La tentation est grande de ne pas lever le nez après avoir admiré
le cœur d’une pivoine plutôt que de se piquer les yeux aux incendies de Nouméa
à 20 h d’avion d’ici, à Kharkiv à 3h de Paris, à Rafah...
Bien que le moment approche pour les citoyens de donner une
voix aux députés européens, le temps consacré à l’Europe est restreint par les
candidats eux-mêmes : symptôme des difficultés à envisager notre
appartenance.
Alors que l’Occident joue contre le reste du monde, il
serait malvenu de dire que la balle est dans notre camp; des équipiers semblent
bien indécis avec même quelques buts CSC (contre son camp).
Les débats sont sommaires : toute objection à
l’encontre de l’extrême gauche vous renvoie à
l’extrême droite. De même l’accusation
d’antisémitisme pour toute critique envers Netanyahou s’avère stupide,
inopérante, et participe à l’aveuglement, à l’isolement, au rejet d’Israël.
Dans bien des domaines, je m’en remets à la fataliste
formule : « c’est comme
ça ! »
mais qui empêchera
le sujet de la Palestine de supplanter les chicanes concernant la politique
agricole de l’U.E. ?
Les problèmes enfouis resurgissent, amplifiés, échappant à
toute raison et il est vain de regretter l’inculture américaine ou les hors
sujets hexagonaux.
La Palestine est une question centrale quand devient indécidable un engagement de troupes européennes ici ou là.
Pour reprendre la formule féconde de Badiou à propos de
Sarkozy : « De quoi est-il le
nom ? » il n’est pas besoin d’ânonner les éléments de langage
intersectionnels pour comprendre que les échauffements des campus recouvrent
une surface plus étendue que « du
fleuve à la mer » et remontent bien avant la déclaration Balfour (1917).
« La paix n’a
pas de frontières » Yitzhak Rabin a été assassiné.
Si les comparaisons fleurissent avec mai 68, ne pas oublier
juin et le ras de marée conservateur (387 sièges de députés à 91). Dans le pays où avait brouté la bête immonde, et pas que là,
l’extrême droite prospère et sourit devant les selfies (égo portraits).
Il était prometteur le slogan : « Cours camarade, le vieux monde est derrière toi » et
voilà le cacochyme revenant promis à la victoire et nous à bout de souffle.
Mais est-ce parce que le courage était prôné par les forts
de la mâchoire qu’il a déserté le camp progressiste ?
L’épisode néo calédonien condense quelques paradoxes quand
certains osent avancer qu’il est urgent d’attendre, alors que le dialogue est
engagé depuis des décennies.
Jean-Marie Tjibaou a été assassiné par un indépendantiste en
1989.
Droit du sol ici et pas là bas et inversement.
Tiens, où en est la proposition de droit de vote des
étrangers aux élections (locales) ?
Qu’en pensent les militants sans frontières qui pansent les
plaies occasionnées par les dresseurs de miradors aux « anciens
parapets » ?
La violence nait de l'ignorance avec cependant une conscience de ses limites qui interdit d'écouter les autres. Le vide en politique représenté par le sourire de Lecanuet faisant jadis se pâmer la rombière s'est élargi.
Si bien que contaminé par les délires présents, il est tentant de s'approcher, pour le fun, des mirages utopiques voire absurdes, guère plus vains que les rodomontades chroniques.
L’harmonie régnerait sur le monde si les contours des
contrées plutôt que de suivre fleuves et crêtes des montagnes, épousaient les
rotondités de chaque être humain :
Somalie sommeillerait avec Somaliland, la
Corse voguerait sous son pavillon à tête de Maure, la Transnistrie cesserait sa
sécession et Le Soudan n’aurait pas perdu le Nord…
Feujs et rebeux joueraient
dans le même championnat en Judée-Samarie et la « Bonne mère » marseillaise aurait
fait rebondir le ballon parisien du bon côté des poteaux (PSG= Poteau Saint
Germain).
« L'humour ne
peut exister que là où les gens discernent encore la frontière entre ce qui est
important et ce qui ne l'est pas. Aujourd'hui, cette frontière est
indiscernable. »
Milan Kundera