Pas besoin de tapis rouge pour apprécier le cinéma aux alentours du festival de Cannes où nous avons embarqué pour des voyages imaginaires dans quelques salles obscures du quartier de La Bocca.
Nous avons vu 19 films des diverses sélections, sauf
l’officielle dont quelques propositions seront visibles plus tard, à domicile,
et critiquables ici chaque lundi.
Cette année, avec un film sur deux comportant comme évènement notable
un décès, les personnages décalés, atypiques, voire
"frapadingues" ne manquaient pas…
« Poppy » jeune australienne trisomique enjouée
assiste efficacement ses proches dans une version ensoleillée de la vie.
Un jeune homme dépressif rencontre une jeune marginale
atteinte d’une infection grave dans « Every thing in between ».
Agnès Jaoui en excentrique trouve sur son chemin le baroque Philippe
Katherine avec la dernière livraison de Sophie Fillière : « Ma
vie ma gueule ».
Qui mieux qu’Isabelle Huppert en bourgeoise hurluberlue « Prisonnière
de Bordeaux » ?
« La nouvelle femme », le combat singulier de Maria
Montessori pour l’émancipation des enfants est cohérent avec son destin extraordinaire de
pionnière féministe.
Dans la sélection « Vision sociale » reprenant des
films déjà projetés, le palpitant « Border line » avec un pareil titre participe
à la thématique non conformiste : un couple venant d’Espagne interrogé à
la frontière américaine se situe dans un indécis entre-deux.
« Le déserteur » israélien, lui aussi, ô combien, en marge,
soulève des tas de questions ne se résolvant pas dans une formule vaine telle
que « la guerre c’est pas bien ».
« Frères », vus en prologue des festivités
festivalières, conte la vie de deux enfants qui ont vécu seuls sept ans en
forêt charentaise dans les années cinquante. Insolite mais vrai.
« Tazio », choisissant de poursuivre une activité de
charbonnier, dans les années 1980 en Espagne, échappe au destin commun.
Les bookmakers argentins de « Something old, something
new, something borrowed » sont clandestins comme les magrébins à
la recherche d’une « Miss Visa » faisant la connaissance d’un
policier hors normes alors que « La mer est loin ».
« Les filles du Nil » se battent pour leur
émancipation en présentant leurs spectacles dans la rue et affrontent l’indifférence,
l’hostilité de la plupart des hommes.
Les élèves de « Château rouge » peuvent
sembler étranges, hermétiques, bien que les acteurs de l’éducation nationale
déploient des trésors de patience.
Julie, championne de tennis en devenir, garde le silence,
alors que son entraineur est licencié, « Julie keeps quiet ».
« Most people die on Sunday » et « In retrait »
présentent un personnage éberlué pour l’un en Argentine et un autre, hébété,
étranger à sa propre ville, au Ladakh.
Les masseuses chinoises dans « Le Blue sun palace » à New York vivent en vase clos.
Elles ne sont pas aussi malheureuses que les migrants
surexploités à Taïwan de « Mongrel » au plus bas de
l’inhumanité.
Après un mariage arrangé, l’indienne « Sister midnight »
dérange bien du monde, fait rire quelques spectateurs, mais pas tous.
Ce serait violenter cette recherche de fil conducteur si «
Chrismas eve in Millers’ point »
n’était pas mis à part, puisqu’il
s’agit d’un moment destiné à réunir une grande famille ordinaire, enfin
presque, italienne et américaine.
Sinon en 2024, presqu' autant de cigarettes sont fumées que dans les
années 50, et à part Tazio en
pays basque ou avec Maria en 1900, il y a toujours une petite bière à s’envoyer.
De cette cuvée,
située en quantité entre le minimum de l’an dernier et notre record d’il y a
près de 10 ans, ne se retiennent ni d’inoubliables chefs d’œuvre ni des
indignes, dans ce que nous avons vus, encore que notre mémoire se montre
parfois plus vive pour des œuvres énervantes que pour des coups de cœur.