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jeudi 11 septembre 2025

Poitiers # 4

Une fois désaltérés et retapés, nous nous consacrons sans accompagnateur à la très ancienne Eglise Notre-Dame-la-Grande.
Commencée au Xème siècle, agrandie et transformée au XII
ème , elle constitue un bijou de l’art roman. Deux tourelles surmontées de toits pointus en écailles encadrent une façade remarquablement ornée. Au-dessus des trois arcs en plein cintre  dont les voussures sont parcourues de sculptures décoratives, apparait une frise.
Elle raconte  des scènes bibliques,
allant d’Adam et Eve
à la naissance du Christ et son bain assuré par deux sages-femmes,
au dessus de la frise, les statues des 12 apôtres et de deux évêques se détachent dans des arcatures sur 2 niveaux réparties également de chaque côté du vitrail.
Et au-dessus des arcatures, le Christ dans sa mandorle domine du fronton/pinacle plus sobre exempt de toute autre représentation.
Si la façade aujourd’hui met en valeur la pierre claire, quelques traces de peintures très estompées, encore visibles dans l’épisode de l’annonciation, rappellent que des couleurs chatoyantes la  recouvraient entièrement au moyen âge.
Enfin, Le bestiaire sur les chapiteaux
(ex : deux éléphants qui s’affrontent) les rinceaux et les modillons confirment  l’appartenance à l’art roman.L’intérieur nous déçoit après la richesse affichée à l’extérieur. Très sombre, à cause du manque d’ouvertures voulu au moyen âge afin de mieux défendre les églises, il se compose d’une grande nef voûtée en berceau, sans transept, d’un chœur contourné par un déambulatoire, et de chapelles latérales. Plusieurs époques ont  laissé  leur empreinte.
L’art gothique flamboyant s’invite dans la chapelle Saint Anne au travers d’un bel enfeu en pierre inspiré par une mise au tombeau, sans doute récupéré dans une ancienne abbaye.
Au  XIXème  siècle, à la demande du curé, un architecte  imagina  de repeindre les piliers des parois et des voûtes avec des motifs géométriques ou répétitifs selon l’idée que son époque se faisait du moyen âge.
Les seules fresques d’origine, placées au-dessus du chœur, s’effacent inexorablement malgré une restauration effectuée au XIXème  et heureusement qu’un panneau nous  informe sur ce qu’on devrait y voir. Quant aux voûtes, elles disparaissent derrière des filets de protection le temps que les spécialistes étudient comment les restaurer de façon pérenne sans les dénaturer. 
Si le temps a joué un grand rôle dans ces dégradations, certaines restent imputées aux méfaits des protestants.
En attendant 21h30 pour assister au son et lumière projeté sur Notre Dame,  nous tournicotons encore un peu dans les rues, jusqu’à l’hôtel Beaucé qui se caractérise par une  belle façade Renaissance incluant  une tour escalier.
Puis nous patientons devant un verre place Maréchal Leclerc, ex place d’Armes, suffisamment vaste pour accueillir des défilés.
A peine la nuit tombée, nous assistons au spectacle, au milieu d’un  nombre raisonnable  de curieux.
Il dure environ 5 minutes,  jouant des lumières colorées pour souligner l’architecture et les sculptures, et pour mieux se rapprocher de leurs apparences au moyen âge.
Quelques remarques sur Poitiers :
Ville écolo, sans ostentation certes mais qui ne met pas assez en valeur ses passages publics,  des maisons de caractère cachées derrière des revêtements crépis et surtout, …les toilettes… publiques…. une horreur ! ou même celles de certains bars, elles  donnent une image de la France peu flatteuse aux touristes.

jeudi 4 septembre 2025

Poitiers # 3

Puis nous rejoignons notre guide, 
et le groupe au Palais des Ducs du Poitou pour la tournée des hôtels particuliers de la ville.
Nous commençons donc par notre lieu de rendez-vous situé  dans la grande salle d’apparat ou aula de la résidence d’Aliénor d’Aquitaine et de ses deux maris Louis VII et Henri II.
La pièce monumentale dans laquelle circulent librement les touristes comporte un balcon très ciselé de 1388, de hautes verrières gothiques et trois cheminées gigantesques. Sur les murs se dessinent des arcades aveugles, aucun plafond ne dissimule l’impressionnante charpente. La visite se limitant à cette seule salle, nous nous  dirigeons vers les hôtels particuliers et belles demeures de Poitiers :
Nous stoppons en premier devant l’hôtel Pelisson, construit en pierre avec des pans de bois au XVIème siècle. Des pilastres décorent sa façade et à chaque étage correspond  un des 3 ordres classiques (corinthien dorien et ionien).
Son originalité provient d’une  tête de vache morte appelée bucrane et de deux inscriptions en latin : « in dno confido » (je me confie au Seigneur) avec un signe bizarre sur le n de dno et « Hoc est refugion meum » (Voici mon refuge)-
Des maisons à pans de bois s’élèvent toujours place Charles De Gaulle. Au n°11,  Valentine nous commente l’hôtel Claveurier édifié fin du Moyen-âge pour le Sénéchal Claveurier.  Sa maison aux colombages jaunes témoigne de sa richesse avec son pignon sur rue, se distinguant de maisons plus modestes à pignon caché et affiche les deux clés entrecroisées du  blason de son propriétaire.
Ville universitaire depuis 1431, Poitiers a gardé sa réputation de ville enseignante  jusqu’à nos jours. Elle  compte un quart de la population comme étudiants. Très implantée dans la ville, l’université a acquis un grand nombre de maisons et hôtels du patrimoine, se chargeant de bien les entretenir.
Ainsi l’Hôtel Dieu mitoyen de l’Office du tourisme devient-il dans les années 60 un centre régional universitaire. Nous pouvons entrer dans la cour fermée en ces temps de vacances parce que Valentine, notre guide, en détient la clé.
L’hôtel Chaboureau, propriété de l’université depuis 1954, nouvellement adapté à des fonctions pédagogiques et de recherches modernes, date du moyen-âge / Renaissance. Autrefois, pour échapper à l’impôt, ses habitants obstruèrent  les fenêtres. Celle à croisées (meneaux) visible de nos jours fut reconstituée plus tard. Plus rare, une fenêtre d’angle sur le modèle de l’hôtel Beaucé fragilise cependant la construction. Des  motifs de choux frisés enjolivent le pignon.
Nous poursuivons avec la rue des flageolles, passons devant une ancienne auberge du XVIIIème dotée d’une cour intérieure, et découvrons beaucoup de maisons ou jardins planqués derrière les demeures sur rue.
Square des flageolles se dresse la maison Royran. Sa toiture associe ardoises et tuiles, et mélange de cette façon 2 styles traditionnels  pratiqués l’un au nord et l’autre au sud de la France. Aujourd’hui reconverti en HLM, elle a conservé ses caractéristiques d’ancienneté, pour preuve la survivance d’une fenêtre surmontée d’une accolade.
La maison à pans de bois  15 rue Cloche- Perse vaut surtout pour son linteau sculpté de rinceaux interrompus par des médaillons où figurent une femme et un homme. Une autre maison dans la même rue au n°5  privilégie la pierre puis est rehaussée en colombage. Mais cette pratique pas toujours réussie présentait des risques d’effondrement.-
Nous atteignons maintenant l’impressionnant et magnifique hôtel Fumé répondant au style gothique flamboyant dont l’aspect moyen-âge défensif cherche davantage à en imposer qu’à protéger. Il appartient au département de la Vienne depuis 1911 et loge la faculté de sciences humaines et des Arts de Poitiers. Valentine, nous donne accès à la cour intérieure où nous pouvons admirer une loggia à pans de bois portée par de superbes colonnes torsadées. Leur disposition en sens alterné contribue à un effet de légèreté. A côté, une tourelle renferme un escalier menant aux étages. Nous remarquons encore un balcon et de belles lanternes et une porte à petits carreaux que nous ne franchirons pas car elle ouvre sur le domaine de l’université. Nous adoptons une attitude discrète, pour ne pas déranger le gardien et sa famille bénéficiant ici d’un appartement  riche d’histoire. D’autres locataires ont élus domicile sans y être invités, c’est la fête du pigeon et de ses désagréments. 
Abandonnant la rue Descartes, et en nous rapprochant de la place de la liberté,  nous retrouvons la rue Cloche-Perse pour une halte devant la Prévôté. La maison comme son nom l’indique, appartenait au prévôt. Au moyen âge et à la Renaissance, officier de gendarmerie,  ou encore magistrat s’occupant des finances, de la justice, de l’administration,  de l’ordre public, il agissait au nom du Roi ou du Seigneur.
Un accident endommagea sérieusement le bâtiment au XVIIIème siècle et en détruisit une partie : il fut déclenché par le passage d’une  mule chargée de barils de poudre menée par un muletier. Tandis qu’ils passaient devant la Prévôté, une mouche agressa la bête  qui voulant s’en débarrasser tapa du pied. Mais le fer de son sabot provoqua une étincelle suivie d’une déflagration, celle-ci souffla les vitres, des morceaux de la toiture, et  entraina la mort de la mule. En souvenir de l’évènement, un fer à cheval  reste fiché dans  la façade de la maison amputée. L'affaire est notamment rapportée en 1907 par l'auteur Raoul Brothier de Rollière dans son Nouveau Guide du voyageur à Poitiers. Il raconte : « Vers 1775, un mulet chargé de barils de poudre fit explosion à l'angle de la rue Cloche-Perse. Un bruit formidable s'ensuivit, l'animal disparut, mais une de ses jambes enfonça la fenêtre du 2 eétage, dont le fer reste incrusté dans la pierre. Ce fer se voit encore auprès d'une petite fenêtre carrée, près de la tourelle d'un petit pavillon ». Moins bien conservé que l’hôtel Fumé, de l’extérieur du moins puisque nous ne verrons pas dedans, il subsiste deux fenêtres géminées côté hôtel Fumé, une tour de noblesse intégrant un escalier et un toit en poivrière rue Cloche-Perse.
Tout près, nous jetons un œil sur la place de la liberté. Autrefois, s’y trouvait le pilori. Aujourd’hui, une statue de la liberté le remplace en mémoire de JB Breton, décapité après un complot pour rétablir l’empire et qui mourut en criant « Vive la liberté »
Le dernier  monument  prévu dans le circuit change carrément de style et d’époque. Seul  hôtel particulier du XVIIème siècle à Poitiers, l’hôtel Pinet  ne souffre pas de concurrence : en effet, à l’époque, Poitiers ne produit pas, on l’a considère donc  comme pauvre, alors peu investissent  dans de belles constructions privées. Monsieur Pinet prélève les impôts poitevins pour le Roi, et dit posséder des subsides ou des richesses personnelles. Il commandite ce palais grandiose sur une large parcelle, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention sur sa filouterie. Accusé d’avoir pioché dans la caisse, il est arrêté et condamné à mort sous Louis XVI. Le bâtiment se voit attribuer à un autre agent royal puis se transforme  en séminaire, en prison et en Hôtel Dieu jusqu’au milieu du XXème siècle. Devenu trop petit pour cette fonction, il est transmis à l’Université qui en fait sa présidence.
Il respecte les canons de l’ architecture baroque : la large entrée en bossage s’ouvre sur une cour intérieure  face à édifice en U.  Son corps de bâtiment symétrique se divise en 3 parties ponctuées chacune  de hautes  fenêtres sur trois étages, un fronton triangulaire central déborde sur la toiture d’ardoise percée d’oeils-de-bœuf. Très minérale, la cour accepte en son milieu une fontaine  et laisse deviner le passage circulaire réservé autrefois aux carrosses. Derrière l’hôtel côté jardin s’étend un vaste parc mais inaccessible aux visiteurs. 
Ainsi s’achève notre parcours copieux et instructif, même si incomplet (il n’inclut pas l’hôtel Beaucé par exemple) et nous apprécions une pause Perrier. 

jeudi 26 juin 2025

Poitiers #2

Nous suivons les conseils de notre logeuse et partons à pied en ville que nous atteignons 20 - 25 minutes plus tard (environ 2km 2).
Nous devons attendre 11h l’ouverture du palais afin de nous inscrire à la visite guidée de la cathédrale de ce matin à 11h 30 et celle des hôtels particuliers de cette après-midi, comme  nous l’a recommandé l’employée de l’Office du tourisme hier.
Notre avance nous laisse le temps d’un café près de l’université et face à l’église Notre Dame.
A l’heure dite, nous rejoignons  La Cathédrale Saint Pierre où nous attend Valentine chargée de mener la visite ; elle s’avère très compétente et intéressante.
L’extérieur de l’édifice relève du gothique poitevin ou Plantagenêt. Ce style se différencie  du gothique de l’île de France  par son côté massif, sa hauteur moins importante, une absence d’arcs-boutants au profit d’épais contreforts, une absence d’abside et de chevet, remplacé par un mur droit, ses parois nues et une absence de vitraux bas. Par contre, la façade s’inspire  davantage du style gothique français avec ses 3 portails et sa rosace entièrement reconstruite au XIXème siècle.
Les  trois tympans de la façade représentent, à gauche, la dormition de la Vierge, au centre, le jugement dernier, et à droite, Saint Thomas touchant la plaie du Christ.
Pour le choix de Saint Thomas, il convient de rappeler qu’il incarne le saint patron des bâtisseurs
mais peut-être évoque-t-il aussi Thomas Becket ( évêque qui s'était opposé au roi d'Angleterre) ? Au-dessus du tympan central, dominent Saint Pierre puis encore plus haut au sommet, Saint Michel. Autrefois, le « bas peuple » pénétrait par une  entrée située sur le côté gauche. Plus petite, elle n’en était pas pour autant négligée.
En effet elle possède de ravissants chapiteaux racontant Hérode et le massacre des innocents,
la fuite en Egypte de Marie et Joseph,
ou reproduisant  les rois  mages dont l’un doit se recroqueviller par manque de place.
C’est par cette porte (porte Saint Michel) que nous pénétrons à l’intérieur.
Le sanctuaire comprend  trois travées, nef et bas- côté, sans chapelle,  surmontées de voûtes à niveau égal. Il s’en dégage une impression de vastitude.
Un dessin de labyrinthe  peint sur un mur près de l’entrée que nous avons empruntée attire l’attention. Il remplace et rappelle sans doute celui détruit qui était tracé au sol au centre de l’église.
Installés dès 1791, considéré comme l’un  plus fameux de France, l’orgue de François Henri Clicquot, échappa aux ravages de la révolution. Valentine nous fournit une explication que je connaissais mais à propos d’une autre église où un musicien du nom de Balbastre composa des variations sur « La Marseillaise »  et « Ah ça ira » pour prouver que le répertoire de cet instrument pouvait se mettre à un autre service que celui de la religion. Ainsi les révolutionnaires ne fondirent pas les tuyaux pour fabriquer des munitions.
Rendant hommage au saint patron de la cathédrale, Saint Pierre assis sur son trône bénit les croyants d’une main et tient  sa clé de l’autre. Sa statue ressemble fort à celle du Vatican avec ses pieds frottés et lustrés par les fidèles.
Concernant les verrières, le vitrail de la crucifixion constitue l’un des must de la cathédrale. Il illumine la partie centrale de l’édifice depuis 1160-70, c’est l’un des rares dans le monde chrétien à avoir pu traverser les siècles sans encombre. Bien sûr il a subi des nettoyages et de petites restaurations, mais il conserve une palette de couleurs  riche avec des rouges et des bleus magnifiques et son graphisme dénote d’une certaine modernité notamment pour Jésus. 
Outre la crucifixion du Christ, centre du vitrail, apparait celle de Saint Pierre, la tête en bas, et le supplice de Saint Paul. Le haut du vitrail présente l’ascension du fils de Dieu placé dans une mandorle et encadré par 2 anges à la posture chorégraphique. En-dessous du vitrail dans un quadrilobe, les donateurs Aliénor d’Aquitaine son époux Henri II  Plantagenet  et leurs quatre fils se mettent humblement sous la protection de l’église, avant de se déchirer quelques années  plus tard dans un conflit sans merci opposant la mère et les enfants contre le père.
Des peintures murales, il ne reste que peu de traces, à part des atlantes à la tête sculptée et au corps peint.
Cependant, des fresques du XIIIème siècle  cachées sous un badigeon depuis le XVIIIème furent mises à jour en 2012 lors de travaux dus à une fuite d’eau.  Réalisées sur les voûtes du transept, elles relatent des scènes de l’ancien testament remarquables par la fraicheur des coloris  « bleu foncé et rouge profond » : quatre épisodes ont été identifiés :
le sein d’Abraham, le Christ juge, le couronnement de la vierge, les anges tenant des couronnes. Notre guide insiste davantage sur le sein d’Abraham, autrement dit le paradis, dans lequel les élus prennent l’apparence d’enfants innocents et facétieux, alors que des adultes  non reconnus et rejetés regrettent dans leur coin : « Je ne vous connais point »
La cathédrale a conservé comme mobilier religieux les stalles d’origine du chœur, classées aux monuments historiques.
Elles aussi datent du XIII ème siècle et disposent de 74 sièges en bois de chêne répartis sur deux rangs,  avec dans des écoinçons des sculptures alternant anges et animaux, ou anges et vices. Pour dégager l’espace autour de fresques, des statues de saints furent déplacées et entreposées à un endroit inhabituel et sans doute provisoire, derrière les stalles à même le sol. Nous pouvons ainsi juger de leurs proportions déformées, prévues en fonction de leur positionnement en hauteur.
Comme nous l’avions constaté de l’extérieur, le bâtiment ne comporte ni abside ni chevet. Mais  à l’époque baroque, des transformations permettent de donner l’illusion de leur présence en creusant le mur du vitrail et en créant trois renforcements.
La visite terminée, lorsque nous ressortons, notre guide nous montre encore deux curiosités avant de nous quitter :
les signes gravés laissés par les compagnons tailleurs de pierre lors de la construction de l’édifice, et les gros impacts des boulets projetés par les protestants, qui n’ont  réussi  ni à ébranler la bâtisse ni à atteindre le vitrail, bijou de la cathédrale.
 
Nous abandonnons Valentine le temps du déjeuner pris à la serrurerie comme hier ; au menu, pad thaï ou travers de porc.