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mardi 19 novembre 2024

Idéal standard. Aude Picault.

Une infirmière en néonatalogie sur la pente descendante, pour ce qui concerne sa courbe de fertilité, se met en ménage avec un ingénieur financier. 
Nous sommes en ville dans un univers plus féminin que chez Dupuy et Berberian mais aussi finement traité. 
Les papotages amicaux peuvent produire de petites blessures quand il est si souvent question de problèmes de couple et que se rappellent les normes de tous côtés. La solitude éloigne pourtant les rêves de prince charmant.
Le propos féministe s’inscrit dans un récit de vie sans éclat, avec un sourire sans illusion.
Quand il est question de femme trentenaire, Bridget Jones, franche et drôle, devenue une référence archétypale s’impose. Mais suite au succès du personnage, les critiques affluent comme dans le domaine de la BD, avec la question : « Faut-il en finir avec la BD « girly » ?Maintenant que la déconstruction supplante la construction, j’en suis à aimer encore davantage le genre incarné par Penelope Bagieu ou Margaux Mottin, certes plus étroit que celui dont Bretecher fut la pionnière, mais aussi bien vu. Ces 150 pages sont de la même veine. 
Les dessins frisottants, légers, aux discrètes couleurs pastels s’accordent à un scénario limpide. 
Un certain romantisme ne disparait pas sous l’acuité du regard. Champagne ! 

mardi 12 novembre 2024

Le souffle des femmes. Franck Manguin Cecile Becq.

Plongée dans le monde  des « Ama » (« femme de la mer »)
, qui capturent des ormeaux en apnée. 
« Rappelez-vous ce que les anciennes disaient, si nous pêchons nues c'est pour s'adapter à la nature et lui prendre ce qu'elle peut nous donner. » 
Nous sommes au Japon dans les années soixante quand ces femmes cultivaient les traditions, tout en conservant pudeur des sentiments et affirmation d’une forte personnalité forgée dans la pénibilité de leur profession.
L’arrivée sur l’île de la nièce d’une plongeuse permet de suivre son initiation. 
C’est la fin d’une époque lorsque la ressource se fait rare et que l’isolement, la rudesse du labeur compromettent la transmission de ce savoir-faire.
Le dessin lisse ne traduit guère la difficulté de la tâche bien qu’il rende familières ces étonnantes coutumes. 
Les dialogues dans une langue très contemporaine (« Chuis naze, je vais piquer un petit somme » ) nous éloignent de l’île d’Egura aux coutumes singulières alors que le conflit entre tradition et modernité  concerne tout le monde : 
 «  Tu veux savoir si je suis heureuse d’être Ama ? 
A vrai dire, je me suis jamais posé la question… ! 
Ce que je peux te dire, c’est que c’est dur de vivre de la pêche, ça l’a même toujours  été quoiqu’on en dise…
Mais en même temps je n’ai jamais voulu arrêter… »

mardi 5 novembre 2024

Ceux qui restent. Busquet. Xoul

Scénario original traité comme un fait divers pour évoquer le temps conduisant des rêves de l’enfance à la raison adulte.
Nous suivons un couple de parents désespéré après la disparition de leur petit garçon qui réapparait cependant au bout de plusieurs mois vécus par celui-ci comme quelques jours.
La police est encore plus surprise lors d’un second départ de l’enfant répondant à l’appel du pays magique d'"Auxfanthas" par l’intermédiaire d’un "wumple". 
« Pendant que nos enfants sauvent d'autres mondes, ils ne comprennent pas les difficultés dans lesquels ils nous mettent...Qu'auriez-vous fait à leur âge si un être merveilleux était venu nous chercher pour vivre une aventure extraordinaire?
Nous serions partis tête la première, sans tenir compte de ce qu'auraient pu penser nos parents. »
 Face à l’incrédulité qui s’empare des voisins, des médias, après l’émotion initiale, père et mère trouvent du réconfort dans l’association discrète d'autres parents qui ont vécu la même situation étonnante. 
Les douces couleurs des dessins aux tons passés traduisent bien une poésie ajoutant subtilement du mystère à la réalité.

mardi 29 octobre 2024

Akissi de Paris. Abouet, Sapin.

La scénariste de « Aya deYopougon » (quartier d’Abidjan) 
a rencontré le chroniqueur de la République Française
Akissi regrette son Afrique lorsqu’elle découvre son collège parisien.
Elle porte un regard original sur la ville où elle vit chez son oncle alors qu’est mise en évidence l’étrangeté de certains fonctionnements tant du côté ivoirien que français.
Si la façon de traverser les rues, le climat, étonnent la petite fille, ce sont les rapports humains qui sont les plus déstabilisants : phénomènes de groupe et harcèlement scolaire.
Le bon élève boloss, le beau gosse, la suiveuse participent à une intégration dans un monde cruel, sous des traits souriants.
Les personnalités évoluent tout au long des 70 pages vives et colorées pour notre plaisir.

mardi 22 octobre 2024

Saint Elme. Serge Lehman & Frederik Peters.

Premier album d’une série de cinq ; les feuilletons sont au goût du jour et les « one shot » comme on dit chez les amateurs de BD deviennent rares.
Mais je ne sais si je reviendrai dans cette ville de montagne à l’atmosphère poisseuse éclairée de couleurs électriques pour un récit noir comportant de nombreuses zones d’ombre.Trafics, fugue, rapports humains violents, fusillades et détective à lunettes…noires.
Ce premier volume de 80 belles pages, intitulé «  La vache brûlée » fait référence aux procès d’animaux au  moyen-âge, mais c’est un contemporain bien obscur qui est évoqué où la drogue est monnaie courante, la prospérité et la douceur de vivre ne sont même pas présents dans les  souvenirs.   
Trop absorbé par l’ambiance puissante, originale, je suis resté indifférent à cette histoire de détective, beau ténébreux tellement archétypal.

mardi 15 octobre 2024

L’âge d’or. Cyril Pedrosa Roxane Moreil.

Somptueux album où Bruegel rencontre Disney dans un récit aux allures moyenâgeuses quand les manants devaient se contenter de la tripaille de pauvres biches chassées par des nobles ignobles. 
La quête éternelle d’une société plus juste devient capitale, l’utopie se cherche comme un graal éternel tout en appelant la nostalgie, un seul poème ouvre les consciences :  
« La nature à tous a donné même forme
Et réchauffe chacun de la même chaleur.
Nous suivons avec raison son inclinaison
Pour donner mêmes avantages à nos semblables
qui sont nos frères » 
Les femmes jouent un rôle central, et les personnalités ont le temps en 230 pages de devenir plus complexes que ne le traduisent des visages caricaturaux. Pourtant les dessins sur les plans larges tenant plusieurs pages font l’attrait principal de ce voyage dans les forêts sombres de la Péninsule. 
Les fines arabesques évoquent bien sûr les enluminures d’alors et les couleurs changeantes varient les rythmes de cette production originale.
Tout lecteur de ce premier tome paru en 2018 attendait la suite qui est parait-il à la hauteur.
On y apprend à quoi va servir le trésor et ce qu’il va advenir de l’héritière visant à reconquérir son trône, alors que la révolte des gueux s’est étendue.
 

mardi 8 octobre 2024

L’Hérétique. Sébastien Gannat.

« L’Hérétique » : c’est le nom du canot d'Alain Bombard qui avait raconté son expérience dans son livre  « Naufragé volontaire ». Il fallait aller contre le scepticisme de beaucoup et  au-delà du courage pour affronter les tempêtes et les calmes plats de l’Atlantique, sans eau ni nourriture, pendant 65 jours. Il y a 70 ans.
Depuis son internat à l’hôpital de Boulogne où il avait vu la mort de 43 marins, il n’a eu de cesse de chercher à étudier comment  mieux assurer une survie en mer, mettant en jeu sa propre vie.
Pendant sa traversée, il extrait avec un presse-agrumes de l’eau des poissons qu’il peut pêcher et boit un peu d’eau de mer.
Le bon vivant, que j’ai connu dans les années 70, quand je lui ai servi de chauffeur et de projectionniste lors de conférences au Cameroun, avait perdu 20 kilos.
Allant au-delà de la physiologie, la force mentale du bonhomme modeste l’amènera à défier la mort dans un périple commencé en Méditerranée avec Palmer navigateur anglais qui le laissera seul lorsqu’il s’engagera de Tanger à la Barbade allant jusqu’à le dénigrer, sans que le brave docteur lui en  tienne rigueur.
Cette transcription en 92 pages dessinées à la ligne claire convient bien au personnage héroïque dont le fils dans la préface nous apprend ses liens familiaux avec Christophe auteur du Sapeur Camember, ses affinités avec Samivel et ses relations avec Hergé, venant après ses préférences d’enfant envers Patapouf et Filifer et les Pieds Nickelés. 
« Tant que son cœur bat, tant que sa chair palpite, je n’admets pas qu’un être doué de volonté laisse en lui place au désespoir. » 
Jules Verne.  
Un relecteur plus scrupuleux aurait corrigé l’inversion du « u » et du « e » dans « accueil » très souvent fautif, mais pas pardonné, «  Golfe du Lion » et non du Lyon, pas plus que pour être "entouré d’espadons", il en faut plusieurs.

mardi 1 octobre 2024

Ce n’est pas toi que j’attendais. Fabien Toulmé.

« Julia a attrapé la trisomie » dit sa grande sœur qui va bien aider ses parents et en particulier son père le narrateur à accepter cet enfant : 
« Mais je suis quand même content que tu sois venue ». 
Décidément.
Le récit honnête de ce consentement difficile s'étend sur 250 pages, jusqu’à une harmonie après tant de pleurs. Conformément à ce que disaient les amis de la maman brésilienne, elle avait de la chance d’avoir un enfant spécial car certains considèrent que c’est l’enfant qui choisit ses parents.  
J’ai retrouvé au début de la BD, un texte que la mère de l’auteur avait accroché dans un placard et qu’elle lui avait expliqué quand il était petit. Je l’avais moi même placardé à la porte de ma classe, à mes débuts dans la carrière d’instituteur, et je perçois aujourd’hui combien il pouvait paraître violent aux yeux de certains parents : 
« Vos enfants ne sont pas vos enfants. 
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même, 
Ils viennent à travers vous mais non de vous. 
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. 
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées, 
Car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes, Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves. 
Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous. Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier. 
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés. 
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et 
Il vous tend de 
Sa puissance pour que Ses flèches puissent voler vite et loin. 
Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie ; 
Car de même qu’Il aime la flèche qui vole, Il aime l’arc qui est stable. » 
Khalil Gibran.
J’ai retrouvé les traits et l’autodérision d’un de mes auteurs préféré, Delisle 
dont la légèreté permet quelque recul face aux aléas de la vie. Cette simplicité contagieuse permet de comprendre ce « passage de l’ombre à la lumière ».

mardi 24 septembre 2024

Palais Bourbon. Kokopello.

 
Le fonctionnement de l’assemblée nationale est pédagogiquement présenté dans cet album de 135 pages : commissions, questions d’actualité au gouvernement, permanences en circonscription et manœuvres habiles pour faire intervenir par exemple Greta Thunberg devant les députés…
Le dessinateur passe pour un collaborateur du « Courrier Picard lorsqu’il suit François Ruffin ou du « Télégramme de Brest »  quand il accompagne la mission d’information sur la pêche au Guilvinec. 
Quant à un berger, lors de la fête de la transhumance où est attendu Jean Lassalle, il lui demande si c’est pour « La République des Pyrénées » qu’il est venu dans la vallée d’Aspe.
C’était au temps de François De Rugy alors que le homard qui va l’évincer de son poste de président de l’assemblée se retrouve au détour de quelques pages comme marque de défiance envers l’institution républicaine. 
Le travail des parlementaires est valorisé, dépassant les invectives qui ont nuit à leur image, nous instruisant sur la complexité de l’élaboration de la loi et sur les conditions favorables offertes pour que fonctionne au mieux la démocratie. 
« Faute d'aéroport, dans les territoires les plus reculés, comme certaines îles de Polynésie, les bulletins de vote sont largués par avion. »

mardi 17 septembre 2024

Charogne. Borris & Benoit Vidal.

1864, aux contreforts des Pyrénées, pays des ours, quatre hommes portent le cercueil de leur maire respecté jusqu’à l’endroit baptisé «  La pause des morts » depuis qu’à l’époque de l’épidémie de choléra étaient bénis les défunts avant de rejoindre un nouveau cimetière.
Le long parcours périlleux, sous l’orage, alors que les porteurs de familles rivales fatiguent, révèlera bien des  secrets. Le prêtre dont l’église tombe en ruine va à leur rencontre.
Les dessins traduisent bien l’âpreté d’un récit efficace en 150 pages peu bavardes mais parlantes. 
« Mais qu'est-ce qu'elle a à voir avec les curés, la religion ? »

mardi 10 septembre 2024

Les beaux étés. Mam’selle Esterel. Zidrou & Jordi Lafebre.

« Le bel été » sonne mieux, mais il s’agit d’une série où chaque chapitre dit bien le temps des vacances. 
La 4L désormais en vente après 30 ans de service est le véhicule de la nostalgie remontant à l’année 62 celle de « let’s twist again ». La voiture surchargée ne verra pas l’Estérel dont les nuances de rouge ont permis de la baptiser. 
La famille s’arrête cette fois à Saint Etienne où la belle-mère impose ses choix : pas de frites pour son mari et guide Michelin pour éviter de flâner. 
« C'est vrai que ta mère est parfois un peu "vieille France" 
- ce qui la fout mal pour une Belge, j'en conviens
 - mais elle a ses bons côtés tout de même. » 
Bien sûr le père avait retardé le départ en vacances comme tout dessinateur belge, mais autour du couple aimant, Gros Papy et celle qui accepte enfin d’être appelée Mamivette par sa charmante petite fille, l’indulgence est de mise.  
Pas de mièvrerie, mais une tendre acceptation des différences où ne sont gommées ni la complexité des relations entre générations, ni les secrets pudiques éloignant les caricatures. 
« Vieillir c'est comme conduire une voiture, on a beau regarder la route devant soi, on ne peut s'empêcher de zieuter tout le temps dans le rétroviseur. »
La vie peut être simple quand joie et bonne humeur sont au rendez-vous !
Comme cette BD solaire à lire avec un Schweppes tout frais sorti de la glacière.

mardi 3 septembre 2024

Les cahiers d’Esther. Histoire de mes 13 ans. Riad Sattouf.

En choisissant ma chouchoute dans la pile des B.D. de l’été, 
j’imite les enfants qui aiment commencer par le dessert au moment du pique-nique. 
Sans modération, je me suis délecté.
Cet album retraçant la vie de la parisienne en classe de cinquième correspond tellement  par ses expressions et certaines préoccupations à ma lyonnaise de 13 ans, que j’en suis doublement enchanté.
Elle grandit, alors que :
« les garçons changent, leur niveau d’intelligence reste le même par contre ». 
La chronique des grands et petits malheurs de la populaire petite fille devenant jeune fille dans une famille aimante nous repose des traditionnelles poses victimaires en tous genres.
Il est bien sûr question de téléphone portable, des copines et de beaux gosses, de quelques profs hauts en couleurs, des vacances au bord de l’océan, d’acné, mais les peurs, les doutes, les déceptions sont surmontées par l’humour. 
« Il y a 52 histoires dans ce livre hélas toutes très chiantes et pas du tout réalistes mais non je déconne elles sont juste trop trop stylées et fidèles à ce que j’ai raconté ! Par exemple j’ai vraiment fait un selfie avec ma dentiste (une femme sublime et drôle malgré son métier répugnant) quand j’ai eu un appareil et c’est devenu la couv’ ».

mercredi 26 juin 2024

Chroniques de Melvile. Romain Renard.

Chaque image de ces 240 pages d’une série de quatre volumes est une œuvre d’art dans le genre réaliste où le flou conforte les fantômes n’en paraissant que plus probables.
Cette interprétation d’un sombre univers pour être brillante se situe aux antipodes de la ligne claire, comme si Hopper avait manqué de crayon blanc s’il avait travaillé sur papier noir.  Melvile, ville américaine imaginaire peuplée de disparus, prend vie, d’après les écrits d’un journaliste débarqué là en 1946. Il ne devait rester que quelques mois tout au plus … 
« On avait chanté les chants d’autrefois. Ces chants qui remontaient des premiers âges. 
On avait tapé la terre de nos pieds pour lui rappeler que maintenant nous la possédions. 
Puis nous avons versé la bière et le sol de la grange la but et pour sûr ne la recracha pas. » 
L’auteur ponctue ses nouvelles d’une ténébreuse poésie, de chansons à écouter grâce à un QR code, dilatant l’imaginaire d’un univers qui doit avoir affaire avec le cinéma prochainement.
Nous découvrons petit à petit des histoires tragiques de familles ayant vécu dans cette ville de pionniers, isolée, hors du temps, entourée de forêts qui ont fait la fortune d’une dynastie dirigeant la communauté, aujourd’hui disparue. 
« Arriva alors le père, et l’homme pleurait, et personne ne vint le consoler, 
car il était dit qu’il en serait ainsi. »

mardi 25 juin 2024

Il fallait que je vous le dise. Aude Mermilliod.

Le titre énigmatique sur fond de nuages légers et ciel blanc m’avait tapé dans l’œil.
Je n’avais pas lu jusqu’au bout la quatrième de couverture qui annonçait qu’il serait question d’avortement, avant que je le comprenne et me dise : « encore ! » tellement le sujet occupe l’actualité dans le monde entier. 
« Fallait que ça tombe sur moi ! Le 0,6% de chance, c'est moi !!! Je sais même pas qui est le père !!! Ouais, ouais, je sais : faut se protéger !!! Mais merde ! J'ai un stérilet, quoi !!! » 
Et puis cette approche intime, sincère, poétique, drôle, nerveuse, par une femme à laquelle s’ajoute la rencontre avec le médecin Martin Wickler m’a convaincu de la nécessité de continuer de parler de ce sujet.
Et de modérer ma sévérité pour le dernier livre du médecin vedette dont le premier «  La maladie de Sachs » m’avait pourtant bien plu. 
Les paroles d’une chanson d’Anne Sylvestre » intitulée « Non, tu n’as pas de nom » donnent le ton entre violence et douceur : 
« Depuis si longtemps l je t’aime
Mais je te veux sans problème
Aujourd’hui je te refuse
Qui sont-ils ceux qui m’accusent. » 
Les témoignages incarnés, avec une représentation graphique de la douleur très parlante, 
se situent dans un contexte où est rappelée l’intervention de Simone Veil devant l’assemblée nationale il y a 50 ans : 
« Croyez bien que c'est avec un profond sentiment d'humilité devant la difficulté du problème, comme devant l'ampleur des résonances qu'il suscite au plus intime de chacun des Français et des Françaises, et en pleine conscience de la gravité des responsabilités que nous allons assumer ensemble. » 
Et c’est ce que font comprendre ces 160 pages : 
« … aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame. » 
Le médecin  a appris auprès d’une infirmière et cet avis vaut au-delà des soins hospitaliers : 
« Tu es là pour accueillir ça sans porter de jugements, tu vois ? Je sais que c’est pas facile mais notre boulot c’est pas de les sauver… ou d’leur faire la leçon. »
 Quand les mots des amies peuvent parfois tomber à côté, la simplicité peut se révéler d’une grande profondeur: 
« Avorter, c’est un choix de maman » 
Qui pourra avoir la modestie de ce papa ? 
« C'est une décision trop importante pour que tu t'encombres de nos opinions...
On sera là quoi que tu décides. »

mardi 18 juin 2024

Le monde de Sophie. Nicoby. Vincent Zabus.

Reprise en bande dessinée du roman
du Norvégien Jostein Gaarder vendu depuis 1995 à 50 millions d’exemplaires, avec la même intention pédagogique permettant d’aborder l’histoire de la philosophie. 
Sophie ( La Sagesse), jeune suédoise, féministe préoccupée par le climat, fait d’abord connaissance dans l’ordre chronologique des mythes et philosophes de la nature, à partir de la question initiale : « Qui es-tu ? » déposée dans sa boîte aux lettres.
Puis elle comprend mieux le matérialisme avec les Légo de Démocrite et peut envisager ce qu’est le destin. Elle rencontre Socrate et Platon qui s’est davantage intéressé aux idées que son élève  Aristote « le premier biologiste », mais aussi les cyniques, les stoïciens, Epicure, Plotin…   
Entre Antiquité et Renaissance, le moyen-âge chrétien : 
«  Si on peut dire que saint Augustin a christianisé Platon, 
Saint thomas d’Aquin, lui, a christianisé Aristote. »  
Au bout de 264 pages de ce premier volume, la période baroque est évoquée par des personnages de théâtre shakespearien avant que la jeune fille prenne conscience d’être un personnage de BD : bien joué ! 
De toutes les citations qui n’entravent pas la fluidité du récit,  revient celle-ci : 
« Donne-moi le courage de changer les choses que je peux changer, 
la sérénité d'accepter celles que je ne peux pas changer,
et la sagesse de distinguer les deux. » 
Marc Aurèle

mardi 11 juin 2024

A l’arrêt. Sandra Ndiaye. Frédéric Debomy. Benjamin Adès.

Une jeune fille anime des ateliers dans une prison.
En 100 pages, sans tapage, les couleurs, le rythme du récit nous donnent une idée de cet univers qu’elle a fréquenté un an jusqu’à la fin de sa grossesse.
Nous entendons les bruits accompagnant le franchissement des nombreuses portes qui mènent dans les lieux sonores de privation de liberté où les détenus crient.
Le regard d’abord idéaliste se nuance : 
« J’occultais une chose avec ma vision pleine de miséricorde : 
la délinquance et la criminalité relèvent bien d’un choix. » 
Avec Eric Fassin en contre-point, le discours est plus attendu : 
«  Si la petite délinquance est sévèrement sanctionnée, les délits commis par les catégories aisées de la population comme la délinquance financière et l’évasion fiscale bénéficient de mansuétude. » 
Par contre une approche des postures face à la relégation offre de riches pistes de réflexion même si c’est l’éternel renvoi de la responsabilité vers d’autres : 
« Tu m’exclus ? Ce n’est pas la peine, je m’exclus moi-même et les miens avec. »
«… je suis ce que tu as fait de moi, un paria égoïste et arrogant. » 
Le propos n’est pas univoque et à travers les réussites et les échecs de son travail social et culturel, les mots d’un détenu peuvent paraître décalés et faire sourire, ils peuvent constituer un espoir: 
« Mes enfants sont à Dubaï avec leur mère.
Ils sont dans une école Montessori, c’est important l’éducation. »

mardi 4 juin 2024

La forêt des renards pendus. Nicolas Dumontheuil.

Les dessins convenant à la comédie rendent avec efficacité le côté cocasse de la vie en Laponie d’un fainéant possesseur d’un bon magot, d’une vieille décidée à ne pas aller en maison de retraite, d’un militaire en congé de son travail et de sa femme. 
Un renard surnommé «  Cinq cents balles », qui ne sera pas pendu, représente bien le lien entre une nature sauvage et les valeurs d’un échantillon de civilisés qui s’installent en pleine forêt, confortablement. 
« Je peux voler n'importe quoi à n'importe qui sans aucun remords. Bien sûr, je ne volerais pas une petite vieille ou un clochard, mais c'est surtout parce qu'il n'y a rien à prendre. » 
La comparaison entre cet album de 140 pages et le roman à succès du Finlandais Arto Paasilinna, dont c’est une adaptation, s’impose : 
Les personnages sont aussi pittoresques, l’intrigue loufoque est toujours surprenante, tel que le rappelle un extrait pris sur « Babelio »  
« ll essaya de se rappeler s'il pouvait être contraire à la loi de traîner des baignoires, en plein hiver, sur des terres dépendant de l'administration des forêts. Apparemment, les législateurs n'avaient pas envisagé pareille éventualité. » 
Mais l’ironie perd de sa subtilité une fois que les traits, fussent-ils agréables, en font le contour :
« Fatigué, le gangster alluma une cigarette et constata qu'il était perdu. Mais tant mieux.
S'il ne savait pas où il était, personne d'autre ne le saurait. »

mardi 28 mai 2024

Clinton road. Vincenzo Balzano.

La première page trop symboliste, trop explicite, à mon goût, ne reflète pas la subtilité de cette histoire de fantômes placée à juste titre derrière une phrase de Stephen King : 
« Les monstres sont réels, les fantômes aussi, ils vivent à l'intérieur de nous.
Et parfois... ils gagnent. » 
Des articles de journaux placés au début et en fin d’album éclaircissent le récit qui n’en est que plus mystérieux autour de « la route la plus hantée des Etats-Unis ».
Les aquarelles et des traits secs rendent ambiguë la réalité et très présents les délires. 
Dans cette sombre histoire sous la neige, les phares de voiture éblouissent : l’hiver est menaçant, le deuil d’un père pas résolu.
Quand la forme et le fond sont parfaitement en adéquation nous palpitons. BRRRR !

mardi 30 avril 2024

Chroquettes. JC Menu.

Bien que  nourri dès le berceau de « Roudoudou », « Vaillant », « Pilote », 
je ne connaissais pas l’auteur, « Pionnier de l'autobiographie en bande dessinée, fondateur et directeur de la maison d'édition L'Association de 1990 à 2011 »
Dans cet album de 54 pages reprises de planches parues dans « Libération », « Art Press » (les plus drôles), « Fluide Glacial »… consacré au rock’n’roll et à la bande dessinée, se retrouvent les tics du genre journal personnel : subjectivité exacerbée, références des plus pointues pour initiés. 
Cependant, le goût de l’underground pour musiques et fanzines se montre parfois consensuel dans la nostalgie de Spirou et une admiration pour Gotlib.   
Ce type de production ne concernera pas ceux de ma génération dont le désintérêt vis-à-vis de la BD m’étonne toujours, mais alors qui?
Pourtant les brocantes à vinyles et BD rares, lieu par excellence des nostalgies, évoquées dans ces pages bavardes constituent un lieu commun, rendant agréable cette rétrospective.   
Les habitués du Bon coin et les lecteurs de manga passeront leur chemin.

mardi 23 avril 2024

Homicide. Philippe Squarzoni.

Peu féru de polars et autres fictions policières, 
j’ai pourtant apprécié ces récits inspirés par les écrits d’un reporter du Baltimore Sun,  David Simon, auteur de la série « The Wire » (sur écoute).
Les dessins, proches de ceux de Chantal Montellier, où seulement le rouge du sang ressort sur les gris conviennent parfaitement pour nous acclimater à l’atmosphère délétère des bas fonds du port du Maryland.
Les investigations n’aboutissent pas toujours, mais un ton désabusé adéquat renseigne sur le contexte, les méthodes des enquêteurs, loin des sagaces héros habituels.
Ils s’acquittent de leur travail tant bien que mal, malgré une criminalité record, dans une cité ayant perdu la moitié de sa population, rongée par les drogues. La bêtise des criminels permet d’avantage d’élucidations que la malice des enquêteurs qui font le job.
Le découpage donne du rythme aux 120 pages par volume sur les cinq du coffret, évitant le côté spectaculaire, mais rendant compte de la tâche prométhéenne digne de Sisyphe que doit accomplir la brigade des homicides face à 240 crimes par an.