Jean Serroy, monsieur cinéma à Grenoble, lors de sa conférence pour les Amis du Musée, a insisté sur le prix des imperfections de « Rome ville ouverte » pour témoigner des conditions de réalisation du film par Rossellini, tourné avec des bouts de pellicule récoltés à droite et à gauche dès la libération. Les gosses, qui viennent d’assister à l’exécution du prêtre résistant qui les enseignait, retournent vers la ville d’où émerge le dôme de Saint Pierre. Celui-ci sera vu d’en dessous dans un film hollywoodien consacré à la vie de Michel Ange. Ainsi se mêleront des extraits de productions américaines : « Vacances romaines » avec Audrey Hepburn et Grégory Peck en Vespa jusqu’à Nani Moretti en Vespa aussi dans « Carnets intimes », alors que Scola nous mène en autobus dans « Les gens de Rome ». Anita Ekberg se baigne dans la fontaine de Trévi, pour toujours : « La dolce vita ». Tout ne s’efface pas à l’air pollué d’aujourd’hui comme la fresque antique dans « Fellini Roma », la ville est éternelle, elle offre ses strates de temps et aussi ses péplums, son néo-réalisme, ses comédies qui nous enchantent sous les ritournelles musicales qui vous embobinent.
« Nous nous sommes tant aimés », c’est un beau titre, au passé composé.
Je pars à Rome, ce dimanche, accompagner des collégiens, retour pour la manif du 1er mai.
dimanche 26 avril 2009
samedi 25 avril 2009
Oiseaux matiniers
Pour un printemps, cet extrait d’Anna De Noailles :
« La juvénile odeur, aigüe, acide, frêle,
Des feuillages naissants, tout en vert taffetas,
Sera plus évidente à mon vif odorat
Que n’est aux dents le goût de la fraise nouvelle ».
Je découvre les poèmes de la coquette comtesse du XIX°.
Avec ces mots d’avril, me revient le souvenir des rédactions hebdomadaires de mes années collège, avec les heures passées à peser les mots, les phrases, et ma reconnaissance d’aujourd’hui de goûter l’écriture et le temps.
Ce ne sont pas les machines à reconnaissance vocale calibrant les paroles qui sauront trouver les parfums du printemps, les vapeurs des rêves, les mots bleus.
Des pierres sont jetées chaque jour sur l’écriture.
Il restera un alphabet en ses polices, mais plus de suspension, de pointe levée le temps d’une nuance ; un jet continu, un blabla envahissant nappera une sphère confuse.
Tchao Anna ! Qui oserait encore tutoyer le soleil ? Est ce parce que plus grand monde ne saura prendre un peu de temps pour chercher un mot, que ce cher matin ne pourra plus écarter « la mort, les ombres, le silence, l’orage, la fatigue et la peur » ?
Et les oiseaux trouveront-ils un dictionnaire pour se reconnaître à « matiniers »
« La juvénile odeur, aigüe, acide, frêle,
Des feuillages naissants, tout en vert taffetas,
Sera plus évidente à mon vif odorat
Que n’est aux dents le goût de la fraise nouvelle ».
Je découvre les poèmes de la coquette comtesse du XIX°.
Avec ces mots d’avril, me revient le souvenir des rédactions hebdomadaires de mes années collège, avec les heures passées à peser les mots, les phrases, et ma reconnaissance d’aujourd’hui de goûter l’écriture et le temps.
Ce ne sont pas les machines à reconnaissance vocale calibrant les paroles qui sauront trouver les parfums du printemps, les vapeurs des rêves, les mots bleus.
Des pierres sont jetées chaque jour sur l’écriture.
Il restera un alphabet en ses polices, mais plus de suspension, de pointe levée le temps d’une nuance ; un jet continu, un blabla envahissant nappera une sphère confuse.
Tchao Anna ! Qui oserait encore tutoyer le soleil ? Est ce parce que plus grand monde ne saura prendre un peu de temps pour chercher un mot, que ce cher matin ne pourra plus écarter « la mort, les ombres, le silence, l’orage, la fatigue et la peur » ?
Et les oiseaux trouveront-ils un dictionnaire pour se reconnaître à « matiniers »
vendredi 24 avril 2009
La rêveuse d’Ostende
E.E. Schmitt connaît un grand succès en librairie ; je l’avais apprécié au théâtre dans « les variations énigmatiques » où il était question des rapports de la littérature à la réalité. Dans ce recueil de nouvelles, des personnages interrogent aussi nos rapports aux livres : la rêveuse ne lit que des classiques, un autre méprise les romans de fiction au plus haut point, quant aux livres achetés en grande surface... Sujets intéressants, mais si au théâtre nous pouvons échapper aux lourdes présentations, là l’auteur m’a fait souffrir. Quand il marche pied nus à Ostende, c’est la morsure du sable qui vient ; pour les galets : prévoir des sabots. Les sujets sont intéressants comme la relativité de la beauté humaine, avec pas mal de rôles féminins aux formes généreuses, mais les situations mises en place sont trop didactiques, prévisibles, artificielles, sans subtilité : un théâtre de marionnettes.
jeudi 23 avril 2009
"Quintet" au MAC
Le musée d’art contemporain de Lyon proposait aux visiteurs, cinq auteurs de bandes dessinées.
Shelton et ses freak brothers ( barjots) aux yeux étonnés, l’underground en surface,
Stéphane Blanquet, ses ombres chinoises monstrueuses en courts métrages gore, son train fantôme,
Masse qui recycle de fines gravures du début du XX° en des récits baroques et présente des sculptures intrigantes,
Joss Swarte, le hollandais, très « ligne claire » a un propos poétique teinté d’absurde, très soigné comme peut nous étonner
Chris Ware avec ses signes à profusion dans un rythme harmonieux.
Parfois des galeries font honneur à des artistes alors que la virtuosité, l’originalité étaient plus évidents chez certains créateurs de B.D.
Justice est rendue à ces cinq auteurs qui, à partir des planches habituelles dont nous saisissons mieux le travail au vu des originaux, nous régalent d’autres dimensions de leurs productions dans un lieu qui les met bien en évidence.
Shelton et ses freak brothers ( barjots) aux yeux étonnés, l’underground en surface,
Stéphane Blanquet, ses ombres chinoises monstrueuses en courts métrages gore, son train fantôme,
Masse qui recycle de fines gravures du début du XX° en des récits baroques et présente des sculptures intrigantes,
Joss Swarte, le hollandais, très « ligne claire » a un propos poétique teinté d’absurde, très soigné comme peut nous étonner
Chris Ware avec ses signes à profusion dans un rythme harmonieux.
Parfois des galeries font honneur à des artistes alors que la virtuosité, l’originalité étaient plus évidents chez certains créateurs de B.D.
Justice est rendue à ces cinq auteurs qui, à partir des planches habituelles dont nous saisissons mieux le travail au vu des originaux, nous régalent d’autres dimensions de leurs productions dans un lieu qui les met bien en évidence.
mercredi 22 avril 2009
Poètes dans nos petits papiers. Faire classe # 30
Au commencement de la journée virevoltent les verbes enrubannés.
Dites-moi une plus belle vie que celle qui commence chaque matin par des mots en guirlande, des poèmes ? Il en fut ainsi.
- Chaque enfant possède un recueil d’une centaine de poèmes.
- En début d’année chacun se doit de présenter un poème appris dans les classes précédentes.
- Chaque samedi des volontaires s’engagent à réciter en solo ou à plusieurs en s’inscrivant pour la semaine suivante.
- Les élèves de service appellent les récitants
- Je vérifie le cahier de travaux pratiques où le texte est recopié et illustré, je le montre aux auditeurs. La poésie vaut pour la parole mais aussi en son écrit et son illustration.Certains en garnirent trois cahiers.
- Le public critique.
- Le nombre de poèmes portés à la lumière figure sur le bilan trimestriel.
La poésie est un secteur éditorial infime réservé aux poètes qui se lisent entre eux, un enjeu négligeable. Mais quand j’ai entendu sur France Culture que Prévert symbolisait le poète pour instit’, je me suis senti fier d’aimer l’anar à la clope. La production d’albums de poèmes pour les enfants est riche et attractive : la poésie n’existerait-elle que pour une réserve de mômes ? Innocence des débuts, mariages et banquets, enterrements, ces moments de la vie les plus solennels se dilatent avec quelques vers sonores. Et de cette vie qui court, remontent quelques rimes qui constituent une communauté, une nation : mots-clefs, clins d’œil, références communes.
« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? » La Fontaine
Quand sous les étoiles d’une nuit au Sahara reviennent des mots communs à un touareg indigo, c’est « l’âne si doux marchant le long des houx » qui ramène ses sabots. Grand moment à la lueur d’un feu des premiers âges, luxe suprême.
Noémie spécialisée en La Fontaine et Laura en Victor Hugo nous offrirent cette année là un festival permanent. Ne pas craindre la complexité, elle s’éclairera plus tard. Là, des performances m’ont encore étonné et renforcé ma conviction que la mémoire se cultive très tôt. Ne pas prendre les mômes pour des billes !
Des objets insolites (attrapeur de rêves canadien, fée clochette…) occupent un coin de la classe avec les albums, fabliers, boîte pour fiches à emprunter.
Privilège de durer dans le poste : une ancienne élève avait relié par une tresse de laine le recueil de ses poèmes préférés pour ceux qui viendraient après elle dans la classe. Merci.
Dites-moi une plus belle vie que celle qui commence chaque matin par des mots en guirlande, des poèmes ? Il en fut ainsi.
- Chaque enfant possède un recueil d’une centaine de poèmes.
- En début d’année chacun se doit de présenter un poème appris dans les classes précédentes.
- Chaque samedi des volontaires s’engagent à réciter en solo ou à plusieurs en s’inscrivant pour la semaine suivante.
- Les élèves de service appellent les récitants
- Je vérifie le cahier de travaux pratiques où le texte est recopié et illustré, je le montre aux auditeurs. La poésie vaut pour la parole mais aussi en son écrit et son illustration.Certains en garnirent trois cahiers.
- Le public critique.
- Le nombre de poèmes portés à la lumière figure sur le bilan trimestriel.
La poésie est un secteur éditorial infime réservé aux poètes qui se lisent entre eux, un enjeu négligeable. Mais quand j’ai entendu sur France Culture que Prévert symbolisait le poète pour instit’, je me suis senti fier d’aimer l’anar à la clope. La production d’albums de poèmes pour les enfants est riche et attractive : la poésie n’existerait-elle que pour une réserve de mômes ? Innocence des débuts, mariages et banquets, enterrements, ces moments de la vie les plus solennels se dilatent avec quelques vers sonores. Et de cette vie qui court, remontent quelques rimes qui constituent une communauté, une nation : mots-clefs, clins d’œil, références communes.
« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? » La Fontaine
Quand sous les étoiles d’une nuit au Sahara reviennent des mots communs à un touareg indigo, c’est « l’âne si doux marchant le long des houx » qui ramène ses sabots. Grand moment à la lueur d’un feu des premiers âges, luxe suprême.
Noémie spécialisée en La Fontaine et Laura en Victor Hugo nous offrirent cette année là un festival permanent. Ne pas craindre la complexité, elle s’éclairera plus tard. Là, des performances m’ont encore étonné et renforcé ma conviction que la mémoire se cultive très tôt. Ne pas prendre les mômes pour des billes !
Des objets insolites (attrapeur de rêves canadien, fée clochette…) occupent un coin de la classe avec les albums, fabliers, boîte pour fiches à emprunter.
Privilège de durer dans le poste : une ancienne élève avait relié par une tresse de laine le recueil de ses poèmes préférés pour ceux qui viendraient après elle dans la classe. Merci.
mardi 21 avril 2009
Anantapodoton et anacoluthe s’en vont en bateau.
Préambule: Le « Gradus » est un dictionnaire des procédés littéraires ; auteur, Bernard Dupriez. Mon édition en 10/18, date de 1984.
Gradus ad Parnassum « escalier vers le Parnasse, séjour des muses… »
Les sciences inventent des termes dont le sens nous est inconnu mais qui ne sont pas insignifiants pour notre imaginaire. On se rappellera Colette, enfant, rêvant au mystérieux« presbytère ».
Pour ma part, j’adore le terme « concupiscence » savoureux aux lèvres de certains prêcheurs de la sainte église catholique. Prononcez-le, lentement, syllabe après syllabe. N’est-il pas surprenant que ce mot proclame ce qu’il condamne ?
« Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux »
a écrit René Char. L’écriture automatique des surréalistes exploite cette mine !
Anantapodoton et anacoluthe s’en vont en bateau.
Il y aurait d’une part, ce dialogue entre un théoricien du haïku d'origine européenne mais vivant à Kyoto, à qui l'éditeur du Gradus, aurait commandé un manuel facilitant l'écriture des haïkaï. Je devrais vous l'écrire autrement cette première phrase trop bourrée d'informations (avec anantapodoton intégré) qui n'ont rien de folichon, qui exhalent une tristesse de soirée studieuse peut-être alcoolisée, quand s'emmerdent les futurs candidats à l'agréation de lettres modernes ou pas.
Soit l'auteur du Gradus*, B.D. s’entretenant avec son éditeur que nous nommerons « éditeur »
Editeur - Mon vieux, votre Gradus, il est un peu démodé. Austère, quoi ! Les jeunes et même les moins font une allergie tellement c'est poussiéreux, d'aspect. Mes concurrents éditent des versions light de votre ouvrage. Bien plus digestes.
B.D. - Ils me pillent, ces fainéants. C'est du rapt. …
Editeur - N'exagérons pas… Ils nous font aussi de la pub… Chaque année les universités, les prépas diverses aux divers concours recommandent l'achat du Gradus. A la radio il n’est plus question que de chiasmes, d’oxymores, d’euphémismes dans les jeux télévisés.
B.D. – J'en sais quelque chose ! Ma petite fille Camille prépare l'agrég de lettres modernes. Et bien vous savez ce qu'elle m'a dit ? "Papy je vais abandonner. Je perds le sommeil, ma libido est au plus bas. Ton bouquin, c'est relou grave. J'oublie au fur et à mesure que j'apprends… ça me fèch d’une force !"
Editeur – Vous savez que la poésie japonaise est dans le vent. Tout le monde écrit des haïkaï. C'est devenu une activité incontournable des ateliers d'écriture du premier au quatrième âge. Même les vieillards atteints d’Alzheimer y excellent, ils passent si naturellement du coq à l’âne, les pauvres !
B.D. – Excusez-moi mais je ne vois pas le rapport avec notre problème…
Editeur– J'y viens… Je connais un type qui enseigne le français au Japon ; il parle et écrit le japonais à la perfection. Il a d'ailleurs soutenu une thèse sur Issa. Si je ne me trompe ? Le sujet en était : "De la sublimation poétique chez Issa, éjaculateur précoce. "
B.D. – Attendez, je ne vois pas en quoi les éjaculations précoces ou non d'un moine japonais du XVIII me siècle concernent les compilations de procédés littéraires dont je suis l'auteur !
Editeur – Patientez ! Je lui ai proposé d'écrire une somme sur le haïku. C'est à la mode, ça se vendra. Le titre en serait bénin pour ne pas décourager… Genre : Le haïku sans douleur… Ou le haïku en un quart d'heure !
B.D. – Je ne vois toujours pas le rapport avec notre problème.
Editeur – J'y viens.
B.D. - … ?
Editeur – Voici ma stratégie : insidieusement en quelque sorte, afin de ne point effaroucher les lecteurs, notre distingué niponisant glisserait nommément les procédés littéraires de votre Gradus chaque fois qu'il décortiquerait un haïku. D'abord par des notes en bas de page citant votre ouvrage et puis peu à peu lui donnant toute sa place dans la partie majeure de son ouvrage. Une sorte de montée orgasmique…
B.D. – Je vois… Hum… Ce n'est pas une mauvaise idée, je crois même si je peux risquer cette hyperbole… qu'elle est géniale. En quelque sorte déconditionner tout en reconditionnant.
Editeur – Et voilà… A doses de plus en plus conséquentes. Grâce à des redites habilement programmées, le lecteur imprégné à son insu, n'aura plus peur de l'aposiopèse, de l'anaphore, de l'hypallage… Finis les boutons et les conjonctivites dont souffre ma chère petite Camille.
B.D.- Enfin la poésie de ma somme les ravira et je gage - on peut rêver - qu'ils finiront par lâcher les recueils de haïkaï pour se délecter uniquement de mon bouquin. Ce Gradus qui m’a blanchi le Chef !.
Editeur. – Que nous allons relooker. Couverture en couleur, illustrations érotiques mais esthétiques. Le maquettiste est déjà à l'œuvre…
B.D. – Et pourrai-je rencontrer notre… nouveau collaborateur ? Je veux dire, l'expert en poésie japonaise…
Editeur – Il est à Paris. Je vous invite chez moi demain. Sa femme sera du dîner. Je vous préviens, c'est une bombe textuelle. Hi ! Hi ! Suis-je bête !
***
Je reviens à la première partie de ce récit. Je me cite : " Il y aurait d’une part ce dialogue entre un théoricien du haïku d'origine européenne mais vivant à Kyoto… " Voici un bel exemple d'anantapodoton. J'ai trouvé ce terme reptilien dans le Gradus, comme il se doit, à la rubrique légèrement coquine, d'anacoluthe. Je vous recopie la définition du premier de ces deux mots : "… de deux éléments corrélatifs d'une expression alternative (comme les uns… les autres) un seul est exprimé". Dans le cas qui nous intéresse, c'est à dire celui de l'expert en poésie japonaise, il nous manque le deuxième élément : "il y aurait d’une part ce dialogue entre un théoricien du haïku ».. . Exit le deuxième élément. Vous connaissez la blague de Coluche ? Quelle différence y a-t-il entre (au hasard) une planche à pain ? Cela ressemble aux exercices de méditation zen, genre « applaudir d’une seule main. »
Le deuxième élément, ne peut-être que la femme, l'épouse du docteur es haïkiste, la supposée bombe sexuelle aux dires de l’Editeur.
Donc il y aura un dialogue entre cet homme éminent niponisant et son épouse.
Rejoignons le couple dans son jardin zen agrémenté de coussins. Ecoutons les.
Elle : Miel de ma vie, nectar de mon âme, délices de ma bouche… Viens, je t'appelle, je t'attends, je t'espère. Mon anacoluthe ruisselle.
Lui : (tout bas pour lui-même) Arch ! Saloperie d' anantapodoton qui ne veut se réveiller ! J'ai beau m'activer, il est aussi endormi qu'une litote !
(Tout haut) Bien aimée, azur de mes nuits, sel de mes rêves, poivre de mes muscles, miches de mes réveils… Patiente… en lisant mes derniers haïkus !
Elle : Quoi ! Comment ! Arch ! Tes haïkus ! Tes haïkus… Et ma césure… c'est un cuir !
Je vous comprends, cher lecteur, en supposant qu’un lecteur soit toujours en poste, vous voilà choqué ! Pour ma défense je pourrais invoquer cette brandade de morue trop chargée en ail, pesant sur mon estomac ! La vérité est plus prosaïque. Elle s’adresse à certains Messieurs dépensiers et peu imaginatifs : abandonnez les revues spécialisées, ces revues sur papier glacé, chaudement illustrées que vous croyez bien cachées et que vos héritiers découvrent sans coup férir dans le grenier, au-dessus de l'armoire à pharmacie ou sur la réserve d’eau des toilettes…
Déposez dans les lieux d'aisance un Gradus, régalez-vous ! Votre descendance y prendra goût. Et cet ouvrage fécond, éveillera peut-être des vocations de poètes ou des talents d'humoriste. A moins qu’un sort moins enviable détourne de leur fonction ces pages érudites. Evitez ce geste sacrilège !
Marie Treize
* Le Gradus est ouvrage épatant, planète étrange, riche en termes énigmatiques, d’une poésie totale, d’un comique surprenant. J’aime m’y promener, j’y cueille des mots rares qui se fanent presque aussitôt, ma matière grise n’étant pas un terreau favorable aux fleurs de la rhétorique.
Gradus ad Parnassum « escalier vers le Parnasse, séjour des muses… »
Les sciences inventent des termes dont le sens nous est inconnu mais qui ne sont pas insignifiants pour notre imaginaire. On se rappellera Colette, enfant, rêvant au mystérieux« presbytère ».
Pour ma part, j’adore le terme « concupiscence » savoureux aux lèvres de certains prêcheurs de la sainte église catholique. Prononcez-le, lentement, syllabe après syllabe. N’est-il pas surprenant que ce mot proclame ce qu’il condamne ?
« Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux »
a écrit René Char. L’écriture automatique des surréalistes exploite cette mine !
Anantapodoton et anacoluthe s’en vont en bateau.
Il y aurait d’une part, ce dialogue entre un théoricien du haïku d'origine européenne mais vivant à Kyoto, à qui l'éditeur du Gradus, aurait commandé un manuel facilitant l'écriture des haïkaï. Je devrais vous l'écrire autrement cette première phrase trop bourrée d'informations (avec anantapodoton intégré) qui n'ont rien de folichon, qui exhalent une tristesse de soirée studieuse peut-être alcoolisée, quand s'emmerdent les futurs candidats à l'agréation de lettres modernes ou pas.
Soit l'auteur du Gradus*, B.D. s’entretenant avec son éditeur que nous nommerons « éditeur »
Editeur - Mon vieux, votre Gradus, il est un peu démodé. Austère, quoi ! Les jeunes et même les moins font une allergie tellement c'est poussiéreux, d'aspect. Mes concurrents éditent des versions light de votre ouvrage. Bien plus digestes.
B.D. - Ils me pillent, ces fainéants. C'est du rapt. …
Editeur - N'exagérons pas… Ils nous font aussi de la pub… Chaque année les universités, les prépas diverses aux divers concours recommandent l'achat du Gradus. A la radio il n’est plus question que de chiasmes, d’oxymores, d’euphémismes dans les jeux télévisés.
B.D. – J'en sais quelque chose ! Ma petite fille Camille prépare l'agrég de lettres modernes. Et bien vous savez ce qu'elle m'a dit ? "Papy je vais abandonner. Je perds le sommeil, ma libido est au plus bas. Ton bouquin, c'est relou grave. J'oublie au fur et à mesure que j'apprends… ça me fèch d’une force !"
Editeur – Vous savez que la poésie japonaise est dans le vent. Tout le monde écrit des haïkaï. C'est devenu une activité incontournable des ateliers d'écriture du premier au quatrième âge. Même les vieillards atteints d’Alzheimer y excellent, ils passent si naturellement du coq à l’âne, les pauvres !
B.D. – Excusez-moi mais je ne vois pas le rapport avec notre problème…
Editeur– J'y viens… Je connais un type qui enseigne le français au Japon ; il parle et écrit le japonais à la perfection. Il a d'ailleurs soutenu une thèse sur Issa. Si je ne me trompe ? Le sujet en était : "De la sublimation poétique chez Issa, éjaculateur précoce. "
B.D. – Attendez, je ne vois pas en quoi les éjaculations précoces ou non d'un moine japonais du XVIII me siècle concernent les compilations de procédés littéraires dont je suis l'auteur !
Editeur – Patientez ! Je lui ai proposé d'écrire une somme sur le haïku. C'est à la mode, ça se vendra. Le titre en serait bénin pour ne pas décourager… Genre : Le haïku sans douleur… Ou le haïku en un quart d'heure !
B.D. – Je ne vois toujours pas le rapport avec notre problème.
Editeur – J'y viens.
B.D. - … ?
Editeur – Voici ma stratégie : insidieusement en quelque sorte, afin de ne point effaroucher les lecteurs, notre distingué niponisant glisserait nommément les procédés littéraires de votre Gradus chaque fois qu'il décortiquerait un haïku. D'abord par des notes en bas de page citant votre ouvrage et puis peu à peu lui donnant toute sa place dans la partie majeure de son ouvrage. Une sorte de montée orgasmique…
B.D. – Je vois… Hum… Ce n'est pas une mauvaise idée, je crois même si je peux risquer cette hyperbole… qu'elle est géniale. En quelque sorte déconditionner tout en reconditionnant.
Editeur – Et voilà… A doses de plus en plus conséquentes. Grâce à des redites habilement programmées, le lecteur imprégné à son insu, n'aura plus peur de l'aposiopèse, de l'anaphore, de l'hypallage… Finis les boutons et les conjonctivites dont souffre ma chère petite Camille.
B.D.- Enfin la poésie de ma somme les ravira et je gage - on peut rêver - qu'ils finiront par lâcher les recueils de haïkaï pour se délecter uniquement de mon bouquin. Ce Gradus qui m’a blanchi le Chef !.
Editeur. – Que nous allons relooker. Couverture en couleur, illustrations érotiques mais esthétiques. Le maquettiste est déjà à l'œuvre…
B.D. – Et pourrai-je rencontrer notre… nouveau collaborateur ? Je veux dire, l'expert en poésie japonaise…
Editeur – Il est à Paris. Je vous invite chez moi demain. Sa femme sera du dîner. Je vous préviens, c'est une bombe textuelle. Hi ! Hi ! Suis-je bête !
***
Je reviens à la première partie de ce récit. Je me cite : " Il y aurait d’une part ce dialogue entre un théoricien du haïku d'origine européenne mais vivant à Kyoto… " Voici un bel exemple d'anantapodoton. J'ai trouvé ce terme reptilien dans le Gradus, comme il se doit, à la rubrique légèrement coquine, d'anacoluthe. Je vous recopie la définition du premier de ces deux mots : "… de deux éléments corrélatifs d'une expression alternative (comme les uns… les autres) un seul est exprimé". Dans le cas qui nous intéresse, c'est à dire celui de l'expert en poésie japonaise, il nous manque le deuxième élément : "il y aurait d’une part ce dialogue entre un théoricien du haïku ».. . Exit le deuxième élément. Vous connaissez la blague de Coluche ? Quelle différence y a-t-il entre (au hasard) une planche à pain ? Cela ressemble aux exercices de méditation zen, genre « applaudir d’une seule main. »
Le deuxième élément, ne peut-être que la femme, l'épouse du docteur es haïkiste, la supposée bombe sexuelle aux dires de l’Editeur.
Donc il y aura un dialogue entre cet homme éminent niponisant et son épouse.
Rejoignons le couple dans son jardin zen agrémenté de coussins. Ecoutons les.
Elle : Miel de ma vie, nectar de mon âme, délices de ma bouche… Viens, je t'appelle, je t'attends, je t'espère. Mon anacoluthe ruisselle.
Lui : (tout bas pour lui-même) Arch ! Saloperie d' anantapodoton qui ne veut se réveiller ! J'ai beau m'activer, il est aussi endormi qu'une litote !
(Tout haut) Bien aimée, azur de mes nuits, sel de mes rêves, poivre de mes muscles, miches de mes réveils… Patiente… en lisant mes derniers haïkus !
Elle : Quoi ! Comment ! Arch ! Tes haïkus ! Tes haïkus… Et ma césure… c'est un cuir !
Je vous comprends, cher lecteur, en supposant qu’un lecteur soit toujours en poste, vous voilà choqué ! Pour ma défense je pourrais invoquer cette brandade de morue trop chargée en ail, pesant sur mon estomac ! La vérité est plus prosaïque. Elle s’adresse à certains Messieurs dépensiers et peu imaginatifs : abandonnez les revues spécialisées, ces revues sur papier glacé, chaudement illustrées que vous croyez bien cachées et que vos héritiers découvrent sans coup férir dans le grenier, au-dessus de l'armoire à pharmacie ou sur la réserve d’eau des toilettes…
Déposez dans les lieux d'aisance un Gradus, régalez-vous ! Votre descendance y prendra goût. Et cet ouvrage fécond, éveillera peut-être des vocations de poètes ou des talents d'humoriste. A moins qu’un sort moins enviable détourne de leur fonction ces pages érudites. Evitez ce geste sacrilège !
Marie Treize
* Le Gradus est ouvrage épatant, planète étrange, riche en termes énigmatiques, d’une poésie totale, d’un comique surprenant. J’aime m’y promener, j’y cueille des mots rares qui se fanent presque aussitôt, ma matière grise n’étant pas un terreau favorable aux fleurs de la rhétorique.
lundi 20 avril 2009
Le chant des oiseaux.
Quand je verrai Albert Serra à l’affiche d’un film, j’irai en voir un autre. C’est lui qui a réalisé ce film en noir et blanc où il n’y a pas l’ombre d’un oiseau, pas plus que de poésie: une bonne purge de temps en temps serait-elle salutaire? La lenteur des plans conviendrait pour le côté esthétisant; pour l’humour annoncé par certains critiques, je ne vois qu’un rire nerveux qui peut advenir quand la corde de l’exaspération se tend. La raison peut reconnaître l’originalité du propos, mais je suis imperméable à celle ci et la fatigue peut vous amener à ne pas aller au bout du voyage de ces trois personnages tellement minablement humains qu’une bonne partie du public « se tire » de chez ces rois. Pas d’étoile pour ces mages.
dimanche 19 avril 2009
Bénabar
Au Summum, quelqu’un m’a dit que le parisien a eu un beau succès.
Je l’apprécie assez pour être allé, il y a déjà quelques années, l’écouter au Grand angle, et je commence à avoir une petite collec de ses CD.
Poète de mes 2000, impitoyable mais tellement fréquentable, sensible à l’air du temps et nous le rendant bien. Tendre avec les petits (l’employé amoureux de la majorette), implacable avec les bobos comme moi qui aiment être moqués, pourvu qu’on parle de nous !
La chanson est certes un art mineur, oui, et qu’importe, elle nous dit à chacun le temps et ses emballements, nos renoncements. Entre le Jeff déclamatoire de Brel où l’amitié pose ses tripes sur le vinyle et le petit bourgeois mesquin qui se fait livrer ses pizzas devant un DVD de De Funès, de la bière a coulé dans les bocks aux heures pâles de la nuit, Ferré !
Fini Jaurès, les Marquises ; nos ne trouverons pas la route de ces rendez-vous perdus d’avance dans des banlieues mal indiquées. En ces temps de répondeurs, le mot amour, voire amitié tourne à la pathologie pour addicts ados attardés. Bénabar nous excuse aussi de notre passé trop sérieux quand il fallait mépriser les Carpentier, où Jo Dassin s’accrochait pourtant à notre mémoire. Juste et délicat comme un dessin de Sempé, il dit le temps qui passe sans lyrisme, ni pathos, avec acuité, avec humour.
« Parce qu’on connaît par cœur
Le numéro du roi
Qui s’est fait couper la tête
Qu’on s’ rappelle sans effort
De notre digicode
Et de la distance du cent mètres
On en oublierait presque
Le numéro d’équilibriste
Le seul qui compte
Et qui consiste
A ne pas tomber. »
Je l’apprécie assez pour être allé, il y a déjà quelques années, l’écouter au Grand angle, et je commence à avoir une petite collec de ses CD.
Poète de mes 2000, impitoyable mais tellement fréquentable, sensible à l’air du temps et nous le rendant bien. Tendre avec les petits (l’employé amoureux de la majorette), implacable avec les bobos comme moi qui aiment être moqués, pourvu qu’on parle de nous !
La chanson est certes un art mineur, oui, et qu’importe, elle nous dit à chacun le temps et ses emballements, nos renoncements. Entre le Jeff déclamatoire de Brel où l’amitié pose ses tripes sur le vinyle et le petit bourgeois mesquin qui se fait livrer ses pizzas devant un DVD de De Funès, de la bière a coulé dans les bocks aux heures pâles de la nuit, Ferré !
Fini Jaurès, les Marquises ; nos ne trouverons pas la route de ces rendez-vous perdus d’avance dans des banlieues mal indiquées. En ces temps de répondeurs, le mot amour, voire amitié tourne à la pathologie pour addicts ados attardés. Bénabar nous excuse aussi de notre passé trop sérieux quand il fallait mépriser les Carpentier, où Jo Dassin s’accrochait pourtant à notre mémoire. Juste et délicat comme un dessin de Sempé, il dit le temps qui passe sans lyrisme, ni pathos, avec acuité, avec humour.
« Parce qu’on connaît par cœur
Le numéro du roi
Qui s’est fait couper la tête
Qu’on s’ rappelle sans effort
De notre digicode
Et de la distance du cent mètres
On en oublierait presque
Le numéro d’équilibriste
Le seul qui compte
Et qui consiste
A ne pas tomber. »
samedi 18 avril 2009
Souffrez ces suffrages.
S’il n’y avait que les anarchistes, à contester le bulletin de vote, les vrais, les noirs de chez noirs, cohérents à Blok, cependant il y en a d’autres, y compris parmi les garants les plus incontestables de la démocratie. Les épigones littéraires des anars sont portant devenus aussi rares que les chanteurs populaires socialistes, mais au hasard des résultats électoraux, l’amertume des perdants renforce l’incompréhension de certains participants à la compétition politique. Et de pleurnicher contre les médias vendus à l’adversaire, quand ce n’est pas l’ingratitude ou l’intelligence des électeurs qui est en cause pour avoir failli à leur égard.
Il est certes difficile d’avaler qu’un ouvrier vote à droite, pourtant quand nous acceptons pour notre favorite poitevine les millions de Bergé, nous aimons savoir que les lignes sont faites pour bouger comme il fut à la mode de l’exprimer ainsi, il y a peu. Si le déshérité fait davantage confiance aux défenseurs des héritiers, c’est que nous n’avons pas été assez convaincants, nous les défenseurs des petits. Nous n’héritons pas des électeurs. Nous avons bien peu confiance en nos idées quand nous évitons les contradicteurs, quand des sujets tabous s’installent. De mes années à fréquenter quelques belles figures libertaires, j’ai gardé ma préférence aux dérangeurs, aux poseuses de questions plutôt qu’aux affidés, aux dociles.
De surcroit, notre aversion à l’égard de Sarkozy ne doit pas nous faire ignorer ce qui l’a porté à la victoire : sa confiance en lui- même adossée au sens de l’efficacité. Nous aurions tort de nous rassurer sur notre pureté en constatant les reniements d’un Kouchner mais il n’y a pas que des fieffés arrivistes qui l’ont rejoint : il a séduit des Hirsch, des Rocard qui savent distinguer le pragmatisme d’un opportunisme, tout en bousculant son propre camp. Nous sommes nous aussi secoués certes, mais en dehors des jérémiades, des ressassements, le temps n’est pas à l’audace et quand des nouveaux militants pointent le bout du nez : prudence… au mieux. En ces temps de basses eaux où bien des certitudes sont ébranlées, cette façon dont je prends la vie politique, témoigne de la prééminence des caractères, des personnalités sur les idées. Bien sûr la sentence du « Guépard » a été ressortie, après le G20 : « il faut que tout change pour que rien ne change » et l’emballage médiatique nous enfume plus que jamais. Juste un détail qui semble éloigné du sujet et pourtant, pour éviter de s’accabler sous les coups de l’idéologie dominante : pour le film « monstres contre Aliens » en Ile de France : 106 salles de cinéma, pour Katyn de Wajda : 3 salles. Cause toujours.
Le signe à peu près égal que les électeurs placent entre nos affichages nous conduit à nous distinguer sur des broutilles, à nous montrer intransigeant sur nos fréquentations comme si pour élargir nos cercles militants nous ne devrions solliciter que les convaincus d’avance. Cette catégorie est heureusement épuisée. C’est avec celui avec lequel nous sommes en désaccord qu’il faut négocier, c’est auprès des dubitatifs que nous gagnerons. La fraternité qui se travaille dans nos groupes militants se vivra parce que prolongeant une mémoire, nous portons les mêmes valeurs. C’est que je viens de lire encore du Régis Debray : « Là où il n’y a pas de mémoire, il n’y a pas d’espérance » dans l’Obs.
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Par ailleurs l’hebdo nous raconte cette petite histoire- comment dire- ahurissante : « En quittant Birkenau, on croise un guide rencontré lors d’une précédente visite. On lui a signalé, à l’époque un groupe de trentenaires bruyants qui se prenaient en photo devant les pyjamas rayés et les valises des déportés, malgré les panneaux interdisant les clichés à l’intérieur des bâtiments. Il avait eu un geste las de la main, puis un soupir : « vous savez les pires, ce sont les juifs, ils se croient ici chez eux. »
Il est certes difficile d’avaler qu’un ouvrier vote à droite, pourtant quand nous acceptons pour notre favorite poitevine les millions de Bergé, nous aimons savoir que les lignes sont faites pour bouger comme il fut à la mode de l’exprimer ainsi, il y a peu. Si le déshérité fait davantage confiance aux défenseurs des héritiers, c’est que nous n’avons pas été assez convaincants, nous les défenseurs des petits. Nous n’héritons pas des électeurs. Nous avons bien peu confiance en nos idées quand nous évitons les contradicteurs, quand des sujets tabous s’installent. De mes années à fréquenter quelques belles figures libertaires, j’ai gardé ma préférence aux dérangeurs, aux poseuses de questions plutôt qu’aux affidés, aux dociles.
De surcroit, notre aversion à l’égard de Sarkozy ne doit pas nous faire ignorer ce qui l’a porté à la victoire : sa confiance en lui- même adossée au sens de l’efficacité. Nous aurions tort de nous rassurer sur notre pureté en constatant les reniements d’un Kouchner mais il n’y a pas que des fieffés arrivistes qui l’ont rejoint : il a séduit des Hirsch, des Rocard qui savent distinguer le pragmatisme d’un opportunisme, tout en bousculant son propre camp. Nous sommes nous aussi secoués certes, mais en dehors des jérémiades, des ressassements, le temps n’est pas à l’audace et quand des nouveaux militants pointent le bout du nez : prudence… au mieux. En ces temps de basses eaux où bien des certitudes sont ébranlées, cette façon dont je prends la vie politique, témoigne de la prééminence des caractères, des personnalités sur les idées. Bien sûr la sentence du « Guépard » a été ressortie, après le G20 : « il faut que tout change pour que rien ne change » et l’emballage médiatique nous enfume plus que jamais. Juste un détail qui semble éloigné du sujet et pourtant, pour éviter de s’accabler sous les coups de l’idéologie dominante : pour le film « monstres contre Aliens » en Ile de France : 106 salles de cinéma, pour Katyn de Wajda : 3 salles. Cause toujours.
Le signe à peu près égal que les électeurs placent entre nos affichages nous conduit à nous distinguer sur des broutilles, à nous montrer intransigeant sur nos fréquentations comme si pour élargir nos cercles militants nous ne devrions solliciter que les convaincus d’avance. Cette catégorie est heureusement épuisée. C’est avec celui avec lequel nous sommes en désaccord qu’il faut négocier, c’est auprès des dubitatifs que nous gagnerons. La fraternité qui se travaille dans nos groupes militants se vivra parce que prolongeant une mémoire, nous portons les mêmes valeurs. C’est que je viens de lire encore du Régis Debray : « Là où il n’y a pas de mémoire, il n’y a pas d’espérance » dans l’Obs.
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Par ailleurs l’hebdo nous raconte cette petite histoire- comment dire- ahurissante : « En quittant Birkenau, on croise un guide rencontré lors d’une précédente visite. On lui a signalé, à l’époque un groupe de trentenaires bruyants qui se prenaient en photo devant les pyjamas rayés et les valises des déportés, malgré les panneaux interdisant les clichés à l’intérieur des bâtiments. Il avait eu un geste las de la main, puis un soupir : « vous savez les pires, ce sont les juifs, ils se croient ici chez eux. »
vendredi 17 avril 2009
Paris Brest
« C’était disons, la nouvelle maison que mes parents avaient enfin achetée avec une partie de l’héritage de ma grand-mère, et en ce sens on peut dire que cette maison était chargée d’histoire, que l’argent qui avait servi à l’acheter était lui-même chargé d’histoire… »
Tanguy Veil a sûrement lu Marguerite Duras avec sa façon de chercher les mots, la familiarité, la légèreté et l’intensité, un rythme, mais pour moi, son style à lui est une révélation dans la production actuelle du roman français. Cette chronique familiale commence sur un air ingénu, puis la tension s’accroit, l’angoisse d’abord ténue devient pesante. Les révélations sont distillées par un montage subtil où il est question de pages en train de s’écrire qu’on est impatient d’achever comme dans un polar. Mais tout cela est-il bien vrai ? « Il paraît que tu écris des choses sur nous » A travers une atmosphère gris bleu, où les êtres se croisent, murés dans leur destin, ou bien s’égratignent, c’est un exploit aujourd’hui de rejouer le pouvoir de l’écriture avec cette virtuosité.
Tanguy Veil a sûrement lu Marguerite Duras avec sa façon de chercher les mots, la familiarité, la légèreté et l’intensité, un rythme, mais pour moi, son style à lui est une révélation dans la production actuelle du roman français. Cette chronique familiale commence sur un air ingénu, puis la tension s’accroit, l’angoisse d’abord ténue devient pesante. Les révélations sont distillées par un montage subtil où il est question de pages en train de s’écrire qu’on est impatient d’achever comme dans un polar. Mais tout cela est-il bien vrai ? « Il paraît que tu écris des choses sur nous » A travers une atmosphère gris bleu, où les êtres se croisent, murés dans leur destin, ou bien s’égratignent, c’est un exploit aujourd’hui de rejouer le pouvoir de l’écriture avec cette virtuosité.
jeudi 16 avril 2009
Dessiner la révolution.
S’il n’y avait les salles d’exposition permanentes au château de Vizille, l’exposition temporaire concernant les dernières acquisitions du musée de la révolution serait un peu austère.
Pourtant, les dessins révèlent la vitalité, l’authenticité des artistes, et pour célébrer l’effervescence de ces heures bi-centenaires, ils constituent un moyen privilégié.
Les sujets présentés visent à édifier le citoyen : la république et à sauver et la nation en majesté montre « la Liberté des nations qui copient la table des droits de l’homme ».
On peut rêver plus imprévu, plus dramatique, plus vibrant.
Il y a un tableau inventé mais émouvant des adieux de Danton et Desmoulins devant la guillotine et de remarquables dessins préparatoires au tableau impressionnant vu au musée : « les dernières victimes de la terreur ». Les nuances, les recherches, le travail sont perceptibles, et là nous retrouvons l’épaisseur du temps, l’engagement de l’artiste un demi siècle après les événements qui ont retenti longtemps; ils étaient si jeunes.
Pourtant, les dessins révèlent la vitalité, l’authenticité des artistes, et pour célébrer l’effervescence de ces heures bi-centenaires, ils constituent un moyen privilégié.
Les sujets présentés visent à édifier le citoyen : la république et à sauver et la nation en majesté montre « la Liberté des nations qui copient la table des droits de l’homme ».
On peut rêver plus imprévu, plus dramatique, plus vibrant.
Il y a un tableau inventé mais émouvant des adieux de Danton et Desmoulins devant la guillotine et de remarquables dessins préparatoires au tableau impressionnant vu au musée : « les dernières victimes de la terreur ». Les nuances, les recherches, le travail sont perceptibles, et là nous retrouvons l’épaisseur du temps, l’engagement de l’artiste un demi siècle après les événements qui ont retenti longtemps; ils étaient si jeunes.
mercredi 15 avril 2009
Pédagogiques conseilleurs. Faire classe # 29
Ayant trouvé mon bac dans la pochette surprise 68, ingrat boomer, j’en suis à approuver souvent les regretteurs du niveau-qui-baisse. Des surdiplômés arrivent dans la carrière d’enseignant, ils renâclent parfois à se pencher bien bas pour torcher une larme ou éponger un vomi. Fils de paysan indûment monté dans l’ascenseur, je me sens plus à proximité des parents blédards que des petits marquis iufimisés...de surcroît, ils sont jeunes, je suis vieux. Les jeunes femelles apprennent mieux que les vieux singes.
Même blanchis sous le harnois, les conseilleurs pédagogiques jouent les juvéniles. Quelle tristesse de les voir courir après tous les renoncements, et s’assoupir sous l’édredon de la branchitude. Ils apparaissent souvent comme l’imbécile de la blague chargé de montrer la puissance de sa pensée devant le bocal d’un poisson rouge et qui repart en arrondissant des « blop ! blop ! ».
Mon échantillon de ces échappés des contraintes du quotidien était formé de trop de conformistes prêchant l’anticonformisme, de directifs prônant la non-directivité. Ils ont bien souvent renoncé à transmettre aux élèves pour prescrire à leurs collègues. Chargés à mes yeux d’animer les débats pédagogiques, ils jouent plutôt les propagandistes peu enclins à laisser s’exercer la liberté qu’ils affichent. Il est vrai que les exemples de dialogues véritables, venant d’en haut, sont peu fréquents et Trissotin n'est plus une caricature. La faute à Rousseau. Bien peu de respect, d’écoute, de reconnaissance … de pédagogie. Dans les débats sévissent toujours l’inamovible Mérieux versus le petit dernier médiatique : Brighelli. Hamon lui navigue bien mieux dans les vagues. Dans les temps héroïques, des copeaux de Bourdieu, des dessins de Charlie hebdo, des airs de Ferré agrémentèrent le bla bla. Illitch est mort oublié, le poisson trempé dans le Perrier se sent un peu patraque… Idéalistes, réactionnaires, démagogues, alouette ! Le match se joue devant des tribunes vides. Les belles phrases et les bons sentiments. La beauté affronte la bonté. Et si l’éducation convergeait avec l’instruction ?
Le miroir grotesque d’un « tout-fout-le-camp » contre « tout-va-très-bien » précède l’incendie froid et silencieux - le pire.
Nous avons cru en la liberté, où l’inné compterait pour des prunes, il est revenu subrepticement nous portant à douter de tout apport étranger aux spirales génétiques.
L’enfant au centre, qui répond ? De qui procède la vérité quand tu as cinq ans ? La liberté se trouve-t-elle à ta portée? Lorsque l’école se tait, qui cause ? Si les enfants avaient plus le temps d’être des enfants, peut être que des jeunes seraient moins revenus de tout avant d’être partis ? Ils ne sont pas dupes, mais quand va-t-on cesser de se mentir ?
« Ce n’est pas à l’école à montrer ça » : finalement les timorés avaient raison contre moi qui paresseusement me laissait aller à « ils en ont vu d’autres ». Après avoir beaucoup péché je me convertis : « chaque chose en son temps ».
Afin de m’inscrire utilement dans la dispute pédagogique, je continue à militer pour la preuve par l’action ; pour moi la pratique fait loi. Eviter les jugements définitifs dans un domaine qui requiert du doigté, de la souplesse, de la tolérance. L’autorité ne se mesure pas à la rectitude d’un rang mais à la capacité à installer une ambiance de classe où personne n’écrase les autres ni ne s’écrase. En gardant la mémoire d’emballements passés, nous pouvons préserver l’enthousiasme primeur, sans se fourvoyer, adopter les technologies nouvelles, des techniques rôdées, pour mieux préserver les fondamentaux : être adultes pour que les enfants qui nous sont confiés grandissent. Notre bibliothèque intime peut céder de la place à quelques D.V.D. Ni scrogneugneux neurasthénique ni « lou ravi » atteint par l’ivresse des sommets entre deux stages en Ifume attitude.
Bien sûr la méfiance systématique à l’égard des experts peut tomber dans la démagogie mais la confiance envers les enseignants et la croyance en leur expertise me semble une des clefs pour reconquérir du sens pour les chargés de transmission.
Et la meilleure garantie pour un élève de trouver sa voie est bien de rencontrer des maîtresses motivées ( voire des maîtres, et là il y aurait des quotas que ça ne ferait pas trop de mâles)
Des experts en sciences de l’éducation se félicitent, si, si, d’une érosion de la conscience professionnelle, signe d’une distanciation qui renforcerait le professionnalisme et surtout les assurerait du silence, de la résignation : aucune menace pour leur planque. L’incompétence constituerait donc à leurs yeux la condition d’une plus grande efficacité ? Glop !
Même blanchis sous le harnois, les conseilleurs pédagogiques jouent les juvéniles. Quelle tristesse de les voir courir après tous les renoncements, et s’assoupir sous l’édredon de la branchitude. Ils apparaissent souvent comme l’imbécile de la blague chargé de montrer la puissance de sa pensée devant le bocal d’un poisson rouge et qui repart en arrondissant des « blop ! blop ! ».
Mon échantillon de ces échappés des contraintes du quotidien était formé de trop de conformistes prêchant l’anticonformisme, de directifs prônant la non-directivité. Ils ont bien souvent renoncé à transmettre aux élèves pour prescrire à leurs collègues. Chargés à mes yeux d’animer les débats pédagogiques, ils jouent plutôt les propagandistes peu enclins à laisser s’exercer la liberté qu’ils affichent. Il est vrai que les exemples de dialogues véritables, venant d’en haut, sont peu fréquents et Trissotin n'est plus une caricature. La faute à Rousseau. Bien peu de respect, d’écoute, de reconnaissance … de pédagogie. Dans les débats sévissent toujours l’inamovible Mérieux versus le petit dernier médiatique : Brighelli. Hamon lui navigue bien mieux dans les vagues. Dans les temps héroïques, des copeaux de Bourdieu, des dessins de Charlie hebdo, des airs de Ferré agrémentèrent le bla bla. Illitch est mort oublié, le poisson trempé dans le Perrier se sent un peu patraque… Idéalistes, réactionnaires, démagogues, alouette ! Le match se joue devant des tribunes vides. Les belles phrases et les bons sentiments. La beauté affronte la bonté. Et si l’éducation convergeait avec l’instruction ?
Le miroir grotesque d’un « tout-fout-le-camp » contre « tout-va-très-bien » précède l’incendie froid et silencieux - le pire.
Nous avons cru en la liberté, où l’inné compterait pour des prunes, il est revenu subrepticement nous portant à douter de tout apport étranger aux spirales génétiques.
L’enfant au centre, qui répond ? De qui procède la vérité quand tu as cinq ans ? La liberté se trouve-t-elle à ta portée? Lorsque l’école se tait, qui cause ? Si les enfants avaient plus le temps d’être des enfants, peut être que des jeunes seraient moins revenus de tout avant d’être partis ? Ils ne sont pas dupes, mais quand va-t-on cesser de se mentir ?
« Ce n’est pas à l’école à montrer ça » : finalement les timorés avaient raison contre moi qui paresseusement me laissait aller à « ils en ont vu d’autres ». Après avoir beaucoup péché je me convertis : « chaque chose en son temps ».
Afin de m’inscrire utilement dans la dispute pédagogique, je continue à militer pour la preuve par l’action ; pour moi la pratique fait loi. Eviter les jugements définitifs dans un domaine qui requiert du doigté, de la souplesse, de la tolérance. L’autorité ne se mesure pas à la rectitude d’un rang mais à la capacité à installer une ambiance de classe où personne n’écrase les autres ni ne s’écrase. En gardant la mémoire d’emballements passés, nous pouvons préserver l’enthousiasme primeur, sans se fourvoyer, adopter les technologies nouvelles, des techniques rôdées, pour mieux préserver les fondamentaux : être adultes pour que les enfants qui nous sont confiés grandissent. Notre bibliothèque intime peut céder de la place à quelques D.V.D. Ni scrogneugneux neurasthénique ni « lou ravi » atteint par l’ivresse des sommets entre deux stages en Ifume attitude.
Bien sûr la méfiance systématique à l’égard des experts peut tomber dans la démagogie mais la confiance envers les enseignants et la croyance en leur expertise me semble une des clefs pour reconquérir du sens pour les chargés de transmission.
Et la meilleure garantie pour un élève de trouver sa voie est bien de rencontrer des maîtresses motivées ( voire des maîtres, et là il y aurait des quotas que ça ne ferait pas trop de mâles)
Des experts en sciences de l’éducation se félicitent, si, si, d’une érosion de la conscience professionnelle, signe d’une distanciation qui renforcerait le professionnalisme et surtout les assurerait du silence, de la résignation : aucune menace pour leur planque. L’incompétence constituerait donc à leurs yeux la condition d’une plus grande efficacité ? Glop !
mardi 14 avril 2009
Les Kinés # 3
Arrive à la suite de Kiné # 1 et # 2 publiés les mardis précédents
Virgile
Le jour de la séance de massage tant attendu, il s’est mis à geler à pierre fendre. C’était le moment de sortir le gros bébé rose.
J’ai d’abord enfilé le string de chez Z. et puis les nippes habituelles marques Bernard, Trois Cuisses, Amamie, Camard.
Dans la salle d’attente, il faisait si chaud que j’ai voulu ôter mon manteau. Comme la fermeture à glissière ne glissait pas j’ai résolu d’attendre que Virgile me prenne en charge.
Le prince des lieux m’a invitée à pénétrer dans son local. Un Virgile conforme à la description qu’en avait faite Juliette. Je dirais même selon l’expression favorite d’une de mes petites filles : « en plus mieux ».
J’étais en nage.
- Mettez-vous à votre aise. Je reviens.
Et il est parti avec son air à la Lambert Wilson. Dans son costume noir de champion de Kwen Khi Doo.
C’est alors qu’a commencé mon martyre.
Impossible de bouger d’un millimètre cette foutue glissière. Bloquée.
Je me suis mise au boulot. Et que je te tire vers le haut et que je te violente vers le bas. Elle ne bouge pas. La sueur ruisselle, ma douche est foutue, je vais sentir pas bon. Han ! En haut. Han ! En bas.
Prisonnière du bibendum, la Micheline !
Virgile entre :
- Ah, vous trouvez qu’il ne fait pas assez chaud, je vais monter le chauffage !
- NOOOOOOOOOOOOOON !
Il me regarde stupéfait.
- Je suis coincée dans mon manteau… la fermeture est bloquée et j’ai si chaud !
- Vous permettez…
Il s’active pour me désincarcérer. Il tire, il pousse, il souffle, il tord, il froisse, en vain. Il commence à s’énerver le Virgile. Le voici qui brutalement empoigne le haut du manteau, qu’il me secoue, qu’il me soulève de cette façon… comme s’il allait m’en mettre une. Non. Il m’agite, exaspéré. Il me balance à droite à gauche. Il me couche à plat, à califourchon sur mon édredon il s’acharne. Mon string s’est réfugié au fond de mon collant pure laine.
- Pitiéééééééééééééééééééééééééé !
Les yeux fous, il m’ envoie rouler sur le tatami, se prend le visage dans les mains. « Excusez-moi ! Je n’arrive à rien avec votre panne de glissière. Made in China, probable…
Lui ça se voit qu’il dégouline ! Moi je cuis à l’étouffé.
- C’est moi… Je reprendrai rendez-vous… Je vous laisse un chèque.
Mes ciseaux de couturière sont redoutables. Aiguisage chaque année. Le bibendum rose passe un mauvais quart d’heure. Sa chair blanche, idiote et synthétique, se répand à mes pieds tandis que peu à peu je retrouve ma liberté.
Mes cervicales en ont pris un coup. La rhumatologue malgache m’a redonné quinze séances. Juliette était contente de me revoir. On a continué à refaire le monde et j’ai repris rendez-vous pour la fin du mois avec Virgile.
- En confidence je peux vous dire qu’il a eu peur pour vous. C’était plutôt rigolo, en fin de compte, non ?
- Après coup. Oui.
- Enfin ça l’a secoué, Virgile !
- Moi aussi !
Marie Treize
Virgile
Le jour de la séance de massage tant attendu, il s’est mis à geler à pierre fendre. C’était le moment de sortir le gros bébé rose.
J’ai d’abord enfilé le string de chez Z. et puis les nippes habituelles marques Bernard, Trois Cuisses, Amamie, Camard.
Dans la salle d’attente, il faisait si chaud que j’ai voulu ôter mon manteau. Comme la fermeture à glissière ne glissait pas j’ai résolu d’attendre que Virgile me prenne en charge.
Le prince des lieux m’a invitée à pénétrer dans son local. Un Virgile conforme à la description qu’en avait faite Juliette. Je dirais même selon l’expression favorite d’une de mes petites filles : « en plus mieux ».
J’étais en nage.
- Mettez-vous à votre aise. Je reviens.
Et il est parti avec son air à la Lambert Wilson. Dans son costume noir de champion de Kwen Khi Doo.
C’est alors qu’a commencé mon martyre.
Impossible de bouger d’un millimètre cette foutue glissière. Bloquée.
Je me suis mise au boulot. Et que je te tire vers le haut et que je te violente vers le bas. Elle ne bouge pas. La sueur ruisselle, ma douche est foutue, je vais sentir pas bon. Han ! En haut. Han ! En bas.
Prisonnière du bibendum, la Micheline !
Virgile entre :
- Ah, vous trouvez qu’il ne fait pas assez chaud, je vais monter le chauffage !
- NOOOOOOOOOOOOOON !
Il me regarde stupéfait.
- Je suis coincée dans mon manteau… la fermeture est bloquée et j’ai si chaud !
- Vous permettez…
Il s’active pour me désincarcérer. Il tire, il pousse, il souffle, il tord, il froisse, en vain. Il commence à s’énerver le Virgile. Le voici qui brutalement empoigne le haut du manteau, qu’il me secoue, qu’il me soulève de cette façon… comme s’il allait m’en mettre une. Non. Il m’agite, exaspéré. Il me balance à droite à gauche. Il me couche à plat, à califourchon sur mon édredon il s’acharne. Mon string s’est réfugié au fond de mon collant pure laine.
- Pitiéééééééééééééééééééééééééé !
Les yeux fous, il m’ envoie rouler sur le tatami, se prend le visage dans les mains. « Excusez-moi ! Je n’arrive à rien avec votre panne de glissière. Made in China, probable…
Lui ça se voit qu’il dégouline ! Moi je cuis à l’étouffé.
- C’est moi… Je reprendrai rendez-vous… Je vous laisse un chèque.
Mes ciseaux de couturière sont redoutables. Aiguisage chaque année. Le bibendum rose passe un mauvais quart d’heure. Sa chair blanche, idiote et synthétique, se répand à mes pieds tandis que peu à peu je retrouve ma liberté.
Mes cervicales en ont pris un coup. La rhumatologue malgache m’a redonné quinze séances. Juliette était contente de me revoir. On a continué à refaire le monde et j’ai repris rendez-vous pour la fin du mois avec Virgile.
- En confidence je peux vous dire qu’il a eu peur pour vous. C’était plutôt rigolo, en fin de compte, non ?
- Après coup. Oui.
- Enfin ça l’a secoué, Virgile !
- Moi aussi !
Marie Treize
lundi 13 avril 2009
Le déjeuner du 15 août
Comédie de Gianni Di Gregorio : un fils n’a que sa mère à s’occuper, il recueille d’autres vieilles dames qui encombrent les familles, le temps d’un 15 août qui vide la ville de Rome. Il est bien brave. Malgré les difficultés financières, quelques arrangements permettent à chacune de passer un moment où la chaleur humaine fait oublier la canicule. La Vespa, le gratin de pâtes, le vin blanc, des caprices, des coquetteries, les sourires et la dignité.Léger et nonchalant. L'âpreté de la vie peut entrer dans des parenthèses le temps d'un congé.
« Ce soir on mange léger : une soupe de légumes… on y ajoutera un peu de parmesan »
« Ce soir on mange léger : une soupe de légumes… on y ajoutera un peu de parmesan »
dimanche 12 avril 2009
Minetti
Les chaises retournées sur les tables indiquent bien qu’il est temps de quitter la scène d’une vie tragique. J’aurai pu m’identifier au vieil acteur attendant dans un hall d’hôtel, un directeur de théâtre qui ne viendra pas. Mais une fois la situation en place, je suis resté indifférent.
Le nom de Thomas Bernhard pour le texte, d’André Engel pour la mise en scène au service de Piccoli laissaient prévoir une émouvante rencontre mais je suis resté détaché. L’acteur qui tient la scène plus d’une heure veut jouer une dernière fois le roi Lear, mais enfermé dans sa solitude, il radote et ses sentences ne passent pas auprès d’une femme se noyant dans l’alcool en cette soirée de la Saint Sylvestre, à peine plus indifférente qu’une jeune fille attendant son amoureux, qui lui laissera son transistor. Il ne semble pas les voir, il rabâche, et Piccoli ne m’emballe pas, j’ai trouvé sa voix fausse alors que les interrogations sur la vie, les masques, le désamour auraient pu sonner moins dans le vide.
Le nom de Thomas Bernhard pour le texte, d’André Engel pour la mise en scène au service de Piccoli laissaient prévoir une émouvante rencontre mais je suis resté détaché. L’acteur qui tient la scène plus d’une heure veut jouer une dernière fois le roi Lear, mais enfermé dans sa solitude, il radote et ses sentences ne passent pas auprès d’une femme se noyant dans l’alcool en cette soirée de la Saint Sylvestre, à peine plus indifférente qu’une jeune fille attendant son amoureux, qui lui laissera son transistor. Il ne semble pas les voir, il rabâche, et Piccoli ne m’emballe pas, j’ai trouvé sa voix fausse alors que les interrogations sur la vie, les masques, le désamour auraient pu sonner moins dans le vide.
samedi 11 avril 2009
30 heures sous un autocar en marche
Un Afghan de 19 ans a voyagé plus de trente heures attaché au châssis d'un autocar entre Athènes et Nowa Deba, dans le sud de la Pologne.
Il souhaitait gagner l'Italie mais s'est trompé de véhicule.
Le sien a accompli un périple de 2 800 kilomètres en passant par la Macédoine, la Serbie, la Hongrie et la Slovaquie.
Intercepté hier par les gardes à la frontière polonaise, Yahiya, originaire de Kaboul a dû panser quelques plaies : un câble de la boîte de vitesse du bus passait près de sa joue et l'incisait à chaque changement de régime.
Il a demandé l'asile en Pologne.
Une brève dans "Libération" il y a trois jours.
Il souhaitait gagner l'Italie mais s'est trompé de véhicule.
Le sien a accompli un périple de 2 800 kilomètres en passant par la Macédoine, la Serbie, la Hongrie et la Slovaquie.
Intercepté hier par les gardes à la frontière polonaise, Yahiya, originaire de Kaboul a dû panser quelques plaies : un câble de la boîte de vitesse du bus passait près de sa joue et l'incisait à chaque changement de régime.
Il a demandé l'asile en Pologne.
Une brève dans "Libération" il y a trois jours.
vendredi 10 avril 2009
Le moment fraternité.
Pas toujours facile, Régis Debray, pourtant j’ai lu son dernier livre soulevé par un style qui me ravit, comme je serais porté par une musique d’un morceau dont je ne saisirais pas toutes les paroles.
J’ai recopié des phrases pour nos débats contemporains avec mes camarades, même si j’ai mis du temps à considérer que la place faite à l’armée et à la religion, dans cette affaire de fraternité datant de 1848, était démesurée. Je suis bien trop englouti par les nouvelles du jour où un pape vire tellement au ridicule que j’en viens à négliger nos besoins de sacré.
« A l’enseigne de l’Histoire nos Michelet enflammaient les députés, sous le signe de l’actu, les rédac chef donnent des sueurs froides aux ministres »
J’aime le XIX°. L’ancien prisonnier n’est pas dans l’air du temps, il redéfinit les conditions du passage du « on » au « nous », avec ce qu’il faut de frontières, de marches pour s’élever, de rite, de combat.
L’économie seule ne fait pas une société « Chaque pays fait comme il peut, avec les moyens du bord, ce qu’il a dans son sous-sol et sa mémoire »
Quelque peu enivré par sa prose, j’aime retrouver le plaisir de jouer avec le mot « livre », grâce à cet ouvrage qui ouvre, où il se livre dans quelques récits de sa vie.
De l’incarnation, une érudition épatante, fécond jusque dans ses parenthèses :« le parisianisme c’est ce qui reste quand on a tout oublié du jacobinisme »
Fraternité: « Le président de la République se garde de l’utiliser, même dans ses vœux de nouvel an, lui préférant les droits de l’homme. Et quand un préfet plus audacieux le fait résonner le 14 Juillet dans ses pièces de réception, il ne tient pas trop à le voir se concrétiser le lendemain sous ses fenêtres. »
Dans la banalité des jours qui braillent d’individualisme, un air parfumé d’humanité.
J’ai recopié des phrases pour nos débats contemporains avec mes camarades, même si j’ai mis du temps à considérer que la place faite à l’armée et à la religion, dans cette affaire de fraternité datant de 1848, était démesurée. Je suis bien trop englouti par les nouvelles du jour où un pape vire tellement au ridicule que j’en viens à négliger nos besoins de sacré.
« A l’enseigne de l’Histoire nos Michelet enflammaient les députés, sous le signe de l’actu, les rédac chef donnent des sueurs froides aux ministres »
J’aime le XIX°. L’ancien prisonnier n’est pas dans l’air du temps, il redéfinit les conditions du passage du « on » au « nous », avec ce qu’il faut de frontières, de marches pour s’élever, de rite, de combat.
L’économie seule ne fait pas une société « Chaque pays fait comme il peut, avec les moyens du bord, ce qu’il a dans son sous-sol et sa mémoire »
Quelque peu enivré par sa prose, j’aime retrouver le plaisir de jouer avec le mot « livre », grâce à cet ouvrage qui ouvre, où il se livre dans quelques récits de sa vie.
De l’incarnation, une érudition épatante, fécond jusque dans ses parenthèses :« le parisianisme c’est ce qui reste quand on a tout oublié du jacobinisme »
Fraternité: « Le président de la République se garde de l’utiliser, même dans ses vœux de nouvel an, lui préférant les droits de l’homme. Et quand un préfet plus audacieux le fait résonner le 14 Juillet dans ses pièces de réception, il ne tient pas trop à le voir se concrétiser le lendemain sous ses fenêtres. »
Dans la banalité des jours qui braillent d’individualisme, un air parfumé d’humanité.
jeudi 9 avril 2009
Gangs of skaters 09.
Jérôme Romain et Ben Thé, des artistes de la famille des skateurs, exposent à la Bifurk qui offre un abri aux adeptes de la planche à roulettes. Dans ce hangar immense, une salle d’exposition, la galerie de LAA (Laboratoire Art Aujourd’hui) au 2 rue Gustave Flaubert en face de la MC 2, côté Guynemer. Le parking était désert quand nous nous sommes présentés. Nous avons été bien reçus, mais ce serait mentir si nous affirmions que nous ayons été transportés par l’originalité des œuvres. Les toiles de Jérôme Romain sont hyper réalistes, de bonne facture. L’artiste revisite le pop art avec sa mythologie des années 60: bord de mer, piscine, boissons, talons hauts; portraits soignés mais déjà vus. Quant aux collages de Ben The, c’est finalement assez scolaire avec jeux de mots sans surprise ; une nonne qui fume sous sa cornette vous a des airs moins novateurs que bien des peintures d’avant la première guerre. Sympathiques, mais pour moi, il se trouve que des surprises se dévoilent parfois dans des lieux conventionnels, alors que des lofts alternatifs peuvent me paraître plus sages.
mercredi 8 avril 2009
Musique. Faire classe #28
« Quand la musique était rare, sa convocation était bouleversante comme sa séduction vertigineuse. Quand la convocation est incessante, la musique repousse. Le silence est devenu le vertige moderne. » P. Quignard
Les petites phrases convaincantes, bien tournées ne manquent pas pour traduire les délices subtils de ces heures passées à écouter et chanter. Rien moins que le temps ( tac! tac ! tac !), l’enfance ( dodo) et la mort (tatatam) seraient convoqués avec l’amore, les secrets, la solitude et le « tous ensemble ». Les grandes orgues jouent pour naviguer vers ces contrées sublimes. Les clichés empesés trouvent leur symétrique dans le stéréotype du pipeau nasillard qui accompagnerait des heures tristes et un beau bordel ! Omniprésente dans les oreilles calfatées au M.P.3, si fluette dans l’enseignement, le respect ne tient pas à la matière. Silence et « Laaaaa ! » Chantons à l’unisson, harmonie.
Mes difficultés à tenir un rythme, mes timidités de chanteur, mon inculture musicale m’ont empêché d’aborder tranquillement ses heures en solitaire. Heureusement des moniteurs sont venus saisir la baguette. Quelques minutes au guide - chants pour un C.A.P. me coûtaient trop de temps pour rendre serein des apprentissages que je n’ai finalement pas eu à mener. Cependant j’ai vécu bien des moments de grâce dans l’attente d’un train où j’entraînais une classe à chanter ; moments trop rares et d’une qualité moindre que ce que les éducateurs musicaux ont apporté chaque année à la guitare, à l’accordéon, au violon. Je leur ai suggéré des thèmes autour de l’amitié, de la défense de la planète, de l’enfance, sur différents pays, autour de l’école. J’ai repris par exemple en histoire ce qui avait été le fil rouge d’une année comme les chants emblématiques d’une époque même s’il est avéré que les vrais maquisards in situ chantaient plus souvent « la digue, la digue » que « le chant des partisans ». J’ai appris aussi à ne pas mettre la musique à toutes les sauces, ne pas la proposer lorsque les enfants s’exercent à une autre activité, ne pas ancrer dans les oreilles l’idée de musique arrière - plan. Pour une écoute exclusive, je m’en remis souvent à d’autres, ne délivrant qu’avec parcimonie des ouvertures : « c’est pas l’homme qui prend la mer… » pour annoncer notre départ en classe de mer, ou quelque conclusion tonitruante avec « Bella cio » qui accompagnait une fin de journée de classe. D’avoir trop patienté au son des « quatre saisons », nous avons des réticences à proposer des classiques aux risques de l’oubli et d’un appauvrissement de la connaissance qui ne serait bâtie qu’avec du neuf … pour nous. Tentatives de musique dans les cars de ramassage, mais j’y renonçais pour ne pas vouloir non plus combler absolument chaque minute vacante dans ma frénésie de transmettre. Laisser se reposer les esgourdes, se laisser aller à la mauvaise blague régressive du voisin. Je ne suis pas « Le roi de la montagne » dans son hall, ni « la reine de la nuit ». Maître par intermittence, il me fallut bien reconnaître que je n’étais pas Dieu.
Les tensions de la mode, viennent s’agripper autour des partitions. A quoi bon ressasser à l’école ce que les jeunes savent d’ailleurs ? Pourtant, quand Sinsemilla reprend Brassens, nous nous gagnons quelque légitimité. Et l’année des « choristes» le chœur mettait plus de cœur à chanter. La Star Ac aide à prendre de l’assurance et à s’exposer. Piocher dans le répertoire de l’heure, attire des adhésions fortes et des rejets puissants ; attention territoire balisé par les tribus. Par contre, le patrimoine nous sauve et tisse le lien entre les générations: Goldman, Perret, Le Forestier, Fugain, Berger, Nougaro… C’était bien quand arrière grand -mère venait de reconnaître « tout va très bien madame la Marquise » chanté à la fête de fin d’année. Les futurs « muants » avaient leurs timidités de pré ados mais ensemble, dans la chaleur, c’était fête ! La fête de l’école, et cette batoucada pour les dix ans ! Abdelrezac en fendit un tambourin.
Les petites phrases convaincantes, bien tournées ne manquent pas pour traduire les délices subtils de ces heures passées à écouter et chanter. Rien moins que le temps ( tac! tac ! tac !), l’enfance ( dodo) et la mort (tatatam) seraient convoqués avec l’amore, les secrets, la solitude et le « tous ensemble ». Les grandes orgues jouent pour naviguer vers ces contrées sublimes. Les clichés empesés trouvent leur symétrique dans le stéréotype du pipeau nasillard qui accompagnerait des heures tristes et un beau bordel ! Omniprésente dans les oreilles calfatées au M.P.3, si fluette dans l’enseignement, le respect ne tient pas à la matière. Silence et « Laaaaa ! » Chantons à l’unisson, harmonie.
Mes difficultés à tenir un rythme, mes timidités de chanteur, mon inculture musicale m’ont empêché d’aborder tranquillement ses heures en solitaire. Heureusement des moniteurs sont venus saisir la baguette. Quelques minutes au guide - chants pour un C.A.P. me coûtaient trop de temps pour rendre serein des apprentissages que je n’ai finalement pas eu à mener. Cependant j’ai vécu bien des moments de grâce dans l’attente d’un train où j’entraînais une classe à chanter ; moments trop rares et d’une qualité moindre que ce que les éducateurs musicaux ont apporté chaque année à la guitare, à l’accordéon, au violon. Je leur ai suggéré des thèmes autour de l’amitié, de la défense de la planète, de l’enfance, sur différents pays, autour de l’école. J’ai repris par exemple en histoire ce qui avait été le fil rouge d’une année comme les chants emblématiques d’une époque même s’il est avéré que les vrais maquisards in situ chantaient plus souvent « la digue, la digue » que « le chant des partisans ». J’ai appris aussi à ne pas mettre la musique à toutes les sauces, ne pas la proposer lorsque les enfants s’exercent à une autre activité, ne pas ancrer dans les oreilles l’idée de musique arrière - plan. Pour une écoute exclusive, je m’en remis souvent à d’autres, ne délivrant qu’avec parcimonie des ouvertures : « c’est pas l’homme qui prend la mer… » pour annoncer notre départ en classe de mer, ou quelque conclusion tonitruante avec « Bella cio » qui accompagnait une fin de journée de classe. D’avoir trop patienté au son des « quatre saisons », nous avons des réticences à proposer des classiques aux risques de l’oubli et d’un appauvrissement de la connaissance qui ne serait bâtie qu’avec du neuf … pour nous. Tentatives de musique dans les cars de ramassage, mais j’y renonçais pour ne pas vouloir non plus combler absolument chaque minute vacante dans ma frénésie de transmettre. Laisser se reposer les esgourdes, se laisser aller à la mauvaise blague régressive du voisin. Je ne suis pas « Le roi de la montagne » dans son hall, ni « la reine de la nuit ». Maître par intermittence, il me fallut bien reconnaître que je n’étais pas Dieu.
Les tensions de la mode, viennent s’agripper autour des partitions. A quoi bon ressasser à l’école ce que les jeunes savent d’ailleurs ? Pourtant, quand Sinsemilla reprend Brassens, nous nous gagnons quelque légitimité. Et l’année des « choristes» le chœur mettait plus de cœur à chanter. La Star Ac aide à prendre de l’assurance et à s’exposer. Piocher dans le répertoire de l’heure, attire des adhésions fortes et des rejets puissants ; attention territoire balisé par les tribus. Par contre, le patrimoine nous sauve et tisse le lien entre les générations: Goldman, Perret, Le Forestier, Fugain, Berger, Nougaro… C’était bien quand arrière grand -mère venait de reconnaître « tout va très bien madame la Marquise » chanté à la fête de fin d’année. Les futurs « muants » avaient leurs timidités de pré ados mais ensemble, dans la chaleur, c’était fête ! La fête de l’école, et cette batoucada pour les dix ans ! Abdelrezac en fendit un tambourin.
mardi 7 avril 2009
Les Kinés #2
Vient comme son titre l'indique après Kiné #1 paru la semaine dernière:
A la quatorzième séance j’ai voulu en savoir un peu plus sur le massage thaïlandais; sur le masseur, j’avais mon compte de détails.
- Ca ne m’enlèvera pas la peau ?
J’avais le souvenir cuisant d’une énorme Bédouine écorchant mon dos dans un hammam minable de Toulon. Les jours de spleen on ferait mieux de rester planqué devant ou derrière un écran plutôt que de chercher réconfort en n’importe quelles mains.
- Et comment faut-il être dévêtu, euh, vêtu ?
- Nu, nu, le massage du fessier est très agréable alors les culottes ça empêche.
- Ben…
- Mais vous pouvez mettre un string si…
Je suis devenue très pudique à partir de cinquante ans. Allez savoir pourquoi ?
A la dernière séance j’ai pris mon courage à deux mains. Tout en enfilant mes collants pure laine de chez « Bernard », vente par correspondance pour les frileuses :
- J’aimerais prendre rendez-vous avec Virgile pour un massage.
- … Pas avant la fin du mois… Désolée.
- Et pour les strings… Vous croyez… ?
- Ecoutez, j’en ai vu de très jolis en ville chez Z. Alors a-do-ra-bles ! J’ai craqué pour un ensemble tee-shirt et string parme. Un papillon rose derrière chacun en organdi. Fait en Inde probablement.
- Ils n’avaient pas plus simples, sans papillon ou colibri ?
- Chez Z. ils ont de tout et les soldes battent son plein !
Se moquait-elle de moi, Juliette ? Pensive, elle me regardait enfiler mes baskets T.B.S. bleus en solde à la défunte Camif.
Chez Z, j’étais la seule cliente à farfouiller dans les bacs. J’ai mis à droite ces petites choses légères, transparentes, arachnéennes, roses, noires, dorées. Enfin des choses pour derrières en boutons, je veux dire arrières et avants encore dans la fraîcheur des adolescences réelles ou prolongées.
J’ai enfin dégotté un string de coton blanc qui coûtait la peau des fesses, si je peux oser cette expression.
La caissière m’a demandé si c’était pour un cadeau ?
- Non, c’est pas pour ma petite fille, c’est pour moi. Je pars au Vietnam avec mon copain.
Je n’ai même pas rougi ! La nuque bien redressée (merci Juliette !), fière comme la sirène du Mississipi
Je digérais laborieusement un moka quand je l’ai vu. « 30 euros » en rouge sur une énorme étiquette. Moka éclipsé, j’ai pénétré dans cette caverne d’Ali Baba, direct, comme on tire un poisson d’une rivière.
Puis toute bête, prête à ressortir :
- Qu’est-ce que… ?
La vendeuse a jailli de derrière un millier de manteaux, matelassés, taillés dans des couettes.
J’ai pris la travée des moins chers. Ils pendaient, les polissons, bien dodus, bien gonflés, promettant des errances confortables jusqu’au printemps.
J’ai essayé un beige : il a mangé mon teint.
J’ai essayé un foncé : je ressemblais à une veuve corse (pour changer des siciliennes).
J’ai essayé un blanc : employée au SAMU.
J’ai acheté le rose sans vraiment l’essayer, comme ça, vite fait.
Rendez vous pour la suite la semaine prochaine . Marie Treize
A la quatorzième séance j’ai voulu en savoir un peu plus sur le massage thaïlandais; sur le masseur, j’avais mon compte de détails.
- Ca ne m’enlèvera pas la peau ?
J’avais le souvenir cuisant d’une énorme Bédouine écorchant mon dos dans un hammam minable de Toulon. Les jours de spleen on ferait mieux de rester planqué devant ou derrière un écran plutôt que de chercher réconfort en n’importe quelles mains.
- Et comment faut-il être dévêtu, euh, vêtu ?
- Nu, nu, le massage du fessier est très agréable alors les culottes ça empêche.
- Ben…
- Mais vous pouvez mettre un string si…
Je suis devenue très pudique à partir de cinquante ans. Allez savoir pourquoi ?
A la dernière séance j’ai pris mon courage à deux mains. Tout en enfilant mes collants pure laine de chez « Bernard », vente par correspondance pour les frileuses :
- J’aimerais prendre rendez-vous avec Virgile pour un massage.
- … Pas avant la fin du mois… Désolée.
- Et pour les strings… Vous croyez… ?
- Ecoutez, j’en ai vu de très jolis en ville chez Z. Alors a-do-ra-bles ! J’ai craqué pour un ensemble tee-shirt et string parme. Un papillon rose derrière chacun en organdi. Fait en Inde probablement.
- Ils n’avaient pas plus simples, sans papillon ou colibri ?
- Chez Z. ils ont de tout et les soldes battent son plein !
Se moquait-elle de moi, Juliette ? Pensive, elle me regardait enfiler mes baskets T.B.S. bleus en solde à la défunte Camif.
Chez Z, j’étais la seule cliente à farfouiller dans les bacs. J’ai mis à droite ces petites choses légères, transparentes, arachnéennes, roses, noires, dorées. Enfin des choses pour derrières en boutons, je veux dire arrières et avants encore dans la fraîcheur des adolescences réelles ou prolongées.
J’ai enfin dégotté un string de coton blanc qui coûtait la peau des fesses, si je peux oser cette expression.
La caissière m’a demandé si c’était pour un cadeau ?
- Non, c’est pas pour ma petite fille, c’est pour moi. Je pars au Vietnam avec mon copain.
Je n’ai même pas rougi ! La nuque bien redressée (merci Juliette !), fière comme la sirène du Mississipi
Je digérais laborieusement un moka quand je l’ai vu. « 30 euros » en rouge sur une énorme étiquette. Moka éclipsé, j’ai pénétré dans cette caverne d’Ali Baba, direct, comme on tire un poisson d’une rivière.
Puis toute bête, prête à ressortir :
- Qu’est-ce que… ?
La vendeuse a jailli de derrière un millier de manteaux, matelassés, taillés dans des couettes.
J’ai pris la travée des moins chers. Ils pendaient, les polissons, bien dodus, bien gonflés, promettant des errances confortables jusqu’au printemps.
J’ai essayé un beige : il a mangé mon teint.
J’ai essayé un foncé : je ressemblais à une veuve corse (pour changer des siciliennes).
J’ai essayé un blanc : employée au SAMU.
J’ai acheté le rose sans vraiment l’essayer, comme ça, vite fait.
Rendez vous pour la suite la semaine prochaine . Marie Treize
lundi 6 avril 2009
Beter things. Tokio sonata
Deux films tournés avant que la crise explose, ils décrivent en Grande Bretagne et au Japon la débâcle des valeurs sur fond de marasme économique avec des manières qui me sont plus proches chez l’anglais très pessimiste, que chez le Japonais plus froid.
Beter things. Dans la triste campagne anglaise, les jeunes crèvent les bras garrottés et perclus de seringues. Les vieux en sont à quitter la vie plus dispos. Malaise, solitude, ennui : l’alerte n’est pas nouvelle, on peut le dire : le film est dérangeant.
Tokio sonata : On a beau essayer de se méfier des clichés, l’impassibilité japonaise nous paraît toujours aussi énigmatique et quand le film tourne au burlesque nos grilles de spectateurs sont encore chamboulées : certains adorent, d’autres ne goûtent pas forcément les excès mécaniques. Une lueur d’espoir arrive en conclusion d’une histoire ou le mensonge règne et l’incommunicabilité est une donnée constante; la société japonaise crise depuis un moment. Les artistes nous le disent depuis longtemps.
Beter things. Dans la triste campagne anglaise, les jeunes crèvent les bras garrottés et perclus de seringues. Les vieux en sont à quitter la vie plus dispos. Malaise, solitude, ennui : l’alerte n’est pas nouvelle, on peut le dire : le film est dérangeant.
Tokio sonata : On a beau essayer de se méfier des clichés, l’impassibilité japonaise nous paraît toujours aussi énigmatique et quand le film tourne au burlesque nos grilles de spectateurs sont encore chamboulées : certains adorent, d’autres ne goûtent pas forcément les excès mécaniques. Une lueur d’espoir arrive en conclusion d’une histoire ou le mensonge règne et l’incommunicabilité est une donnée constante; la société japonaise crise depuis un moment. Les artistes nous le disent depuis longtemps.
dimanche 5 avril 2009
Good morning Mr Gershwin
Pour ce que j’en sais, la musique de Gershwin me paraît convenir aux accompagnement : ça tombe bien puisque des gerbes d’images et des danses en brassées nous ont été offertes généreusement dans cette soirée à la MC2.
En bord de mer, la vie des années 20 swingue, mais les bateaux de la misère arrivent sur les flots assombris. Des étranges fruits sont pendus aux arbres et la colère touche l’allégresse ; les chants les plus beaux…
Le danseur de hip-hop jouant des claquettes est réjouissant, un éclair au chocolat apprivoisé vient apporter le rire rare dans les spectacles de danse, allusions au cinéma, une chanteuse glougloute à merveille, et des jeux de lumignons prennent la magie au pied de la lettre. Mélange pétillant. Les images de rêve aquatique en vidéo n’éteignent pas les performances d’une troupe explosive qui tient son heure vingt à cent vingt. Cet univers d’années enfuies est régénéré dans un tourbillon des corps qui donne envie d’applaudir tout du long.
En bord de mer, la vie des années 20 swingue, mais les bateaux de la misère arrivent sur les flots assombris. Des étranges fruits sont pendus aux arbres et la colère touche l’allégresse ; les chants les plus beaux…
Le danseur de hip-hop jouant des claquettes est réjouissant, un éclair au chocolat apprivoisé vient apporter le rire rare dans les spectacles de danse, allusions au cinéma, une chanteuse glougloute à merveille, et des jeux de lumignons prennent la magie au pied de la lettre. Mélange pétillant. Les images de rêve aquatique en vidéo n’éteignent pas les performances d’une troupe explosive qui tient son heure vingt à cent vingt. Cet univers d’années enfuies est régénéré dans un tourbillon des corps qui donne envie d’applaudir tout du long.
samedi 4 avril 2009
La case en moins des mecs.
Dans nos discussions rigolotes, a jailli :
« les mecs ont une case en moins ».
Je le concède, question intuition nous sommes parfois déficitaires, mais dans cette société maternante qui cultive l’informel, les non-dits brouillent encore un peu plus l’entendement.
Quand il s’agit de s’en tenir aux actes, de se fier aux engagements, nous avouons notre faiblesse d'y croire, notre décoffrage brut peut muter vers le fossile.
Si je goûte autant les réponses sans détour que les allusions équivoques, les métaphores que les points sur les « i », je tiens aux écrits vérifiables, discutables.
Il est des paroles définitives et des écrits ignorés et pour ajouter à l’indifférenciation : avec le web, les mots sont frappés de légèreté. Pipelette subtile contre lent balourd est un schéma bien lourd.
Dans le chœur des jérémiades mâles, nous aggravons notre cas, à n’avoir qu’un Zemmour pour défenseur.
Pour jouer parmi le bavardage généralisant, j’apprécie trop le pragmatisme des femmes, leur fidélité, le sérieux de leur engagement pour ne pas remarquer qu’elles sont souvent impitoyables entre elles. Pourtant je ne supporte pas le procès constant qui est fait à celles qui accèdent à des postes de responsabilité. Ségo, Titine, Kamo, sont accusées d’autoritarisme, d’arrivisme. Tout juste échappent elles à machisme, les tzarines.
Mais les bouches cousues de millions de nos sœurs interdisent d’être joueur sur le sujet.
Et de coller un sexe aux délices de l’implicite ou de l’explicite, entre rusticité et subtilité, oublie les identités changeantes.
Les malentendus aux racines multiples n’ont pas forcément du poil aux pattes.
« les mecs ont une case en moins ».
Je le concède, question intuition nous sommes parfois déficitaires, mais dans cette société maternante qui cultive l’informel, les non-dits brouillent encore un peu plus l’entendement.
Quand il s’agit de s’en tenir aux actes, de se fier aux engagements, nous avouons notre faiblesse d'y croire, notre décoffrage brut peut muter vers le fossile.
Si je goûte autant les réponses sans détour que les allusions équivoques, les métaphores que les points sur les « i », je tiens aux écrits vérifiables, discutables.
Il est des paroles définitives et des écrits ignorés et pour ajouter à l’indifférenciation : avec le web, les mots sont frappés de légèreté. Pipelette subtile contre lent balourd est un schéma bien lourd.
Dans le chœur des jérémiades mâles, nous aggravons notre cas, à n’avoir qu’un Zemmour pour défenseur.
Pour jouer parmi le bavardage généralisant, j’apprécie trop le pragmatisme des femmes, leur fidélité, le sérieux de leur engagement pour ne pas remarquer qu’elles sont souvent impitoyables entre elles. Pourtant je ne supporte pas le procès constant qui est fait à celles qui accèdent à des postes de responsabilité. Ségo, Titine, Kamo, sont accusées d’autoritarisme, d’arrivisme. Tout juste échappent elles à machisme, les tzarines.
Mais les bouches cousues de millions de nos sœurs interdisent d’être joueur sur le sujet.
Et de coller un sexe aux délices de l’implicite ou de l’explicite, entre rusticité et subtilité, oublie les identités changeantes.
Les malentendus aux racines multiples n’ont pas forcément du poil aux pattes.
vendredi 3 avril 2009
Vers la douceur. Bégaudeau
J’avais aimé le livre « Entre les murs », je suis retourné vers l’auteur branché dès la parution de son dernier roman. En croyant mieux apercevoir à travers son style nerveux une époque qui m’échappe, je me vautre avec complaisance dans mon péché mignon : courir après la nouveauté. Je n’avais même pas pris connaissance des critiques, dont celle assassine du Nouvel Obs.
Sûrement pour plus de profondeur, je devrais lire Proust et revoir Stendhal ; les pages du prof défroqué tiennent de la bande dessinée en moins drôle, de la chanson de Vincent Delerm en moins gentil, de la désinvolture bobo et de ses dépressions élégantes.
« Il ne se passait rien dans le train du matin. Dans le train du matin jamais rien ne point… »
Le titre est à comprendre à je ne sais quel degré, car il y a si peu de tendresse, de douceur, sinon celle qui accompagnerait l’endormissement après avoir consommé trop de bières et de chips au goût barbecue… animal triste. Je suis allé au bout sans ennui, sans passion. Le name dropping est le sésame de la connivence avec le lecteur. Les personnages sont bien croqués, mais tout est mis sur le même plan : ainsi pirouettent le désespoir, des allusions à la politique, des échos de match de rugby… « Evalué rebondi dans l’œcuménique rut vespéral, son cul était jugé trop gros dans l’intransigeante amertume du matin »
L’illustration provient du musée dauphinois, c’est la Fanny de métal des jeux de boules, que l’équipe perdant par 13 à 0 devait embrasser d’où l’expression « prendre une tôle ».
Sûrement pour plus de profondeur, je devrais lire Proust et revoir Stendhal ; les pages du prof défroqué tiennent de la bande dessinée en moins drôle, de la chanson de Vincent Delerm en moins gentil, de la désinvolture bobo et de ses dépressions élégantes.
« Il ne se passait rien dans le train du matin. Dans le train du matin jamais rien ne point… »
Le titre est à comprendre à je ne sais quel degré, car il y a si peu de tendresse, de douceur, sinon celle qui accompagnerait l’endormissement après avoir consommé trop de bières et de chips au goût barbecue… animal triste. Je suis allé au bout sans ennui, sans passion. Le name dropping est le sésame de la connivence avec le lecteur. Les personnages sont bien croqués, mais tout est mis sur le même plan : ainsi pirouettent le désespoir, des allusions à la politique, des échos de match de rugby… « Evalué rebondi dans l’œcuménique rut vespéral, son cul était jugé trop gros dans l’intransigeante amertume du matin »
L’illustration provient du musée dauphinois, c’est la Fanny de métal des jeux de boules, que l’équipe perdant par 13 à 0 devait embrasser d’où l’expression « prendre une tôle ».
jeudi 2 avril 2009
Jules Flandrin
Le musée de l’Evêché propose des tableaux de Jules Flandrin, jusqu’au 20 avril.
Il a fréquenté bien des écoles : les Impressionnistes, les Nabis, les Fauves, il a copié bien des classiques.
Il a fait valoir ce qu’il avait appris avec une vigueur bien à lui.
De jolies scènes bucoliques, des portraits d’enfants charmants, des dessins vigoureux, des toiles lumineuses. Cette exposition permet de réviser les caractéristiques d’un début du XX° siècle foisonnant de créativité, en passant un moment agréable.
J’ai découvert cet artiste qui faisait vaguement partie des meubles locaux, avec plaisir, gratuitement.
Il a fréquenté bien des écoles : les Impressionnistes, les Nabis, les Fauves, il a copié bien des classiques.
Il a fait valoir ce qu’il avait appris avec une vigueur bien à lui.
De jolies scènes bucoliques, des portraits d’enfants charmants, des dessins vigoureux, des toiles lumineuses. Cette exposition permet de réviser les caractéristiques d’un début du XX° siècle foisonnant de créativité, en passant un moment agréable.
J’ai découvert cet artiste qui faisait vaguement partie des meubles locaux, avec plaisir, gratuitement.
mercredi 1 avril 2009
Mathématiques Faire classe # 27
Jadis matière reine, les maths ont connu bien des bosses mais aujourd’hui, peu de problèmes se posaient jusque là, avant que des évaluations prématurées en CM2 viennent alerter sur le sujet. Diagnostic d'un inspecteur général: "on fait trop de français". Si, si: il va falloir évaluer les inspecteurs généraux!
La mathématique moderne provoqua des expériences aventureuses mais brèves.
Des séquelles d’incompétences notoires subsistent dans la vie courante pour ceux qui furent exclusivement nourris aux inclusions et patates, pour lesquels la représentation de 33 cl de bière reste une énigme. La leçon de cette catastrophe, engendrée quand les chercheurs prennent seuls le pouvoir, est-elle intégrée ? J’ai pourtant gardé de ce temps une approche d’autres bases de numération que la décimale pour mieux comprendre, prendre du recul par rapport à 99+1= un, zéro, zéro? Dire qu’il fallait quinze séances à ce sujet dans les années 70 ; au XXIième siècle deux heures suffisent : le niveau monte. Les chiffres de l’O.C.D.E. sur ce terrain et les médailles Field attestaient de la bonne santé de la matière.
Apprendre à vivre avec l’incertitude s’affirme comme une injonction et tous les jours nos convictions s’effritent, la précarité s’installe. Alors quel apaisement d’aborder la contrée des nombres incontestables, des lignes claires, des jardins ordonnés même s’il existe, me dit-on, des propositions "indécidables" ! De toutes façons pour les démarches : « peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape les souris ». Quand la vérification du résultat tombe juste, quel plaisir et quand il a fallu transpirer que de satisfactions !
« La terre était informe et vide ; les ténèbres recouvraient l’abîme…Dieu dit : " que la lumière soit ! » et la lumière fut. Et dieu vit que la lumière était bonne… » La genèse
Les outils :
- Un cahier de maths recueille les exercices quotidiens réalisés à la main.
J’employais plusieurs livrets « maison » ( feuilles 21X29,7 pliées en deux assemblées sous une couverture amusante). Je ne recourais pas à un manuel unique, mais confectionnais des recueils d’artisan où les élèves écrivaient, calculaient. Constitués après des années de photocopies réalisées au jour le jour, et puis scanner aidant, ces outils clairs et maniables évitent les collages surabondants dans les cahiers d’antan à l’aspect double-cheese. Ce matériel concrétisait une programmation sur l’année. Des recours personnalisés et approfondis sous l’appellation « maths plus »attendaient les élèves en difficulté.
- Un livret pour le calcul rapide et le calcul mental où figurent des grilles vierges consacrées aux révisions chronométrées de tables, des cases prévues pour les réponses aux thèmes progressifs abordés un jour sur deux, de petits problèmes à résoudre sans poser d’opération, une partie autocorrective pour quelques techniques opératoires. Les élèves notent les évolutions. Rapidité.
- Un livret pour les problèmes et exercices, intitulé « Exos rapidos et mémo » grappillés dans une multitude d’ouvrages d’auteurs différents pour éviter le formatage. Diversité.
- Un livret pour les défis maths. Douze séries de dix situations mathématiques à résoudre en groupe en une heure.
Le rituel hebdomadaire :
Samedi, délicieux samedi matin, la classe était partagée par affinités en cinq ou six équipes :
« les gunners » « les pros des maths » « les mouettes »… Une heure pour recueillir le maximum de points en plus ou en moins des 100 points alloués. Les scores tournent en général autour de 160. Certaines des dix réponses rapportent plus que d’autres (de 3 à 15 points). Chaque équipe délibère pour miser un joker sur la solution la plus sûre et double les gains ou les pertes. L’émulation joue systématiquement car c’est rarement la même équipe qui gagne ; des suffisances ont été ébranlées. Les énigmes varient dans les domaines de la numération, des mesures, de la logique, des opérations. J’ai trouvé chez les éditions Retz qui proposent ces problèmes judicieux, les meilleures situations pour un travail en équipe qui ne relève pas du simulacre. Sur ce terrain, s’édifie une entreprise efficace, coopérative, évolutive. Un élève seul ne peut pas tout résoudre : nécessité de se répartir les taches, de négocier. Une confiance aveugle au début est assurée à celui qui s’est gagné une réputation de « fort en maths » mais à être bousculé par le temps, il peut se tromper. Il faut vérifier, se mettre d’accord, partager.
La forme habile des problèmes induit que chaque réponse soit validée par d’autres. Le lent, le maladroit peut apporter sa fraîcheur pour accoucher de la bonne réponse et mériter sa petite part de gloire dans un domaine inattendu pour lui. Gagner de la confiance. La pédagogie de l’enseignement mutuel passe par d’autres mots, d’autres cheminements que la parole de l’adulte. Stimulés par le temps qui semble souvent trop court, le frisson de la compétition n’atteint pas les perdants dans leur individualité mais stimule les vainqueurs et incite à la correction les étourdis, lecteurs inattentifs ; moments de travail intense, bourdonnant. Ce zèle s’éteindra peut- être pour quelques-uns uns ; privilège de l’instit, j’ai goûté à ces moments de grâce.
Ce rendez-vous apprécié du samedi a débouché plusieurs années durant sur une compétition au niveau national qui couronnait l’année et là toute la classe ne faisait qu’un.
« Avoir un bon copain
c’est tout ce qui a de meilleur au monde » J. Boyer
Le cérémonial quotidien :
Assez immuable, a-t-il contribué à ce que ces heures se passent sans ennui manifeste ?
- Révisions de tables ; sur le bristol personnel de la table de Pythagore, le voisin qui interroge barre les réponses exactes, le propriétaire noircit ces cases et abandonne cette aide quand tout vire au noir.
- Entraînement sur ardoise : deux groupes dans la classe : est/ouest. Claquements de mains. Réveil mathématique. Classique des classiques. Vite.
Moi qui ai peu d’habileté en calcul rapide, j’en imposais de plus en plus à l’heure des calculatrices bien que celles-ci ne soient pas dédaignées. A utiliser par exemple pour des rafales de problèmes. Elles ne nous dispensent pas de réfléchir, au contraire : est-ce que la réponse est vraisemblable ? Elles nous laissent le choix de l’opération pertinente et l’évaluation des résultats. Elles nous permettent mieux appréhender des mécanismes comme la réitération des soustractions pour mieux comprendre la division.
Du fait de mes inhibitions, de mes faiblesses en maths, je me montrais plus bienveillant et peut être plus efficace avec les élèves en détresse.
- Introduction de la notion nouvelle : je m’appuyais sur des situations concrètes, si possible amusantes avec des dessins « humoristiques »au tableau,
Il peut y avoir de bonnes vidéos et je verrais bien une courte séquence de sauts en longueur à la télé dont les résultats introduiraient une séance sur le classement des décimaux. Ecran plat dans la classe ou vidéo projecteur : on ne se refuse rien.
- Le bloc sténo, les livrets, le cahier entrent dans la danse.
- Correction individuelle si possible. Les cahiers fautifs sont corrigés ensemble, les écoliers qui « ont bon » passent à leur travail personnel. Ceux qui accumulent encore beaucoup d’erreurs prolongent avec « maths plus ». Si plus de la moitié de la classe n’a pas acquis : c’est moi qui ai mal mesuré la marche : il faudra ralentir, revenir.
Aujourd’hui des sites bien faits se multiplient sur le net et renouvellent les approches, ils conviennent bien pour le soutien. Mais si les ordis ne demeurent pas à proximité de la classe des problèmes d’encadrements entravent l’efficacité. Les emplois - jeunes dépassaient un rôle d’auxiliaire s’il y avait place dans les plages horaires.
Les années m’ont amené à être plus rigoureux sur le respect de l’emploi du temps. Combien de fois avais-je trop débordé au détriment d’autres matières pour une efficacité presque nulle ? Il vaut mieux garantir une heure de dessin, les mathématiques n’en pâtissent pas, la mauvaise conscience est une conseillère impérieuse et juste.
Géométrie :
- Un porte- vues recueillait chaque semaine un recto-verso A3 avec suffisamment de place pour les tracés. Certains effectuent beaucoup d’aller-retour avant de rendre un travail soigné. Le bloc sténo rend encore des services pour s’entraîner.
J’ai pu vérifier ce qui me semblait fantaisiste : un enfant dans un environnement exigu est souvent plus maladroit. Les lignées bien fournies ne tirent pas toujours les lignes bien droites. Bien dotés: nous possédions de grandes tables dans la pièce attenante, propices à des soutiens en petits groupes, enseignement mutuel ou magistral.
Les jeux de stratégie, à pavage, figures à reproduire, tangrams, sudoku sont réunis sur un rayonnage accessible : pour aller plus loin et autrement. Quelques postes d’ordinateur à disposition offrent une mine infinie de propositions mais le bon vieux pentamino à emboîter rend aussi bien des services. Le musée des maths, une banque de ressources.
La mathématique moderne provoqua des expériences aventureuses mais brèves.
Des séquelles d’incompétences notoires subsistent dans la vie courante pour ceux qui furent exclusivement nourris aux inclusions et patates, pour lesquels la représentation de 33 cl de bière reste une énigme. La leçon de cette catastrophe, engendrée quand les chercheurs prennent seuls le pouvoir, est-elle intégrée ? J’ai pourtant gardé de ce temps une approche d’autres bases de numération que la décimale pour mieux comprendre, prendre du recul par rapport à 99+1= un, zéro, zéro? Dire qu’il fallait quinze séances à ce sujet dans les années 70 ; au XXIième siècle deux heures suffisent : le niveau monte. Les chiffres de l’O.C.D.E. sur ce terrain et les médailles Field attestaient de la bonne santé de la matière.
Apprendre à vivre avec l’incertitude s’affirme comme une injonction et tous les jours nos convictions s’effritent, la précarité s’installe. Alors quel apaisement d’aborder la contrée des nombres incontestables, des lignes claires, des jardins ordonnés même s’il existe, me dit-on, des propositions "indécidables" ! De toutes façons pour les démarches : « peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape les souris ». Quand la vérification du résultat tombe juste, quel plaisir et quand il a fallu transpirer que de satisfactions !
« La terre était informe et vide ; les ténèbres recouvraient l’abîme…Dieu dit : " que la lumière soit ! » et la lumière fut. Et dieu vit que la lumière était bonne… » La genèse
Les outils :
- Un cahier de maths recueille les exercices quotidiens réalisés à la main.
J’employais plusieurs livrets « maison » ( feuilles 21X29,7 pliées en deux assemblées sous une couverture amusante). Je ne recourais pas à un manuel unique, mais confectionnais des recueils d’artisan où les élèves écrivaient, calculaient. Constitués après des années de photocopies réalisées au jour le jour, et puis scanner aidant, ces outils clairs et maniables évitent les collages surabondants dans les cahiers d’antan à l’aspect double-cheese. Ce matériel concrétisait une programmation sur l’année. Des recours personnalisés et approfondis sous l’appellation « maths plus »attendaient les élèves en difficulté.
- Un livret pour le calcul rapide et le calcul mental où figurent des grilles vierges consacrées aux révisions chronométrées de tables, des cases prévues pour les réponses aux thèmes progressifs abordés un jour sur deux, de petits problèmes à résoudre sans poser d’opération, une partie autocorrective pour quelques techniques opératoires. Les élèves notent les évolutions. Rapidité.
- Un livret pour les problèmes et exercices, intitulé « Exos rapidos et mémo » grappillés dans une multitude d’ouvrages d’auteurs différents pour éviter le formatage. Diversité.
- Un livret pour les défis maths. Douze séries de dix situations mathématiques à résoudre en groupe en une heure.
Le rituel hebdomadaire :
Samedi, délicieux samedi matin, la classe était partagée par affinités en cinq ou six équipes :
« les gunners » « les pros des maths » « les mouettes »… Une heure pour recueillir le maximum de points en plus ou en moins des 100 points alloués. Les scores tournent en général autour de 160. Certaines des dix réponses rapportent plus que d’autres (de 3 à 15 points). Chaque équipe délibère pour miser un joker sur la solution la plus sûre et double les gains ou les pertes. L’émulation joue systématiquement car c’est rarement la même équipe qui gagne ; des suffisances ont été ébranlées. Les énigmes varient dans les domaines de la numération, des mesures, de la logique, des opérations. J’ai trouvé chez les éditions Retz qui proposent ces problèmes judicieux, les meilleures situations pour un travail en équipe qui ne relève pas du simulacre. Sur ce terrain, s’édifie une entreprise efficace, coopérative, évolutive. Un élève seul ne peut pas tout résoudre : nécessité de se répartir les taches, de négocier. Une confiance aveugle au début est assurée à celui qui s’est gagné une réputation de « fort en maths » mais à être bousculé par le temps, il peut se tromper. Il faut vérifier, se mettre d’accord, partager.
La forme habile des problèmes induit que chaque réponse soit validée par d’autres. Le lent, le maladroit peut apporter sa fraîcheur pour accoucher de la bonne réponse et mériter sa petite part de gloire dans un domaine inattendu pour lui. Gagner de la confiance. La pédagogie de l’enseignement mutuel passe par d’autres mots, d’autres cheminements que la parole de l’adulte. Stimulés par le temps qui semble souvent trop court, le frisson de la compétition n’atteint pas les perdants dans leur individualité mais stimule les vainqueurs et incite à la correction les étourdis, lecteurs inattentifs ; moments de travail intense, bourdonnant. Ce zèle s’éteindra peut- être pour quelques-uns uns ; privilège de l’instit, j’ai goûté à ces moments de grâce.
Ce rendez-vous apprécié du samedi a débouché plusieurs années durant sur une compétition au niveau national qui couronnait l’année et là toute la classe ne faisait qu’un.
« Avoir un bon copain
c’est tout ce qui a de meilleur au monde » J. Boyer
Le cérémonial quotidien :
Assez immuable, a-t-il contribué à ce que ces heures se passent sans ennui manifeste ?
- Révisions de tables ; sur le bristol personnel de la table de Pythagore, le voisin qui interroge barre les réponses exactes, le propriétaire noircit ces cases et abandonne cette aide quand tout vire au noir.
- Entraînement sur ardoise : deux groupes dans la classe : est/ouest. Claquements de mains. Réveil mathématique. Classique des classiques. Vite.
Moi qui ai peu d’habileté en calcul rapide, j’en imposais de plus en plus à l’heure des calculatrices bien que celles-ci ne soient pas dédaignées. A utiliser par exemple pour des rafales de problèmes. Elles ne nous dispensent pas de réfléchir, au contraire : est-ce que la réponse est vraisemblable ? Elles nous laissent le choix de l’opération pertinente et l’évaluation des résultats. Elles nous permettent mieux appréhender des mécanismes comme la réitération des soustractions pour mieux comprendre la division.
Du fait de mes inhibitions, de mes faiblesses en maths, je me montrais plus bienveillant et peut être plus efficace avec les élèves en détresse.
- Introduction de la notion nouvelle : je m’appuyais sur des situations concrètes, si possible amusantes avec des dessins « humoristiques »au tableau,
Il peut y avoir de bonnes vidéos et je verrais bien une courte séquence de sauts en longueur à la télé dont les résultats introduiraient une séance sur le classement des décimaux. Ecran plat dans la classe ou vidéo projecteur : on ne se refuse rien.
- Le bloc sténo, les livrets, le cahier entrent dans la danse.
- Correction individuelle si possible. Les cahiers fautifs sont corrigés ensemble, les écoliers qui « ont bon » passent à leur travail personnel. Ceux qui accumulent encore beaucoup d’erreurs prolongent avec « maths plus ». Si plus de la moitié de la classe n’a pas acquis : c’est moi qui ai mal mesuré la marche : il faudra ralentir, revenir.
Aujourd’hui des sites bien faits se multiplient sur le net et renouvellent les approches, ils conviennent bien pour le soutien. Mais si les ordis ne demeurent pas à proximité de la classe des problèmes d’encadrements entravent l’efficacité. Les emplois - jeunes dépassaient un rôle d’auxiliaire s’il y avait place dans les plages horaires.
Les années m’ont amené à être plus rigoureux sur le respect de l’emploi du temps. Combien de fois avais-je trop débordé au détriment d’autres matières pour une efficacité presque nulle ? Il vaut mieux garantir une heure de dessin, les mathématiques n’en pâtissent pas, la mauvaise conscience est une conseillère impérieuse et juste.
Géométrie :
- Un porte- vues recueillait chaque semaine un recto-verso A3 avec suffisamment de place pour les tracés. Certains effectuent beaucoup d’aller-retour avant de rendre un travail soigné. Le bloc sténo rend encore des services pour s’entraîner.
J’ai pu vérifier ce qui me semblait fantaisiste : un enfant dans un environnement exigu est souvent plus maladroit. Les lignées bien fournies ne tirent pas toujours les lignes bien droites. Bien dotés: nous possédions de grandes tables dans la pièce attenante, propices à des soutiens en petits groupes, enseignement mutuel ou magistral.
Les jeux de stratégie, à pavage, figures à reproduire, tangrams, sudoku sont réunis sur un rayonnage accessible : pour aller plus loin et autrement. Quelques postes d’ordinateur à disposition offrent une mine infinie de propositions mais le bon vieux pentamino à emboîter rend aussi bien des services. Le musée des maths, une banque de ressources.
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