« Tout à l'égo »: la tonalité de ce (bon) mot aux effluves fétides est plus dépréciative
que le fruité « Tout pour ma pomme » pour insister sur un des traits
de notre vie en société, moins criard que « Tout pour ma gueule ».
Les paradoxes fleurissent en nos lieux communs,
dont le premier est l’appel constant à la collectivité pour mieux garantir sa
tranquillité individuelle, ériger les murs de son isolement, assurer une
trajectoire indifférente aux autres.
« L’estime de soi passe par les autres ». A
formuler cette évidence, je me retrouve avec les anodines recettes des charlatans en
développement personnel, exploitant les égratignés de la vie poussés à se
confondre avec les grands brûlés.
Égoïsme et
indifférence nous frappent alors que se proclament des valeurs de solidarité.
Je m’apprêtais à réitérer des critiques vis-à-vis de 68 en estimant
cette période coupable d’enfermement sur le « Moi », bien qu'il ne convienne pas de jeter le bébé émancipé avec l'eau du bain narcissique.
Secouant les liens familiaux ou ceux du voisinage, délivrés, libérés, nous déclinions paradoxalement les mots communauté et communisme à toutes les sauces, avant de s'ébrouer en boomers, effrités de la mémoire mais toujours quelque peu contempteurs :
« ce n’est qu’un débat, continuons le dégât … »
Cette affaire de 57 ans d’âge (vertige : 1968 se situait presque
à cette distance de « la belle époque »), recèle quelques
bizarreries qui ferait de Nicolas Sarkozy, détracteur de la période, dont le
slogan électoral était «Tout devient possible», le plus soixante-huitard de
tous, comme le faisait remarquer Pascal Bruckner.
Les critiques les plus virulents de la société de
consommation se sont établis en vendeurs efficaces: école, culture, politique figurent
sur les étals des marchés.
Les singularités tiennent souvent à quelques crêtes au sommet des
crânes, dites jadis « toupet », alors que musiques et propositions
théâtrales souvent s’affadissent. Pour la moindre soupe ou pour ranger un
placard on fait appel à un tuto, le niveau baisse.
« La société dans
laquelle nous sommes nés repose sur l’égoïsme.
Les sociologues
nomment cela l’individualisme alors qu’il y a un mot plus simple :
nous vivons dans la
société de la solitude. » Frédéric Beigbeder
Qu’est devenu le petit de maternelle à qui on demandait de
choisir une activité dont il n’avait aucune idée, lorsque adulte devenu il doit
faire appel à un coach pour se séparer de son conjoint ? Sans vouloir
agresser les fatigués de la charge mentale, l’affirmation d’une personnalité
responsable ne semble pas un but inaccessible pour tout citoyen de plus de 18 ans
qui ose reprocher : « on nous a jamais parlé de la shoah ».
En pays ricaneur, il faut quelques belles qualités de
courage et d’abnégation pour se positionner au pied de l’Himalaya pour
affronter défis et déficits.
Bien des commentateurs semblent avoir presque plus de
bienveillance envers les nouveaux maîtres de Damas que vis-à-vis du dernier
gouvernement français pour lequel ils appliquent systématiquement leur regard
négatif, toujours dépréciatif. Ils auront déblayé le chemin pour un chaos
qu’ils ne manqueront pas de regretter.
Les jugements positifs n'apparaissent que lorsque les anciens responsables ont laissé
la place à d’autres à qui on va chercher des poux d’emblée.
Le « Tous ensemble » des manifs ne semble pas concerner
toutes les bonnes volontés.
Les éternels metteurs de bâtons dans les roues, et
autres fauteurs de bastons dans les rues,
prêtent toujours aux autres les pires intentions, sans doute inspirées de
leurs turpitudes.
Les tactiques ont chassé l’empathique, l'intérêt général est passé après les égo dédaigneux de l'égalité.
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Dans "Le Canard enchainé " de cette semaine.