vendredi 31 octobre 2025

Témoin.

La répétition de la plaisanterie consistant à confier son impression de visiter un appartement témoin lorsqu’on circule dans les allées d’un cimetière, a perdu de son sel, même en temps de Toussaint. 
Cependant le boomer, génération B, ne va pas s’excuser, comme à chaque fois, de s’exprimer avant de tartiner autour de l’expression « destruction créatrice » apparue dans les débats depuis l’attribution du prix Nobel d’économie. 
Celle-ci vaut pour bien des processus en œuvre tout au long de notre vie. 
« Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie le visage, et l'on oublie la voix »
 
Et c’est pas triste.
La génération Z s’est mobilisée au Maroc, à Madagascar, au Kenya, au Pérou, au Népal, au Sri-Lanka, au Bangladesh, en Indonésie, aux Philippines, en Serbie…
Elle ne cherche pas à casser, simplement à pousser hors champ la vieille génération, comme celle des septuagénaires de chez nous, prônant la retraite à 60 ans, sans se mettre en retrait.
Notre terre surpeuplée se débarrasserait volontiers de quelques surnuméraires et pas seulement symboliquement, à juger par la multiplication massive des destructeurs.
Les habitants de la planète et la planète sont dans un sale état.
Lu dans "Le Monde": 16 000 femmes tigréennes ont témoigné d’avoir été violées par des soldats érythréens qui ont introduit des clous, des lames de rasoir dans leurs vagins, voire un serpent mort pour l’une d’elle.
Voilà de quoi pulvériser toute idée positive de notre prochain et, par rebond, mépriser les angéliques ne voulant pas voir les méchants. 
Je fus de cette niaise catégorie et, comme bien des braconniers devenus garde-chasse, je crains désormais de manquer de couleurs pastels dans ma trousse.
C’est peut être par contraste que les faire-part de naissance me ravissent.
Tout le monde s'attendrit, les bébés sont épargnés par les tablettes pour un bref instant. 
Nous sous-traitons nos mémoires comme nous confions nos enfants et nos vieux à d’autres, tout en ramenant tous nos émois à soi. 
Les craintes vis-à-vis des progrès fulgurants de l’Intelligence Artificielle proviennent de nos intelligences paresseuses, humaines trop humaines, qui n’ont présentement guère donné un visage aimable à notre monde. 
Par rapport aux malheurs dont la compilation pourrait envahir l’écran dans sa totalité, 
toute autre remarque sera aussi dérisoire qu’un doigt d’honneur entre politiques et journalistes.
Dans un environnement anxiogène, les médias en rajoutent une couche.
Ainsi, entendu à la radio : après un nouveau congé de naissance qui permet de mieux rémunérer les parents, le journaliste après avoir interrogé une présidente d’association satisfaite de la mesure, a cru bon d’ajouter, alors qu’il avait essayé d’extirper en vain une critique :  
« Eh ben, c’est pas avec ça qu’on va réarmer la natalité ! » 
Si comme souvent, l’opinion avait été défavorable, il se serait abstenu d’apporter un avis contraire.
Tout aussi anodin paraitra ce soupir concernant l’école que j’ai connue, avant que le harcèlement devienne sujet principal, alors que la question du statut des directeurs revient sur le tapis. Jadis opposé aux « maîtres directeurs », je regrette de voir une certaine complicité des adjoints envers l’émergence d’un échelon hiérarchique qui aura tendance à déresponsabiliser maîtresses et maîtres.
Mais c’est comme ça ; les générations X, Y, Z ont d’autres tchats à fouetter. 
« Les hommes se regardent de trop près pour se voir tels qu'ils sont. 
Ils sont toujours d'eux-mêmes des témoins infidèles et des juges corrompus. » 
Montesquieu

jeudi 30 octobre 2025

Nevers.

Nous quittons la maison à 9h après la fermeture de nos volets tout neufs. L’orage de cette nuit a eu raison de l’éclairage du parc et du fonctionnement de certaines chaudières chez nos voisins. Il en résulte  un temps frisquet, nous incitant à porter des pantalons à manches longues. Avant de nous élancer, nous alimentons la voiture  en essence : le voyage de presque 3 semaines peut alors commencer.
Nous  prenons la direction de Lyon, puis Paray le Monial et Digoin, buvons notre café à 
Sainte Cécile 

dans la Saône et Loire en Bourgogne à ne pas confondre avec Sainte Cécile les Vignes en Vaucluse, terre des Côtes du Rhône.
A l’heure du repas, nous nous détournons sur MOULINS parce qu’en cherchant un restau dans le coin sur mon téléphone, l’annonce du grand café signalé remarquable pour sa déco et son style rocaille daté de 1899 nous attire. 
Mais le prix attractif (14 € 50 le plat du jour) ajouté à son cadre charmant séduisent les clients, résultat  l’établissement est bondé lorsque nous arrivons. Malgré une patronne certes occupée, mais peu accueillante et nous poussant vers la sortie, nous jetons (volons !) un rapide regard à l’intérieur sur les poutrelles métalliques, les peintures un peu fanées, quelques rides sur les murs, ayant échappées à une restauration trop léchée. Ces vestiges d’un passé luxueux témoignent du standing voulu dès la création de l’établissement par son propriétaire, Mr Renoux, car cet ex garçon de café visait un public  choisi capable de payer des prix élevés.
Nous nous replions sur la brasserie voisine « Le France » où le garçon nous prévient d’une attente de 30 minutes avant de nous servir, mais nous mangeons bien.
Nous avons déambulé un peu dans le centre de cette ville moyenne, capitale du Bourbonnais, accompagnés par une pluie intermittente, sans nous accorder le temps de découvrir le centre national du costume et de la scène (CNCS) pourtant réputé mais non prévu dans notre programme.
Nous rejoignons donc NEVERS, notre étape suivante, distante d’une cinquantaine de km. 
Au vu de l’étroitesse des rues du centre-ville, nous abandonnons vite Gédéon, notre Clio, dans un parking couvert près de l’église Saint Pierre dont  une sortie piétonne débouche sur une rue commerçante.
Il nous reste à trouver l’Office du tourisme installé dans le palais ducal près de la cathédrale Saint-Cyr- et-Sainte-Julitte.
A partir des infos que nous y recueillons, nous débutons notre visite par le palais ducal. Il fut édifié  fin XV° et possède une tour/escalier typique de la Renaissance qui se détache au centre de sa façade.
Certains le considèrent comme étant le premierr des  châteaux de la Loire. Pour accéder à l’intérieur, il faut passer par l’Office du tourisme installé sous une verrière accolée à l’entrée et emprunter l’escalier central. Il nous conduit au 1er étage, où se situe la salle Mazarin puis la salle Henriette de Clèves recouverte de boiseries néogothiques.
Le second est réservé à la salle Bérégovoy en hommage à l’ancien premier ministre, maire de la ville qui se suicida le 1° mai 1993.
Cette salle du conseil municipal opte, sous les combles pour un aménagement moderne daté des années 80 : chaque siège d’élus se voit attribuer une table équipée de micros, des écrans facilitent les projections de documents à considérer et à débattre; de plus, un espace délimité par des cloisons basses avec de simples chaises reçoit le public. De grandes cloisons en miroir sombre camouflent  l’entrée. Pour clore la visite, nous jetons un œil au sous- sol choisi par  «Espace Loire et Patrimoine » pour exposer des panneaux explicatifs  et investi par des aquariums habités par des poissons autochtones baignant les fondations du château.
Nous nous déplaçons ensuite vers la Cathédrale Saint-Cyr-et-sainte-Julitte et son joli clocher ornementé de statues.Des bombardements alliés  en 1944  détruisirent accidentellement l’édifice, ce qui  lui valut une importante restauration
.
Ainsi, les vitraux du XX° début XXI très colorés voire flashy de Jean Michel Alberola  inspirés par l’apocalypse apportent de la modernité,
tout comme ceux de Claude Viallat  placés au-dessus, en forme « d’osselets » ou figurations lumineuses de « pas vers la Jérusalem céleste ». Seul cas en France,
l’édifice tient son originalité dans la conservation de deux chœurs l’un roman du XI et XII° siècles, l’autre gothique du XIII° ; malheureusement une réfection concrétisée par des échafaudages  en cachent une bonne partie, notamment le chœur roman.
Nous n’accèderons pas au reste de la cathédrale  pour  cause de travaux  et l’absence de guide.
Donc nous ressortons, empruntons des ruelles au nom évocateur (rue casse-cou) ,
nous passons devant des maisons médiévales dont la plus typique appartient aujourd’hui à un cabinet médical (rue des Ratoires, rue de la Parcheminerie).
Mais nous devons écourter la visite à cause de l’heure et renoncer à arpenter le musée de la faïencerie.
Nous devons aussi renoncer au sanctuaire de Sainte Bernadette, la sainte de Lourdes ayant aperçu 18 fois la Vierge, qui devint Sœur de la Charité puis fut enterrée à Nevers. Son cadavre repose ici, exposé à l’intérieur d’une chasse en verre dans  un état certes momifié mais d’une conservation parait-il remarquable … Sans doute surprenant … d’où les regrets de Guy !
Sur le chemin du retour, nous remarquons la chapelle  Sainte Marie à cette heure fermée. Elle comporte une façade baroque unique en Nivernais et appartenait à un couvent aujourd’hui disparu. Elle choqua la fondatrice de l’ordre de la visitation, destinatrice de l’église, d’autant plus que  cette congrégation adoptait des principes austères. Nous effectuons quelques courses au Monop’ pour le repas de ce soir contents de tomber sur la seule supérette dans le coin ouverte un lundi, avant de sortir sous une sérieuse averse et récupérer la voiture.Nous nous replions sur notre Airb&b où nous prenons possession d’un joli petit studio tranquille. Fin de la pluie.

mercredi 29 octobre 2025

Alina Czapocznikow. Sophie Bernard.

Dans la continuité des découvertes proposées par  le musée de Grenoble,
sont exposées 150 œuvres d’Alina Czapocznikow, sculptrice polonaise morte en France en 1973.
Libérée des camps de concentration qu'elle a connus depuis ses 15 ans jusqu’à ses 19 ans, elle s’inscrit à l’école d’art et d’industrie de Prague puis à l’école des beaux arts de Paris. 
De retour en Pologne en 1951, elle répond à des commandes de l’état. 
« Monument à l'amitié soviético-polonaise ».
Après la mort de Staline en 53, 
sa sculpture se libère du réalisme socialiste : « L’âge difficile ».
« L’exhumé »
représente un homme torturé lors des purges staliniennes en Hongrie. 
Héritière des surréalistes, innovante comme les artistes pop, elle avait découvert Rodin et noué une amitié avec Germaine Richier, elle se défendait d’appartenir à une école,
bien que
« Tête » puisse entrer dans la catégorie expressionniste et que la mouvance existentialiste fut déterminante.
Une
fragile « Mary Magdalene » renait, s’envole. 
Reconnue dans son pays, elle cherche des formes éclatées en matériaux composites,
« Rozłupany ».
Ses dessins, ses monotypes accompagnent sa pratique sculpturale.
« Noga »
, moulage de sa propre jambe,
 inaugure une période où son corps devient la matrice de son œuvre.
Installée à Paris,
elle fréquente avec son mari Roman Cieslewicz le groupe « Panique » dont l’humour noir est contagieux. « Bouches en marche »
« J’ai été vaincue par le nouveau miracle, la machine ». « Goldfinger »
. 
Ses
« Lampes-bouches » jouent des transparences.
Sa
« Fiancée folle blanche » fut retirée de la vente dans les années 70 pourtant décoincées.
Le
« Ventre-coussin » en polyuréthane, destiné à des crèches, 
fut moulé sur le ventre de la compagne de Topor.
Son corps «  unique source de toute joie, de toute souffrance, toute vérité » 
célèbre la puissance de l’érotisme et la fragilité de l’existence.
L’expérience concentrationnaire revient avec la « Noyée »  « la nuit devient femme » comme a dit Pierre Restany le critique phare du nouveau réalisme.
Le magazine « Elle » apprécie :
 
« Alina sculpte ses ventres dans le marbre de Michel-Ange ».
Avec « Souvenirs » elle inclut dans du polyester des photographies de Christian Boltanski, de « Twiggy », de victimes de la Shoah.
Ayant la prémonition de son cancer, 
elle suscite parfois l’incompréhension lorsqu’elle elle distribue des « Tumeurs » à ses amis.
Elle joue avec
«  Proliférations ».
Des
«  Photosculptures » gardent une trace de ses découvertes masticatoires 
en chewing-gum.
Après de multiples autoportraits,
des moulages en plâtre dans la série 
« Herbier » témoignent de son corps malade
jusqu’à la mise en scène de son propre enterrement « L’enterrement d’Alina ».
Sous l’intitulé « Paysages humains » elle avait exposé le moulage du corps de son fils adopté « Piotr ».