dimanche 2 juillet 2017

Angelus novus Antifaust. Sylvain Creuzevault.

Ce théâtre m’a procuré les mêmes sentiments contradictoires que certaines productions d’art contemporain: des fulgurances poétiques, de l’énergie, de l’inventivité, mais quel fatras !
A l’entracte du spectacle de trois heures, un quart des spectateurs ne sont pas revenus, pourtant les acteurs sont investis, voire excellents, quand par exemple une conférencière vampirise son collaborateur.
Mais pourquoi s’adosser à Faust, à  « Angelus novus », un tableau de Paul Klee qui représentait pour  le philosophe Walter Benjamin « l’Ange de l’histoire » ? 
De la même façon qu’un brouillard artificiel est envoyé sur les gradins, nous sommes enfumés par tant de références qui font regretter aux mauvais élèves de ne pas être restés devant un quart de finale de la coupe de la ligue.
D’autre part, les allusions trop précises au contexte politique actuel avec « démocratie participative » et name dropping renvoie à des images de Guignols de l’Info, plutôt qu’à une réflexion sur les dérives ou les enjeux de la présidentielle.
Alors resteront certains beaux tableaux,
mais les destins d’un docteur en biologie et son double,
de Marguerite Martin prix Nobel et son double
et d’un chef d’orchestre devenu chef d’état nous importent peu,
pas plus que nous n’ayons pu identifier quelque démon.
De belles voix curieuses engoncées sous de raides postures participent à un intermède, lâchant quelques mots grossiers sur fond de musique atonale, tout en se défaisant de leurs masques. Le thème est récurrent dans la pièce déstructurée où  des effets de panneaux mobiles sont intéressants, comme sont inquiétants des regards aux lentilles hallucinées.
L’effet de curiosité qui m’avait fait revenir après une première expérience risque d’être épuisé: 
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Je reprends la publication d'articles lundi 4 septembre.
Bel été à mes lectrices et lecteurs.

samedi 1 juillet 2017

Un été avec Machiavel. Patrick Boucheron.

Dans la clarté d’un jour d’été qui a attendu la délivrance des orages, ces 145 pages reprenant une série d’émissions de radio, en conservent toute la fluidité pédagogique.
Nous sommes conviés à aller au-delà de la réduction au « machiavélisme » de l’œuvre du florentin sans cesse renaissant :
«  Tenter la fortune car elle est l’amie des jeunes gens et changer selon les temps ».
Nous y sommes.
« Il m’est apparu plus convenable d’aller tout droit à la vérité effective de la chose qu’à l’image qu’on en a ».
Le moment serait « machiavélien » : « Cette indétermination des temps dès lors qu’un idéal républicain se confronte à sa propre impuissance, à l’usure des mots et à l’opacité de la représentation, à ce qu’on appellerait aujourd’hui la fatigue démocratique. »
Nicolas « annonce les tempêtes, non pour les prévenir, mais pour nous apprendre à penser par gros temps.»
Sommes nous ces princes à qui était destiné «  Le Prince » écrit dans un moment de disgrâce, comme les notations biographiques le précisent, pas seulement pour égayer le propos, mais percevoir comment se relient action et réflexion ?
Comment ne pas rapprocher les propos de Frédéric Lordon lors des « Nuits debouts »:
« Nous ne sommes pas ici pour être amis avec tout le monde, et nous n'apportons pas la paix»  
avec le lucide conseiller né en 1549 ?
«  Aussi est-il nécessaire à un prince, s’il veut se maintenir, d’apprendre à pouvoir ne pas être bon et d’en user et de n’en pas user, selon la nécessité. »
Ces désordres qui fascinent, effraient ou attirent, sont, comme le précise l’historien à la mode, bien en chaire au Collège de France, des « humeurs », utilisant une métaphore de la médecine d’alors :
« La bonne santé du corps social résulte de l’équilibre de ses humeurs, c'est-à-dire non pas d’un ordre politique qui nierait les troubles, mais d’une organisation des désordres sociaux. »
Il reste du travail, car tout le monde est loin d’être animé par le principe du doute, «  premier ressort de la connaissance » :
« Dans ce pli s’énonce la politique, qui ne vaut que si elle est mise au défi des contingences et des fatalités par la reconnaissance d’une puissance d’agir indéterminée.»
Hollande aurait dû travailler son Machiavel, même dans cette version «  pour les nuls » qui m’a parfaitement convenu.

Le dessin est de Soulcié qui dessine à Télérama ou pour Médiapart.