dimanche 6 avril 2025

Le Havre # 4

Il a plu et les nuages persistent. Nous  partons pour notre parking favori à l’hôtel de ville vers 9h30, bien à l’avance au vu du programme de la journée.
Nous attendons un moment, sans possibilité de prendre un café, l’heure d’embarquer sur une vedette de la baie de seine (VBS) prévue à 11h, en  guettant vainement l’apparition du soleil.
Enfin nous prenons place parmi d’autres touristes à bord du bateau.
La visite du grand port maritime du Havre peut commencer !
Grâce au capitaine, nous allons nous familiariser avec toutes sortes bâtiments présents dans ce type de lieu. Nous nous approchons d’énormes pétroliers à quai dont la coque bicolore permet d’estimer la charge en fonction de l’enfoncement  du bateau.
Nous croisons des remorqueurs, des dragueurs, des pilotines, des navires chargés de l’approvisionnement en carburant.
Sur les rives se concentrent les citernes de pétrole, les silhouettes désarticulées des grues gigantesques,  les réservoirs de sucre et de betterave pour le commerce avec l’Espagne ou le Maroc, et inévitable, une multitude de conteneurs colorés ou blancs quand ils sont réfrigérés.
Les docks accueillent une usine de production de pales d’éoliennes (et de nacelles) Siemens Gamesa : nous pouvons en  apercevoir quelques-unes entreposées au sol. Longues de 80 m elles attendent d’être peintes avant d’être transportées par voie maritime,  plus réaliste que la voie routière.
Nous ne verrons pas tout de ce grand port pétrolier, de commerce de plaisance et de pêche répartis dans différentes zones bien évidemment
Nous regagnons l’embarcadère et contournons tel un phare  la statue « Jusqu’au bout du monde » de Fabien Merelle: elle représente une fillette sur les épaules de son père qui scrute l’horizon en direction de NY.
Pour la suite, nous préférons rentrer au AirB&B, déjà pour vérifier le problème du téléphone de Guy, et une fois rassurés, manger une boite de chili avant de nous octroyer une petite sieste.
Nous repartons en pleine forme explorer la Maison de l’armateur. Cette demeure surprenante, l’une des seules au Havre datant du XVII° siècle, dispose d’une façade néoclassique travaillée en pierre.
Elle comprend cinq niveaux : un rez-de-chaussée (écuries), un entresol (entrepôt), deux étages (étages nobles)  et un attique. A  l’intérieur, s’élève un puits de lumière octogonal, en forme de phare, percé de fenêtres et se rétrécissant jusqu’à une verrière en pointe.
Les pièces des étages nobles épousent son pourtour, petites, originales dans leur configuration, séparées par des portes et sans couloir.
Le  3ème niveau est réservé aux  appartements constitués de la chambre de monsieur, la chambre de Madame, d’un salon de musique  identifiable à son clavicorde, d’une salle à manger dans les tons bleus rehaussés par  les bas- reliefs blancs de déesses des saisons antiques ; on dirait de la porcelaine Wedgwood appliquée à une bonbonnière taille XXL.
Le 4ème niveau concerne plutôt  la vie sociale et intellectuelle et reçoit une bibliothèque un cabinet des cartes, un cabinet des curiosités, une chambre d’hôte  et la chambre de la gouvernante.
Les bonnes  logent encore au-dessus et doivent emprunter un escalier prévu pour le personnel.
Le luxe se révèle dans les parquets en bois rares et exotiques ou les carrelages en pierre à motifs géométriques.
Quant à l’ameublement et les objets exposés, ils ne proviennent pas tous de la maison, mis à part les portraits suspendus des propriétaires. Cependant, ils renseignent bien sur ce à quoi devait ressembler une habitation bourgeoise d’un armateur riche de cette époque. Ainsi, nous apprécions une collection de figurines en terre cuite aux couleurs délavés originaires de Calcutta
Grace à une tablette prêtée à l’entrée, nous apprenons un peu mieux qui étaient les heureux occupants de cette maison singulière.
Les plus connus s’appelaient J F Begouen et les  Foäche, Stanislas et Martin dont les familles fusionnèrent par mariage.
Ils fondèrent leur empire sur le négoce et le commerce négrier, que pudiquement, la tablette nomme commerce atlantique triangulaire. Il semble que le Havre ait encore du mal à assumer ce passé peu glorieux de son histoire, qui lui a permis de s’enrichir.
Malgré la relative exiguïté des pièces et de l’escalier, nous avons pu déambuler  à notre rythme  sans subir l’inconfort d’un nombre trop important de visiteurs.
Nous prenons la sortie et réfléchissons comment occuper le reste de l’après- midi.
Pourquoi pas ne pas nous hasarder à Saint Adresse ?
 
Nous récupérons la voiture indispensable pour rejoindre la « Nice havraise ».
Cette station balnéaire abrita le gouvernement belge pendant la 1ère guerre mondiale, d’ailleurs le drapeau belge flotte toujours pour le rappeler
:
« Pendant quatre années, Sainte-Adresse vivra au rythme de la Belgique qui, bénéficiant par la France d’un décret d’exterritorialité pour l’ensemble des bâtiments qu’elle occupait, y avait installé son gouvernement et l’avait érigée en capitale ».
Au hasard, nous prenons de la hauteur dans l’espoir de tomber sur un panorama intéressant, près d’un bunker disparaissant sous les tags.
En tournicotant dans le secteur, nous tombons sur Notre Dame des flots qui  renferment des ex-votos marins que nous aurions bien aimés voir mais malheureusement, l’église doit subir des réparations après les dégâts causés par la dernière tempête et n’ouvre plus ses portes ni public ni aux fidèles.
Plus loin nous contournons  « le pain de sucre » d’un blanc immaculé. Ce cénotaphe, commandé et sponsorisé par la veuve d’un général, cousine de Napoléon, est censé éviter les naufrages en servant de repère (« d’amer ») aux  navigateurs, la dame inconsolable obtint le droit d’en faire son tombeau. Dans tout le quartier, nous constatons amusés et étonnés, que les  rues en pente disposent de bacs à sel disposés  en prévision des risques de gel. Nous redescendons ensuite vers la mer, abandonnons la voiture pour une balade à pied au bord  de l’eau, dans les traces des peintres impressionnistes.
Depuis le Havre, une promenade le long de la plage a été aménagée, parsemée de prises de vue  de tableaux de Monet (« terrasse à Saint Adresse »), de Dufy et d’autres, placées aux endroits précis reproduits par les peintres.
Ici aussi se dressent des jolie cabines de bain, mais elles se serrent dans des enclos privés uniformément blanches  pour l’un, bleues pour un autre.
Avant de rentrer à la maison, nous cédons à la tentation d’un apéro au Havre, mais dans un lieu abrité du vent et vêtus d’une petite laine, face au Brittany ferries et au Catène de containers de Ganivet. Une fois rentrés, nous terminons nos restes devant les JO.
 

samedi 5 avril 2025

Mes battements. Albin de la Simone.

L’élégant chanteur sucré, salé, sans excès, 
offre un recueil de peintures vivement colorées et de textes autobiographiques courts où se découvrent sa passion de la composition musicale et son goût des instruments.
Le touche-à-tout risquerait d’être superficiel mais sa douce originalité sans surplomb, rafraichissante et singulière se laisse entendre sur tous supports. 
Sa voix tendre est perceptible dans le récit d’une enfance picarde au sein d’une famille modeste qui se donne des allures aristocratiques sans que son originalité soit tapageuse.
Pendant 140 pages, le titre parfaitement illustré, à l’exception d’une petite bande dessinée maladroite, se justifie par l’expression de douces émotions et aussi les pulsations d’une musique mise au service de Pomme, Alain Souchon, Mathieu Boogaerts, Salif Keita …
Ce livret accompagne son dernier album « Toi là-bas » que je vais courir acquérir.
La quatrième de couverture retient cet extrait, il y en aurait tant d’autres cocasses, légers : 
« Le mercredi, après le départ de mes parents je me lançais dans la construction de ce qui devait devenir mon look. Il fallait du brillant. Du métallique. Bagues, épingles à nourrice, bracelets, anneaux, trombones, colliers, gourmettes, tout y passait. Jusqu’à la petite chaînette de la baignoire. Tant que le bouchon restait caché dans ma poche, tout allait bien. »

vendredi 4 avril 2025

Adolescence. Stephen Graham et Jack Thorne.

Pendant quatre heures,
nous suivons la déflagration créé par l’assassinat d’une jeune fille vu du côté de la famille de l'accusé âgé de 13 ans.
L’approche cinématographique efficace, avec un plan séquence pour chaque chapitre, a amené toute une société à s’interroger : Keir Starmer, premier ministre, a souhaité que la série de Netflix soit projetée dans les écoles de Grande Bretagne, ainsi qu’au Parlement.
Depuis la porte défoncée de la maison parentale lors de l’arrestation et malgré le respect des procédures protégeant le jeune criminel et le professionnalisme des intervenants, la violence éclate à chaque instant, en tous lieux : le collège est au cœur du cyclone. Le respect se perd dans les couloirs des lieux d'éducation, le respect de la vie quand on croyait avoir mis de côté la mort a foutu le camp, alors que la moindre contrariété «fait péter un câble» de nos contemporains. 
Là se révèle la source de tous les maux : les codes nouveaux  des réseaux sociaux qui soulignent le fossé entre les générations et notre impuissance.
Au-delà du harcèlement, est mise en évidence la nature infamante des « incels » (« célibataires involontaires ») pour des mômes tellement jeunes et déjà victimes d’une masculinité plus que toxique, mortifère. 
L’outrance des termes, le poids des symboles  employés sur Instagram rejoint une théâtralisation exacerbée des sentiments. Par contre les remords sont absents, en dehors de l’expression mécanique « désolé! ». Nous avons tellement évacué la notion de culpabilité, de responsabilité.
La classique confusion entre réel et virtuel ne sera pas guérie par quelques fleurs blanches s’amoncelant sur les lieux du crime. 
Le papa ne voulait pas reproduire les violences subies pendant son enfance et croyait son fils aimant en sécurité à la maison, alors qu'il était dévoré par l'écran. 
Spectateur séduit, je me retrouve avec beaucoup de monde sur les réseaux sociaux à dénoncer les réseaux sociaux, après avoir maté une de ces séries d'une fascinante et déplorable violence 😉.  

jeudi 3 avril 2025

Les métamorphoses du kitsch. Jean Serroy.

Parmi des images de nains de jardins, boules à neige et Sacré Cœur, un « Peculiar Toilet » arrive à surprendre les amis du musée de Grenoble avant que le conférencier évoque le livre qu’il a écrit avec Gilles Lipovetsky : 
« Le Nouvel Age du kitsch. Essai sur la civilisation du “trop” ».
La carte postale pour la saint Valentin  d’« Anne Hidalgo » conduirait à kiffer le « kitsch »,
catégorie élevée par
« Martin Parr » au rang d’art dans « M » 
supplément « classe » du « Monde ».
La somptueuse exposition « Dolce et Gabana » au Grand palais va au-delà des bimbeloteries, des images sulpiciennes et dépasse le mauvais goût : 
le plaisir peut naitre de l’excès.
Les angelots charmants du peintre des plafonds, Giambattista Tiepolo 
se multiplient depuis longtemps: « Le Triomphe de Flore ».  
Et les grâces langoureuses du « pompier » William Bouguereau  
« Le Ravissement de Psyché » reviennent à la mode.
Walter Dendy Sadler « La Fin de l’écheveau »
Le terme « kitsch », découle de l’allemand quand il s’agirait de  
« ramasser des déchets dans la rue » pour les recycler et les vendre un vil prix, 
voire d’un mot du dialecte bavarois signifiant « faire prendre des vessies pour des lanternes ».
« Tour Eiffel 1889 »
Le mot apparaît lors de la révolution industrielle quand des objets bon marché sont produits en masse à l’époque de Victoria et de la III° république.
« Sissi » de Winterhalter et sa copie.
Stuc, carton pâte, celluloïd imitent le marbre, le bronze, l’ivoire et permettent l’accumulation, 
la surcharge, la fantaisie, l’hétérogénéité, la surprise.
Des œuvres emblématiques se dupliquent. Botticelli.
Dans des décors exubérants de palais, 
les grands magasins étalent leur bric à brac, accumulent les objets de parade.
La publicité multiplie les images enfantines.
« C’était une passion qui lui restait de sa jeunesse pour le clinquant de l’article de Paris, les bijoux faux, le zinc doré, le carton jouant le cuir. »
. Zola. « Au bonheur des dames »
« Le grand Rex »
, « plus beau temple jamais élevé à la gloire du cinéma » accueille depuis 1937, quelques blockbusters.
Qu’ils sont gentillets les deux coupables de millions de morts ! 
«  Propagande nazie » et « Merci au bien-aimé Staline pour notre enfance heureuse ! »
La presse à grand tirage a façonné la culture de masse au sentimentalisme débordant, sur fond  d’opérette jusqu’au milieu du XX° siècle où apparaît le néo kitsch, l’hyper kitsch, avec les super, hyper marché.
Au temps du plastique, le design impose des formes nouvelles à renouveler sans cesse.
« Parc d’attraction ».
« Philippe Katherine »
depuis sa mise en scène par Thomas Jolly 
est devenu une star en Chine, une pâtisserie. 
Susan Sontag cherche « un bon goût du mauvais goût » en définissant le « camp » qui valorise l’artifice, l’extravagance, et subvertit les normes sexuelles avec un regard « queer ».
L’art a toujours balancé entre Apollon et Dionysos, entre l’ordre et le mouvement, le sentiment et la raison, l’excès et la clarté, du roman au gothique, du classique au baroque…
Les liens, les nœuds avec l’enfance et le sacré s’exposent entre douceur et douleur. 
« Poupée » Marion Peck
Murakami
à Versailles.
Bucarest a réservé un musée à ce style qui exprime l’esprit même de la société, et à Sète le Musée International des Arts Modestes (MIAM) offre ses trésors de pacotille et nous enrichit.
« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a préparés pour lui » Dubuffet. 
L’art naïf a été reconnu en 1937, 
et comment répertorier l’art hors normes, l’art brut, l’art outsider, l’art singulier ?
A la suite de Duchamp, Warhol
quelques liens renvoyant à Hirst, Vasconcelos, Koons, restent dans le thème. 

Le «Rabbit»,de Jeff Koons, a été vendu 91,1 millions de dollars.