mercredi 31 mars 2021

Saint Quentin

N
ous retrouvons notre route vers Laon,
passons au pied de la montagne couronnée sans faire de halte et atteignons SAINT QUENTIN ( Aisne) vers 11h.
Nous laissons la voiture dans un parking souterrain sous la place de l’hôtel de ville,  avec des impressions déjà favorables sur la cité de Quentin de la Tour malgré une statue colorée et  peu raffinée dédiée à l’enfant du pays et plantée près de la Mairie.
Selon notre habitude, nous commençons par fréquenter l’Office du tourisme afin d’obtenir un plan et un circuit de l’art déco sur papier avec commentaires. Nous étudions tous ces documents  devant un café. Nous pouvons alors attaquer la visite, guidés par le petit fascicule :
Le premier bâtiment signalé est  la Criée municipale, investie actuellement par un traiteur.  De forme arrondie avec une marquise en béton armé, de couleur blanc et bleu,  elle a conservé son appellation sous fond jaune fané. 
Pour la dénicher, nous avons traversé une petite brocante et le marché où nous avons acheté  50 masques chirurgicaux pour 10 € (les mêmes qu’en parapharmacie).
Le circuit propose ensuite de passer par des rues dont l’intérêt provient  des bow-windows qui donnent du relief aux façades fraichement repeintes.
Nous arrivons ainsi à la basilique Sainte Thérèse de style gothique (ogival) toujours aussi impressionnant  par ses dimensions. 
Deux vitraux  art déco s’y font face,
au sol un labyrinthe de prières est prévu pour les pèlerins.
Puis nous découvrons le carrefour « les quatre vents » avec ses grands magasins. Le Seret est composé de vitres maintenues par une armature métallique, il est orné de mosaïques et est affublé d’une tour d’angle surmontée d’un dôme.  Une quincaillerie en briques et béton de 1935,  les magasins Devred en béton, pas loin, les anciennes  galeries Lafayette à l’abandon se disputent le reste du carrefour et  attirent eux aussi l’attention.
Les façades du bar de Lyon, de la poste, du Carillon (salle de spectacle) portent toutes les marques de l’art déco, sans tapage.
Nous passons par la  rue de la sellerie devant le conservatoire  reconstruit en 1929, associant briques, pignons du Nord, béton et bow-windows, il surpasse toute autre construction de la même époque présents dans cette rue.
Nous continuons  la rue de la sellerie qui devient rue d’Isle pour arriver à la gare.
Malheureusement, les salles signalées comme remarquables sont inaccessibles pour cause de Covid. 
Cependant grâce à la commerçante du kiosque à journaux qui nous file le tuyau, nous passons sur le quai et par un interstice de la porte tambour condamnée, nous avons un aperçu partiel de la magnifique décoration murale du buffet.
Ça a l’air somptueux !
Et nous repartons frustrés : les deux plus beaux intérieurs art déco de la ville, le buffet de la gare et l’intérieur des galeries Lafayette dorment à l’ombre loin des regards en attendant des jours plus fastes….
Sur le chemin du retour nous bifurquons  rue Voltaire, jetons un œil aux ex bains douches municipaux disparaissant sous la végétation du jardin.
Nous avons  interrompu le circuit pour déjeuner à L’Edito place de l’hôtel de ville, d’un filet de julienne sauce champagne/ riz ou fagotti au jambon cru et origan suivi d’un café.

mardi 30 mars 2021

Garder le cap. Sempé.

J’aurai pu mettre une brassée de liens vers de multiples articles
à propos de Jean Jacques Sempé.
Mais en recevant ce cadeau annuel, si j’ai eu une certaine crainte d’être blasé, ce léger doute a rendu encore plus vif mon plaisir.
Il n’y a rien de meilleur !
J'aurais pu me laisser influencer par ceux qui le trouvaient un peu désuet mais outre que des silhouettes de jeunes femmes «  de la diversité » apparaissent, comme la barbe de quelque hipster, voire un psychanalyste avec des piercings, ces mémères se disant un peu « chipotées » devant des toiles immenses aux vagins monstrueux sont intemporelles, universelles. 
Nous sommes aussi un de ces propriétaires qui voient un noir voilier en détresse juste devant leur paisible terrasse, ou ce promeneur confiant à son collègue : 
«  J’avais trouvé, moi, un modèle de société vraiment idéale, mais j’ai abandonné l’idée : il n’y avait pas de place pour moi. » 
Depuis la préhistoire avec le père qui reproche un zéro en histoire à son fils alors qu’ « elle vient de commencer ! » jusqu’aux voisins d’un lotissement où tous les angles sont droits et propres s’extasiant devant une vieille brouette déglinguée, nous révisons toutes les époques avec de surcroit un groupe de comédiens en habits XVIII° sur une île déserte qui rassurent leurs sauveteurs : 
« Nous donnions une représentation quand le paquebot à échoué. » 
La tentation  est grande de tout raconter mais autour d’une table immense, dans une église solennelle, au bord d’une piscine, à un passage pour piétons, dans un entrepôt ou un bureau, une galerie, une bibliothèque, ou perdu dans un paysage grandiose, le nonagénaire réinvente le monde et nous console d’être si petits et si forts, si drôles
.……
Mon voisin Hubert réalise des mandalas en plastique, il recycle les « bouchons d’amour » après avoir commencé ses patientes et éphémères constructions avec du sable.  Il œuvre sans relâche pour l’association : Bouchons Solidarité Environnement.

lundi 29 mars 2021

Le samouraï. Jean Pierre Melville.

La forme peut envoyer par le fond : ce polar est tellement stylé qu’il en est figé, avec une accumulation de clichés qui le range parait-il dans la catégorie des films culte.
Le scénario cultive les invraisemblances avec Alain Delon en tueur à gages dont on ne voit que le chapeau soigneusement vissé et revissé et l’imperméable. Le mutique ne passe surtout pas inaperçu, il met les gants avant de prendre son révolver, alors que les gestes barrières ne s’imposaient pas dans le seul lieu où il ne devrait pas aller, s’il n'était pas suicidaire.
A quoi bon passer tout son temps à se forger un alibi et abuser ses poursuivants dans le métro pour revenir banalement sur les lieux du crime ?
Il faut que le charme des plans et de la lumière, la beauté des acteurs et des actrices soit forts pour que la nostalgie qui s’attache à ces années nous laisse regarder ces images en noir et blanc, finalement, sans déplaisir. 
A l’heure où le cinéma français célèbre Dupontel avec Masiero et compte ce film de 1967 parmi ses chefs d’œuvre, les borgnes au pays des aveuglements continuent à hanter les salles vides.

dimanche 28 mars 2021

Et toujours en été. Nino Ferrer.

Un coffret jaune pétant avec l’artiste en chemise cintrée et mèche à la Dutronc s’appuyant avec élégance sur le mot « best of » contient 3 CD.
24 chansons, 13 plages instrumentales, 23 reprises.
Les années 70 sont éternelles tels les diamants de chez ce Bond Fleming Ian.
En ces temps de portable, mon petit fils Nino, il était tout petit, épatait un passant en chantant à tue tête «  Gaston y a le téléfon qui son ».
Il n’y a pas qu’Aldebert comme "idole des jeunes" comme disaient ceux qui savaient ce que SLC voulait dire 
Sous de telles couleurs vives, les souvenirs de drôles de paroles aux musiques enjouées viennent se superposer à l’annonce de sa dépression fatale de 98. 
« Les Cornichons », « Oh ! Hé ! Hein ! Bon ! », « Mirza » appartiennent au patrimoine qui relie les nostalgies des papous aux fantaisies pour minos.  
« On est parti, samedi, dans une grosse voiture,
Faire tous ensemble un grand pique-nique dans la nature,
En emportant des paniers, des bouteilles, des paquets,
Et la radio ! »
 La quête éternelle de l’amour : 
« Je cherche une petite fille » qui voudrait bien
Rester près de moi toute ma vie
Je l’ai cherchée longtemps, j’ai cru la voir souvent
 Mais ça ne se trouve pas facilement oh non ».
Se mettre dans une autre peau : « Je veux être noir » :
« S'il vous plait dit's moi comment vous faites,
Monsieur Charles, Monsieur King, Monsieur Brown 
Moi je fais de mon mieux pour chanter comme vous »
 Et même si un super marché s’installe pas loin de « La maison près de la fontaine » : 
«  C'n'est pas si mal 
Et c'est normal
C'est le progrès » 
« On dirait le Sud »: 
« Le temps dure longtemps 
Et la vie sûrement 
Plus d'un million d'années 
Et toujours en été. » 
C’est difficile pour les reprises de tenir la comparaison avec l’original à proximité, fussent elles interprétées par Arthur H ou Nilda Fernandez, ou vraiment revues comme avec Arno à la recherche déchirante de « Mirza ». Par exemple, entre original et copie même si Reggiani a la voix plus belle que celle de Boris Vian, je me suis mis à apprécier « Le déserteur » dans son jus initial. 
Manu Dibango, nous manque : «  Je veux être un noir »,
« Quand tu as compris que tu n’étais pas chargé de mission musicale parce que tu es africain, ça te libère. J’écoute aussi bien Rachmaninov que Duke Ellington. » 
Nous ne sommes pas dépaysés dans le CD sans paroles par des morceaux de « musique progressive » matinée de « rythm and blues », de « musiques noires », par le plus blond des italiens. 
L’auteur, compositeur s’appelait Agostino Ferrari.

samedi 27 mars 2021

Le royaume. Emmanuel Carrère.

L’opposition entre la pluralité des opinions permises par la diversité des livres contre l’étroitesse de La Vérité d’un seul Livre est toujours bienvenue. 
Et là au bout de 600 pages essentielles, l’écrivain érudit en recopiant les derniers mots de l’évangile de Jean permet d’entrevoir avec brio la richesse d’un seul Livre : 
« Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses. Si on les écrivait toutes, il faudrait tellement de livres que le monde ne pourrait les contenir ».
D’une pratique de la messe quotidienne à la position d’agnostique, le cheminement intérieur de l’écrivain, ses rencontres, ses amitiés, rendent plus intense le récit de Paul et celui de Luc, de Jacques, entre Jérusalem et Rome, en Asie et en Grèce.
L’histoire des premières années du christianisme est passionnante, les interrogations sur notre condition humaine bien mises en perspective, peuvent émouvoir athée et chrétien : 
« Le christianisme était un organisme vivant. Sa croissance en a fait quelque chose d'absolument imprévisible, et c'est normal : qui voudrait qu'un enfant, si merveilleux soit-il, ne change pas ? Un enfant qui reste un enfant, c'est un enfant mort, ou au mieux retardé. Jésus était la petite enfance de cet organisme, Paul et l'Eglise des premiers siècles son adolescence rebelle et passionnée. Avec la conversion de Constantin commence la longue histoire de la chrétienté en Occident, soit une vie adulte et une carrière professionnelle faite de lourdes responsabilités, de grandes réussites, de pouvoirs immenses, de compromissions et de fautes qui font honte. Les Lumières et la modernité sonnent l'heure de la retraite. L'Eglise n'est plus aux affaires, elle a de toute évidence fait son temps et il est difficile de dire si son grand âge, dont nous sommes les témoins assez indifférents, tend plutôt au gâtisme hargneux ou à la sagesse lumineuse qu'on se souhaite, moi en tout cas, quand on pense à sa propre vieillesse. »
 La documentation très complète est rendue vivante par l’interrogation qui ne se relâche jamais de l’écrivain en train d’écrire et du croyant qui s’est défait de ses croyances.  
« La foi, c’est croire quelque chose dont on sait que ce n’est pas vrai. » Mark Twain

 

vendredi 26 mars 2021

Les jeunes fatiguent.

Hérissés du poil, fines bouches, grandes âmes, s’indignent facilement, mais leur niveau d’exigence baisse très nettement à l’égard de toute parole émise par quelque juvénile figure. 
Ces jeunes pousses connaissent des hauts et des bas mais ne sont pas oubliées:  
le seuil de non-consentement sexuel s’élève, en même temps resurgit le débat à propos de l’abaissement de la majorité électorale. C'est qu'entre poussins et vétérans, les appellations fluctuent : un journaliste parle d’adolescence pour une fillette de 12 ans mais pourrait comme d’autres confrères en rajouter quant à l’infantilisation des étudiants. « L’autonomie » maître mot en maternelle n’est plus usitée pour ceux qui suivent - comment disait-on - des études supérieures.
Je ne pense pas contredire mon article de la semaine dernière
en affirmant que le respect que l’on doit aux plus fragiles passe par des paroles sans détours.  Exercer un esprit critique ne dispense pas d’une lecture dépassionnée des situations quand une nouvelle pensée unique se dope à l’argent magique sans ignorer, au-delà des générations X ou Y, les conditions difficiles d’existence de certains.
Nous ne rendons pas service aux victimes, en versant l’obole d’une larme de crocodile. Pour trier dans les indignations afin de saisir les urgences, rappellerait-on aux intermittents du spectacle qu’ils sont de plus en plus nombreux à bénéficier d’un statut des plus favorables ?
Ce ne sont peut être pas les mêmes qui ont de la vigueur pour secouer le cocotier de l’urgence climatique et les mobilisés contre l’interdiction des teufs, du genre à promouvoir un apéro à l’Estacade, ou des rassemblements sur les quais de l'Isère; ils nous pompent l’air.
Le terme « activiste » aurait des racines communes avec le mot « action » et ne peut se confondre avec allocutions ni demande d’allocations.
Concernant une organisation de jeunesse ayant atteint son seuil d’obsolescence, je reviens sur un de mes mantras consistant à compléter: « on a le ou la … qu’on mérite » par président, conjoint… Ainsi « on a l’UNEF qu’on mérite ». Leurs représentants se révèlent incultes jusque dans l’orthographe de leurs communiqués, violents : après l’incendie de Notre Dame : « On s'en balek objectivement c'est votre délire de petits blancs » d’une responsable dans la ligne de positions récentes qui ont choqué même le PS dont c’était la pouponnière.
Et autour de ces affaires, sous le titre : « Qui fait le jeu de qui ? » refusé par le journal « Le Monde » et publié par « Le point », difficile de mieux dire que JF Khan:
« Depuis des années, systématiquement, que fait-on ? On livre à l’extrême droite toutes les valeurs fondatrices du combat démocratique et républicain pour peu qu’elle ait, cette extrême droite, tactiquement, mis, ne fût-ce qu’un petit doigt dessus : la nation, la laïcité, la sécurité, la République. […]
Qui fait le jeu de qui ? L’aspiration universelle à la sécurité, les déchirures sociales provoquées par la dynamique des flux migratoires, l’angoisse d’une perte d’identité, autant de réalités concrètes qu’il fallait non pas occulter, exorciser, mais affronter pour leur apporter des réponses démocratiques et progressistes. Au lieu de quoi, toute une fraction de la gauche et de l’extrême gauche intello-médiatique a jeté l’interdit, l’anathème sur toutes les velléités d’affronter frontalement ces questions et, ce faisant, en a livré l’exclusivité au Front national à ses alliés et à ses acolytes.
Qui fait le jeu de qui ?Ce qui singularisait l’extrême droite et le néofascisme, c’était l’intolérance, l’appel à la censure, à l’interdiction, la pratique de l’exclusion, la violence excommunicatrice, le rejet de la libre expression… Et voilà que ces pratiques sont récupérées par plusieurs affluences d’un radicalisme prétendument de gauche sans susciter la levée de boucliers qui s’imposerait. Pire : ce qui caractérisait le mal devient l’une des formes acceptables de la manifestation du bien ! » 
Ok roquet boomer!


jeudi 25 mars 2021

Papiers découpés. Stéphanie Miguet.

Les musées sont fermés, alors les galeries connaissent une certaine affluence.
Chez « Alter Art » au 75 rue Saint Laurent à Grenoble du mercredi au dimanche de 15h à 19h, https://sites.google.com/site/alterartorg/home
il vous faudra peut être patienter dans la rue avant d’apprécier le travail de Stéphanie Miguet.
Ce dimanche, on nous proposait même un verre de vin pour être raccord avec l’ambiance conviviale des scènes romantiques présentées dans ce lieu modeste aux propositions souvent sympathiques.
Les techniques du papier découpé traversent le temps et l’espace depuis la Chine pays du papier
aux alpages suisses où des paysans célébraient au ciseau la montée aux alpages (« la poya ») 
ou magnifiaient des images religieuses en dentelles au canif (« canivet »).
Matisse fut une référence colorée d’un genre familier
pour le lecteur de livres dépliants pour les petits ( « pop up »)
voire pour une réalisatrice d’origamis faisant appel à des vertus mobilisées en général au yoga. 
Le Marquis de Silhouette a fourni à nos représentations du XVIII° siècle quelques profils élégants.
Au delà de la délicatesse impressionnante des gestes, les histoires racontées par l’artiste nous reposent des agressions, des jérémiades communes, en privilégiant l’unité d’un immeuble où les familles sont réunies, la cohérence des étapes d’une vie, l’harmonie d’un soir d’été aux terrasses d’une ville où il fait bon vivre.
Il a fallu évider et parfois trancher au scalpel pour faire ressortir les beaux contours d’un couple d’amoureux, l’élégance d’une terrasse, les vibrations d’une rue, l’équilibre d’une danseuse, l’allégresse d’un squelette. 
Bien que le lieu ne soit pas immense on peut s’attarder  devant ces décors paisibles, ces personnages qui ne font pas d’histoires et apprécier le printemps.