations sociales entre sur le créneau inauguré par XXI qui reste premier sur le plan graphique, le style d’écriture, la documentation, la profondeur.
La page 1 est magnifique avec une photographie de Martin Parr qui saisit une grand-mère en train de photographier sa petite fille tellement fière au bord de la plage alors qu’un arc en ciel se dessine en arrière plan pour la phrase « désirer un monde autrement ». La tonalité des écrits est plus marquée politiquement à gauche ,« appel des racailles de France », qu’avec XXI dont le directeur Patrick De Saint-Exupéry m’a paru assez léger sur la question du Rwanda, l’autre matin sur France Inter. Les articles, souvent des interviews d’acteurs sociaux : une DRH, un couple militant de 83 ans, un animateur de radio turc, un réseau coopératif qui réussit en Espagne, quelques personnalités : B. Brunhes ; M. Monshipour, S. Moatti, une musulmane féministe, un magistrat engagé… illustrent les chapitres « vivre, créer, voir, penser, décrypter, raconter, rêver le monde autrement ». Une cartographie de la France en 2100 aux couleurs de la végétation de l’Afrique du Nord, et un reportage photo sur le train cévenol viennent aérer un ensemble assez dense. Il fait bon rencontrer des personnages à l’envers des fondamentaux people, avec un regard positif pour un voyage en équité avec le fondateur d’Alter Eco ou un couple qui promène son petit cinéma ambulant au fin fond de l’Inde… Le récit d’un ancien "galérien" se conclut sur « ce n’est pas parce qu’un homme porte la marque du naufrage, qu’au fond du cœur il est naufragé ».
lundi 12 janvier 2009
Charlie et la chocolaterie
Depuis les images d’ « Edward aux mains d’argent », Tim Burton me fait l’effet d’un crissement d’ongle sur un tableau et pourtant j’ai bien aimé « l’étrange Noël de Mister Jack » et « Mars attack ». Je savais que Roald Dahl, dont les livres ont donné ses lettres de noblesse à la littérature enfantine, était pour lui, avec son humour et son imagination débridée.
La famille de Charlie vit dans une misère à la Dickens, loin d’un monde aux couleurs acidulées et de la prodigieuse et mystérieuse fabrique de chocolat magique de M. Wonka.
Le noir et la neige conviennent mieux à Burton que le vert et le rose malgré des images époustouflantes.
A parcourir les critiques du film, celle de « Libération », me semble particulièrement intéressante, quand elle évoque l’ordalie : épreuves à surmonter pour obtenir le jugement de Dieu. C’est bien de cela dont il s’agit dans beaucoup des contes ; les enfants, ici, disparaissent à cause de leur goinfrerie, de leur effronterie, parce qu’ils sont trop gâtés.
Le gentil Charlie triomphe, modestement bien sûr.
La morale finale est un peu sucrée puisque les vertus familiales sont le recours vis-à-vis d’un capitalisme insensé.
On a beau « avoir le ticket », l’amour ne s’achète pas.
dimanche 11 janvier 2009
Blanche-Neige
Sombre ballet de Angelin Preljocaj dans les forêts profondes aux brumes mystérieuses sur une musique de Mahler avec des costumes de J.P. Gauthier. Un assemblage harmonieux qui restitue au conte toute sa gravité par des éclairages et un décor magnifiques. Débarrassés des images enfantines, nous sommes séduits par l’évocation de nains acrobates, émus par la mort d’une Blanche-Neige pourtant puissante : du plaisir tout du long. C’est vraiment bon de pouvoir être étonné encore au moment des passages attendus comme l’épisode du miroir, de la pomme, traités sans esbroufe, mais avec habileté. Les étiquettes ne tiennent plus : cette danse contemporaine romantique m’a parue plus familière qu’un classique.
samedi 10 janvier 2009
Modernes et silencieux.
L’école a été un formidable outil de modernisation.
Aujourd’hui la modernité nous déstabilise et l’affubler du seul masque du libéralisme, commode le temps d’une manif, ne rend pas compte de la complexité des mutations.
Nous restons perplexes quant aux réactions assez faiblardes vis-à-vis des mesures graves prises contre l’école. C’est qu’il n’y a plus unanimité et ce n’est pas en méprisant les thermomètres que ça ira mieux.
L’école, attaquée de toutes parts, nous voilà contraints de la défendre en bloc, oubliant parfois ses carences, percevant mais confusément que le monde a changé et la mentalité des personnels aussi.
Je cultive avec délices la posture de l’instit’ à l’ancienne, mais je sais bien en 2009, qu’il est d’avantage question de professionnalisme que de foi, de vocation. Nous sommes pressés par l’instantané : un clic, le speedant de la république est dans le mouv’. L’éducation nécessite un autre chronomètre : grandir prend du temps. Les parents attendent des services, et n’adhèrent plus d’emblée aux valeurs de l’école qui ne sont plus celles de la société.
En bénéficiant d’acteurs de l’éducation, critiques, écoutant distraitement nos incantations, remettant notre légitimité en question ; notre pédagogie aurait-elle porté ses fruits ?
Le corps des enseignants s’est atomisé : on n’a jamais tant parlé d’équipe alors que l’individualisme est entré dans le sanctuaire ; la multiplication des statuts l’aggrave.
Plus encore au collège, où l’éparpillement des taches éducatives dilue les responsabilités.
Le ver était dans le fruit. Les super- directeurs vont s’installer sur le désinvestissement des adjoints.
L’instituteur instituant a disparu sans une fleur. Nous avions tant crié contre les institutions.
En gagnant le rang de professeur après avoir revendiqué une dignité indexée sur grille de salaire, nous sommes entrés dans les valeurs CAC 40.
Face à l’attaque contre l’école publique qui vient du fond des âges réactionnaires, le P.S. sort son Bruno Julliard, mais qui nous entend ? Jack Lang bavarde sur l’école, cela revient au même qu’un silence gêné.
Une pétition contre Darcos a vu s’effacer récemment 15 000 signatures sur le web, faudrait pas virer paranos ! Au détour d’un article de Patrick Pellous dans Charlie Hebdo, remarquant qu’il a fallu du courage à ses collègues de l’Essonne pour révéler la mort d’un homme, que pendant six heures ils ont tenté en vain de faire admettre dans un hôpital, parce qu’ils se sont fait gronder par leur hiérarchie, montre que le silence réservé jadis à l’ hôpital, s’étendrait à toute une société.
Une affichette de 68 disait : «la police vous parle à 20h » : plus besoin, le policier est dans les têtes.
Le climat qui s’installe fait froid dans le dos : un Sarko XXI, en duplex avec Chabot, pourrait rendre la justice tous les soirs à 20h sous son chaîne, ça ferait de l’audience et économiserait des juges.
En période de vœux, nos mots sonnent cette année encore un peu plus dans le vide.
Solde sur les dictionnaires.
La crise nous tétanise ; des enfants portent à Gaza d’autres enfants morts dans leurs bras.
Les bras nous en tombent.
vendredi 9 janvier 2009
La chanson de Charles Quint
Charles Quint, qui a beaucoup voyagé comme Eric Orsenna l’auteur de ce livre , aimait cette chanson :
« Mille regretz de vous habandonner
Et deslonger votre fache amoureuse
J’ay si grand deuil et peine douloureuse
Qu’on me verra brief mes jours definer »
Delonger : quitter ; fache : visage ; definer : finir
Ce court roman décrit le parcours de deux frères proches et pourtant opposés dans leur quête amoureuse : l’un de l’amour unique, l’autre d’amours dispersés.
Ce conte à la poétique un peu traditionnelle, où il dialogue avec la femme aimée disparue, est traversé de belles sentences telles que :
« l’amour juge, tandis que l’amitié absout ».
Le rappel des richesses du futur antérieur a des airs nostalgiques.
Dans ce livre, j’ai regretté la sincérité des premiers romans ; lui, l’académicien sait écrire des livres en concluant :
« Pourquoi si souvent, est ce à la fin de l’hiver qu’il fait le plus froid » ? »
Argh !
jeudi 8 janvier 2009
"Espèces d’espaces"
C’est le titre d’une exposition du Magasin, centre d’art contemporain.
J’en sors en me sentant très beauf : « Boof ! ».
J’abuse souvent des jeux de mots mais il n’y a pas de quoi ériger celui là, dû à Perec en 1957, en titre pour une rétrospective des années 80.
Je m’applique à fréquenter les lieux d’exposition d’art contemporain, mais mon retour après des années d’incompréhension au Magasin, s’est soldé une nouvelle fois par une désillusion.
Je suis aussi familier des démarches militantes, cependant en lisant après coup le dépliant censé expliciter les œuvres, je demeure perplexe. Je n’ai pas compris en voyant ces installations en quoi elles pouvaient « mobiliser face à la détérioration des conditions de vie dans les quartiers peuplés majoritairement d’immigrés, à la montée des inégalités et au délabrement urbain ».
Les salles d’exposition ont très peu de visiteurs. Ce n’est pas l'installation d'un flacon d’Ajax sur une étagère qui risque de faire avancer la cause des démunis. Quant au « wall painting »de Gunther Förg, la tentation est grande de penser que la peinture qui a servi à recouvrir des dizaines de mètres de parois, aurait été bienvenue dans quelques halls d’immeubles. Faire correspondre ce travail, comme en exécutent quotidiennement tous les peintres en bâtiment, avec Rothko me consterne.
Pour illustrer ce billet, j’ai choisi une carte postale de Kounellis achetée à la boutique du musée : seule trace d’humour, ce jour là, en ces lieux.
J’ai trouvé, à cette occasion, que l’art contemporain s’aveugle avec les mots, ne nous fait plus voir grand-chose, sinon des autocitations, des mécaniques sans imagination. Si les artistes traduisent, précèdent l’époque ; eh bien nos heures seront palotes, perdues dans de grands espaces froids, même pas énigmatiques : vides.
mercredi 7 janvier 2009
Grammaire. Faire classe # 16
La bannie ressusciterait.
Ne plus courir après la mode conduit cycliquement à la branchitude. Les effets d’annonce s’éventent en sortant des flacons; les durées différent dans les J.T. et dans les classes.
J’écrivis sur le tableau au retour de la récré du matin :
« Cyril a oublié son goûter »
Cyril devient sujet.
Il peut s’accrocher à décortiquer une phrase comme on pèle un fruit et qu’on le déguste.
Ce n’est pas Arcole forcément, ni Dien Bien Phu ; il faut en passer par-là.
Lecteur furtif mais vampirique, j’aime convoquer Orsenna et ses îles où les adjectifs sont collants et les pronoms prétentieux :
« Je savais maintenant, et pour toujours, que les mots étaient des êtres vivants rassemblés en tribus, qu’ils méritaient notre respect, qu’ils menaient, si on les laissait libres, une existence aussi riche que la nôtre, avec autant de besoin d’amour autant de violence cachée et plus de fantaisie joyeuse »
ou pour illustrer l’adjectif démonstratif, Jean Louis Fournier :
« Cette autruche qui pond debout est une mère indigne ».
Le rapport que l’académicien a remis, jadis, au ministre a tenu les colonnes de journaux, une petite semaine. La réhabilitation de la grammaire n’a pas soulevé de débats ébouriffants, peut être bien parce que beaucoup de praticiens n’avaient pas suivi le nouveau vent nouveau.
Il y avait un penseur fécond, La Garanderie, qui distinguait visuels et auditifs; j’en ai retenu aussi qu’il est des formes de compréhension qui se meuvent très bien avec la globalité: alors la règle sera immanente; d’autres auront besoin d’une loi posée en préalable pour mieux comprendre.
En classe, les ficelles d’animateur aident parfois : « tout le monde debout ! ». On s’assoit quand on a donné un adjectif qualificatif. On s’ébroue. On extrait du magma discoureur, les outils pour fabriquer à son tour en toute connaissance de cause.
L’intuition peut suffire à certains, mais donner quelques étayages pour plus de précision dans la compréhension : c’est bien notre mission, non ? Renoncer parce que c’est austère, voire difficile c’est mépriser l’intelligence.
Comme pour les mathématiques modernes, un Rouchette passa par-là et nous rendit méfiants sur les experts qui positionnent les enfants au milieu de l’arène de leurs recherches. Les gamins auront le temps plus tard, avec des armes pour juger et non la seule tyrannie de la mode, du conformisme comme guide. Bien sûr ils doivent être en situation d’investigation, d’exploration, invités à fureter. Ils ne peuvent ordonner le sens du travail.
Je n’ai toujours pas saisi pourquoi on prétend faire accéder les « apprenants » au rang de chercheurs et qu’on les éloigne de certaines exigences qui seraient paraît-il inaccessibles. Faillite des adultes qui font semblant d’abandonner la barre. Mais les mêmes ne rendent pas les clefs quand le moment de la retraite vient.
Nous avons réalisé à plusieurs reprises des petits films d’animation en classe ; entreprise de plus en plus lourde à mesure que le matériel devenait de plus en plus sophistiqué et les intervenants de plus en plus professionnels ; la paperasse déborda, les élèves avaient de moins en moins voix au chapitre. A ces occasions ils étaient initiés à une « grammaire » de l’image : ce qu’apporte un gros plan, une contre-plongée. Beaucoup de compétences des enfants des années 2000 pouvaient entrer en jeu, pourquoi leur contester avec l’écrit le droit d’entrer dans la salle des machines ?
Grammaire n’est pas une vieille indigne.
- Le livre de Français pour réviser lors du contrôle trimestriel.
- Livret pour exercices où des phrases sont à scinder, colorier, surligner.
- Cahier où écrire.
- Dénominations simples : le C.O.D. ou complément essentiel.
mardi 6 janvier 2009
Devinettes des « Terres froides »
Qu’est ce que c’est ?
- Plus y en a moins ça pèse ?
Des trous dans une planche.
- Gueule dans gueule, sept pieds et une queue ?
Un chien mangeant dans une marmite à trois pieds.
- Quatre dames au milieu d’un pré, ni l’une ni l’autre ne peuvent s’attraper ?
Les quatre roues d’un char.
- Je fais le tour du bois et ne peut pas y entrer ?
L’écorce.
Commère, prêtez moi votre coiffure, je couvrirai tout, sauf l’eau.
La neige.
Dicton :
« Si les orvets avaient des yeux et les chèvres des dents en haut, tout le monde serait perdu. »
Histoire :
« Une limace mis sept ans pour passer un pont.
Le pont s’écroula, elle se retourna et dit :
Voilà ce que c’est d’être leste ! »
Recueillis dans « La vie dans les terres froides » de l’abbé Fréchet.
lundi 5 janvier 2009
“I feel good”
Film de Stephen Walken. La musique peut sauver les cancres : « Les choristes », les ouvriers :« Les virtuoses », les pauvres : « Buena vista social club ». Là ce sont des octogénaires américains qui sont touchés par la grâce, réunis en chorale par un chef de chœur remarquable, celui-ci en séduira plus d’un (cœur). Pédagogue souriant mais exigeant, il fait découvrir James Brown à des amateurs de classique et les emmène en tournée pour des représentations à l’énergie communicative. Bien filmé, avec une décontraction qui évite le mélo, et une humanité qui revigore ou nous émeut, comme ces prisonniers auxquels ils livrent un petit concert. Juste, avec un esprit positif très américain. Plein d’humour, et de profondeur sans en voir l’air ; la musique fait gagner de la vie, elle repousse la mort.
samedi 3 janvier 2009
Etre ouvrier en Isère
Pour voir les paysans je vais au cinéma, pour voir les ouvriers je vais au musée dauphinois. Exposition temporaire jusqu’en janvier 2010, dans un beau lieu, un site magnifique, avec une muséographie séduisante sans être « tape à l’œil ».
Il ne s’agit pas seulement d'une présentation d’objets évocateurs depuis le XVIII° siècle, mais de toute l’épaisseur humaine du travail et son évolution jusqu’aux opérateurs en microélectronique, aux chômeurs d’aujourd’hui.
Une dignité collective qui naît, la conscience de classe à travers les luttes, les moments festifs, les clubs de sport, la solidarité et la nostalgie. Jusque dans « la perruque »* qui prouve l’inventivité et le goût du bel ouvrage. Auparavant les marques du travail des enfants, les usines pensionnats, témoignent de conditions de travail violentes : « pas plus de soixante heures par semaine pour les filles de moins de 18 ans ».
Du textile à Voiron, Bourgoin, Pont de Chéruy, Vienne, aux mines de La Mure, aux papeteries de Lancey. Lustucru, Bouchayer, La Viscose, Merlin, Calor : des marques, des hommes et des femmes, des ouvriers venant très tôt de tous les coins du monde.
J’ai eu la surprise agréable de reconnaître une de mes affiches, que c’est moi qui l’ai faite, qui annonçait un 1° mai en 1985,je crois; déjà l’heure de la commémoration d’un monde avait sonné.
*Perruque : « L'utilisation de matériaux et d'outils par un travailleur sur le lieu de l'entreprise, pendant le temps de travail, dans le but de fabriquer ou transformer un objet en dehors de la production régulière, de l'entreprise »
vendredi 2 janvier 2009
Des vœux pour le neuf :
Extraits du petit livre « Faîtes vos vœux » de Philippe Person et Pascal Thoreau qui avaient présenté sur scène une adaptation du livre de Pascal Bruckner « L’euphorie perpétuelle »
Ils demandaient aux spectateurs avant le spectacle :
« Ce soir, une fée se penchera sur votre lit… Quels seront vos trois vœux ? »
Sélection de quelques réponses :
- Si elle est charmante, qu’elle se penche un peu plus.
- Que les cons baissent d’un ton.
- France - Angleterre : 32-31
- Changer de moquette sans déplacer les meubles
- Que ma cave soit bien remplie et vidée par des amis.
- Gagner au loto, même si je n’y joue pas.
- Battre ma femme au scrabble.
- Que ma mère m’appelle une fois pour me dire qu’elle va bien.
- En finir avec la mort.
En finir avec la vie.
En finir avec l’angoisse.
- Nutella sans calories
Plus d’argent.
Moins de fesses.
- Prendre 20kg de muscles
Etre pilier dans une équipe de rugby
Me retrouver sous la douche avec toute l’équipe.
jeudi 1 janvier 2009
Faigenbaum Patrick
Le photographe expose au musée jusqu’au 1°février 2009.
Ses tirages noirs et blancs très sombres attirent l’œil plus sûrement que ses portraits en couleur assez quelconques, alors que ses natures mortes sont superbes. La photo sur les plaquettes d’invitation évoquait pour moi le peintre danois Hammershoi qui serait allé vers le Sud, avec des personnages féminins de dos regardant par la fenêtre. Cette image est forte, comme celle de pierres entourant un olivier, ou sculptées par la lumière face à un enfant. Pour illustrer ces quelques mots, comme d’habitude, j’ai choisi sans vergogne, un de mes clichés qui pourrait évoquer cette œuvre.
BONNE ANNEE NEUVE.
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