samedi 31 octobre 2020

Calamity Gwenn. François Beaune.

Parmi les livres de la rentrée, le «1», moins prévisible que d’autres prescripteurs, recommandait ce journal d’une jeune femme écrit par un homme.
De « Sextembre » d’une année à « S’entendre » de l’autre en passant par « Marasse », nous suivons la vie tourmentée d’une native d’Istres passée par chez Breitz, employée du « Pig Halles », sex shop de Pigalle, et admiratrice d’Isabelle Huppert. 
« Je dirais que c’est ça le plus usant dans ce boulot de comédienne ? Il y aucun horaire, tu es H 24, même si tu tournes jamais. Ta vie privée, tes fantasmes et ta carrière professionnelle s’embobinent dans le même biz infernal, qui explose ta charge mentale » 
Burn out et burnes vides.
La jolie fille roule des pelles à la pelle et use de la coke à la louche, mais une fois passée l’ivresse des mots qui cherchent à décrire notre époque énervée, je me suis lassé de ces jeux qui rappellent quelques « rifougneries » de fin d’enfance quand l’un de nous usait du mot « bite ». 
« Je le revois dans le rétro de ma putain de life en forme de braderie des occasions ratées, ce moment déchirant où je comate dans le canap de ce squat, et lui s’en va au loin, avec le petit camion qui descend le boulevard de la Libération, à travers la plante verte de la fenêtre sale. » 
Elle a beau tomber amoureuse avec des bouffées d’absolu jetées sur le papier, surnage essentiellement la violence. 
« L’autre soir, cette chaleur sur Paris, et l’autre porc, oh toi, comme t’es charmante dis donc ! Et moi, ben toi comme t’es grave moche. Quoi ? il fait. Il en revenait pas. Tu me donnes ton avis, je te donne le mien. Si t’es pas content, bois mes règles ! »
 Bridget Jones qui lui ressemble dans une recherche amoureuse nettement plus pastel, appelait chez le lecteur quelque compassion souriante. Le portrait d’une jeune femme diaphane dans des tonalités douces qui figure sur la page de couverture avant les 345 pages du livre n’est pas du tout représentatif de la punkette déjantée, rageuse, désespérante, dont la lucidité est vaine.Je ne comprends décidément rien à mon époque dont cette littérature m’éloigne.

vendredi 30 octobre 2020

Le Postillon. N°57. Automne 2020.

L’organe des décroissants technophobes estime sans doute que les élections municipales qui se sont déroulées depuis leur dernière parution
ne sont pas si importantes puisqu’une place minimale leur est réservée.
Pourvu qu’ils puissent critiquer: ils soulignent que Piolle a été élu avec moins d’électeurs qu’en 2014, mais qu’il soit permis de critiquer leur annonce de «  la fin du mythe démocratique »; les « alternatifs » vers qui vont leurs préférences n’offrant pas d’horizon convaincant à en juger par leurs méthodes et même leur façon de s’exprimer, avec cette dérision partagée par tous les extrémistes dans l’air du temps qu’ils s’emploient à vilipender par ailleurs.
Il y avait de quoi écrire sur la fin du PC à la mairie de Fontaine, la vague écologiste et tant d’autres évolutions du paysage politique local.
Ils font part des péripéties concernant la direction de la Métro mais restent anecdotiques, alors que des déclarations fortes de l’ancien maire de Saint Martin le Vinoux ont pu porter bien au-delà du vocabulaire techno de Mongaburu et ont compté dans le désaveu qui s’est attaché à la personne du « vice président au Défi climatique ». C'était la déclaration:" pourquoi Mongaburu ne peut pas être président de la Métro" dont la loyauté était mise en doute.
Les rédacteurs jouent avec l’expression « un monde d’avance », eux qui préfèrent le Tour de France à la mode 1920. Ils débusquent le ridicule de la nov’ langue en inventant de nouvelles délégations lors de l’installation de conseils municipaux dans la lignée de celles qui sont nées récemment : à « la vitalité de proximité », «  à la fraîcheur », alors pourquoi pas une adjointe aux « réveils difficiles » ou  aux « défis transitoires »…
L’article à propos des jardins de Saint Martin le Vinoux à la place desquels vont être construits des immeubles ne justifiait pas un titre parodique à la façon de Saint Exupéry pendant la guerre d’Espagne : « On fusille ici comme on déboise… » bien qu’un texte extrait de « Terre des hommes » donne de la profondeur au reportage où l’empathie avec un jardinier de 95 ans contraste avec le mépris du reporter à l’égard du maire actuel de la commune. 
« Celui qui ne soupçonnait pas l’inconnu endormi en lui, mais l’a senti se réveiller une seule fois dans une cave d’anarchiste à Barcelone, à cause du sacrifice, de l’entraide, d’une image rigide de la justice, celui-là ne connaitra plus qu’une vérité : la vérité des anarchistes. Et celui qui aura une fois monté la garde pour protéger un peuple de petites nonnes agenouillées, épouvantées, dans les monastères d’Espagne, celui-là mourra pour l’Eglise. »
Ayant mis en cause la gouvernance de la prison de Varces dans un article précédent, le journal  de 20 pages à 3 € profite de la réponse de la directrice pour insister sur les dysfonctionnements de l’institution carcérale et dans un autre compte-rendu met en lumière des pratiques anciennes valant un procès à des surveillants qui confisquaient des téléphones pour les revendre.
Il ne suffit pas de répéter qu’on ne parle jamais en bien des quartiers difficiles quand quelques rappeurs du quartier Mistral tiennent à renforcer une image défavorable bien que soit valorisé dans un article le dévouement des enseignants d’Anatole France. Le site « Snif 38 » livre depuis là bas au moyen de Snapchat où se commercialisent shit, coke ou pronostics de courses de chevaux puisque les messages s’effacent au bout de quelques minutes. 
Les journaleux anonymes persistent à titiller le maire de Voiron ou la com’ de Piolle que ça en devient routinier comme leurs attaques contre l’industrie des puces électroniques qui utilisent trop d’eau ou lorsqu’ils considèrent comme du flicage les moyens utilisés pour tracer le devenir des déchets ou le dispositif « Cliiink » incitant à recycler les bouteilles. 
Leur méfiance envers les ondes émises par les antennes est plus étayée lorsqu’elle est illustrée par le combat d’un habitant de la rue Thiers qui a moins d’hyper tension et d’acouphènes depuis qu’il a occulté le paysage avec des rideaux de protection. Les conditions de travail au CEA ou à ST ne sont pas aussi clean qu’on pourrait l’imaginer après un témoignage lui aussi accablant d’un salarié qui raconte des faits pour certains datant cependant de 2013 : les process de  dépollution peuvent être dangereux.

 

jeudi 29 octobre 2020

La villa Perrusson. Ecuisses. Saône-et-Loire

Accompagné d’un guide gratuit nous pouvons franchir les grilles de la villa Perrusson.
Malheureusement, de gros gégats dus à l’humidité nécessitent une rénovation de l’intérieur, seuls se visitent les jardins et  l’extérieur.
La famille Perruson et Desfontaines, céramistes bourguignons du XIX°siècle,  firent construire cette résidence à côté de leur usine de tuilerie de telle manière qu’elle  puisse servir de vitrine à leur entreprise. 
La façade avec bow windows  exhibe des exemples de motifs colorés en faïence, les toits en tuiles et  la faitière de couleurs  émaillées rappellent ceux de Beaune et de Bourgogne.
Curieusement, la façade Nord, ordinairement sobre dans n’importe quelle maison,  affiche ici des décorations soignées.
Elle était destinée à être aperçue par les voyageurs des trains qui circulaient  à proximité, comme un panneau de publicité pour de potentiels clients.
Pour la même raison un lanternon, modèle unique, coiffe cette partie de la maison.
Il ne figure pas sur le catalogue de la firme mais il fut exposé et primé lors d’une exposition à Paris près de la tour Eiffel.
Par contre côté sud, pas de fioritures, pas une fenêtre car la façade donne sur l’usine, il est donc inutile de se « vendre » et de montrer aux ouvriers ce qu’il se passe chez les patrons.
Du jardin, aucune documentation ne nous est parvenue ; il a été alors reproduit dans le style  connu de cette époque, à l’arrière et à l’avant de la villa : plantation d’arbres, mare et espace gazonné.
Il est habité temporairement par les sculptures de  céramiques contemporaines de Pablo Castillo. L’artiste a imaginé des enfants d’ouvriers qui s’approprient les lieux  pour y jouer : enfant et chien, enfant avec lance pierre, enfant déguisé en indien, fillette en habit du dimanche câlinant un écureuil…
A l’ouest, une petite orangerie  restaurée expose aujourd’hui des céramiques  anciennes mais aussi un pécheur récompensant les clients les plus dispendieux. Derrière elle, une barrière sépare l’habitation de l’ancien « potager » et d’une serre en ruine dont il  ne  reste que les montants et les arcs métalliques. Cela permettait  à  la villa de vivre en autosuffisance. Les anciennes écuries amputées de leur côté droit  délimitent la fin du terrain cultivé. Elles accueillaient les chevaux utiles  au transport du matériel de l’usine.
Notre petit groupe remercie le guide novice, et s’éparpille dès la grille franchie.Nous trainons un peu  près de l’usine délabrée pour mieux observer les murs ; Ils sont constitués de tuiles défectueuses recyclées,  en carrés alternés de  tuiles horizontales et de tuiles verticales. Un mortier lie le tout, un enduit protège et cache les matériaux. Cette conception écologique et peu couteuse, offre en plus l’avantage d’obtenir des  murs  isolants.

 

mercredi 28 octobre 2020

Côte d’Azur 2020 # 4. Antibes.

Nous n’avons pas choisi de reprendre le chemin superbe longeant le cap d’Antibes
ni le musée Picasso 
Et si nous pensons à chaque fois à Nicolas de Staël 
nous avions envie de retourner voir des artistes exerçant actuellement, 
mais ils n’étaient pas là, ni l’asiatique qui modèle si finement l’argile,
ni l’anglaise enthousiaste du quartier des safraniers.
La ville est toujours aussi belle, mais en ce début d’été 20, la foule manque au pittoresque marché et quand les galeries sont ouvertes nous en arrivons à regretter le temps où nous étions loin d’être seuls.
Ah si, nous faisons affaire avec Papalia qui expose ses ferrailles et ses bois flottés à la Garoupe.
Phare, sémaphore y sont installés, le point de vue est magnifique.
A côté de la chapelle qui recèle quelques ex-votos caractéristiques, le « Bistrot du curé » propose des petits farcis excellents sous les pins (d’Alep).
Nous redescendons pour visiter le fort carré commencé sous Henri II et achevé bien sûr par Vauban. 
Depuis ce lieu qui permettait la surveillance de la frontière avec le Duché de Savoie,
le panorama est remarquable au dessus du port qui accueille le plus de bateaux de plaisance de toute la côte d’azur dans sa rade avec vue sur la Baie des anges, ses marinas sur fond de  cimes enneigées du Mercantour. La visite guidée est gratuite.

 

mardi 27 octobre 2020

Ar-Men. Emmanuel Lepage.

Il fallait que les gardiens de ce phare, au large de l’île de Sein, soient des êtres exceptionnels pour vivre dans cet « enfer des enfers ». 
Leur histoire où se mêlent les légendes bretonnes et des vies cassées est parfaitement racontée avec des aquarelles d’océan dont le fracas persiste une fois l’album de 91 pages refermé, semblant prêt à ruisseler à nouveau.
Nous aurons vu l’Ankou serviteur de la mort, la ville d’Ys, les fortunes de mer et le travail pendant 15 ans des hommes pour construire ce fût de 29 mètres au dessus des flots meurtriers.
A un moment un ingénieur vient présenter le projet, des habitantes de l’île réagissent : 
« - Et s’il n’y a plus de naufrages, de quoi vivrons nous ?
- C’est le seigneur qui a fait la chaussée sauvage et dangereuse. 
On ne peut pas aller contre sa volonté ! » 
Les évocations fantastiques donnent de l’épaisseur à une réalité aux draps rêches, aux odeurs de mazout.
La conscience professionnelle des gardiens pour entretenir le feu nous parait bien lointaine maintenant que le phare est automatisé depuis1990, après 109 ans de service.
Lepage, déjà vu ici,
est à la hauteur de son sujet : éblouissant.

lundi 26 octobre 2020

MASH. Robert Altman.

50 ans après, j’en arrive à douter de mon plaisir d’alors : le flash d’humour trash que fut ce palmé de Cannes  m’a tellement paru, aujourd’hui, macho et vieilli, du coup: me also! Défraichi.
Ah oui, « Lèvres en feu » mettait  de l’émoi chez les mâles, mais ses rigidités n’excuseraient pas aujourd’hui les humiliations qu’elle a dû subir.
On a bien voulu à l’époque voir une farce antimilitariste mais la guerre, de Corée, ne m’a semblé qu’un arrière plan d’un terrain de jeu potache valorisant la décontraction US qui ne nuit-pas-bien-sûr-à-son-efficacité, autour d’un groupe soudé par le poker, attaché à son football américain et au golf avec pour seule ambition d’apprendre à servir le Martini à l’autochtone de service. 
Cette suite de sketchs dont ne subsiste qu’une bande son décalée et enjouée à propos de la « Mobile Army Surgical Hospital » (unité chirurgicale de campagne) était-elle meilleure que les  frenchies pochades des Charlots ou Jean Lefebvre méprisées par la critique d’alors ? 
Les conformismes de groupe m' insupportent décidément toujours autant et a-t-il fallu tant d’agressivité des féministes pour que des comportements d’hommes des années 70 nous paraissent inadmissibles aujourd’hui tels qu’ils sont montrés dans la scène mythique (?) de la douche où la troupe vérifie si l’infirmière est une vraie blonde?

 

dimanche 25 octobre 2020

Récital de guitare. Renata Arlotti.

A tous coups la guitare évoque l’Espagne, mais cette fois le plancher ne tremble pas ; nous sommes à l’auditorium de la MC 2 et  nous écoutons sagement les musiques dansantes dans toute leur subtilité.

La belle guitariste Italienne nous propose d’abord des extraits de 24 caprichos (caprices) de Goya de son compatriote compositeur Mario Castelnuovo-Tedesco sur fond de « fantaisies », gravures satiriques de l’auteur du « Sommeil de la raison engendre des monstres ».
Pas besoin de démonter le génome des accords enflammés et surprenants sous les doigtés virtuoses de la jeune artiste pour savoir que nous avons franchi les Pyrénées.
En deuxième partie les musiques de Vicente Asencio et Enrique Granados s’accordent bien aux images ensoleillées de Joaquín Sorolla et Ramon Casas, loin du maître des ténèbres, mais gardant une part de mystère.
Par leur travail, leur capacité à mémoriser, leur énergie, de tels interprètes nous redonnent foi en notre culture dont on aurait tendance à douter sous les assauts des malveillants, des démagos et des criminels.  

samedi 24 octobre 2020

Histoire du fils. Marie-Hélène Lafon.

Il est plaisant ce jeu avec le temps lorsque l’on attend la dernière production d’un auteur qu’on apprécie  
et qu’il est assouvi tout en étant contrarié par le délai qu’on aura à attendre pour le prochain livre.
Comme il est rassurant de retrouver ces terres en Massif Central du côté d’Aurillac dans le Cantal: 
« On les avait vrillés l’un à l’autre, noués, descendus du Nord lointain du département, un pays pentu, bourru, caparaçonné de neiges interminables entre novembre et avril, et striés d’orages impérieux pendant les deux mois d’été éruptifs où tout ce que le sud du département compte de domaines agricoles notoires envoie à l’estive, là-haut, au-delà du Puy-Mary et du Lioran, sur les plateaux du Cézalier ou du Limon, force troupeaux de vaches rouges promises à la griserie longue des montagnes fourrées d’herbe grasse. » 
J’ai été d’abord dérouté par une chronologie chamboulée mais mon inconditionnalité envers l’auteur m’a conduit à y voir une habileté bienvenue lorsque les absents et les morts sont tellement présents dans l’épaisseur d’une vie familiale qui s’acharne à vivre. 
«  Il y a eu des complications, des attentes, des déceptions, mais ça n’a pas tourné au drame parce que Juliette et André ont le goût du bonheur, de la joie, des choses vives et douces qui font du bien. » 
Pour le plaisir des mots pesés, une phrase parmi les 171 pages dit bien des choses : 
« Le multiservice ouvrait à quinze heures, l’église était fermée mais le cimetière pavoisé de frais aguichait l’œil à flanc de coteau, inondé de soleil roux, presque sémillant ; des noms, des dates, des durées de vie que l’on calculait presque malgré soi, quelques caveaux péremptoires plantés avec aplomb au milieu des tombes quasiment alanguies dans la tiédeur insolente de l’air. »

 

vendredi 23 octobre 2020

Nous vivions en paix.

Trottinettes et nombrils à l’air… nous nous excitions envers les micros prosternés devant une conseillère municipale qui disait vouloir « éliminer les hommes »  ou l’autre olibrius Geoffroy de Lagasnerie : «  Moi je suis contre le paradigme du débat, contre le paradigme de la discussion », histoire de se sentir vivant d’indignation.
Et je m’émerveillais de l’application de ma petite fille à colorier un dragon et de ce bon mot d’une autre petite fille à propos de Charlie hebdo :
«  Si on n’est pas content d’un dessin on n’a qu’à en faire un plus beau ! »
Oublieux, je pensais comme le ministre de la justice en septembre :
«  La France n’est pas un coupe-gorge ».
Nous sommes bientôt en novembre.
Le professeur décapité a eu droit d’être appelé  « Monsieur » dans un pays où ça ne se faisait plus, car après la Liberté se passant de masque, l’Egalité était comprise comme si tout le monde avait élevé les mêmes cochons. Avec la Fraternité, débranchée depuis un moment, la trilogie républicaine est devenue tel un calice de vin de messe à prendre pour un véhicule de la rédemption.
En écrivant : « Ces coups de couteau nous traversent », je reste dans le registre des mots creux et des bougies fondues. 
Combien de meurtres encore pour voir ce que nous ne voulons pas voir, ces « territoires perdus de la République» qui s'étendent ?
Et nous reviennent de Toulouse à Nice, tous ces crimes que nous avions remisés dans une rubrique où est amalgamé sous le terme de fanatisme tout ce qui nous dépasse.
Alors que la mort de quelques enfants juifs, curé, passants, parmi d'autres damnés, est revendiquée par les islamistes bien au delà de quelques déséquilibrés, tant les complicités se sont installées depuis longtemps, estimons ces mecs de la Mecque, en les combattant non pas au couteau, mais idéologiquement, pour la République, débarrassés des entraves que nous nous sommes inventées.
« Critiquer l’islam, c’est le mettre sur le même plan que toutes les autres religions et opinions. C’est donc le respecter. Ne pas le critiquer, c’est penser qu’il est incompatible avec la démocratie, comme on préserve la sensibilité d’un petit enfant qui ne peut pas endurer la même chose que les adultes. » Pierre Jourde
Et nous en apprenons ! Que n’auraient dit les profs de SUD si un prêtre avait accompagné un parent d’élève pour rencontrer un principal de collège alors que ce fut le cas avec un imam ? Où sont passés les délégués parents d’élèves ? Et La FCPE qui faisait sa pub avec une femme voilée ? De petits faits se sont installés, accumulés, banalisés et paralysent les institutions de la République. Mila a dû changer de collège, pas ses persécuteurs.
Le fait d’avertir les élèves musulmans que des images pourraient les choquer est dans la lignée des « Safe space » des campus américains sensés éviter toute contradiction.
Mais qui ose encore parler de "Charlie" en classe et de ses journalistes sous protection policière depuis des années ? Et qui suis-je pour blâmer ceux qui ont renoncé?
Passé le moment d’hommage à la profession enseignante dans son ensemble, alors que chacun n’a pas le courage de Samuel Paty, «  Pas De Vagues » viendra chuchoter à l’oreille du « Mammouth » et Farce Inter continuera d’inviter un prof pour dire que le problème samedi jour d'hommage au professeur d’Histoire Géographie et d’Education Civique était la présence du ministre de l’Education Nationale place de la République : que n’aurait-il dit s’il n’y avait pas été ? 
Innocents sur ce coup de tout colonialisme envers la Tchétchénie, pourrons nous reprendre nos querelles subalternes et n’avoir à nous désoler que de la défaite de l’OM face à l’Olympiakos ?

jeudi 22 octobre 2020

Monet : le sacre de la lumière. Damien Capelazzi.

Le conférencier devant les amis du Musée de Grenoble avait choisi un portrait de  l’artiste à 25 ans pris par Etienne Carjat, bien que celui qui s’est éteint à Giverny à 86 ans soit passé à la postérité avec sa vénérable barbe blanche.
Nous l’avions déjà croisé : 
Oscar Claude Monet est né en 1840, à Paris rue Laffite, plus tard devenue une rue où les marchands de tableaux sont nombreux. Son père agent de commerce ayant fait faillite rejoint sa  demi-sœur au Havre avec sa famille. Cette tante Marie-Jeanne Lecadre, élèvera les enfants Léon et Oscar Claude après la mort de leur mère.
Le jeune O. Monet vend ses caricatures comme celle de « Léon Manchon », chez un papetier où il va rencontrer Eugène Boudin qui sera déterminant pour sa carrière.
Il s‘agit du « Portrait présumé » de l’artiste de plein air, visible dans son musée à Honfleur.
De retour à Paris, Claude Monnet rencontre Corot, Daumier, Courbet, Pissaro, à l’académie suisse et A. Daudet, Baudelaire à la Brasserie des martyrs, place forte des « réalistes ».
Bien que sa famille ait proposé de payer son exemption de service militaire, il part à Alger où Charles Lhullier le peint en tenue de zouave.   
« Les impressions de lumière et de couleur que je reçus là-bas ne devaient que plus tard se classer. »
Seize mois plus tard il contracte la fièvre typhoïde et reprend des cours à Paris chez Charles Gleyre qu’il quitte rapidement avec Bazile, Renoir et Sysley
Le tableau peint par Renoir représentant « Frédéric Bazile » avec en arrière plan un tableau de Monet sera acheté par Manet. Manet fait l’actualité avec son « Déjeuner sur l’herbe » pour lequel Clémenceau se bat en duel avec un spectateur qui avait craché sur cette « Partie carrée » intitulée initialement « Le Bain ».
Monet
  propose son « Déjeuner sur l’herbe »  plus sage mais en des dimensions prévues pour la peinture d’histoire : 6 m. 
Face aux critiques de Courbet figurant pourtant au centre du tableau, il le replie et après quelques dégâts dus à l’humidité, le découpe en trois morceaux dont deux sont à Orsay ; la préparation en format plus modeste est à Moscou.
Camille Doncieux, sa femme est son modèle avec son fils Jean dans  « La Femme à l'ombrelle » monumentale, où les nuages s’accordent à sa touche.
Elle était aussi « La femme à la robe verte ».
Alors que les artistes à cette époque étaient invités à reproduire les œuvres des anciens, il se place derrière une fenêtre du musée pour peindre «  Le Quai du Louvre ».
Surnommé « Le Raphaël de l’eau » il a été tenté par deux fois de se noyer, alors qu’il nous a donné à voir tant de ciel dans ses reflets.« La Grenouillère » haut lieu de l’impressionnisme n’était pas vue forcément comme un lieu de calme et de miroitements,  
Je complète ici les écrits de Maupassant précédemment cité :  
«On sent là, à pleines narines, toute l'écume du monde, toute la crapulerie distinguée, toute la moisissure de la société parisienne : mélange de calicots, de cabotins, d'infimes journalistes, de gentilshommes en curatelle, de boursicotiers véreux, de noceurs tarés, de vieux viveurs pourris ; cohue interlope de tous les êtres suspects, à moitié connus, à moitié perdus, à moitié salués, à moitié déshonorés, filous, fripons, procureurs de femmes, chevaliers d'industrie à l'allure digne, à l'air matamore qui semble dire : “Le premier qui me traite de gredin, je le crève.” »
Jongkind qui a peint « La plage à Saint Adresse », va lui « ouvrir les yeux ».
La « Terrasse à Saint Adresse » de Monet claque
et « Sur les planches de Trouville » c’est chic.
Il part à Londres pendant la guerre de 1870 où Bazile, la veille de sa mort au combat, avait dit « Pour moi, je suis bien sûr de ne pas être tué : j'ai trop de choses à faire dans la vie ». 
Turner vient flouter son espace  pictural dans  « La Tamise à Westminster ».
Dans la continuité, « Impression, soleil levant » représente bien plus que le port du Havre à 7h 35 le 13 novembre 1872.
Exposé dans l’ancien studio de Nadar boulevard des Capucines,  devenu vedette du musée Marmottan, il donnera son nom de baptême au mouvement « Impressionniste ».
«  La pie » ou « Effets de neige » avait suscité des manifestations hostiles d’étudiants des beaux arts.
Sur «  Le Pont du chemin de fer à Argenteuil » près de chez lui, deux époques se rencontrent.
« Les Dindons » constituent un sujet inhabituel d‘autant plus que le château de son commanditaire Hoschédé figure en fond.
A cette occasion il rencontre Alice Hoschédé qui soigna sa femme Camille jusqu’à sa mort.  « Camille Monet sur son lit de mort » ».
Elle s’était installée à Vétheuil, dans la nouvelle maison commune avec ses cinq enfants et deviendra sa deuxième femme « Eglise de Vétheuil » 
Ce fut « La débâcle », alors que deux ans auparavant  en 1878, 
quand l’exposition Universelle ouvrait une nouvelle ère, « La Rue Montorgueil » sortait les drapeaux
et la « Gare Saint-Lazare » devenait la cathédrale de la modernité.
Le minéral est proche de l’eau avec « Le Manneporte à Étretat »,
et « La  Creuse, soleil couchant » parait sauvage : 
premières séries avant celles des « Meules, milieu du jour »,
« Les peupliers»
ou « Les Cathédrales de Rouen »
et « Les Nymphéas » depuis Giverny où il va cultiver son jardin après avoir voyagé dans « ses campagnes »
depuis les « Aiguilles de port Coton » à Belle île
jusqu’à « Monte Carlo vu de Roquebrune »
L’Orangerie, qui accueille depuis le 11 novembre 1918, son œuvre testamentaire sous forme de panneaux se déployant  sur cent mètres « illusion d'un tout sans fin, d'une onde sans horizon et sans rivage », est devenue la Chapelle Sixtine des impressionnistes. Il a travaillé jusqu’au bout, bien qu’une cataracte qu’il ne veut pas faire opérer, l’ait diminué.
Clémenceau son ami fera retirer le catafalque noir qui couvre le cercueil pour le remplacer par un drap blanc décoré de fleurs.« Pour moi, un paysage n’existe pas en soi puisqu’il change d’apparence tout le temps… Seule l’atmosphère environnante donne sa valeur au sujet. »… « Il n’y a que du temps qui passe »