mercredi 12 juin 2019

Souvenir de voyage # 2. Etienne Brunet.

Après l’exposé concernant la collection d’Antoine de Galbert au musée de Grenoble,
http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/05/souvenirs-de-voyage-musee-de-grenoble.html, à l’image du personnage de Borremans farfouillant « Aussi doux que cela »,  j’ai suivi une visite guidée avec un prof qui conseille ses pairs et prend des précautions pour prévenir que certaines œuvres peuvent choquer. Il a toujours fallu prendre le sexe avec des pincettes, alors comme il est question aussi de la mort,  après avoir éloigné les enfants des écrans et des peintures des martyrs du XVII°, il convient désormais de prévoir un avocat pour accompagner les groupes.
Deux « Fu dogs » d’Edward Lipski, clope au bec, accueillent le visiteur à l’entrée des 17 salles jusqu’au 28 juillet 2019. On voit de tels lions à la porte des restaurants et des palais mais ceux là présentés ici annoncent quelques superpositions à venir, des remises en cause de cloisonnements, une grande diversité des formes d’expression et une variété d’artistes.
Nous commençons justement par l’idée de collection, celui du désir de posséder et son impossible assouvissement. Comme si la profusion des propositions ne suffisait pas, il est stimulant d’aller plus loin avec les artistes qui nous interpellent tels Feldmann sublimant ailleurs le quotidien « Birgit, doing her make-up » après nous avoir bien plu ici, rien qu’avec un rectangle de lumière.
Pour laisser le plaisir de la découverte ne sera présenté qu’un artiste par salle (presque).
Pour les bâtisseurs de l’imaginaire, ACM : « Architecture ».
Concernant les conceptuels, l’humour, l’ironie, l’absurde sont au rendez-vous ; Alain Bizos est tout indiqué avec « Toute œuvre d'art est interdite dans cet espace ».
Alors qu’après guerre, Doisneau pouvait saisir la légèreté de l’enfance et des amours, l’activisme viennois mettait les corps à l’épreuve jusqu’aux limites de l’insupportable. Urs Lüthi en arrive à être plus subtil dans l’angoisse que ses provocants congénères : « Dis-moi qui a volé ton sourire ».
Du côté des belges, parfaitement dans le thème de la diversité, de l’étrangeté, de la quête, « Gorgo » de Peter Buggenhout est composé de sang et du crin comme certaines statuettes africaines.  http://blog-de-guy.blogspot.com/2009/01/boli.html
La phrase écrite au néon par Alberola «  Nous sommes devenus riches parce que nous sommes devenus pauvres » donne à réfléchir parmi des évocations de la violente Afrique du Sud.
« Street Beached » de Gilbert & George voisine avec « Is More Than This More Than This » de John Isaacs qu’il est impressionnant de voir en vrai. Cash et kitch, so british.
Des documents scientifiques à propos de la folie jouxtent des photographies, des  dessins, comme dans « Angst » d’Arnulf Rainer où les coups de couleur blessent plus qu’ils n’enjolivent.
Et si les  battements du cœur  de Boltanski rythment une partie de la visite, les représentations de corps mutants, vulnérables sont dérangeantes comme « you’re Mine # 001 » de Mari Katayama.
Les passages de formes humaines aux végétaux sont finement évoqués par Rachel Kneebone « Salmacis »
La nature peut aider : une « feuille de magnolia », quelques traits de fusain sur carton sont splendides quand c’est Raetz qui les trace 
et les « Crottes de lapins » sont bien vues quand Herman de Vries les aligne.
Certains artistes contemporains sont devenus des classiques. Lucio Fontana aux fameux coups de cutter dans la toile est un « spatialiste ». De nombreux créateurs jouant sur le hasard évoluent souvent en dehors des mouvements, mais au pays des étiquettes, l’art brut a une place particulière dont j’aime un synonyme : « l’art des singuliers » à « la beauté insensée ». « Janus » de Méani.
Dans la dernière salle, remplie de crucifix et de photos de cimetière, est exposée une parcelle d’un travail titanesque, celui de toute une vie de Roman Opalka.  
Depuis 1965, il peint une suite de chiffres  sur des toiles de 196 sur 135 centimètres « à la main, au pinceau, en blanc, sur un fond recevant depuis 1972 chaque fois environ 1 % de blanc supplémentaire. Arrivera donc le moment où je peindrai en blanc sur blanc. Depuis 2008, je peins en blanc sur fond blanc, c’est ce que j’appelle le "blanc mérité". »
G Orozco qui ne figure pas dans l’exposition avait fait disposer par les voisins du Moma des oranges sur leurs fenêtres, histoire aussi d’aller « au-delà »  des murs, comme on aurait pu dire qu’Opalka « tuait le temps ». Les lettres de Stéphan Tridet  « Une histoire vraie » sont installées dehors.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire