mardi 24 décembre 2024

Mes B.D 2024 :

Scénario inventif : « Bouts de ficelles »
Chronique des jours ordinaires : « Idéal standard »
Quand arrive dans une famille un enfant trisomique : «  Ce n’est pas toi que j’attendais ».
Indispensable, incontournable: « Les cahiers d’Esther ».
Version dessinée d’un livre intéressant : « Sapiens » .

lundi 23 décembre 2024

Mes films 2024.

Pour réparer par la musique « En Fanfare »
Pour partager une journée avec un livreur si loin, si proche : « L’histoire de Souleymane »
Pour être avec la foule qui a assuré un succès phénoménal : « Un petit truc en plus ».
En Haute Savoie, une famille de paysans : « La ferme des Bertrand ».
A Tokyo, un homme nettoie les toilettes : « Perfect days »
Pour Mia (13 ans) : 
L'amour ouf.
A contresens.
Les liaisons dangereuses.
Un petit truc en plus.
D' Artagnan. 
Pour Nino ( 11 ans )
Les minions 4.
La Tour Montparnasse infernale 1.
Wonka.
Intouchables.
D'Artagnan .
 

samedi 21 décembre 2024

Les annales de Brekkukot. Halldor Laxness.

Bien qu’ayant répercuté auprès de mes élèves le droit d’abandonner un livre, un des préceptes de Pennac, j’essaye d’aller au bout des histoires. Mais cette fois j’ai arrêté au milieu, bien que l’humour et l’originalité, promis par un de mes prescripteurs aguerris, soient évidents.
L’ambiance particulière où les songes viennent atténuer les rigueurs de conditions de vie en Islande, tellement exotiques pour nous, est pourtant bien installée. 
« A cette époque là, la coutume était de faire des annonces en vers si l’on voulait vendre de la morue séchée ou si l’on avait besoin d’une femme pour les travaux du printemps. » 
Alfgrimur, le jeune garçon recueilli par des grands parents, au milieu de personnages improbables m’a paru fantomatique. La multiplication des petits contes souvent inaboutis m’a lassé. Les tribulations de Gardar Hólm, « chanteur mondial » m’ont laissé froid.
Quant à l’écriture, pourtant d’un prix Nobel, qui souvent sollicite le lecteur, pour dire qu’il sera question de tel sujet plus tard… ou pas, je me suis demandé si le correcteur n’avait pas été pris dans les glaces : 
«  Il se tenait en posture d’amiral près du chevet de son lit et ne pouvait voir les veines bleues qui serpentaient sous la peau parcheminée de ses tempes qui était comme du parchemin. »    

vendredi 20 décembre 2024

Mantras.

Les Syriens savaient
depuis si longtemps ce qu’était Saidnaya, à nous d'inscrire un nom de plus dans nos mémoires encombrées. En spectateurs appliqués nous pressentons que les Kurdes vont être plus que jamais les parias parmi d’autres du Moyen Orient. Les Ukrainiens ont bien froid et les Palestiniens bien peur.  Mais comment ne pas se sentir déplacés à sous- titrer la cruauté des hommes?
Dans mon pays si léger où un ministre a été chassé jadis pour avoir mis du homard au menu, la réussite de la reconstruction de Notre Dame n'est plus qu'un souvenir pâlichon sur les écrans, alors que la réussite des Jeux Olympiques vaut à peine une brève. Sans relâche, au politic théâtre,  le procès en illégitimité, mené depuis des années par les adeptes de la confusion, ne cesse d'être rabâché, faute d'arguments et de propositions.
Le « quoi qu’il en coûte » a chassé le « en même temps », pour parler comme les simplistes drogués à la petite phrase, d’autant plus en vue que les situations sont complexes.
Jadis les boute-en-train cherchaient à vendre du papier maintenant ce sont les clics qui comptent. Les journalistes avides de réponses dans la seconde tapinent à coup de micros crottoirs, en bout de chaîne de phénomènes cheminant depuis longtemps.
L’épisode COVID a accéléré la perte du sens des responsabilités, de la valeur travail, sur un fond de désinformation. Celui-ci a pris une ampleur de dingue et pousse ses métastases jusque dans les institutions les plus sages.
Une fois les couleurs jaunes des gilets abaissées, les outrances oubliées, des leaders épuisés, oubliés, leur mentalité a eu le temps de s’installer, elle n’en a rien à foutre de la démocratie représentative, ni des usages revendicatifs.
Agriculteurs, cheminots, avec leurs syndicats en compétition, en ont pris de la graine à coup d’intimidations, de pressions, avec une complaisance coupable envers les plus violents.
Il fut un temps où la dégradation des biens publics n’était pas envisageable, les abris-bus et autres vitrines s’en souviennent.
Des parlementaires, nos représentants, ont fait du mal, au-delà des péripéties des sessions législatives, en adoptant pour certains les façons les plus grossières des occupants des ronds-points. Ils ont mené à terme le blocage d’institutions garantes de l’unité de la nation dont ils devraient être les exemplaires défenseurs. Certains extrémistes de gauche refusaient de serrer la main de l’extrême droite mais l’ont embrassée lors de la censure.
Il n’y a pas que la tactique qui les a rapprochés, la surenchère démagogique les tient.
Et les bonnes âmes, remontant systématiquement à Mathusalem pour excuser tout délinquant, n’ont rien vu venir de ce populisme qui partout mène le bal.
Cet encrassement de la vie politique alimente et se nourrit de l’ensauvagement de la vie sociale. L’affaissement des connaissances, des compétences à la sortie des écoles n’y est pas pour rien. Le niveau des élus, des journalistes, baisse à la mesure d’un effritement des exigences de  la part d’enseignants dont l’autorité est sapée par le manque de respect envers leur mission d'apprentissage. L’instabilité de leurs ministres est autant la cause que la conséquence d’indécidables réformes tandis que l’exclusive demande de moyens figure de plus en plus comme prétexte à ne pas bouger, à ne pas voir les maux de l’instruction publique où les mantras protestataires entrent dans la logique de marchandisation de tout acte.
Une réflexion d’élève, devenue culte pour moi : «  à quoi bon savoir, c’est dans l’ordi » pourrait achever tout débat à propos de l’intelligence artificielle. Celle-ci est le fruit de l’inventivité d’ingénieurs d’élite au service de la paresse des autres qui pourront y puiser des remèdes à la baisse du niveau de l’ensemble, comme je pêche mes citations dans l’obligeant Google. 
« O misère de nous ! Notre vie est si vaine qu'elle n'est qu'un reflet de notre mémoire. » 
Chateaubriand
La machine nourrie d’algorithmes ne contredit pas mes choix, les flatte, prend la main, l’altérité est mal en point. L’IA génère de la nouveauté, mais en agglomérant les opinions, les langages existants, que deviennent la fantaisie, les surprises, la singularité. Cette originalité qui nous distingue dans la foule, s’avère contraire à l’enfermement sur son égo, le mal du siècle. Les mémoires colossales des machines nous fascinent et pour celui dont les neurones fatiguent la tentation est grande de sacraliser la boite à souvenirs surtout à l’heure où les clips et les story si brèves donnent le tempo.  
« L’ordinateur a de la mémoire mais aucun souvenir. »  
Anonyme

jeudi 19 décembre 2024

Familles d’artistes. Serge Legat.

Pour ouvrir le cycle «  Destins croisés d’artistes » devant les amis du musée de Grenoble,  consacré cette fois aux familles de peintres, le conférencier débute par un des Lippi : « Autoportrait » de Fra Filippo Lippi  (1406/1469) présent sur les fresques de la cathédrale de Spolète. 
Très tôt orphelin, le florentin placé au couvent des Carmes, entre à 15 ans dans les ordres. 
Lors d’une procession, il enlève Lucrezia Buti, une religieuse, qu’il avait fait poser. 
Grace à Cosme de Médicis, le pape accepte de les relever de leurs vœux.
« Filippo Lippi et Lucrezia Buti »
par Paul Delaroche. 
Contemporain de Masaccio, influencé par Fra Angelico, il forma Botticelli.
Dans « l’Annonciation » il  présente une vierge élancée, élégante, aux références diverses.
Le charme naturel de sa « Vierge à l'Enfant et deux anges » 
et son originalité lui valurent d’être nommée « La Lippina »,
dont on retrouve la lumière dans une de ses études au stylet d’argent sur papier préparé. 
L’un des anges aurait le visage de son fils Filippino Lippi.
L'« Autoportrait » peint par Filippino devenu grand, figure dans
 
« La dispute avec Simon le Magicien » dans un style inspiré par son maître Botticelli.
Il évolue vers le fantastique, multiplie les détails dans « L'Apparition de la Vierge à saint Bernard » et annonce le maniérisme avec ses fresques pour la chapelle Strozzi à Santa Maria Novella,
en particulier quand il représente « Abraham » à l’accent germanique.
Dans une autre dynastie : Orazio Gentileschi (1563/1639) par Van Dyck, né dans une famille d’artistes à Pise en 1563, mort à Londres en 1639, prend le nom de sa mère.
La bure de « Saint François porté par un ange » constitue un morceau de bravoure.
Si un cadrage serré doit beaucoup au Caravage, « La joueuse de luth » séduit une clientèle qui préfère la lumière. Il voyage dans toute l’Europe ;
« Repos durant la fuite en Égypte »
.
Il a peint « Danaë » en 1621.
Sa fille Artémisia Gentileschi (1593/1656) formée par son père l’avait réalisé en 1612. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2019/11/artemisia-jean-seroy.html
Son « Autoportrait » en allégorie de la peinture respecte les traités esthétiques de l’époque : femme brune avec robe reflétant la lumière portant au cou une chaine où est accroché un masque.
Son plus célèbre tableau « Judith décapitant Olopherne » représente son violeur Agostino Tassi condamné à un exil qu’il ne respectera pas. Ses sujets souvent violents peuvent s’expliquer par ce traumatisme mais les commanditaires ont leurs exigences aussi.
« Suzanne et les vieillards » refuse les propositions des deux hommes qui l'accusent alors d'adultère et la font condamner à mort, mais le prophète Daniel, prouvera son innocence et fera retourner la sentence contre eux.
Fidèle à sa religion calviniste, au prix de la perte de commandes,  
Louise Moillon ( 1609/1696), peintre de natures mortes fut appréciée, 
elle aussi, par Charles 1° d’Angleterre, « Panier d'abricots » .
Son frère Isaac Moillon  élevé dans un milieu artistique, devenu peintre du roi, a pu accéder au grand genre, à la peinture d’histoire. « Éole donnant les vents à Ulysse ».
Pour les Coypel on peut parler de dynastie de peintres versaillais :
Noël Coypel « Autoportrait », peintre du roi Louis XIV, malgré son opposition à Colbert voit accéder à tous les titres, son fils,
Antoine Coypel (1661/1722)  influencé par Rubens : «  Portrait de Démocrite » ,
le philosophe rieur contrairement à Héraclite « l’homme qui pleure ».
L’exotisme pénètre dans la société française : « Angola, trompette du roi Louis XIV, tenant une corbeille de fruits »
Son demi-frère Noël Nicolas Coypel fut le plus discret mais pas le moins talentueux.
Il eut pour disciple Jean Siméon Chardin « Autoportrait aux besicles » de belle notoriété dans « le petit genre » des natures mortes, dont le fils qu’il avait pourtant formé n’a pas laissé d’œuvre majeure.
Par contre le bouchon de champagne saute jusqu’à nous dans « Le repas d’huitres » de Jean-François de Troy, inventeur du genre: «  tableaux de mode », fils de François de Troy né à Toulouse,
« Portrait de mademoiselle de Fontange »
maîtresse de Louis XIV morte à 20 ans :  
« Belle comme un ange, avec un cœur excellent, mais sotte comme un panier » 
La princesse Palatine.
Il est lui-même fils de Antoine Nicolas de Troy et frère de Jean également peintre. 
Il a épousé Jeanne Cotelle, fille du peintre Jean le vieux Cotelle. 

mercredi 18 décembre 2024

Barbara. Ensemble Contraste.

En sortant de cette heure de concert trop courte où j’avouais mon émotion à mes amis qui eux aussi avaient été touchés, j’étais content de vérifier que mes glandes lacrymales fonctionnaient encore, tellement les coups de chaud en chansons se faisaient rares depuis un moment.
Est-ce un reste de Top 50, la crainte de ne pas « être dans le coup » comme on disait jadis, mais dans ma jeunesse il fallait que les « tubes » se renouvellent? Cette avidité est devenue  bien moins impérieuse d’autant plus que toute comparaison ne peut être établie avec de sublimes poètes comme Barbara gagnant encore en force avec le passage du temps. 
Merci à l’ensemble Contraste de retrouver « la longue dame brune ».
La chanteuse Albane Carrère passe haut la main l’examen devant les admirateurs impitoyables de la petite juive cachée à Saint Marcellin pendant la guerre. 
« Oh les noix fraîches de septembre
Et l'odeur des mûres écrasées
C'est fou, tout, j'ai tout retrouvé
Hélas »
 
La chanteuse lyrique classique interprète avec fidélité, sans parodier la classique auteure-compositrice-interprète.  Elle a la pudeur et l’élégance de respecter l’histoire personnelle de Barbara en laissant les musiciens interpréter seuls « L’Aigle noir ». L’altiste du groupe donne quelques indications utiles sans tomber dans l’indiscrétion biographique : Brel a encouragé Monique Serf, dite Barbara à écrire ses propres chansons après avoir chanté celle des autres dans les cabarets de ses débuts.
Ce qui nous vaut la charmante « Jolie Môme » de Ferré :  
« T'es qu'un brin de soleil
Dans l'chagrin du réveil »
 
Après l’inusable « Tourbillon de la vie » et la bouffonne «  Elle vendait des petits gâteaux », on se rappelle de l’auteur d’une « Histoire d’un amour » : Francis Blanche. 
« C'est le rêve
Que l'on rêve sans dormir ».
 
Dès les premières notes, dès les premiers mots, nous sommes transpercés. 
« La solitude » : 
« Elle est revenue, elle est là
La renifleuse des amours mortes »
 
Toutes les grandes chansons s'enchainent : « Nantes », «  Göttingen », « Dis, quand reviendras-tu ? » « Le mal de vivre » 
« Ils ont beau vouloir nous comprendre
Ceux qui nous viennent les mains nues
Nous ne voulons plus les entendre
On ne peut pas, on n´en peut plus »
Quand les mots se donnent la main si justement, la poésie met du baume sur les plaies.
Les musiques les plus nostalgiques font gonfler oreillettes et ventricules et donnent du bonheur.
Nous avons le plaisir de (re)découvrir : «  Mon enfance », « Toi »
« Devant toi, j'étais vraiment nue
Le jour où tu m'as dévêtue. »
 
« La petite cantate » aux inflexions si douces est un hommage à sa pianiste morte dans un accident.  
« Je te revois souriante
Assise à ce piano-là
Disant bon, je joue, toi chante
Chante, chante-là pour moi
Si, mi, la, ré » 
De belles histoires d’amour.

mardi 17 décembre 2024

Bouts de ficelles. Olivier Pont.

« Exquis » comme le dit « cadavre ».
Exercice de style réussi avec brio à partir de la comptine « trois p’tits chats, chats, chats, chapeau de paille… » entrainant dans un rythme d’enfer, un anti héros sur les toits de Paris, le temps d’une nuit.
« Moi je veux juste rentrer chez moi et être tranquille ! 
Me glisser sous la couette et regarder la télé en mangeant des chips ! » 
Drôle, romantique, virevoltant, original, loufoque, ce thriller (même pas peur) qui est aussi une quête involontaire, ne se prend pas au sérieux et nous régale pendant plus de 120 pages expressives sans tomber dans la caricature grotesque.
« - C’était tes premières menottes ? 
 - Ben oui…
 - Dans mes bras mon grand ! Te voilà un homme !! »

lundi 16 décembre 2024

Noël à Miller’s Point. Tyler Taormina.

Francesca Scorsese (fille de Martin) et Sawyer Spielberg (fils de Steven) brillent au casting comme boules dans le sapin pour la mise en scène d’un moment de l’année où s’exacerbent les nostalgies. 
Une famille italo-américaine très nombreuse est réunie pour la dernière fois dans la maison de la grand-mère dont l’autonomie est objet de débat. La profusion des personnages à comprendre dans leur ensemble n’en fait pas un film choral selon la formule consacrée. Chaque génération joue son rôle sous les bonnets adéquats, avec la musique de circonstance et une décoration tellement abondante et kitch qu’elle devient un élément poétique marquant. 
Les tables croulent sous les victuailles, les verres se vident, des notations cocasses alternent avec des sujets plus graves, donnant par ces ruptures de ton , le temps de se sentir concernés par cette fête des couleurs. 

samedi 14 décembre 2024

Loving Frank. Nancy Horan.

« Divulgacher » constitue une faute de goût, mais en sachant la fin tragique de Mamah l’amoureuse du célèbre architecte Frank Lloyd Wright, ces 567 pages m’ont encore plus ému.
On connait la fin du Titanic et on peut apprécier le film, on sait la conclusion de nos vies et on l’aime - notre vie. 
« Je me souviens, juste après la mort de Jessie, lui raconta Mamah. J'étais à un pique-nique organisé par l'église et il y avait une course en sac. Je regardais tous ces gens qui sautillaient frénétiquement à cloche-pied. Ils riaient mais ils mettaient toute leur énergie à gagner cette épreuve. Je me rappelle avoir pensé : Ne savent-ils donc pas qu'ils vont mourir ? »
Les combats de cette femme quittant mari et enfants pour un génie qui le sait trop bien, leurs moments de bonheur prennent une plus grande force. La presse, attachée aux célébrités, tout en se repaissant de cet amour dévorant, condamne les amants.
La recherche de l’indépendance même en milieu privilégié est semée d’embuches et les dilemmes abondent qui fournissent une passionnante matière littéraire non linéaire, non binaire. 
« Elle s’était toujours considérée comme quelqu’un de profondément moral. Pas une prude, loin de là, mais une femme bien. Honorable. Elle ne se permettait pas de souligner les passages d’un livre de bibliothèque, ne laissait pas le boucher se tromper en lui rendant sa monnaie. Comment avait-elle réussi à se convaincre que commettre l’adultère avec le mari d’une amie n’avait rien de répréhensible ? » 
Protagoniste de l’indispensable engagement féministe en début de XX° siècle, Mamah  prend essentiellement la lumière, apparaissant comme le personnage principal qui aurait pu fournir un titre plus fidèle au contenu de ce roman documenté à partir d’une histoire terriblement vraie.
Je choisis ci-dessous, un extrait anodin d’apparence pour évoquer la fluidité d’un style décrivant une expérience banale, prenant des allures de moment de grâce avec un œil toujours ouvert sur les maladresses, les conditions contingentes.
«  Elle se dirigea vers le champ où la pellicule de glace se brisa sous ses pas et s’enfonça dans la neige jusqu’aux genoux. Elle poursuivit sa route tête baissée, les jumelles autour du cou,. Quand elle releva les yeux pour s’orienter, le soleil inonda son visage. Le temps que ses pupilles se contractaient dans la lumière aveuglante, elle ne vit que des ondes blanches. En regardant derrière elle, elle ne distingua aucune forme précise. Rien de distinct, nulle part. Elle ne voyait même pas ses pieds. Quelle imbécile tu fais ! pensa-telle en éclatant de rire. Dans la neige jusqu’aux genoux et complètement éblouie.
Elle ferma les yeux et attendit. »

vendredi 13 décembre 2024

La vie secrète des arbres. Fred Bernard Benjamin Flao Peter Wohlleben.

Version dessinée du livre à succès du défenseur des arbres mondialement connu
Les illustrations dynamiques mettent au premier plan le forestier depuis son enfance, jusqu’à la fondation de son académie et la reconnaissance de sa gestion respectueuse des forêts.
Nous partageons ses découvertes étonnantes, ses découragements.
Sa grande patience acquise au fil des saisons l’amène à éviter le catastrophisme bien que coupes à blanc et artificialisation des sols compromettent l’avenir. Sa démarche pragmatique et exigeante, à l’encontre des impatiences contemporaines, arrive à être partagée au-delà des sept millions de lecteurs de la version sans image.
Le temps long est le maître dans ce domaine merveilleux et fragile où les elfes de l’enfance n’ont pas disparu, bien que des dégâts soient irréversibles.
Nous révisons que les arbres communiquent entre eux par racines et champignons associés, ils mémorisent, interagissent avec les animaux proches qui s’y abritent ou s’en nourrissent pour se reproduire ou s’en défendre, se montrent résilients face aux vents et aux orages... ils se déplacent.
Mes réserves lors de la parution de la première version écrite ne tiennent plus quand les prises de positions du pédagogue vont évidemment vers une meilleure qualité de vie pour les humains. 
« Certaines personnalités ont commencé à s’inquiéter de notre impact destructeur dès la fin du XVIII° siècle et les premières actions de protection sont apparues aux Etats-Unis au XIX° siècle. Cela fait moins d’un demi-siècle que l’on sent concrètement les limites et les effets de nos abus, et à peine quarante ans qu’ils sont devenus un vrai sujet de société. Nous commençons vraiment à chercher des solutions. Il est bien tard, mais c’est tout de même une bonne nouvelle. »
Un cèdre devant chez nous, cassé le 1° septembre 2024.

jeudi 12 décembre 2024

La chapelle Matisse. Marc Chauveau.

Avec les amis du musée de Grenoble, nous revenons dans la chapelle de Vence à la suite de frère Marc Chauveau, historien de l'art. https://blog-de-guy.blogspot.com/2024/04/le-vitrail-moderne-frere-marc-chauveau.html
Le « résultat d’une vie consacrée à la recherche de la vérité » comme le disait Matisse,
 ce questionneur de beauté,
auteur du grenoblois « Intérieur aux aubergines », est aussi une histoire d’amitié.
En 1941, Henri Matisse, « le miraculé », avait besoin alors de soins constants, il employa . Monique Bourgeois, comme infirmière. 
Devenue un de ses modèles, « Tabac royal », elle entre peu après dans l’ordre des dominicaines et prend le nom de sœur Jacques-Marie.
La villa de Matisse «  Le rêve » est située à deux pas de la maison qui abrite la congrégation.
Ne disposant avec les autres religieuses que d’un garage comme lieu de culte, elle montre un projet de vitrail pour lequel le maître l’encourage, elle lui permet de rencontrer un jeune dominicain Rayssiguier qui convainc rapidement l’artiste :  
« Votre chapelle nous allons la faire »
Il reste à vaincre la réticence des sœurs et à trouver un architecte véritable : Auguste Perret  a l’élégance d’accepter d’assurer la direction technique derrière le religieux pris un moment par le doute sur ses capacités à mener jusqu’au bout le chantier.
Imbriquée dans d’autres bâtiments, la chapelle s’adapte à sa position en contrebas de la route. Le transept est décalé dans une salle ressemblant à un grand livre ouvert où la lumière des vitraux apporte de la couleur aux dessins noirs sur carreaux blancs.
A l'image de son livre « Jazz » des gouaches découpées voisinent avec l’écriture.
Il  avait prévu  un vitrail « Fleuve de vie » , mais trop agité à son goût pour un lieu de prières, c’est sous le nom « Les abeilles » qu’il le réalise pour une école maternelle au Cateau-Cambrésis, sa ville natale.
Les vitraux aux verts et bleus transparents, au jaune opaque se souviennent de Tahiti avec des motifs végétaux évoquant le figuier de Barbarie, recours du voyageur dans les lieux les plus arides, sous un rideau protecteur.

Pour arriver à l’épure la plus sobre,  il travailla à très nombreux dessins pour laisser le temps à la rêverie, à l’identification.
Son « Saint Dominique » de Vence reçoit les couleurs,
celui d’Assy en apporte. 
Dans un geste d’accueil, préfigurant en même temps la crucifixion, « La vierge à l’enfant »,
inspirée de celle de Fouquet, se présente toute en élégance et douceur, avec pour modèle une jeune fille en train de devenir femme qu’il s’est empressé de dessiner, 
De nombreuses esquisses témoignent de ses recherches échappant aux modes.
Avec humilité, il met ses pas dans ceux des anciens dans son « Chemin de croix » où les scènes s’entremêlent, violentes. A la sixième station,  la « Sainte Face »
sur le voile de Véronique représente le seul visage de la chapelle.
Il s’agit d’une œuvre d'art total, par l’architecture, les vitraux, les grands dessins sur céramique, les objets liturgiques,
l'autel réalisé avec la même pierre que le pont du Gard regardant les deux petites nefs.
Bénitiers, tabernacle, confessionnal, chasubles se coordonnent.
Sur le linteau une autre « Vierge et l’enfant » figure aussi en tondo.
Impliqué pendant quatre ans, il  répondit à Picasso qui n’était pas d’accord avec son engagement dans un projet spirituel:  
« Au fond, il ne faut pas que nous fassions les malins. Vous êtes comme moi : ce que nous cherchons tous à retrouver en art, c'est le climat de notre première communion »
La Chapelle du Rosaire fut inaugurée en 1951. Trois ans avant la mort de l’artiste.

Le père Marc Chauveau avait revêtu la chasuble noire pour célébrer l’enterrement de sœur Jacques Marie en 2005.
« Cette petite chapelle est un grand témoignage - celui du vrai. 
Grâce à vous une fois de plus, la vie est belle. Merci. »
 Le Corbusier.