jeudi 31 octobre 2024

Nécropolis. André Chabot.

Parmi 250 000 photographies réalisées dans plus de 70 pays, le conférencier devant les amis du musée de Grenoble, en bon « nécropolitain », nous invite à découvrir quelques statues mortuaires, poèmes de pierre en noir et blanc. Les noms des sculpteurs ne sont pas cités alors que leurs œuvres témoignent d’une époque d’avant une standardisation qu’il déplore. 
Après la première référence « Barcelone »  seuls les lieux seront mentionnés.
André Chabot a prévu une chapelle pour lui et sa femme au «  Père Lachaise » où les photographes amateurs ne manquent pas de se photographier dans les reflets d’un Reflex de granit.
Auteur de nombreux livres aux titres engageants : «  Sous les pavots la tombe », « La croix pour l’ombre »… Les références ne manquent pas pour un tour avec retour depuis l’au-delà en compagnie de Dante. Ont-ils croisé Anubis maître des nécropoles ?
Les livres d’Ariès, Barthes et Baudrillard ont guidé  l'ancien professeur de français dans un ciel chargé en anges de la mort :
Uriel frère de Lucifer, Azraël  présent dans la tradition hébraïque et musulmane.
Les dieux psychopompes comme Hermès conduisant vers Hadès, avaient eu bien du travail comme « l’Ankou » pour les Celtes et Charon pour les Grecs anciens.
A « Gènes » une statue pourrait donner le sentiment de souhaiter rejoindre la disparue
alors qu'un drap soulevé n’abolit pas le mystère
.
A « Venise » la belle au bois dort.
Les fils reconnaissants, les maris exemplaires ont souvent l’épitaphe poétique 
à inscrire sur cénotaphes, hypogées, ou tombeaux.
Dans la commune « Les Salles-du-Gardon » la sentence vaut pour tous.
Dans le cimetière St. Sebastian à
« Salzbourg » les chérubins marchent sur les crânes 
et des vers sortent par les orbites.
Le défunt dans son dernier face à face doit retrouver les saines couleurs de la vie.
Des baisers frémissent à Milan, 
un cortège accompagne le défunt pour toujours à « Séville ».
Le silence s’impose à « Bruxelles »,

mais des maisons de conte de fées sont construites dans le « cimetière des plaisirs » 
de « Lisbonne »
Un cimetière a pu s’écrouler à « Naples »
alors que « Londres » la ville tentaculaire conserve quelques lieux de repos charmants.
Si Internet ne recèle que certains clichés proposées ce jour là,
les couleurs prélevées sur la toile du « Cimetière Joyeux de Săpânța » en Roumanie rappelant la profession du défunt et les circonstances de sa mort sont plus guillerettes
que le phallique cactus sur la tombe de Siné même si la formule l’accompagnant :  
« Mourir, plutôt crever! » ne manque pas de vigueur. 
Victor Hugo, c’est quand même autre chose :  
« Ce n'est rien d'être mort, il faut avoir des rentes.
Les carcasses des gueux sont fort mal odorantes ;
Les morts bien nés font bande à part dans le trépas ;
Le sépulcre titré ne fraternise pas
Avec la populace anonyme des bières ;
La cendre tient son rang vis-à-vis des poussières ; »
Ce couple du
« Cimetière Montparnasse »,
croisant Eros et Thanatos dans leurs bourgeoises tenues, pourrait résumer la diversité des professions représentées, des artistes honorés, des athlètes immortalisés dans la pierre de tous ces champ du repos. 

mercredi 30 octobre 2024

Le funambule. Jean Genet Philippe Torreton.

Le début de saison à la MC2 se tient sur un fil.
Loin de la recherche de beauté du chorégraphe qui l'a précédé dans une salle plus prestigieuse, le célèbre acteur a mis en scène le texte sombre de Genet, dont il dit lui-même que c’est un auteur difficile « sans désir farouche d’être entendu » mais qu’il « veut enflammer ».
Eh bien malgré les grands noms sur l’affiche, aucun incendie à signaler.
L’histoire d’amour entre le poète et un funambule se réduit à un monologue.
La vérité résiderait dans la silencieuse prestation corporelle du fildefériste souffrant, les mots pourtant insistants étant proférés dans le vide. La musique apporte un brin d’émotion sans être envahissante et le décor déglingué dit bien l’abandon et les solitudes.
Nous avons applaudi l’acteur en « dompteur d’acrobate », le circassien virtuose, le musicien multi instrumentiste, qui ont fait leur boulot. 
Mais est-ce Torreton à la diction trop dure et emphatique où le texte et ses mots impuissants, pathétiques, qui supporte mal l’oralité qui ont rendu ce spectacle rugueux, obscur?  
Les paillettes poétiques en introduction sont oubliées au bout de l’heure et quart quand la mort invoquée métaphoriquement est au rendez-vous. 
D’instructives notes d’intention signalent  la difficulté de l’entreprise : 
« … notre inconfort face à Jean Genet, notre difficulté à le cerner, cette façon qu’il aura en toute sa vie de nous faire comprendre que nous nous sommes assis à sa table, sans lui demander sa permission. »

mardi 29 octobre 2024

Akissi de Paris. Abouet, Sapin.

La scénariste de « Aya deYopougon » (quartier d’Abidjan) 
a rencontré le chroniqueur de la République Française
Akissi regrette son Afrique lorsqu’elle découvre son collège parisien.
Elle porte un regard original sur la ville où elle vit chez son oncle alors qu’est mise en évidence l’étrangeté de certains fonctionnements tant du côté ivoirien que français.
Si la façon de traverser les rues, le climat, étonnent la petite fille, ce sont les rapports humains qui sont les plus déstabilisants : phénomènes de groupe et harcèlement scolaire.
Le bon élève boloss, le beau gosse, la suiveuse participent à une intégration dans un monde cruel, sous des traits souriants.
Les personnalités évoluent tout au long des 70 pages vives et colorées pour notre plaisir.

lundi 28 octobre 2024

Sauvages. Claude Barras.

Nino 11 ans :
Le film Sauvages dénonce la déforestation de Bornéo pour planter des palmiers qui feront plus tard de l’huile de palme. Ce film m’a beaucoup touché et je me dis qu’il y a des gens qui coupent des arbres où habitent des orangs outans qui n’ont rien demandé et qui veulent juste vivre leur vie tranquillement. Le peuple nomade appelé Penan défend la jungle.
C’est décidé : JE NE MANGE PLUS DE NUTELLA !
Mon personnage préféré : Oshi le bébé orang-outang.
 
Pour les vacances d’automne - on ne dit plus vacances de Toussaint - le film d’animation recommandé cette année se déroule dans l’île de Bornéo où la forêt primaire est menacée.
La dénonciation de la perte de la biodiversité par le réalisateur d’ « Une vie de courgette » est bien sûr légitime, mais avec finesse, il va au-delà de l’interrogation facile : qui sont les sauvages ? 
Le méchant de l’histoire pose le problème de la responsabilité des consommateurs du monde avec de gentils autochtones non dépourvus de contradictions.
Presque tous les protagonistes ont de grands yeux attendrissants mais les rapports entre les personnages bien typés évoluent, les mentalités changent.
La chanson de Balavoine nous accompagne après une heure et demie de belles images. 
« Comme un fou va jeter à la mer
Des bouteilles vides et puis espère
Qu’on pourra lire à travers
SOS écrit avec de l’air
».

samedi 26 octobre 2024

Eugénie Grandet. Balzac.

Merci aux prescripteurs de jadis d’avoir mis tout en haut de la liste des livres à lire ce chef- d’œuvre, dont je viens d’apprécier cinquante ans après toute la force et les finesses.
Roman de la passion de l’argent pour le père Grandet et celui d’un amour essentiellement imaginaire de sa fille pour son cousin. 
« Les avares ne croient pas à une vie à venir, le présent est tout pour eux. Cette réflexion jette une horrible clarté sur l’époque actuelle, où, plus qu’en aucun autre temps, l’argent domine les lois, la politique et les mœurs. Institutions, livres, hommes et doctrines, tout conspire à miner la croyance d’une vie future sur laquelle l’édifice social est appuyé depuis dix-huit cents ans. Maintenant le cercueil est une transition peu redoutée. L’avenir qui nous attendait par delà le requiem, a été transposé dans le présent. » 
L’avarice du « bonhomme » est aussi mythique que celle d’Harpagon, son habileté diabolique lui a assuré une fortune colossale. 
Des dialogues succulents mettent en valeur un personnage de méchant plein de verve, très moderne. 
« - Faudra que j’aille à la boucherie.
- Pas du tout ; tu nous feras du bouillon de volaille, les fermiers ne t’en laisseront pas chômer. Mais je vais dire à Cornoiller de me tuer des corbeaux. Ce gibier-là donne le meilleur bouillon de la terre.
- C’est-y vrai, monsieur, que ça mange les morts ?
- Tu es bête, Nanon ! Ils mangent, comme tout le monde, ce qu’ils trouvent. Est-ce que nous ne vivons pas des morts ? Qu’est-ce donc que les successions ? »
 
Condition féminine et servitude, Province/Paris, spéculation, mobilité professionnelle et désillusions … la narration s’accélère une fois le décor planté et que la psychologie des personnages se dévoile, évolue.
Faut-il protester de la modernité du texte pour faire valoir son plaisir de vieux lecteur, quand les descriptions littéraires ne sont plus à la mode, alors qu’on se régale de films de trois heures et de séries en quatre saisons ? 
 Des expressions archaïques peuvent dire au plus près le moindre geste : 
« Le père prit ses gants au bord de son chapeau, les mit avec son calme habituel, les assujettit en s’emmortaisant les doigts les uns dans les autres, et sortit. » 
La précision balzacienne vaut toutes les lunettes immersives. Quel support peut mieux mettre en valeur la profondeur des portraits de l’auteur de la comédie humaine dont la densité est palpable dans une édition concentrée en 180 pages ? 
« … ce peintre, amoureux d’un si rare modèle, eut trouvé tout à coup dans le visage d’Eugénie la noblesse innée qui s’ignore ; il eut vu sous un front calme un monde d’amour ; et dans la coupe des yeux, dans l’habitude des paupières, le je ne sais quoi divin… » 
De l’amour perdu naissent des images fortes :  
« Le vaisseau sombrait sans laisser ni un cordage, ni une planche sur le vaste océan des espérances ».
La vie est encore plus tragique lorsqu’elle se condense en mots essentiels : 
« Mes enfants, disait madame Grandet, je ne regrette point la vie. 
Dieu m’a protégée en me faisant envisager avec joie la fin de mes misères. »

vendredi 25 octobre 2024

Les non-dits.

Maudit, soit celui qui prétendrait à plus de lucidité que ses contemporains quand l’intelligence forcément humaine est si vite soupçonnée d’arrogance et d'artificialité. Nos sociétés voient leur ciel s’obscurcir encore un peu plus derrière les nuages de poussière des villes bombardées, sous un ciel témoin d’évolutions affolantes du climat.
Antilles et Nouvelle Calédonie, nos îles lointaines souffrent et les discours décoloniaux s’éternisent bien que notre ancien Empire ait été réduit depuis longtemps à l’état de confettis. Les guerres de libération les plus glorieuses étaient animées par des nationalistes ayant étudié dans nos facultés. Leurs indépendances ont été conquises au prix du sang pour « regagner » - à entendre dans tous les sens - leur sol, mais ces transitions complexes ont clopiné dans la douleur et ont fait long feu. Autour du mot « libération » que de crimes contre la vérité, que de crimes tout court. Dégagés de leurs chaines, certains viennent se soigner, se nourrir, travailler, chez l’ancien oppresseur. 
La fierté patriotique des peuples désormais autonomes à l’instar de nos compatriotes derrière nos barricades hexagonales, se manifeste tout autour de notre planisphère. 
Les xénophobes de tous pays se font des clins d’œil par dessus les murs.
Si les cartes du XIX° siècle étaient coloriées aux couleurs britanniques ou françaises, aujourd’hui l’encre de Chine fait tache. 
Les faiseurs d’histoires remontant à l’esclavage et aux bagnes, délivrant des images en noir et blanc incontestablement scandaleuses, allègent de leur responsabilité les politiques exerçant présentement dans les territoires anciennement colonisés.
Les populistes extrêmement gauches y trouvent du combustible depuis les boucs missionnaires de jadis, aussi caricaturaux que les démagogues d’extrême droite et leurs étrangers en boucs émissaires. S’il n’y avait pas les anciens convertis des pères blancs comme prêtres dans nos campagnes, les messes seraient encore plus rares.
Les « toubabs » savent bien que la crise de recrutement ne touche pas que les toubibs et les vétérinaires.
Les thématiques coloniales, religieuses ou souverainistes étaient peu abordées dans nos conversations, elles ont cheminé et sautent aux yeux si bien qu’elles nous aveuglent. 
Alors que le mot « race » était à manier avec des pincettes, « racisé » est arrivé et le blême est invité à sortir de la salle.
Le terme « Grand remplacement » vient des fachos avec son cortège de peurs et d’exclusion, mais qu’y a-t-il de mal à remarquer qu’à la station de métro, nous sommes les seuls pâlichons si nous avons abandonné toute idée de supériorité?  
On peut ne pas voir de péril dans l’engoncement des silhouettes des mamans à la sortie des écoles, mais qui peut nier que les coiffures ont changé? 
Ne pas le reconnaître fait le jeu de ceux qui se vantent de dire tout haut ce qui se pense tout bas. Devenus les rois des sous-entendus, les réseaux d’extrême droite cultivent leur entre-soi. LFI fait de même avec des allusions aux « Dragons célestes »  contrôlant le monde « comme qui vous savez » : les juifs. 
Les homosexuels ont une situation qui s’est améliorée ces dernières années, allant vers une indifférence recherchée. Il serait souhaitable que la couleur de peau puisse passer de la qualité de marqueur au détachement, quand les chanteurs de Marseillaise les plus expressifs sont nos champions devenus atones au-delà du podium.
« Quand vous gagnez, vous êtes Français. 
Quand l'équipe perd, vous êtes considéré comme Sénégalais »
Patrice Evra 
Danger des généralisations : aurait-on pu parler de réfugiés pour les pieds noirs en 1962 ?Ceux qui demandaient de ne pas essentialiser au moment des attentats islamistes voient en chaque homme un violeur potentiel pour manifester leur solidarité avec la courageuse Gisèle Pélicot. 
Maintenant que s’est adoucie la culpabilité portée par l’idéologie judéo-chrétienne, il est cocasse de voir la conscience du mâle blanc d’un certain âge être chargée de tous les maux. Mais après m’être insurgé contre ces fardeaux genrés, je me suis demandé si nous n’avions pas, y compris, les tribunitiens du « Monde » un peu du Trump en nous. Dans nos mondes parallèles, nos ghettos peints aux couleurs universelles, nous cultivons nos vérités alternatives, écartant ce qui nous gène, ne retenant que ce qui vient de nos cercles. 
« En vérité, la vérité, il n'y a pas de vérité ! » 
Jean-Claude Van Damme.

jeudi 24 octobre 2024

L’art au service de la vie. Thomas Schlesser.

Les amis du musée de Grenoble ont accueilli en visio-conférence l’auteur du roman « Les yeux de Mona », un succès planétaire. « La jeune fille à la perle » de Vermeer figure sur la couverture du livre où un grand-père conduit sa petite fille dans les musées parisiens.  
Parmi les cinquante deux chapitres où chaque œuvre est prétexte à quelque précipité philosophique:
« L'Astrologue »
du même Vermeer, exprime sous ses craquelures, la fragilité et invite à la connaissance sans exclure la spiritualité. Sous la lumière flamande, les échelles de l’infiniment grand et de l’infiniment petit se combinent.
 « Que les artistes transportent le paradis terrestre dans l’avenir, qu’ils le présentent comme devant être le résultat de l’établissement du nouveau système et ce système se constituera promptement. » Saint Simon. 
Dans le tableau de Marguerite Gérard acquis par le Louvre en 2019,
« L’Élève intéressante » examine l'estampe « La Fontaine d’amour » de  Fragonard dont le reflet se devine à la surface d' une sphère métallique.
L’œil du bœuf du « Labourage nivernais » de Rosa Bonheur, est dit admoniteur, « celui qui admoneste, qui donne un avis. Dans la peinture, l'admoniteur est le personnage qui regarde, apostrophe le spectateur et l'invite à participer au tableau. » Il rencontre le nôtre. A la suite de la petite fille du roman pour laquelle la terre labourée évoque la crème au chocolat, nous pouvons apprécier, en bon « mangeurs d'images », une terre moins âpre que celle d’un Courbet.
Le tableau de Whistler devenu le symbole du courage des mères lors de la crise de 29, indique aussi dans son intitulé, l’intention esthétique. 
« Arrangement en gris et noir n°1 (Portrait de la mère de l'artiste) ».
Avec « L'église d'Auvers-sur-Oise, vue du chevet », nous sommes au cœur de la touche de Van Gogh, qui comme Rimbaud « fixait les vertiges ».
Ses accès de folie interrogent la petite Mona : était-il méchant ? Alors qu’il était, très, trop, empathique. 
«  Il n’y a rien de plus véritablement artistique que d’aimer les gens » 
Il faut peut être une certaine maturité pour voir la dimension enfantine du tenace Cézanne écartant volumes et ombres dans la « Montagne Sainte- Victoire ». La beauté est partout:
« Il faut aller au Louvre par la nature et revenir à la nature par le Louvre »
« La vie impossible de C.B. », de Christian Boltanski, en vitrines saturées de textes et d’images, interroge : « Qu’est-ce que ça veut dire ? »
Cette installation peut encourager à construire la société : accueillir ceux qui ont besoin d’être écoutés, apprendre à recevoir, accepter un don et avoir la générosité de rendre.
Henry Vuillemin, le grand père du roman, est inspiré d’Henry Guillemin, talentueux conférencier, imité par le conférencier du jour qui nous avait déjà régalé.
Répondant à une question, afin de préciser la notion de chef-d’œuvre qui permettait à l’origine au compagnon au sein d’une corporation de devenir maître, il remarque que dans son acception actuelle, tellement chargée de toutes les qualités, valables en tout lieu et de tout temps, que la déception risque d’être au rendez-vous.
Ainsi la fameuse Joconde,
alors que le grand cheval de George Stubbs« Whistlejacket » peint en 1762 a rencontré l’assentiment du public dans les années 90 (1990). 
« Et puis Henry, qui citait volontiers "L'Art d'être grand-père" de Victor Hugo, rappelait à qui voulait l'entendre un des principes cardinaux de la transmission : peu importe qu'on comprenne immédiatement tout ce que quelqu'un dit, comme s'il fallait que chaque nouveau mot soit déjà un arbre épanoui dans l'immense verger du cerveau. Les éclosions sauraient venir le jour dit, à condition d'avoir tracé des sillons et planté des graines. » Les yeux de Mona

mercredi 23 octobre 2024

La petite renarde. Ensemble Miroirs tendus.

L’opéra de Janačèk a été adapté pour un ensemble de quatre instruments : cymbalum, piano, contrebasse, flûte, dans un format d’une heure à destination d’un public d’enfants avec une conteuse en maîtresse de cérémonie.
Une renarde échappe aux hommes, séduit un renard avec lequel elle aura renardeaux et renardelles, avant que ne l’atteigne une balle.
La fantaisie de la musique m’aurait suffi si l’évocation de la nature, du cycle des saisons n’avait pas été perturbée par la récitante à la diction chuintante et au jeu d’animatrice pour anniversaires.
J’ai fait confiance à la formule des concerts du dimanche 11 h de la MC2 à des prix bien inférieurs aux représentations musicales ordinaires où des productions de qualité sont présentées aux enfants accompagnés essentiellement des grands parents.
Pourtant habitué aux spectacles destinés au jeune public qui peuvent ravir aussi les adultes, cette fois le versant pédagogique m’a paru maladroit. 
Quel besoin de dénigrer Bambi pour se faire valoir dans le journal de salle ?
La comparaison se retourne cruellement contre la critique, l’arpenteuse de scène peut remballer son gilet orange dans son sac à dos et laisser la musique, la poésie, exprimer la fragilité de la vie, ses joies et ses tristesses.           

mardi 22 octobre 2024

Saint Elme. Serge Lehman & Frederik Peters.

Premier album d’une série de cinq ; les feuilletons sont au goût du jour et les « one shot » comme on dit chez les amateurs de BD deviennent rares.
Mais je ne sais si je reviendrai dans cette ville de montagne à l’atmosphère poisseuse éclairée de couleurs électriques pour un récit noir comportant de nombreuses zones d’ombre.Trafics, fugue, rapports humains violents, fusillades et détective à lunettes…noires.
Ce premier volume de 80 belles pages, intitulé «  La vache brûlée » fait référence aux procès d’animaux au  moyen-âge, mais c’est un contemporain bien obscur qui est évoqué où la drogue est monnaie courante, la prospérité et la douceur de vivre ne sont même pas présents dans les  souvenirs.   
Trop absorbé par l’ambiance puissante, originale, je suis resté indifférent à cette histoire de détective, beau ténébreux tellement archétypal.

lundi 21 octobre 2024

Quand vient l’automne. François Ozon.

Comédie, comme au cinéma, dramatique, comme dans la vie.
Le scénario habile nous laisse dans un doux doute avec des acteurs excellents :
Hélène Vincent (« La vie est un long fleuve tranquille »), Josiane Balasko (« Les bronzés »), 
Pierre Lottin ( « La nuit du 12 ») avec lesquels nous passons une heure trois quarts agréables. 
Tout au long du récit aux allures de policier pépère, la vieillesse est évoquée dans des nuances dorées qui précèdent la chute, les rapports mère/ fille et la rédemption par le petit fils, et aussi la culpabilité, le mensonge et même la distance Paris /province.   
« L'important n'est pas tant de faire le mal que d'avoir voulu faire le bien ». 
Alors que des spectateurs critiquent la lenteur du début du film, j’ai trouvé au contraire que ce moment donnait toute sa profondeur à ce film troublant.
La petite citation, extraite d'une chanson populaire, devenue habituelle, est revigorante:
«Aimons-nous vivantsN'attendons pas que la mort nous trouve du talent» 
François Valéry
Du prolifique réalisateur d’une trentaine de films, la mémoire de mon ordi fait revenir : 

samedi 19 octobre 2024

Les gens sont comme ça. Philippe Delerm.

La dernière livraison de l’écrivain des familles procure le plaisir d’être à nouveau réunis tout en mesurant le temps qui passe. 
Sa collection d’expressions toutes faites ne révèle pas que de doux instruments de la sociabilité : sans être exclusif comme « Ah oui, non mais moi », ou aussi envahissant qu’ « Elle m’a fait une angine »
« C’est mignon » ou «  Tu me diras » recèlent quelques ambigüités plaisantes à relever. 
Il redonne de la rugosité au « panier » qui avait disparu sur l’écran de nos commandes : 
«  Ajouter au panier ».
Je me suis amusé à retrouver : « Tu vas sortir de ta zone de confort » pour un clin d’œil à ma petite fille qui m’a ainsi conseillé lorsque je m’obstine à choisir « vanille-chocolat » comme parfum de glace. Le « T’inquiète » de son frère est devenu légendaire.
La légèreté de l'annonce « On est entré dans le temps additionnel » finalement pas si anodine que cela, va bien avec la gravité familière de : « ça nous fait une sortie ». 
« … on n’est pas à l’abri d’une averse, j’avais cinq degrés ce matin dans le jardin, je ne sais s’il y a encore plus de monde que l’année dernière, je vais rentrer faire une soupe. » 
Je demanderais volontiers : « Auriez-vous une petite carte ? » pour revenir à la librairie retrouver le poète une fois prochaine. Il ne s’agit sûrement pas « De faire avec » que contredirait « Mais quand même » pour jouer avec les têtes des 35 chapitres.
Les paresseux pour qui « Les mots sont impuissants » sont ici contredits, et si « On refaisait le monde » marque l’impuissance, ces 100 pages : «  C’est que du bonheur ! »
 La frontière vers le Sud est franchie à partir de laquelle on entend « Avé plaisir »,mais le soir tombe :  
« Le soleil commence à peine à fléchir dans cet orange chaud qui donne à la pierre des bastides une douceur d’éternité romane. »

vendredi 18 octobre 2024

Schnock n° 51.

La nostalgie sourit avec cette livraison bien fournie en littérature, foot, ciné et chanson.
1/3 des 175 pages du trimestriel est occupé par une évocation de Françoise Sagan 
à qui Jérôme Garcin avait demandé de rédiger son épitaphe :
« Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, "Bonjour tristesse", qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même. »
Ses formules fécondes et légères s’accordent bien à l’esprit et au style de la revue: 
« On ne sait jamais ce que le passé nous réserve. »
« Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou, disait Nietzche, ou un autre. » 
Il s’agit d’un hommage délicat et vif pour l’auteur d’ « Un orage immobile », « Avec mon meilleur souvenir » « Un peu de soleil dans l’eau froide »… à travers interview de son fils et évocation de sa bande, anecdotes et citations rassemblées dans un « Petit Sagan illustré » où il est question de Mitchum déguisé en hamburger, de Proust et de Star trek. 
Ses rapports à la musique, aux bagnoles sont également évoqués à la suite d’une sélection de dix livres du « charmant petit monstre » moderne dans ses manières d’être et dans la continuité de Colette voire de Madame de Sévigné pour le style. 
Caroline Loeb (« C’est la ouate ») qui a monté un spectacle «  Françoise par Sagan » met en relief sa liberté.
Avec Platini, Giresse, Tigana, nous revenons vers « le carré magique », où ils étaient au moins cinq en comptant Genghini et Fernandez.
Brigitte Fossey a eu une riche carrière bien après « Jeux interdits »
ainsi que « le nonchalant qui passe », « Le monocle rit jaune », Paul Meurisse, l’un des « Diaboliques ».
Avec Jonasz nous revenons sur la «  fabuleuse histoire de Mister Swing » 
avant de remettre sur le dessus de la pile de vinyles : Lili Drop, 
et celle des DVD : « Une fille cousue de fil blanc » par Michel Lang, 
alors que pour les bouquins Alphonse Boudard prophétise : 
« Les femmes sont déjà proxénètes, gangsters, policières, ministres, chefs d’état, tandis que les hommes les remplacent à la crèche, à la vaisselle, à l’atelier de couture ou sur le trottoir.Il reste encore le Vatican à investir… »