Ah parce que Mussolini avait une femme ?
Salutaire remise au jour d’une histoire de fous.
Une tragédie où la belle passionnée, foudroyée par le culot du tribun socialiste à ses débuts, sera broyée comme leur fils lors de la montée vers le pouvoir de celui qui électrise les foules.
Nous pouvons être effarés encore aujourd’hui quand la comédie prend le dessus avec Berlu chez les nymphettes.
Beau film et belle occasion de ne pas voir qu’une reconstitution historique avec ce destin tragique en appât où des grilles ne peuvent délimiter les frontières de la déraison. Les images d’archives, celles de la société, se mêlent parfaitement à la terrible histoire intime.
lundi 30 novembre 2009
dimanche 29 novembre 2009
Sous le volcan
D’après « Under the volcano » du britannique Malcolm Lowry, se déroulant au Mexique, joué en Néerlandais sur titré.
Faut-il tellement goûter la déchéance alcoolique, les histoires d’amour finissantes, pour prendre son billet pour un tel spectacle ?
Il suffit d’apprécier le théâtre qui sert un texte déchirant et poétique, l’accompagnant de belles images indisciplinées avec un système innovant n’effaçant pas le texte sous le clinquant. Le sur titrage bien synchronisé n’est pas gênant et nous rappelle qu’il s’agit de littérature avant tout. La musique de cette langue, servie par des voix chaudes, ajoute une dimension universelle à ces vies déchirées qui nous parlent de l’ennui sans ennuyer, de l’amour comme un chariot vers l’enfer, de la mort.
Faut-il tellement goûter la déchéance alcoolique, les histoires d’amour finissantes, pour prendre son billet pour un tel spectacle ?
Il suffit d’apprécier le théâtre qui sert un texte déchirant et poétique, l’accompagnant de belles images indisciplinées avec un système innovant n’effaçant pas le texte sous le clinquant. Le sur titrage bien synchronisé n’est pas gênant et nous rappelle qu’il s’agit de littérature avant tout. La musique de cette langue, servie par des voix chaudes, ajoute une dimension universelle à ces vies déchirées qui nous parlent de l’ennui sans ennuyer, de l’amour comme un chariot vers l’enfer, de la mort.
samedi 28 novembre 2009
Le sport peut-il former des citoyens ?
Je ne reviendrai pas sur les photographes qui gravitent autour de Rama Yade et font ressortir d’autant plus la vacuité des propos de la belle dame.
Arnaud Mourot ancien lutteur, président de sport sans frontière, sur la scène du forum de Libé en septembre, avait bien plus à apporter au débat, même s’il était plaisant de rappeler le dessin représentant De Gaulle en survêtement après les J.O. de Rome :
« Dans ce pays, il faut que je fasse tout moi-même ».
Nous sommes loin des anglo-saxons chez qui l’excellence sportive vaut l’excellence scolaire, mais dans notre pays avec 16 millions de licenciés, 250 000 associations, le sport est un phénomène qui traverse l’économie, la culture, la santé, l’éducation.
Le jeu permet pour les plus fragiles de se projeter vers l’avenir, il apprend les règles : à transférer dans le projet éducatif.
Même si le sport est la « bagatelle de la vie », le foot « divin et diabolique » selon Marguerite D. à Michel P., c’est bien l’approche pédagogique qui sera déterminante pour faire du sport soit « l’école de la vie » soit « servir les causes les moins nobles, ou conduire aux comportements les moins citoyens ».
Dans nos sociétés au présent incertain, la lutte permet d’aller au-delà de soi même, même si les outils sont quelque peu émoussés.
Les lendemains de victoire, dans la nostalgie du « tous ensemble », comment échapper à la solitude ?
C’était un samedi à Lyon, la tristesse d’un GF 38 fainéant, des supporters insupportables et les pathétiques appels à la rénovation de mon parti usé : les images du sport et de la politique se percutent.
Qui peut réunir deux fois par mois 60 000 personnes de toutes conditions ?
Arnaud Mourot ancien lutteur, président de sport sans frontière, sur la scène du forum de Libé en septembre, avait bien plus à apporter au débat, même s’il était plaisant de rappeler le dessin représentant De Gaulle en survêtement après les J.O. de Rome :
« Dans ce pays, il faut que je fasse tout moi-même ».
Nous sommes loin des anglo-saxons chez qui l’excellence sportive vaut l’excellence scolaire, mais dans notre pays avec 16 millions de licenciés, 250 000 associations, le sport est un phénomène qui traverse l’économie, la culture, la santé, l’éducation.
Le jeu permet pour les plus fragiles de se projeter vers l’avenir, il apprend les règles : à transférer dans le projet éducatif.
Même si le sport est la « bagatelle de la vie », le foot « divin et diabolique » selon Marguerite D. à Michel P., c’est bien l’approche pédagogique qui sera déterminante pour faire du sport soit « l’école de la vie » soit « servir les causes les moins nobles, ou conduire aux comportements les moins citoyens ».
Dans nos sociétés au présent incertain, la lutte permet d’aller au-delà de soi même, même si les outils sont quelque peu émoussés.
Les lendemains de victoire, dans la nostalgie du « tous ensemble », comment échapper à la solitude ?
C’était un samedi à Lyon, la tristesse d’un GF 38 fainéant, des supporters insupportables et les pathétiques appels à la rénovation de mon parti usé : les images du sport et de la politique se percutent.
Qui peut réunir deux fois par mois 60 000 personnes de toutes conditions ?
vendredi 27 novembre 2009
Le bibendum céleste.
Le titre de cette bande dessinée résume bien le propos de Nicolas de Crécy que je découvre par le numéro 3 d’une série, métaphysique, drôle et superbement dessinée. Une imagination foisonnante, une originalité déroutante, avec le souvenir d’expressionnistes allemands qui a laissé quelque noirceur dans les cases.
Bebel, Belzebuth se défend :
« Evidemment que je suis présomptueux, grosse tarte. Et j’ai plein d’autres défauts…c’est avec des gens comme vous que les forces du mal deviennent politiquely correct ! »
Plusieurs personnages sont habités par d’autres. Et les emboitements en tous genres ne manquent pas. L’une de ces créatures « messie moderne d’une ère nouvelle, se résume à un volume de vide écroué dans du gras ».
Le père Nobel de l’amour connaît une faiblesse et demande qu’on lui injecte :
« du jeune, du vrai.Entreprenant et optimiste, cheveux dans le vent et bouche ouverte !, ça va donner un coup de fouet à mon économie ! Je veux ressembler à une publicité »
Des chiens nous en apprennent par ailleurs sur l’origine de l’homme et accessoirement sur l’origine des matériaux de construction de ces villes poétiques menaçant ruine. Peu importe que le scénario soit parfois obscur, les trouvailles sont à chaque coin. Du grand art qui dit bien notre temps.
Bebel, Belzebuth se défend :
« Evidemment que je suis présomptueux, grosse tarte. Et j’ai plein d’autres défauts…c’est avec des gens comme vous que les forces du mal deviennent politiquely correct ! »
Plusieurs personnages sont habités par d’autres. Et les emboitements en tous genres ne manquent pas. L’une de ces créatures « messie moderne d’une ère nouvelle, se résume à un volume de vide écroué dans du gras ».
Le père Nobel de l’amour connaît une faiblesse et demande qu’on lui injecte :
« du jeune, du vrai.Entreprenant et optimiste, cheveux dans le vent et bouche ouverte !, ça va donner un coup de fouet à mon économie ! Je veux ressembler à une publicité »
Des chiens nous en apprennent par ailleurs sur l’origine de l’homme et accessoirement sur l’origine des matériaux de construction de ces villes poétiques menaçant ruine. Peu importe que le scénario soit parfois obscur, les trouvailles sont à chaque coin. Du grand art qui dit bien notre temps.
jeudi 26 novembre 2009
Claude Blanc Brude
L’Espace Boureille, retapé par ses amis pour l’occasion, était plein à craquer pour le vernissage de la dernière expo de Claude Blanc Brude. Je le connais un peu puisque je participe à un de ses ateliers qu’il anime au sein de l’association ADCA dont il est le moteur, le mocoeur.
Sa peinture est comme le personnage ; franche, directe sans exclure l’habileté.
Je m’attendais à voir plus de sujets à croupes généreuses et beaux seins, tant il entretient avec verve un entourage féminin à qui il sait si bien dire leurs charmes. J’en suis à m’étonner de sa palette janséniste dans les tons que j’apprécie d’ailleurs, alors que dans son rôle de maître il affectionne les expressions vivement colorées. Je comprends qu’il nous ait vanté Pignon Ernest Pignon Ernest en voyant la qualité de son dessin efficace mais laissant toujours des transparences, de l’espace, au spectateur pour prolonger son plaisir. J’apprécie aussi ses cadrages originaux sans être abracadabrantesques.
Exposition ouverte jusqu’au 29 novembre 2009
de 14h 30 à 18h 30,
2 rue Commandant Rozan, quartier de l’aigle
à l’angle de Jean Jaurès et des grands Boulevards.
Sa peinture est comme le personnage ; franche, directe sans exclure l’habileté.
Je m’attendais à voir plus de sujets à croupes généreuses et beaux seins, tant il entretient avec verve un entourage féminin à qui il sait si bien dire leurs charmes. J’en suis à m’étonner de sa palette janséniste dans les tons que j’apprécie d’ailleurs, alors que dans son rôle de maître il affectionne les expressions vivement colorées. Je comprends qu’il nous ait vanté Pignon Ernest Pignon Ernest en voyant la qualité de son dessin efficace mais laissant toujours des transparences, de l’espace, au spectateur pour prolonger son plaisir. J’apprécie aussi ses cadrages originaux sans être abracadabrantesques.
Exposition ouverte jusqu’au 29 novembre 2009
de 14h 30 à 18h 30,
2 rue Commandant Rozan, quartier de l’aigle
à l’angle de Jean Jaurès et des grands Boulevards.
mercredi 25 novembre 2009
J 10 : vers Hué
Nous sortons faire des emplettes de jambon, salami, « Vache qui rit » et eau pour notre voyage de douze heures vers le centre du pays. Dans la boutique à côté nous ne résistons pas à deux affiches de propagande à l’ancienne sur papier de riz, marchandées à 200 000D (8€). Nous déambulons une dernière fois dans le quartier en arrêt devant une maison dans laquelle se déroule une cérémonie funéraire où les personnes en deuil portent un bandeau blanc au front. Après les dernières recommandations de notre guide du Nord nous échangeons nos adresses mail et nous nous séparons. Le train s’ébranle à 12h 25, il s’arrêtera fréquemment. Nous vérifions les premiers mots de Manh quand il nous avait accueillis : le pays est essentiellement agricole, avec des rizières à perte de vue, à peine interrompues par quelques parcelles de maïs. Autres images répétées: un homme accompagnant sa vache, des élevages de canards. La platitude cède la place à un paysage plus vallonné. En fin d’après midi, le ciel s’obscurcit sévèrement pour libérer une pluie abondante et l’ambiance peut évoquer un jour de Toussaint d’autant plus qu’on ne peut régler la climatisation refroidissante à l’excès. Nous nous jetons d’emblée sur les cacahuètes et le pop corn accompagnés de bière, auxquels nous ajoutons une partie du pique-nique prévu pour ce soir. Nous avons vu que la compagnie de chemins de fer assure la restauration et nous testons ses services vers 18h 30 avec trois repas de riz, poulet ou saucisse. Si bien qu’à 19h, le soir tombé, nous succombons au roulis berceur du train. Réveil programmé à 0h 30.
"Les trois perfections sont, nous dit-on,
la cuisine chinoise, les maisons françaises et les filles de Hué"
"Les trois perfections sont, nous dit-on,
la cuisine chinoise, les maisons françaises et les filles de Hué"
mardi 24 novembre 2009
Extravagante pugnacité de l’être.
Au-dessus du miroir aux alouettes qu’est mon P.C. j’ai affiché la phrase signée Valéry Paul :
« L’espérance est la résistance de l’être devant les prévisions de son esprit ».
Voilà une pensée qui me nourrit.
Quand je me suis rendue au service de réanimation à l’hôpital Nord, je me suis perdue sans coup férir entre les niveaux, les services. J’ai tourné de vestibules en coursives. Oubliée en un vaisseau fantôme, je ne parvenais plus à lire les écriteaux. Aveugle, je demande ma route à d’autres égarés parlant vite et bas, me désignant des directions que cassent d’imprévisibles bifurcations. Dans ce Château, je n’étais pas prête pour autant à reprendre le chemin de la sortie puisque ce chemin de toute façon je l’avais perdu aussi. Par ces tunnels, ces couloirs insensibles je devais rejoindre l’armée des soignants, des blessés. Trouver la chambre d’Y. accidenté en Chartreuse. Sans carte, sans cailloux blancs, sans fil providentiel, à un moment j’ai appelé : « Il y a quelqu’un ? »
Je tendais l’oreille mais n’entendais que des aboiements, des grincements de poulies, des chuintements, des échos de fonds de ravins ! Et puis un barbu, poussant un chariot de bonbonnes m’a dit : « Au fond à droite… » avant de disparaître dans un autre labyrinthe. Au fond à droite nul Cerbère, juste l’équipe de déminage en blouses vertes.
Enfile cette blouse, ce bonnet, lave-toi les mains, tu peux pisser avant si tu en as besoin… J’en avais besoin. Pas plus de deux personnes à la fois dans la salle de réa. Quand Jo va sortir, nous pourrons entrer. Jo est sorti et nous sommes entrées dans un sombre sapin de Noël. Chambre noire et dans ce noir les yeux clignotants d’une dizaine de robots, leurs âmes à nu sur des moniteurs opalescents. Ce bruit de soufflerie, régulier, trop régulier pour être humain. Ce tube dans une bouche, paille géante pour aspirer l’air. La bouche meurtrie de Y. Sous le drap le corps figé de Y. Une machine fait le boulot pour qu’il respire, le vieux copain. De part et d’autre du lit nous tenons ses mains. Il ne peut parler, nous nous regardons.
Les larmes viennent, les larmes viennent quand il n’y a pas d’autre recours. Les larmes chassent les images, les larmes sont réelles. Les larmes sont bonnes. Pleurer nous abreuve. « Le ciel, son soleil et ses étoiles sont pour toi, vieux frère, tu les retrouveras bientôt. » Y. approuve avec ses mains qu’il serre dans les nôtres. De temps en temps nous tentons des interprétations qu’il valide ou invalide à coups de paupières. Conversation lente, lenteur de ce qui s’élabore dans la vie en péril quand elle s’obstine à vivre.
A. essuie les larmes de son mari. J’assiste à une transfusion d’amour entre ces deux là.
Les miroirs et notre peur de mourir, volent en éclats. Terrain déminé.
Clémence Psyché
« L’espérance est la résistance de l’être devant les prévisions de son esprit ».
Voilà une pensée qui me nourrit.
Quand je me suis rendue au service de réanimation à l’hôpital Nord, je me suis perdue sans coup férir entre les niveaux, les services. J’ai tourné de vestibules en coursives. Oubliée en un vaisseau fantôme, je ne parvenais plus à lire les écriteaux. Aveugle, je demande ma route à d’autres égarés parlant vite et bas, me désignant des directions que cassent d’imprévisibles bifurcations. Dans ce Château, je n’étais pas prête pour autant à reprendre le chemin de la sortie puisque ce chemin de toute façon je l’avais perdu aussi. Par ces tunnels, ces couloirs insensibles je devais rejoindre l’armée des soignants, des blessés. Trouver la chambre d’Y. accidenté en Chartreuse. Sans carte, sans cailloux blancs, sans fil providentiel, à un moment j’ai appelé : « Il y a quelqu’un ? »
Je tendais l’oreille mais n’entendais que des aboiements, des grincements de poulies, des chuintements, des échos de fonds de ravins ! Et puis un barbu, poussant un chariot de bonbonnes m’a dit : « Au fond à droite… » avant de disparaître dans un autre labyrinthe. Au fond à droite nul Cerbère, juste l’équipe de déminage en blouses vertes.
Enfile cette blouse, ce bonnet, lave-toi les mains, tu peux pisser avant si tu en as besoin… J’en avais besoin. Pas plus de deux personnes à la fois dans la salle de réa. Quand Jo va sortir, nous pourrons entrer. Jo est sorti et nous sommes entrées dans un sombre sapin de Noël. Chambre noire et dans ce noir les yeux clignotants d’une dizaine de robots, leurs âmes à nu sur des moniteurs opalescents. Ce bruit de soufflerie, régulier, trop régulier pour être humain. Ce tube dans une bouche, paille géante pour aspirer l’air. La bouche meurtrie de Y. Sous le drap le corps figé de Y. Une machine fait le boulot pour qu’il respire, le vieux copain. De part et d’autre du lit nous tenons ses mains. Il ne peut parler, nous nous regardons.
Les larmes viennent, les larmes viennent quand il n’y a pas d’autre recours. Les larmes chassent les images, les larmes sont réelles. Les larmes sont bonnes. Pleurer nous abreuve. « Le ciel, son soleil et ses étoiles sont pour toi, vieux frère, tu les retrouveras bientôt. » Y. approuve avec ses mains qu’il serre dans les nôtres. De temps en temps nous tentons des interprétations qu’il valide ou invalide à coups de paupières. Conversation lente, lenteur de ce qui s’élabore dans la vie en péril quand elle s’obstine à vivre.
A. essuie les larmes de son mari. J’assiste à une transfusion d’amour entre ces deux là.
Les miroirs et notre peur de mourir, volent en éclats. Terrain déminé.
Clémence Psyché
lundi 23 novembre 2009
Irène d’Alain Cavalier
Film clivant. Celle, avec qui je partage l’ordinateur et quelques places de cinéma, était vraiment contrariée de ce déballage impudique et geignard.
Moi, j’ai bien aimé la recherche de l’aimée disparue, ce petit tour hésitant dans la mémoire, sincère et émouvant.Nous sommes bien fragiles et dérisoires avec nos appareils à produire des images, pour une quête impossible comme si la vie, la vérité pouvaient durer. J’aime croire que les objets sont dociles parfois, qu’ils entrent dans le cadre, mais les mots « refroidissent » et l’écran à la fin est noir. Il ne peut en être autrement au bout de ce film singulier qui va bien au-delà des catégories habituelles pour éprouver notre honnêteté et notre capacité à aborder la nouveauté.
Moi, j’ai bien aimé la recherche de l’aimée disparue, ce petit tour hésitant dans la mémoire, sincère et émouvant.Nous sommes bien fragiles et dérisoires avec nos appareils à produire des images, pour une quête impossible comme si la vie, la vérité pouvaient durer. J’aime croire que les objets sont dociles parfois, qu’ils entrent dans le cadre, mais les mots « refroidissent » et l’écran à la fin est noir. Il ne peut en être autrement au bout de ce film singulier qui va bien au-delà des catégories habituelles pour éprouver notre honnêteté et notre capacité à aborder la nouveauté.
dimanche 22 novembre 2009
La fabbrica
Pourquoi, quand il est question de représentation de la classe ouvrière, faut-il que les artistes empruntent la voie du conte ? Celui qui sert les hauts- fourneaux serait-il devenu aussi mythique que le bûcheron à son Poucet ? Est-il condamné à faire de la figuration en fond d’écran pour président en tournée en province ?
Bref, pour cette création d’Ascanio Celestini, il y avait des éclairages de théâtre, des dispositifs scéniques, des voix héritières de Giovanna Marini, toujours perçantes et crues, mais de dialogue : point.
La légende des trois âges de la classe ouvrière quand les ouvriers étaient des géants, des aristos et aujourd’hui des estropiés paraît quelque peu statique sur une heure quarante. Le spectacle m’a semblé dévoré par son sujet comme les installations aujourd’hui démontées, où comme pour Assunta, les secrets seraient –ils tellement indicibles ? Les métaphores laborieuses ne nous éclairent pas et la tonalité vaguement nostalgique ne prend pas plus.
La lettre qui sert de fil conducteur aux trois générations de Fausto est encore à écrire pour que les chants à la gloire de l’espoir socialiste ne sonnent pas dérisoires à ce point... mais ce n’est pas que l’ affaire de metteur en scène Charles Tordjman.
Bref, pour cette création d’Ascanio Celestini, il y avait des éclairages de théâtre, des dispositifs scéniques, des voix héritières de Giovanna Marini, toujours perçantes et crues, mais de dialogue : point.
La légende des trois âges de la classe ouvrière quand les ouvriers étaient des géants, des aristos et aujourd’hui des estropiés paraît quelque peu statique sur une heure quarante. Le spectacle m’a semblé dévoré par son sujet comme les installations aujourd’hui démontées, où comme pour Assunta, les secrets seraient –ils tellement indicibles ? Les métaphores laborieuses ne nous éclairent pas et la tonalité vaguement nostalgique ne prend pas plus.
La lettre qui sert de fil conducteur aux trois générations de Fausto est encore à écrire pour que les chants à la gloire de l’espoir socialiste ne sonnent pas dérisoires à ce point... mais ce n’est pas que l’ affaire de metteur en scène Charles Tordjman.
samedi 21 novembre 2009
Titi et Titine
Au delà du jeu de sons, rapprocher le capitaine de l’équipe de France de foot et la secrétaire nationale du PS, sera familier aux habitués des cliquetis échappés des machines à informer.
Ce que je sais du parti auquel j’ai adhéré, il n’y a guère, me désole. Les querelles du haut se dupliquent en bas où l’esprit de cour vaut pour esprit de corps, où flatter des conservatismes n’apaise même pas les détresses idéologiques. La place est libre pour ceux qui ont su surfer sur le vague Dany en répondant au besoin de renouvellement de la politique, tout en portant des questions urgentes. A Dijon, bien des commentateurs ont regretté que les problèmes d’éducation qui devaient être traités disparaissent, mais ils ne nous ont pas plus éclairés sur ceux ci. Est-ce que ce sera la dernière péripétie d’une querelle pathétique ? Fra-ter-ni-té.
Mais je vais éviter de continuer à appeler par un diminutif la maire de Lille qui est là à son niveau de compétence comme madame Royal à la région, la familiarité factice des bloggeurs à laquelle je succombe trop volontiers contribue à l’affaissement du niveau des débats politiques.
Mais au moment où je m’apprête à être plus sage, le commentaire d’un blagueur me contraint à moins de révérence : « Alors sur la tricherie d’Henry, Madame Aubry de la fédération du Nord n’a pas de commentaire ? »
En foot, la passion populaire était algérienne ; le terme ne s’applique plus à la politique, mais pas non plus cette fois à l’équipe de France. Les préposés au micro de TF1, pour des raisons économiques, sont restés muets devant le scandale du but qualificatif. Et Thierry Henry, jadis l’élégant accélérateur de nos émotions a entaché pour longtemps sa réputation.
Le diminutif « Titi » ne convient plus non plus, maintenant que « mon Basilou » est lui en tôle. Gros Minet n’en finit pas de perdre l’innocence.
...................................................................
Dans le Libé titré : « La France au Mondial : c’est pas le pied ». Jacques Attali interviewé dit « Passionnante époque ! Si des ethnologues du XXII° siècle se penchent un jour sur notre temps, ils seront surpris de constater que les gens les mieux payés alors étaient les footballeurs et les traders, les gens du spectacle et de l’assurance, et que certains pouvaient exercer des métiers en pleine gloire, tout en étant parfaitement immoraux ».
....................................................................
Dans Le Canard Enchaîné : Citation extraite des nouvelles brèves de comptoir de Jean Marie Gourio : « Sarkozy, c’est du beaujolais nouveau, t’as qu’une journée avant le vinaigre. »
Ce que je sais du parti auquel j’ai adhéré, il n’y a guère, me désole. Les querelles du haut se dupliquent en bas où l’esprit de cour vaut pour esprit de corps, où flatter des conservatismes n’apaise même pas les détresses idéologiques. La place est libre pour ceux qui ont su surfer sur le vague Dany en répondant au besoin de renouvellement de la politique, tout en portant des questions urgentes. A Dijon, bien des commentateurs ont regretté que les problèmes d’éducation qui devaient être traités disparaissent, mais ils ne nous ont pas plus éclairés sur ceux ci. Est-ce que ce sera la dernière péripétie d’une querelle pathétique ? Fra-ter-ni-té.
Mais je vais éviter de continuer à appeler par un diminutif la maire de Lille qui est là à son niveau de compétence comme madame Royal à la région, la familiarité factice des bloggeurs à laquelle je succombe trop volontiers contribue à l’affaissement du niveau des débats politiques.
Mais au moment où je m’apprête à être plus sage, le commentaire d’un blagueur me contraint à moins de révérence : « Alors sur la tricherie d’Henry, Madame Aubry de la fédération du Nord n’a pas de commentaire ? »
En foot, la passion populaire était algérienne ; le terme ne s’applique plus à la politique, mais pas non plus cette fois à l’équipe de France. Les préposés au micro de TF1, pour des raisons économiques, sont restés muets devant le scandale du but qualificatif. Et Thierry Henry, jadis l’élégant accélérateur de nos émotions a entaché pour longtemps sa réputation.
Le diminutif « Titi » ne convient plus non plus, maintenant que « mon Basilou » est lui en tôle. Gros Minet n’en finit pas de perdre l’innocence.
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Dans le Libé titré : « La France au Mondial : c’est pas le pied ». Jacques Attali interviewé dit « Passionnante époque ! Si des ethnologues du XXII° siècle se penchent un jour sur notre temps, ils seront surpris de constater que les gens les mieux payés alors étaient les footballeurs et les traders, les gens du spectacle et de l’assurance, et que certains pouvaient exercer des métiers en pleine gloire, tout en étant parfaitement immoraux ».
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Dans Le Canard Enchaîné : Citation extraite des nouvelles brèves de comptoir de Jean Marie Gourio : « Sarkozy, c’est du beaujolais nouveau, t’as qu’une journée avant le vinaigre. »
vendredi 20 novembre 2009
Le désespoir du peintre, Arthur Bernard
Livre acheté pour son titre qui dit la condition familière de tous ceux qui essaient de traduire une réalité, et aussi du nom d’une fleur forcément décevante avec une telle appellation.
Il y aurait aussi « repentir » qui est riche appliqué à la peinture, et le style du romancier s’applique ici à l’incertitude, à cette recherche tremblée de l’ineffable. Au début de ma lecture j’ai trouvé le parti pris de faire vivre des tableaux, original, puis j’ai avancé par devoir, extérieur aux péripéties d’un récit qui s’apparente à un exercice de style. Sa lecture des tableaux est intéressante : pénétrer dans le regard d’une femme pensive peut nous amener à mieux voyager dans les musées ou avec le métro emprunté par des madones. La précision de la description d’une Madeleine en extase change nos regards. Mais il aurait suffi d’une nouvelle ; l’exercice m’a paru artificiel sur 246 pages aux éditions Champ Vallon.
Il y aurait aussi « repentir » qui est riche appliqué à la peinture, et le style du romancier s’applique ici à l’incertitude, à cette recherche tremblée de l’ineffable. Au début de ma lecture j’ai trouvé le parti pris de faire vivre des tableaux, original, puis j’ai avancé par devoir, extérieur aux péripéties d’un récit qui s’apparente à un exercice de style. Sa lecture des tableaux est intéressante : pénétrer dans le regard d’une femme pensive peut nous amener à mieux voyager dans les musées ou avec le métro emprunté par des madones. La précision de la description d’une Madeleine en extase change nos regards. Mais il aurait suffi d’une nouvelle ; l’exercice m’a paru artificiel sur 246 pages aux éditions Champ Vallon.
jeudi 19 novembre 2009
Fernand Léger
Quand dans l’arrière pays cannois, je déplie le cadeau de quelques jours dans l’azur de la côte, je suis au musée Fernand Léger à Biot et c’est l’été qui ne finit pas.
L’été des congés payés de 36, où l’homme indestructible chevauche sa bicyclette en bonne compagnie; il croit au progrès.
L’été des unes de l’Huma Dimanche, où sur ses échafaudages le monde se construit ; il sera rationnel.
C’est toujours satisfaisant quand au-delà d’œuvres reconnaissables entre toutes, en découvrant des œuvres antérieures, se dévoile plus complètement un artiste.
Les commentaires simples et éclairants de ce musée nous font comprendre l’urgence des dessins d’avant guerre, comme tracés à la fenêtre des trains lancés vers le cataclysme.
Pour user et abuser de gros plans en photographie, je me suis régalé au choix du thème « fragments » : « le discontinu, l’abrégé, le fractionné caractérisent à ses yeux la vie moderne ».
Nous sommes passés à l’heure d’hiver et l’humanité ne s’endimanche plus guère.
L’été des congés payés de 36, où l’homme indestructible chevauche sa bicyclette en bonne compagnie; il croit au progrès.
L’été des unes de l’Huma Dimanche, où sur ses échafaudages le monde se construit ; il sera rationnel.
C’est toujours satisfaisant quand au-delà d’œuvres reconnaissables entre toutes, en découvrant des œuvres antérieures, se dévoile plus complètement un artiste.
Les commentaires simples et éclairants de ce musée nous font comprendre l’urgence des dessins d’avant guerre, comme tracés à la fenêtre des trains lancés vers le cataclysme.
Pour user et abuser de gros plans en photographie, je me suis régalé au choix du thème « fragments » : « le discontinu, l’abrégé, le fractionné caractérisent à ses yeux la vie moderne ».
Nous sommes passés à l’heure d’hiver et l’humanité ne s’endimanche plus guère.
mercredi 18 novembre 2009
J9 : retour sur Hanoï
Je me lève avant la sonnerie du réveil pour surprendre le soleil qui se pointe, puis me recouche pour le petit déjeuner à 7h30. Le bateau rattaché à la jonque comme un petit rémora à un gros poisson, nous accueille à nouveau et nous nous dirigeons vers une grotte que nous ne pouvons pas traverser complètement avec notre embarcation trop haute de plafond et une marée trop importante. L’eau a pris une couleur émeraude d’une évidence nous avons rarement l’occasion de voir. A côté de la grotte Cam Vao, des hommes en bateau repêchent des déchets à l’épuisette. Nous assistons au levage de l’ancre, intrigués par les cris soudains des mariniers pour rythmer le mouvement et cadencer leurs efforts. La croisière repart. Dans la salle de restaurant, les employés ont installé des souvenirs sur les tables, perles de la baie, nappes… Dehors changement continu de couleurs et de lumières, passage de pluie au soleil. C’est le temps des quatre saisons. Nous contemplons le paysage depuis les passerelles, de la terrasse ou de la salle de restau, au rythme alangui du moteur. Arrivés devant « le pont de Saint Marcellin » c'est-à-dire à l’embarcadère d’Along, vers les 11h du matin, le personnel nous sert un brunch, enfin plutôt un déjeuner copieux qui comprend des frites, des crevettes sautées, du poisson, des calamars, du bœuf à l’ananas, du riz blanc, des légumes émincés blancs et des fruits du dragon. En supplément, nous nous autorisons un café à l’arôme de chocolat. Pendant ce temps nous ne voyons plus le pont effacé dans la brume ; la pluie sous l’effet du vent tombe presque à l’horizontale. Un beau petit grain juste au moment de quitter la jonque. Dernier caprice de la mousson en baie d’Along qui nous retient encore un peu avant le départ. Au retour sur la terre ferme, notre chauffeur est là, sur le quai, il saisit rapidement les bagages que nous n’avons quasiment pas porté depuis longtemps.
Nous roulons vers Hanoï, abandonnons les paysages en pain de sucre, avec des cabanes de pêcheurs hautes sur pattes. Nous renouons avec les grandes étendues de rizières et les usines de briques et de tuiles reconnaissables à leurs hautes cheminées. Le minibus envoie des gerbes d’eau sur les bas côtés, les scooters en sont copieusement douchés. Les trombes d’eau ne sont pas encore écoulées. Manh a programmé deux arrêts d’abord dans une usine de céramique. La terre kaolin et l’argile mixés sont déversés dans des moules, puis les articles démoulés à la sortie d’immenses fours sont peints et émaillés par de charmantes jeunes filles qui blaguent avec notre guide. Dans la boutique attenante, nous choisissons des porte-couteaux en forme de poissons et un petit vide-poches tels que ceux qu’on a vus travaillés par les jeunes filles. Nous visitons ensuite un centre artisanal pour handicapés et jeunes défavorisés. Nous pouvons y voir différents ateliers : broderies, laques sur bambous, sculptures, couture, bijoux où travaillent un grand nombre d’apprentis avec une concentration et une efficacité sans défaut. Les brodeuses surtout nous impressionnent, réalisant des tableaux avec de tous petits points lancés, en tenant leur ouvrage et leur modèle à l’envers, tissu tendu sur des métiers ou des tambours. Les garçons s’attellent aussi à l’exercice. Le centre dispose d’un restaurant et d’une boutique sous le même toit sans délimitation cloisonnée. Nous participons à soutenir cette association et bien que plus cher qu’ailleurs nous achetons une nappe blanche brodée en blanc à la main, 6 couverts pour 40€ et une statuette en terre naïve et sympathique.
Les embouteillages d’Hanoï et la circulation nous éberluent encore. A l’hôtel Hong Ngoc nous retrouvons notre chambre 406, la réception y a déposé des ramboutans à notre intention, cadeau de fidélité.
Après un peu d’Internet et un peu de lessive, nous cherchons en vain un Bia Hoï, petit bar où l’on sert de la bière pression. Nous renonçons et nous nous dirigeons vers le glacier Fanny où nous sommes moins emballés que la première fois bien que nous ne laissions rien de nos twin tangerine ni d’une banana Hanoï. Les gourmandises serviront de dîner et un verre d’eau facilitera le passage de la Malarone. Retour chez nous, clim à donf !
Nous roulons vers Hanoï, abandonnons les paysages en pain de sucre, avec des cabanes de pêcheurs hautes sur pattes. Nous renouons avec les grandes étendues de rizières et les usines de briques et de tuiles reconnaissables à leurs hautes cheminées. Le minibus envoie des gerbes d’eau sur les bas côtés, les scooters en sont copieusement douchés. Les trombes d’eau ne sont pas encore écoulées. Manh a programmé deux arrêts d’abord dans une usine de céramique. La terre kaolin et l’argile mixés sont déversés dans des moules, puis les articles démoulés à la sortie d’immenses fours sont peints et émaillés par de charmantes jeunes filles qui blaguent avec notre guide. Dans la boutique attenante, nous choisissons des porte-couteaux en forme de poissons et un petit vide-poches tels que ceux qu’on a vus travaillés par les jeunes filles. Nous visitons ensuite un centre artisanal pour handicapés et jeunes défavorisés. Nous pouvons y voir différents ateliers : broderies, laques sur bambous, sculptures, couture, bijoux où travaillent un grand nombre d’apprentis avec une concentration et une efficacité sans défaut. Les brodeuses surtout nous impressionnent, réalisant des tableaux avec de tous petits points lancés, en tenant leur ouvrage et leur modèle à l’envers, tissu tendu sur des métiers ou des tambours. Les garçons s’attellent aussi à l’exercice. Le centre dispose d’un restaurant et d’une boutique sous le même toit sans délimitation cloisonnée. Nous participons à soutenir cette association et bien que plus cher qu’ailleurs nous achetons une nappe blanche brodée en blanc à la main, 6 couverts pour 40€ et une statuette en terre naïve et sympathique.
Les embouteillages d’Hanoï et la circulation nous éberluent encore. A l’hôtel Hong Ngoc nous retrouvons notre chambre 406, la réception y a déposé des ramboutans à notre intention, cadeau de fidélité.
Après un peu d’Internet et un peu de lessive, nous cherchons en vain un Bia Hoï, petit bar où l’on sert de la bière pression. Nous renonçons et nous nous dirigeons vers le glacier Fanny où nous sommes moins emballés que la première fois bien que nous ne laissions rien de nos twin tangerine ni d’une banana Hanoï. Les gourmandises serviront de dîner et un verre d’eau facilitera le passage de la Malarone. Retour chez nous, clim à donf !
mardi 17 novembre 2009
Les miroirs étaient trop hauts
Les miroirs étaient trop hauts dans notre logement étroit, ou alors, ma joie de vivre était si forte qu’elle se passait de sa représentation.
Autrefois je contemplais mon image pour me voir belle, pour le croire, pour enfin aujourd’hui ne plus m’en préoccuper après en avoir douté. Je me dis que je suis enfin libérée de cette hallucination servie sur le plateau vertical des miroirs.
Quand un homme de ma génération me dit, mi figue mi raisin : « Tu es encore consommable… », je réponds que je ne suis plus une oie blanche et qu’il n’a pas l’air non plus d’un pigeon. Nous rigolons, nous nous faisons la bise. C’est moins fatigant que de trampoliner dans un plumard et plus sûr pour nos ostéoporoses ! Bien entendu, ces messieurs sur le retour (on devrait plutôt dire en avance sur le peloton) audacieux en paroles ne sont pas toujours très doués dans l’art de séduire.
Tandis qu’en catastrophe le Don Juan évoque les images de ses dulcinées d’antan afin de ravigoter son ustensile, elle, en attente paresseuse de l’événement improbable finit par ouvrir sa flore (à défaut d’autre chose) et de s’écrier :
- Botrychium Lunaria ! Je savais que j’en trouverais dans ce coin ! Regarde, n’est-elle pas mignonne cette minuscule fougère rescapée du Tertiaire ? Deux centimètres au plus…
- Ce n’est pas beaucoup en effet, commente-t-il, en se refalzarisant. Faudrait que je la photographie en macro ta… Tu as dit ?
Charmante sexualité des seniors !
Les miroirs étaient placés trop haut dans le logement étroit de mon enfance. Je trottais plus bas que ces nids aux alouettes, préoccupée de ce que je trouvais par terre. Si les vieillards regardent par prédilection le ciel en dépit de leurs arthroses cervicales, les petits enfants, depuis si peu de temps sur terre et encore tout étonnés de l’aventure, examinent le sol, l’apprivoisent à pas branlants cette chose qui les tient et parfois les bascule.
Clémence Psyché
Autrefois je contemplais mon image pour me voir belle, pour le croire, pour enfin aujourd’hui ne plus m’en préoccuper après en avoir douté. Je me dis que je suis enfin libérée de cette hallucination servie sur le plateau vertical des miroirs.
Quand un homme de ma génération me dit, mi figue mi raisin : « Tu es encore consommable… », je réponds que je ne suis plus une oie blanche et qu’il n’a pas l’air non plus d’un pigeon. Nous rigolons, nous nous faisons la bise. C’est moins fatigant que de trampoliner dans un plumard et plus sûr pour nos ostéoporoses ! Bien entendu, ces messieurs sur le retour (on devrait plutôt dire en avance sur le peloton) audacieux en paroles ne sont pas toujours très doués dans l’art de séduire.
Tandis qu’en catastrophe le Don Juan évoque les images de ses dulcinées d’antan afin de ravigoter son ustensile, elle, en attente paresseuse de l’événement improbable finit par ouvrir sa flore (à défaut d’autre chose) et de s’écrier :
- Botrychium Lunaria ! Je savais que j’en trouverais dans ce coin ! Regarde, n’est-elle pas mignonne cette minuscule fougère rescapée du Tertiaire ? Deux centimètres au plus…
- Ce n’est pas beaucoup en effet, commente-t-il, en se refalzarisant. Faudrait que je la photographie en macro ta… Tu as dit ?
Charmante sexualité des seniors !
Les miroirs étaient placés trop haut dans le logement étroit de mon enfance. Je trottais plus bas que ces nids aux alouettes, préoccupée de ce que je trouvais par terre. Si les vieillards regardent par prédilection le ciel en dépit de leurs arthroses cervicales, les petits enfants, depuis si peu de temps sur terre et encore tout étonnés de l’aventure, examinent le sol, l’apprivoisent à pas branlants cette chose qui les tient et parfois les bascule.
Clémence Psyché
lundi 16 novembre 2009
Le ruban blanc.
Un grand film, celui de la beauté du diable.
Contrairement à ce que je craignais : une démonstration sans nuance sur les origines du mal ; notre liberté de spectateur est totale, avec des nuances voire des contradictions portées par des images superbes, et des acteurs inoubliables, qu’ils expriment la dignité ou la perversité. Les portes restent fermées sur bien des secrets, mais ces deux heures et demie nous marquent. Je n’ai pu m’empêcher de penser au film « 1900 » puisqu’il s’agit aussi de la chronique d’une communauté paysanne et j’ai mesuré tout ce qui séparait ce film du Nord noir et blanc, miroir de notre siècle cruel, de celui de Bertolucci odorant, coloré, porté par l’énergie de la lutte pour un monde meilleur : les années 70 sont mortes. Les enfants, nombreux derrière les volets clos savent les noirceurs du monde, et il n’y pas que les coups de verge assénés qui sont violents. Les moments de paix ne durent pas, les rares fêtes finissent mal et s’il y a bien un enfant encore innocent, il n’entame pas la sévérité paternelle. L’instituteur qui tient le fil du récit, a renoncé à son métier. Un film pour aujourd’hui.
Contrairement à ce que je craignais : une démonstration sans nuance sur les origines du mal ; notre liberté de spectateur est totale, avec des nuances voire des contradictions portées par des images superbes, et des acteurs inoubliables, qu’ils expriment la dignité ou la perversité. Les portes restent fermées sur bien des secrets, mais ces deux heures et demie nous marquent. Je n’ai pu m’empêcher de penser au film « 1900 » puisqu’il s’agit aussi de la chronique d’une communauté paysanne et j’ai mesuré tout ce qui séparait ce film du Nord noir et blanc, miroir de notre siècle cruel, de celui de Bertolucci odorant, coloré, porté par l’énergie de la lutte pour un monde meilleur : les années 70 sont mortes. Les enfants, nombreux derrière les volets clos savent les noirceurs du monde, et il n’y pas que les coups de verge assénés qui sont violents. Les moments de paix ne durent pas, les rares fêtes finissent mal et s’il y a bien un enfant encore innocent, il n’entame pas la sévérité paternelle. L’instituteur qui tient le fil du récit, a renoncé à son métier. Un film pour aujourd’hui.
dimanche 15 novembre 2009
Objet mystérieux
L’homme à (la) tête de chou
Marilou la shampouineuse disparue sous la neige carbonique aurait pu être ravie de cette œuvre consacrée à ses charmes par Gainsbourg (1976) Bashung(2008), et Galotta qui vient d’y rajouter sa touche, touche. D’un zip de Lewis nous basculons vers Caroll Lewis, l’humour nous chope par la braguette; la musique, les petits pas narguent la mort. Mes amis se sont lassés des manières du grenoblois, je lui suis resté fidèle. Je me régale de retrouver ses codes et de déguster ses trouvailles. La troupe de 14 danseurs a pris de l’ampleur, avec une énergie nouvelle qui fait se croiser la liberté singulière de chaque danseur avec des envolées, tous ensemble, au quart de poil. Des tableaux de toute beauté, 1h10 à retenir son souffle. Danser avec le slip aux chevilles et dire la violence, la vitalité primale, le désespoir. Courir. Fort.
samedi 14 novembre 2009
Le sénat ce rempart !
Tout ce qui peut contrarier l’énervé qui fait honte à notre identité républicaine, a du bon. Mais où en sommes nous rendus, si l’archaïque et somnolent sénat reste notre dernier rempart pour gérer un pays plus démocratiquement ?
Quelques propositions de réforme des collectivités locales les plus distrayantes sont données en pâture aux médias qui alimenteront ainsi les boites à blagues. Les plaques minéralogiques occuperont les alentours des machines à café et rien ne changera.
Nous avons voté le non cumul des mandats au P.S. en contrariant nos cumulards.
Pendant ce temps ceux qui cumulent un poste ministériel et la responsabilité d’un exécutif local ne lâchent rien.
Il conviendrait en outre de dénoncer l’empilement des rôles qui échappent à tout contrôle.
Mais que peut dire le journaliste qui fait des ménages au politique qui accumule les sièges, les présidences ?
Les instances se sont multipliées avec leurs réseaux, et là se fortifient les féodalités ; le pouvoir des technocrates s’exerce à plein. La présidentialisation n’est pas l’apanage de l’Elysée avec sa loi du secret implacable pour les éloignés des cabinets qui eux gouvernent pour de vrai.
L’affaire scandaleuse de Jean Sarkozy à l’EPAD n’était pas qu’un problème de fils à papa mais aussi celui de l’EPAD et de telles structures!
Nous sommes loin des fièvres participatives qui nous reprirent le temps d’une campagne et s’il faut bien connaître ces cuisines issues des mécanismes représentatifs, reste-t-il des espaces où la sollicitation de la parole du citoyen ne soit pas un leurre ?
Quelques propositions de réforme des collectivités locales les plus distrayantes sont données en pâture aux médias qui alimenteront ainsi les boites à blagues. Les plaques minéralogiques occuperont les alentours des machines à café et rien ne changera.
Nous avons voté le non cumul des mandats au P.S. en contrariant nos cumulards.
Pendant ce temps ceux qui cumulent un poste ministériel et la responsabilité d’un exécutif local ne lâchent rien.
Il conviendrait en outre de dénoncer l’empilement des rôles qui échappent à tout contrôle.
Mais que peut dire le journaliste qui fait des ménages au politique qui accumule les sièges, les présidences ?
Les instances se sont multipliées avec leurs réseaux, et là se fortifient les féodalités ; le pouvoir des technocrates s’exerce à plein. La présidentialisation n’est pas l’apanage de l’Elysée avec sa loi du secret implacable pour les éloignés des cabinets qui eux gouvernent pour de vrai.
L’affaire scandaleuse de Jean Sarkozy à l’EPAD n’était pas qu’un problème de fils à papa mais aussi celui de l’EPAD et de telles structures!
Nous sommes loin des fièvres participatives qui nous reprirent le temps d’une campagne et s’il faut bien connaître ces cuisines issues des mécanismes représentatifs, reste-t-il des espaces où la sollicitation de la parole du citoyen ne soit pas un leurre ?
vendredi 13 novembre 2009
L’immeuble d’en face. 2
J’ai repensé à des gravures du XIX° siècle où l’époque pouvait se résumer à l’écorché d’un immeuble; la vie se montrait à chaque étage avec sa famille bourgeoise et son artiste sous les combles. L’album de BD de Vanyda révèle avec virtuosité notre époque, façon manga avec une mise en page variée et une narration habile : la mère célibataire, le jeune couple et celui qui a un gros chien... La façade est tombée, mais les solitudes s’installent derrière les ordinateurs, ou les bavardages, mais des moments de tendresse arrivent comme ça sans en avoir l’air.
- Et toi Claire tu as commandé quoi au papa Noël ?
- Hum, tu sais, j’ai pas encore eu trop le temps d’y réfléchir en fait!
- Moi, je voulais trop de choses. Maman m’a dit qu’il fallait partager avec tous les autres enfants.
- Et alors finalement y avait quoi dans ta lettre ?
- Alors j’ai commandé une baguette magique, un chien en peluche, et aussi du maquillage avec des paillettes…
- Et toi Claire tu as commandé quoi au papa Noël ?
- Hum, tu sais, j’ai pas encore eu trop le temps d’y réfléchir en fait!
- Moi, je voulais trop de choses. Maman m’a dit qu’il fallait partager avec tous les autres enfants.
- Et alors finalement y avait quoi dans ta lettre ?
- Alors j’ai commandé une baguette magique, un chien en peluche, et aussi du maquillage avec des paillettes…
jeudi 12 novembre 2009
L’âge d’or de la Hanse.
Du XII° au XVII° siècle, l’association des marchands de la Baltique assoit la puissance de villes comme Lubeck, Wismar, Stralsund. Relativement épargnées par les bombardements de 1942 et préservées de modernisations intempestives par l’assoupissement économique de ces cités après la guerre de 30 ans, les vieilles villes gardent leur caractère moyenâgeux.
Daniel Soulé, le conférencier aux amis du musée, aurait pu prévoir une carte pour appuyer son propos érudit sur cette période faste, de même qu’il a évoqué le portrait d’un marchand par Holbein qui aurait pu rendre plus chaleureuse l’évocation de ces années. Il nous promène dans les rues qui descendent vers la Trave, le fleuve de Lubeck, la ville aux sept tours. Les pignons variés témoignent des différentes époques de construction en gardant une cohérence harmonieuse. Les marchandises s’entreposaient sous les toits près des quais, et dans des caves pour les maisons sur les hauteurs de la ville. Il subsiste des rez-de-chaussée aux volumes considérables et entre deux opulentes maisons patriciennes, des habitations modestes qui accueillaient alors les veuves et les filles ne pouvant aller au couvent, s’ordonnent de part et d’autre de couloirs à ciel ouvert.
Le sel, l’ambre, les fourrures, les œuvres d’art, le vin de Bordeaux, étaient commercialisés dans cette partie septentrionale de l’Europe jusqu’à l’intérieur des terres et vers des comptoirs à Bruges, à Londres, Novgorod qui ouvrira la route vers l’Orient. La brique est reine jusqu’aux arcs-boutants pourtant inutiles pour de gigantesques cathédrales, mais aussi dans l’architecture des hôtels de ville, un hospice splendide : du gothique allemand. Des retables, des polyptyques, des sculptures magnifiques ont échappé aux rigueurs du luthérianisme triomphant.
Daniel Soulé, le conférencier aux amis du musée, aurait pu prévoir une carte pour appuyer son propos érudit sur cette période faste, de même qu’il a évoqué le portrait d’un marchand par Holbein qui aurait pu rendre plus chaleureuse l’évocation de ces années. Il nous promène dans les rues qui descendent vers la Trave, le fleuve de Lubeck, la ville aux sept tours. Les pignons variés témoignent des différentes époques de construction en gardant une cohérence harmonieuse. Les marchandises s’entreposaient sous les toits près des quais, et dans des caves pour les maisons sur les hauteurs de la ville. Il subsiste des rez-de-chaussée aux volumes considérables et entre deux opulentes maisons patriciennes, des habitations modestes qui accueillaient alors les veuves et les filles ne pouvant aller au couvent, s’ordonnent de part et d’autre de couloirs à ciel ouvert.
Le sel, l’ambre, les fourrures, les œuvres d’art, le vin de Bordeaux, étaient commercialisés dans cette partie septentrionale de l’Europe jusqu’à l’intérieur des terres et vers des comptoirs à Bruges, à Londres, Novgorod qui ouvrira la route vers l’Orient. La brique est reine jusqu’aux arcs-boutants pourtant inutiles pour de gigantesques cathédrales, mais aussi dans l’architecture des hôtels de ville, un hospice splendide : du gothique allemand. Des retables, des polyptyques, des sculptures magnifiques ont échappé aux rigueurs du luthérianisme triomphant.
mercredi 11 novembre 2009
J8 : La baie d’Along
Réveil à 6h 30, nous avons 200 km à parcourir. Il pleuvine et le ciel ne laisse pas présager d’amélioration : le typhon numéro 5 est annoncé, il s’abattra sur Hanoï.
Nous traversons la région la plus pauvre du Viet Nam, avec ses rizières, la seule activité de la région. Pendant la guerre, elle a nourri gratuitement les armées du Nord. Tout au long de la route, les paysans pataugent dans les champs en eau, le dos courbé, repiquent le riz en espaçant les plans. Plus loin des jeunes coordonnent leurs gestes pour collecter l’eau d’un petit canal dans un panier fixé au bout de cordes et chasser l’eau dans la rizière. Nous remarquons beaucoup de cimetières. Nous nous rapprochons de Haiphong où l’activité est industrialisée. Nous stoppons dans un petit estanco à l’abri de la pluie fine. Nous nous régalons avec de petits ananas saupoudrés de sel. Le chauffeur reprend le volant jusqu’à Along qui signifie « le dragon qui descend ». Nous n’apercevons que la ville touristique et moderne, composée d’immenses hôtels luxueux et de casinos destinés à une clientèle chinoise. Un pont à haubans de construction japonaise nous fait penser à … celui de Saint Marcellin. Nous patientons avec un thé et nous montons sur un petit canot pour atteindre la jonque de notre croisière. C’est le ravissement ! Bateau sur trois niveaux, nous sommes dirigés directement dans une très jolie salle à manger aux nappes blanches et vraies roses sur les tables. Nos deux cabines sont en en bois sombre du sol au plafond.On accède à une petite salle de bain attenante par une porte à claire voie. Nous passons à table, c’est maintenant le ravissement de papilles. Au menu : soupe vietnamienne gluante, coques, crabes, crevettes, poisson grillé, légumes verts, riz et pomme. Nous prenons notre café à l’étage supérieur sur la terrasse aérée qui nous permet de découvrir le paysage d’où nous parviennent les chants des cigales semblables au cri des mouettes tant elles ciclent fort. Nous sommes « les rois du monde ». Des pains de sucre, des crocs, des chicots émergent des eaux émeraude sous des cieux superbes et des lumières changeantes. Nous sommes invités à quitter la jonque pour une petite embarcation afin de nous rapprocher de la grotte de la surprise » (Seing Sot). On y pénètre au bout de nombreuses marches. Ce qui nous surprend d’abord c’est la taille grandiose de ces salles que l’on traverse par un cheminement aménagé et éclairé tout confort. Le plafond est tapissé d’alvéoles naturelles à l’aspect artificiel. Stalactites et mites prennent des formes de bouddhas, de phallus obliques, de dragons, de tortues, d’une femme portant sa fille à cheveux longs. Le circuit accompli nous rejoignons notre petit bateau puis la jonque le temps de déguster un ananas préparé pour le goûter. Dix minutes plus tard nous reprenons le petit bateau pour visiter cette fois un îlot avec une pagode avec la possibilité de profiter d’une plage de sable. Nous escaladons les 420 marches de bonne taille. Mais nous ne regrettons pas notre suée. Nous débouchons sous un abri circulaire ouvert à 360° sur le paysage surprenant et légendaire. Couleurs, nuages, soleil qui s’y cache. Nous prenons toute la mesure de cette merveille du monde la dominant du regard. Je me sens si petit, niveau photo : comment s’y prendre pour refléter ça ?
Nous redescendons vers la plage car l’heure du rendez-vous approche. De gros nuages ardoise effleurés par moment par un rayon de soleil mettent en évidence les verts de la végétation des pains de sucre et les tons foncés de l’eau. Tout d’un coup le vent s’excite. Nous regagnons le petit bateau quand brutalement la pluie s’abat, en rideau sur la mer, vidant la plage et l’îlot de ses visiteurs. Malgré le toit de l’embarcation, la pluie pénètre à l’intérieur, cingle les occupants et leurs serviettes de baignade, surprenant les plus protégés dans une bonne humeur partagée de gens heureux. Nous regagnons nos cabines avant l’heure du repas, instant propice pour les photos, le jour décline vite et le temps se calme après le grain de la mousson. Nous aurons eu tous les temps, bruine, soleil, nuageux, grain. La jonque se déplace et part mouiller un peu plus loin. Les bateaux ont allumé leurs lumières qui se reflètent sur l’eau. Le repas du soir surpasse encore celui de midi. La compagnie nous offre un verre de vin blanc de Dalat et le repas défile à un tempo que nous voudrions ralentir pour prolonger notre émotion dans ce lieu grandiose où nous nous trouvons, subjugués. Au menu : soupe, crevettes avec tomates, mangues et fleurs de concombre, crabes farcis excellents, « panne d’électricité » pour les nems présentés autour d’un ananas évidé pour placer une bougie.Retour de l’électricité pour le riz cantonnais, des légumes blancs et pastèque ; un festin !
Nous gagnons nos couchettes cabines pour écrire ou lire, le réveil est branché sur 5h 30 heure du lever du jour, après une nuit dans un décor de rêve.
Nous traversons la région la plus pauvre du Viet Nam, avec ses rizières, la seule activité de la région. Pendant la guerre, elle a nourri gratuitement les armées du Nord. Tout au long de la route, les paysans pataugent dans les champs en eau, le dos courbé, repiquent le riz en espaçant les plans. Plus loin des jeunes coordonnent leurs gestes pour collecter l’eau d’un petit canal dans un panier fixé au bout de cordes et chasser l’eau dans la rizière. Nous remarquons beaucoup de cimetières. Nous nous rapprochons de Haiphong où l’activité est industrialisée. Nous stoppons dans un petit estanco à l’abri de la pluie fine. Nous nous régalons avec de petits ananas saupoudrés de sel. Le chauffeur reprend le volant jusqu’à Along qui signifie « le dragon qui descend ». Nous n’apercevons que la ville touristique et moderne, composée d’immenses hôtels luxueux et de casinos destinés à une clientèle chinoise. Un pont à haubans de construction japonaise nous fait penser à … celui de Saint Marcellin. Nous patientons avec un thé et nous montons sur un petit canot pour atteindre la jonque de notre croisière. C’est le ravissement ! Bateau sur trois niveaux, nous sommes dirigés directement dans une très jolie salle à manger aux nappes blanches et vraies roses sur les tables. Nos deux cabines sont en en bois sombre du sol au plafond.On accède à une petite salle de bain attenante par une porte à claire voie. Nous passons à table, c’est maintenant le ravissement de papilles. Au menu : soupe vietnamienne gluante, coques, crabes, crevettes, poisson grillé, légumes verts, riz et pomme. Nous prenons notre café à l’étage supérieur sur la terrasse aérée qui nous permet de découvrir le paysage d’où nous parviennent les chants des cigales semblables au cri des mouettes tant elles ciclent fort. Nous sommes « les rois du monde ». Des pains de sucre, des crocs, des chicots émergent des eaux émeraude sous des cieux superbes et des lumières changeantes. Nous sommes invités à quitter la jonque pour une petite embarcation afin de nous rapprocher de la grotte de la surprise » (Seing Sot). On y pénètre au bout de nombreuses marches. Ce qui nous surprend d’abord c’est la taille grandiose de ces salles que l’on traverse par un cheminement aménagé et éclairé tout confort. Le plafond est tapissé d’alvéoles naturelles à l’aspect artificiel. Stalactites et mites prennent des formes de bouddhas, de phallus obliques, de dragons, de tortues, d’une femme portant sa fille à cheveux longs. Le circuit accompli nous rejoignons notre petit bateau puis la jonque le temps de déguster un ananas préparé pour le goûter. Dix minutes plus tard nous reprenons le petit bateau pour visiter cette fois un îlot avec une pagode avec la possibilité de profiter d’une plage de sable. Nous escaladons les 420 marches de bonne taille. Mais nous ne regrettons pas notre suée. Nous débouchons sous un abri circulaire ouvert à 360° sur le paysage surprenant et légendaire. Couleurs, nuages, soleil qui s’y cache. Nous prenons toute la mesure de cette merveille du monde la dominant du regard. Je me sens si petit, niveau photo : comment s’y prendre pour refléter ça ?
Nous redescendons vers la plage car l’heure du rendez-vous approche. De gros nuages ardoise effleurés par moment par un rayon de soleil mettent en évidence les verts de la végétation des pains de sucre et les tons foncés de l’eau. Tout d’un coup le vent s’excite. Nous regagnons le petit bateau quand brutalement la pluie s’abat, en rideau sur la mer, vidant la plage et l’îlot de ses visiteurs. Malgré le toit de l’embarcation, la pluie pénètre à l’intérieur, cingle les occupants et leurs serviettes de baignade, surprenant les plus protégés dans une bonne humeur partagée de gens heureux. Nous regagnons nos cabines avant l’heure du repas, instant propice pour les photos, le jour décline vite et le temps se calme après le grain de la mousson. Nous aurons eu tous les temps, bruine, soleil, nuageux, grain. La jonque se déplace et part mouiller un peu plus loin. Les bateaux ont allumé leurs lumières qui se reflètent sur l’eau. Le repas du soir surpasse encore celui de midi. La compagnie nous offre un verre de vin blanc de Dalat et le repas défile à un tempo que nous voudrions ralentir pour prolonger notre émotion dans ce lieu grandiose où nous nous trouvons, subjugués. Au menu : soupe, crevettes avec tomates, mangues et fleurs de concombre, crabes farcis excellents, « panne d’électricité » pour les nems présentés autour d’un ananas évidé pour placer une bougie.Retour de l’électricité pour le riz cantonnais, des légumes blancs et pastèque ; un festin !
Nous gagnons nos couchettes cabines pour écrire ou lire, le réveil est branché sur 5h 30 heure du lever du jour, après une nuit dans un décor de rêve.
mardi 10 novembre 2009
Ce jour-là
Et puis ce jour là dans le clair obscur de notre demeure nordique, je me suis vue dans le miroir disposé sur le buffet. C’était l’époque où les Arts Décos influençaient jusqu’au mobilier bas de gamme des foyers populaires. J’avais été gravement grondée, peut-être même battue par une mère sans cesse excédée. Pour mon esprit de six ans, la réprimande était injuste et je n’avais pu m’en expliquer. Il en était ainsi dans une famille où l’on ne savait parler. Les enfants filaient doux, menaient leur vraie vie dehors avec leurs bandes (peut-être en est-il toujours ainsi dans ce que les medias et les politiques appellent les quartiers sensibles). On rentrait au logis pour manger, déféquer et dormir ou se prendre une raclée pour absence prolongée, jamais un bisou (ce mot n’existait pas). Au mieux on se retrouvait le dimanche sur des genoux, entre des bras fatigués : le chat ou le chiot faisaient aussi bien l’affaire. Dans le commerce surtout si celui-ci est artisanal, en l’occurrence dans une boulangerie, il n’y a pas de place pour les enfants. Ils se débrouillent, pratiquent l’évitement des petites tâches : va porter ce pain à Mme X., surveille le lait, recharge le poêle, va ici, va là. Ne pas se faire chopper, se glisser en catimini dans la rue et courir, courir vers les jeux, courir vers les autres enfants. Liberté conditionnelle… dont les lois étaient la faim et le sommeil. Liberté réelle : l’apprentissage de la débrouillardise.
Peut-être avais-je sauté le repas de midi ; cette mère électrique qui parlait peu, mais gueulait fort, veillait scrupuleusement à la survie de ses rejetons, les gavant de nourriture « fortifiante » , les persécutant de lavements intestinaux si elle soupçonnait un fonctionnement défaillant de leurs tubes intimes. Une mère qui ne pense qu’à vous remplir selon ses désirs, selon ses peurs, selon les souffrances de sa propre enfance nécessiteuse.
J’avais pris une torgnole - pas grave, comme on le dit aujourd’hui, surtout si c’est douloureux. En prime j’avais reçu la haine, la folle haine dans les yeux de ma mère, ses cris. En morceaux je me voyais dans les yeux de ma mère. J’étais promise à la destruction. Furieuse aussi, je l’étais …
Me voilà réfugiée, au plus noir de la salle à manger, grimpée sur une chaise, secouée de sanglots, suffoquant, crachant, expulsant ma morve.
Je lève les yeux et je la vois. Qui est-ce, celle-là ? C’est un visage de fillette blonde, elle essuie son visage, le salissant. Elle a les yeux comme des flaques d’eau. Des yeux de fée ou de princesse qui coulent sur ses joues. Elle renifle et me regarde. Comme elle est intéressante ! Comme Je suis belle !
Consolée. La vie est admirable ! Je ris : ma mère est moche, mais moche. La pire des sorcières !
Sorcière bien-aimée, petite enfant des corons sans miroirs, sans robinets, sans électricité. Pour l’intimité, des chiottes au fond du jardin.
Clémence Psyché
Peut-être avais-je sauté le repas de midi ; cette mère électrique qui parlait peu, mais gueulait fort, veillait scrupuleusement à la survie de ses rejetons, les gavant de nourriture « fortifiante » , les persécutant de lavements intestinaux si elle soupçonnait un fonctionnement défaillant de leurs tubes intimes. Une mère qui ne pense qu’à vous remplir selon ses désirs, selon ses peurs, selon les souffrances de sa propre enfance nécessiteuse.
J’avais pris une torgnole - pas grave, comme on le dit aujourd’hui, surtout si c’est douloureux. En prime j’avais reçu la haine, la folle haine dans les yeux de ma mère, ses cris. En morceaux je me voyais dans les yeux de ma mère. J’étais promise à la destruction. Furieuse aussi, je l’étais …
Me voilà réfugiée, au plus noir de la salle à manger, grimpée sur une chaise, secouée de sanglots, suffoquant, crachant, expulsant ma morve.
Je lève les yeux et je la vois. Qui est-ce, celle-là ? C’est un visage de fillette blonde, elle essuie son visage, le salissant. Elle a les yeux comme des flaques d’eau. Des yeux de fée ou de princesse qui coulent sur ses joues. Elle renifle et me regarde. Comme elle est intéressante ! Comme Je suis belle !
Consolée. La vie est admirable ! Je ris : ma mère est moche, mais moche. La pire des sorcières !
Sorcière bien-aimée, petite enfant des corons sans miroirs, sans robinets, sans électricité. Pour l’intimité, des chiottes au fond du jardin.
Clémence Psyché
lundi 9 novembre 2009
L’amant de JJ. Annaud
Revoir un film 17 ans après sa sortie conduit souvent à déblatérer sur les modes qui passent.
Je n’en ai pas eu l’occasion avec ce film qui conserve quelques belles scènes sensuelles où la jeunesse palpite en perdant son innocence. Les bonus du DVD sont intéressants même si le réalisateur n’apparaît pas à son mieux en monopolisant la parole face à Marguerite Duras. J’étais curieux de retrouver des ambiances tropicales qui m’avaient séduit la première fois, mais de ce côté-là j’ai trouvé le spectacle parfois affadi, artificiel, voire rouleur de mécaniques, c’était format télé. Cependant pris par le charme de Jane March, avec les mots de Duras qui vont si bien à Jeanne Moreau, j’ai apprécié les subtilités de cette histoire violente où la très jeune fille (15ans ½) ne comprend pas, sur le coup, ce qui lui arrive. Croyant vivre sa liberté qui paraît tellement incroyable en ces années 20, elle se débat dans la société coloniale qui la détermine jusque dans ses transgressions. Profond, à fleur de peau, beau et … paquebot.
Je n’en ai pas eu l’occasion avec ce film qui conserve quelques belles scènes sensuelles où la jeunesse palpite en perdant son innocence. Les bonus du DVD sont intéressants même si le réalisateur n’apparaît pas à son mieux en monopolisant la parole face à Marguerite Duras. J’étais curieux de retrouver des ambiances tropicales qui m’avaient séduit la première fois, mais de ce côté-là j’ai trouvé le spectacle parfois affadi, artificiel, voire rouleur de mécaniques, c’était format télé. Cependant pris par le charme de Jane March, avec les mots de Duras qui vont si bien à Jeanne Moreau, j’ai apprécié les subtilités de cette histoire violente où la très jeune fille (15ans ½) ne comprend pas, sur le coup, ce qui lui arrive. Croyant vivre sa liberté qui paraît tellement incroyable en ces années 20, elle se débat dans la société coloniale qui la détermine jusque dans ses transgressions. Profond, à fleur de peau, beau et … paquebot.
dimanche 8 novembre 2009
La storia
Après quoi courent-ils les sept jeunes danseurs soulevant sous leurs pas des tourbillons de papiers humides ? Images souvent séduisantes offertes par la compagnie Woo, où les guitares électriques sonnent comme des alarmes, venant après des complaintes acoustiques. Les séquences se succèdent : deux corps nus se cherchent un moment, des soliloques accompagnent des parades animales… De l’énergie, des beaux gestes, où l’obscurité plus ou moins épaisse va bien aux stridences, des ombres déchirées. Les amorces sont prometteuses mais souvent inachevées.
Une poésie noire recherche nos origines, elle court après le temps avec des reprises d’icônes contemporaines en parodie mais sans humour.
Une poésie noire recherche nos origines, elle court après le temps avec des reprises d’icônes contemporaines en parodie mais sans humour.
samedi 7 novembre 2009
Déchets dans l’agglomération grenobloise.
Le plus gros budget de la Métro (avant la SEMITAG) est consacré à la collecte et au traitement des déchets ménagers. 90 personnes travaillent sur le site d’Athanor à Meylan où convergent les poubelles de 400 000 habitants : 200 000 tonnes par an.
L’incinérateur, un des plus performants de France, produit de l’électricité et permet le chauffage de 25 000 personnes.
Il brûle la moitié du contenu des poubelles vertes (35 000 t) qui n’a pu être valorisé et celui des poubelles grises (100 000 t) débarrassé des matières fermentescibles qui vont composer le compost à Murianette.
Les déchets recyclables après être passés aux cribles rotatifs, à étoiles, dégagés des éléments ferreux (1 200 t) par électro-aimants, séparés des flacons plastiques (2 500 t) subissent un tri manuel.
Ils seront pressés, conditionnés avant d’être achetés par des repreneurs,
ainsi 10 000 t de papiers cartons sont récupérés en une année.
Sur 637 vérifications de camions provenant de Saint Egrève, 37 ont vu leur contenu déclassé. Dans des quartiers de communes où les performances étaient moins reluisantes, des actions d’information au tri sélectif ont été menées. Mais elles ne s’accompagnent pas de progrès notoires si de nouveaux outils ne sont pas proposés. L’installation de poubelles operculées (type poubelle à verre) a pu modifier efficacement les comportements.
Nous sommes passés dans l’Isère de 40 kg d’emballages recyclés par habitant par an en 2007 à 40,9 kg, en dessous de la moyenne nationale à 44,5 kg. L’embauche d’un nombre de personnes encore plus conséquent pour trier plus finement permettrait de progresser dans le recyclage.
L’incinérateur, un des plus performants de France, produit de l’électricité et permet le chauffage de 25 000 personnes.
Il brûle la moitié du contenu des poubelles vertes (35 000 t) qui n’a pu être valorisé et celui des poubelles grises (100 000 t) débarrassé des matières fermentescibles qui vont composer le compost à Murianette.
Les déchets recyclables après être passés aux cribles rotatifs, à étoiles, dégagés des éléments ferreux (1 200 t) par électro-aimants, séparés des flacons plastiques (2 500 t) subissent un tri manuel.
Ils seront pressés, conditionnés avant d’être achetés par des repreneurs,
ainsi 10 000 t de papiers cartons sont récupérés en une année.
Sur 637 vérifications de camions provenant de Saint Egrève, 37 ont vu leur contenu déclassé. Dans des quartiers de communes où les performances étaient moins reluisantes, des actions d’information au tri sélectif ont été menées. Mais elles ne s’accompagnent pas de progrès notoires si de nouveaux outils ne sont pas proposés. L’installation de poubelles operculées (type poubelle à verre) a pu modifier efficacement les comportements.
Nous sommes passés dans l’Isère de 40 kg d’emballages recyclés par habitant par an en 2007 à 40,9 kg, en dessous de la moyenne nationale à 44,5 kg. L’embauche d’un nombre de personnes encore plus conséquent pour trier plus finement permettrait de progresser dans le recyclage.
vendredi 6 novembre 2009
L’Italie à la paresseuse
Ce petit livre (186 pages aérées) ne pouvait être édité que par "Le Dilettante". L’auteur Henri Calet, inscrit dans nos mémoires pour être l’auteur de la formule : « ne me secouez pas je suis plein de larmes », livre ici un rafraichissant ouvrage, désinvolte, gentiment décalé, élégamment tourné et totalement sincère. Marie Françoise, qui me l’avait fait découvrir, avait retenu un passage pour notre lecture publique, dont voici un morceau d’extrait :
« Nous débouchions en Italie. On ne pouvait s’y tromper : c’était elle. …Je me répétais, en proie à l’excitation la plus vive : « l’Italie, l’Italie ! » Les grandes effusions, tout de même que les grandes douleurs, sont muettes, ou bredouillantes. Combien je regrette de n’avoir pas eu, à cette minute, mon guide sous la main ; j’y aurais pu choisir une ou deux phrases distinguées : « Terre de la beauté et de la douceur de vivre » ou « comment se reconnaître parmi tant de beautés sur lesquelles bute à chaque pas le voyageur ébloui ?... » Au lieu de cela , il me revenait que des bribes de la chansonnette de Tino Rossi… »
La jolie formule de la quatrième de couverture me convient : « il vise « au dessous de la peinture », se refusant à la voie royale des sites et des musées à son cortège de béatitudes convenues »
« Nous débouchions en Italie. On ne pouvait s’y tromper : c’était elle. …Je me répétais, en proie à l’excitation la plus vive : « l’Italie, l’Italie ! » Les grandes effusions, tout de même que les grandes douleurs, sont muettes, ou bredouillantes. Combien je regrette de n’avoir pas eu, à cette minute, mon guide sous la main ; j’y aurais pu choisir une ou deux phrases distinguées : « Terre de la beauté et de la douceur de vivre » ou « comment se reconnaître parmi tant de beautés sur lesquelles bute à chaque pas le voyageur ébloui ?... » Au lieu de cela , il me revenait que des bribes de la chansonnette de Tino Rossi… »
La jolie formule de la quatrième de couverture me convient : « il vise « au dessous de la peinture », se refusant à la voie royale des sites et des musées à son cortège de béatitudes convenues »
jeudi 5 novembre 2009
Terrains d’Europe
Paysages du football amateur par le photographe Hans van der Meer, je les avais vu à Arles, je viens de me les approprier en livre. Je les connais ces terrains encore tracés à la sciure pour certains, qu’ils soient anglais, hongrois, portugais, à Salon de Provence, à Bonnieux… l’Europe pour de vrai.
Dimanche après midi, les Gourcuff sont un peu empâtés mais dans leurs gestes, le rêve se frotte à la réalité.
Les plans sont toujours larges: quelques publicités pour le garage local dans des sites sublimes, des immeubles, des peupliers, des cheminées d’usine, l’automne est là, les genêts sont aux couleurs du club, les mottes lourdes excusent les approximations techniques, les alignements défensifs sont parfois hasardeux. Le gardien plonge magnifiquement, le ballon est déjà au fond des filets.
Je vais prêter cet album photo à Ritou qui se tint des décennies derrière les mains courantes des stades des terres froides, seule dérogation au travail des champs et encore quand c’était le temps des foins…
A Manu qui connait ces terres battues, ces abris pour remplaçants qui jouxtent des poulaillers : il arbitre.
Vous connaissez beaucoup d’ouvrages, où le paysan, le pompier, l’instit partagent la même émotion et que c’est pas de la holla trafiquée ?
Dimanche après midi, les Gourcuff sont un peu empâtés mais dans leurs gestes, le rêve se frotte à la réalité.
Les plans sont toujours larges: quelques publicités pour le garage local dans des sites sublimes, des immeubles, des peupliers, des cheminées d’usine, l’automne est là, les genêts sont aux couleurs du club, les mottes lourdes excusent les approximations techniques, les alignements défensifs sont parfois hasardeux. Le gardien plonge magnifiquement, le ballon est déjà au fond des filets.
Je vais prêter cet album photo à Ritou qui se tint des décennies derrière les mains courantes des stades des terres froides, seule dérogation au travail des champs et encore quand c’était le temps des foins…
A Manu qui connait ces terres battues, ces abris pour remplaçants qui jouxtent des poulaillers : il arbitre.
Vous connaissez beaucoup d’ouvrages, où le paysan, le pompier, l’instit partagent la même émotion et que c’est pas de la holla trafiquée ?
mercredi 4 novembre 2009
J7 : La baie d’Along terrestre
Nous prenons la direction de Hua Lu, ancienne capitale du Viet Nam au X° siècle. La route se transforme en autoroute en sortant d’Hanoï. A la vue des cimetières dans une province plutôt catholique, Manh, notre guide nous explique les funérailles, le lavage du corps, et l'enveloppe d’argent ou l' aide apportée par les proches, à charge de revanche : c’est une dette contractée en vue de circonstances similaires ou pour un mariage. Le défunt est enterré une première fois pour une période de quatre ans. Puis il est exhumé, un spécialiste se charge de laver les os, puis de les placer dans un plus petit cercueil en terre recouvert d’un tissu. Ensuite le mort prendra place dans ce cimetière ou un autre et méritera une pierre tombale définitive.
A Hua Lu nous quittons l’abri climatisé de la voiture où il y a toujours trois bouteilles d’eau à notre disposition. Souvent elles sont offertes dans les chambres d’hôtel car l’eau du robinet n’est pas consommable.
Nous visitons deux temples royaux dont l’un est l’objet de travaux en vue de l’anniversaire du millénaire d’Hanoï.
L’un est dédié au roi Dinh Tien Huang.
Manh tente de nous raconter l’histoire de ce roi Dinh qui avait trois fils, il légua son empire au deuxième fils au lieu du premier mais le gardien de son palais les trucida tous les deux car il avait rêvé qu’il en serait le successeur. L’état étant fragilisé, la Chine devint menaçante. Un général Vietnamien prit la situation en main, épousa la veuve, protégea le petit troisième fils de 6 ans, eut une fille et 11 garçons d’autres femmes. Histoires de palais, de meurtres, de pouvoir. La chaleur est écrasante, heureusement de la verdure, des arbres et des bassins donnent une impression de fraîcheur. L’autre temple de Lé Dai Hanh ressemble au premier. Les personnages représentés changent naturellement : il s’agit du roi Dai (l’ex général), son épouse (la veuve) et le fils ainé.
Après le repas de midi, Manh nous attend à l’extérieur avec quatre bicyclettes, munies d’un petit panier à l’avant.Ainsi nous abordons la baie d’Along terrestre dans des conditions très agréables, nous profitons pleinement des paysages où se découpent des montagnes en pain de sucre.
Avant d’embarquer, nous tirons jusqu’à la pagode Bich Dong : la pagode de jade. Nous franchissons le petit pont de pierre et découvrons trois petites constructions étagées édifiées à moitié dans des grottes où tambourinent des gouttes d’eau, où couinent des chauves-souris. Le décor servit pour le film « Indochine ». Nous accédons à la plus haute batisse où trônent trois bouddhas « du grand véhicule », celui de gauche est celui du passé, au centre celui du présent, et à droite celui de l’avenir.
A vélo nous parcourons la toute petite distance qui nous sépare de l’embarcadère. Nous montons à deux par barque, en compagnie d’une rameuse et d’une autre femme qui aide à la navigation à l’aide d’une perche. Nous glissons lentement au bruit des rames sur le canal endigué, nous détournant un moment vers les champs de lotus. Les feuilles de cette plante symbolique dans tout l’extrême Orient que nous cueillent nos accompagnatrices se transforment en chapeaux protecteurs fort efficaces. Les parfums les plus délicats et les racines dans la boue. Nous approchons des grottes de Tam Loc. Pour les traverser il faut pratiquement se coucher dans la barque pour éviter de s’assommer, le guidage s’effectue à la lampe entre les stalactites et les morceaux de roches. Passage rafraichissant sous les gouttes d’eau et un peu oppressant, mais comme nulle part ailleurs. Toutes les barques patientent à la sortie, regroupées et serrées dans un brouhaha de conversations de français et de vietnamiens dont on ne sait qui en ressort le plus bavard. Il faut reprendre le même chemin pour le retour, en file indienne, les lampes se repèrent sur la roche et sur l’eau.
Il ne faut pas longtemps à nos dames rameuses pour récupérer des sacs posés sur une murette au bord et nous proposer des nappes et napperons brodés.
Nous sommes dans la carte postale en regardant les paysans sur la digue et sur l’eau, des barques d’enfants, un oncle Ho…
Nous remontons sur la terre ferme, où nous attendent des photographies de nous prises sur terre et sur l’eau « pour le souvenir », nous finissons par les acheter à 50 000 D les cinq.
Notre chauffeur et Manh nous conduisent à l’hôtel à Ninh Binh le « Thuy Anh Hôtel » tout neuf. Nous profitons de la fin d’après midi avant la douche et la lessive et déambulons dans les environs. Tout d’abord nous sommes surpris de grand nombre de compositions florales piquées sur de plaques de polystyrène plutôt destinées à des cérémonies funèbres. Pas loin nous bifurquons dans un marché. Les gens parcourent les allées en motocyclettes sans se donner la peine de descendre pour faire leurs emplettes. L’odeur des pots d’échappement se mêle à celle des viandes et des poissons. Joli marché, et premiers étals de viande canine, aucun doute sur l’origine des cuissots découpés, la tête de son propriétaire est là pour le prouver. Au restau de l’hôtel, repas plantureux et savoureux. Et cerise sur le gâteau : une mangue préparée avant le sommeil.
A Hua Lu nous quittons l’abri climatisé de la voiture où il y a toujours trois bouteilles d’eau à notre disposition. Souvent elles sont offertes dans les chambres d’hôtel car l’eau du robinet n’est pas consommable.
Nous visitons deux temples royaux dont l’un est l’objet de travaux en vue de l’anniversaire du millénaire d’Hanoï.
L’un est dédié au roi Dinh Tien Huang.
Manh tente de nous raconter l’histoire de ce roi Dinh qui avait trois fils, il légua son empire au deuxième fils au lieu du premier mais le gardien de son palais les trucida tous les deux car il avait rêvé qu’il en serait le successeur. L’état étant fragilisé, la Chine devint menaçante. Un général Vietnamien prit la situation en main, épousa la veuve, protégea le petit troisième fils de 6 ans, eut une fille et 11 garçons d’autres femmes. Histoires de palais, de meurtres, de pouvoir. La chaleur est écrasante, heureusement de la verdure, des arbres et des bassins donnent une impression de fraîcheur. L’autre temple de Lé Dai Hanh ressemble au premier. Les personnages représentés changent naturellement : il s’agit du roi Dai (l’ex général), son épouse (la veuve) et le fils ainé.
Après le repas de midi, Manh nous attend à l’extérieur avec quatre bicyclettes, munies d’un petit panier à l’avant.Ainsi nous abordons la baie d’Along terrestre dans des conditions très agréables, nous profitons pleinement des paysages où se découpent des montagnes en pain de sucre.
Avant d’embarquer, nous tirons jusqu’à la pagode Bich Dong : la pagode de jade. Nous franchissons le petit pont de pierre et découvrons trois petites constructions étagées édifiées à moitié dans des grottes où tambourinent des gouttes d’eau, où couinent des chauves-souris. Le décor servit pour le film « Indochine ». Nous accédons à la plus haute batisse où trônent trois bouddhas « du grand véhicule », celui de gauche est celui du passé, au centre celui du présent, et à droite celui de l’avenir.
A vélo nous parcourons la toute petite distance qui nous sépare de l’embarcadère. Nous montons à deux par barque, en compagnie d’une rameuse et d’une autre femme qui aide à la navigation à l’aide d’une perche. Nous glissons lentement au bruit des rames sur le canal endigué, nous détournant un moment vers les champs de lotus. Les feuilles de cette plante symbolique dans tout l’extrême Orient que nous cueillent nos accompagnatrices se transforment en chapeaux protecteurs fort efficaces. Les parfums les plus délicats et les racines dans la boue. Nous approchons des grottes de Tam Loc. Pour les traverser il faut pratiquement se coucher dans la barque pour éviter de s’assommer, le guidage s’effectue à la lampe entre les stalactites et les morceaux de roches. Passage rafraichissant sous les gouttes d’eau et un peu oppressant, mais comme nulle part ailleurs. Toutes les barques patientent à la sortie, regroupées et serrées dans un brouhaha de conversations de français et de vietnamiens dont on ne sait qui en ressort le plus bavard. Il faut reprendre le même chemin pour le retour, en file indienne, les lampes se repèrent sur la roche et sur l’eau.
Il ne faut pas longtemps à nos dames rameuses pour récupérer des sacs posés sur une murette au bord et nous proposer des nappes et napperons brodés.
Nous sommes dans la carte postale en regardant les paysans sur la digue et sur l’eau, des barques d’enfants, un oncle Ho…
Nous remontons sur la terre ferme, où nous attendent des photographies de nous prises sur terre et sur l’eau « pour le souvenir », nous finissons par les acheter à 50 000 D les cinq.
Notre chauffeur et Manh nous conduisent à l’hôtel à Ninh Binh le « Thuy Anh Hôtel » tout neuf. Nous profitons de la fin d’après midi avant la douche et la lessive et déambulons dans les environs. Tout d’abord nous sommes surpris de grand nombre de compositions florales piquées sur de plaques de polystyrène plutôt destinées à des cérémonies funèbres. Pas loin nous bifurquons dans un marché. Les gens parcourent les allées en motocyclettes sans se donner la peine de descendre pour faire leurs emplettes. L’odeur des pots d’échappement se mêle à celle des viandes et des poissons. Joli marché, et premiers étals de viande canine, aucun doute sur l’origine des cuissots découpés, la tête de son propriétaire est là pour le prouver. Au restau de l’hôtel, repas plantureux et savoureux. Et cerise sur le gâteau : une mangue préparée avant le sommeil.
mardi 3 novembre 2009
Poussin
Le bleu, surtout ciel, c’est pas une couleur que j’aime. J’ai trop vu les voiles bleus en plâtre des statues de cette vierge dans l’église et par-ci par- là, dans les chapelles de campagne. On me traînait dans les processions, on m’abandonnait sur le banc dans la chapelle de la Sainte Vierge avec les envies de pipi qui ne tardaient pas ; j’avais peur des toiles d’araignées pendues aux colonnes, peur des recoins où s’entassaient les débris des dieux démodés, peur des souris qui n’avaient pas peur de moi et se livraient à leurs petits commerces.
Je ne manquais pas de mères pourtant. J’étais l’enfant unique de Louise la boulangère toujours dans le pétrin par ces temps de guerre. Elle avait quatre sœurs. Elle me confiait à ses frangines toutes célibataires et sans enfants. Il y avait ma préférée, Berthe aux grands pieds de palmipède et puis Augustine la grande gueule, Florine aux gros lolos voyageurs, Olivia et ses moustaches. Toutes pieuses, les petites mains du curé ! On m’embarquait, on me déposait, on me laissait en attente, on m’oubliait, on me couvrait de baisers en me retrouvant sur le banc en face des voiles de plâtre bleu, sage, assis en tailleur sous la garde des araignées et des souris besogneuses. Les tantes ne manquaient pas d’ouvrage dans l’église du bourg normand : Berthe lavait à grande eau la nef. Belle et bien bête. Je veux dire bien bête de s’esquinter le dos au lieu de regarder ses soupirants. Augustine dirigeait le chœur des dames et demoiselles, Florine s’occupait de la sacristie avec le curé pour l’aider. Ca prenait du temps tandis que je rongeais mon frein et que l’envie de pipi me tortillait sur mon banc. Olivia s’occupait de dépoussiérer les Joseph, Rita, Thérèse, Nicolas et autres Martin. Une fois même elle me caressa de son plumeau. Somnolant dans la pénombre j’ai poussé un hurlement croyant à une attaque des toiles d’araignées. “ Et alors, Poussin ! Qu’est-ce qui t’arrive ? ”
Et voilà, Poussin ! J’étais le poussin d’Augustine, de Florine, de Berthe, d’Olivia. Un mot doux avec un bec.
J’ai parlé très tard. Mes premiers interlocuteurs furent Miquette la chienne papillon qui ne s’est jamais envolée en dépit de ses grandes oreilles qu’elle dressait pour me répondre. Oui, l’oreille droite ; non l’oreille gauche. Rien du tout quand elle ne comprenait rien. Alors elle s’asseyait et me tirait la langue. Le chat me comprenait aussi, un fainéant aux griffes prestes. Il me ronronnait des berceuses bien plus efficaces que les contes horrifiques de mes tantes. Elles raffolaient d’histoires d’ogres et de revenants : pourvoyeuses en cauchemars.
J’ai eu, me disait-on, un berceau garni de satin bleu et je n’ai pas beaucoup gazouillé. Je vomissais beaucoup dans les dentelles. Le lait de ma mère ne passait pas. Toujours pressée de retourner à son commerce, elle n’attendait pas mon rot et me confiait à d’autres bras, d’autres haleines, d’autres odeurs musquées d’aisselles et de ventre, d’autres voix postillonnantes, d’autres manières de manipuler mon petit torse et mes petites fesses.
Poussin, poussinet, pupuce, poussipouninet, poupou et j’en passe…
Ah ! Je les ai bien remplies vos mains, mes tantes. Ah ! Je les ai bien humidifiées de mes larmes vos lèvres voraces. Poussin, poussinet, je te mangerai de baisers. Pourquoi pleures-tu ? Si mignon à croquer ! Miam, miam, miam sur le petit ventre ! Le joli zizi du poussinounet ! J’avais peur de vos grandes bouches (sauf celle de Berthe, si paisible), de vos baves, de votre force inattentive. Je passais de mains froides en mains chaudes ; de seins plats en seins ronds. Les seins doux et ronds de Berthe, son odeur de tilleul et de cerise. Contre eux, j’avais un peu de repos et je m’endormais.
Et puis j’ai grandi. Mon corps. Je parlais peu. Mes études au cours privé de la rue des Augustins furent un fiasco : rêve au lieu d’écouter, répond à côté de la question, recherche la solitude. Certes j’avais d’excellents résultats en rédaction mais j’étais tellement nul dans toutes les autres disciplines qu’il fallut renoncer au séminaire.
Je bricolais à la boulangerie, décorateur de mokas, virtuose de la poche à douille.. Faut bien que tu gagnes ta croûte, Poussin ! Je peignais aussi de petites natures mortes, des chats, des chiens et des souris sans jamais utiliser le bleu. J’ai eu un succès paroissial. Les commandes rapidement étendues au canton. Le tourisme gagnait notre région riche en églises romanes. Je vendais des images de chapiteaux sous un ciel blanc.
Pauline n’était pas une beauté mais elle sentait bon. Elle était parfumeuse et esthéticienne dans la localité voisine. Le soir des noces je tremblais de désir dans la chambre nuptiale réservée par mes parents à l’hôtel des Voyageurs. Mon father me parlait pour la première fois, me donnant des conseils que j’écoutai à peine tant ils me firent rougir.
Pauline en nuisette de satin bleu, m’appela. Elle rayonnait de bonheur dans le grand lit : Viens mon Poussin, Viens…
Nous n’eûmes pas d’enfants ensemble, c’est le responsable de la cellule communiste qui se chargea de ma descendance avec foi et persévérance. Je devins le père légal d’enfants du plus beau roux. Tante Augustine rappela que nous avions eu un ancêtre rouquin au XIX me siècle…
Je me fichais bien des gênes et autres ciments générationnels. Je peignais nuit et jour pour nourrir et éduquer notre portée de renardeaux.
Poussin ! Il faut commander du mazout ! Poussin, as-tu réglé la facture d’électricité ?
Pauline me rappelait à mes devoirs. Je regardais avec appréhension les canines naissantes des petits. Plus ils grandissaient, plus j’avais l’impression de rétrécir et d’être en danger.
Cette époque est bien loin maintenant. J’ai trouvé le bonheur et la paix. Je peins toujours. Le directeur m’encourage. Grâce à ton talent, me dit-il, nous allons enfin pouvoir rénover le réfectoire et les chambres du premier étage. Il me tape amicalement sur l’épaule et m’apporte personnellement du café et des crêpes. Ne perds pas de temps…
Et il y a mieux… Je me suis trouvé une bien jolie poule, la plus fraîche de l’hôpital. Elle glousse quand je la baise dans ses draps de soie commandés à la Redoute (la valeur de trois tableaux). Elle dort nue. Je la regarde dormir nue au matin, cette lumière nacrée qui joue dans le duvet de ses joues. Elle m’appelle Son Grand Coq Génial.
Quelque fois une très belle femme, plus très jeune, un peu cassée, me rend visite.
Elle m’apporte des mokas. Elle est bien gentille mais… je ne la connais pas.
Elle me dit : c’est pour toi Robert. Je sais que tu les aimes.
Je crois qu’elle est un peu folle. Peut-être a-t-elle perdu un être cher qui se nommait Robert ? J’aime son odeur de tilleul et de cerise.
Marie Treize
Je ne manquais pas de mères pourtant. J’étais l’enfant unique de Louise la boulangère toujours dans le pétrin par ces temps de guerre. Elle avait quatre sœurs. Elle me confiait à ses frangines toutes célibataires et sans enfants. Il y avait ma préférée, Berthe aux grands pieds de palmipède et puis Augustine la grande gueule, Florine aux gros lolos voyageurs, Olivia et ses moustaches. Toutes pieuses, les petites mains du curé ! On m’embarquait, on me déposait, on me laissait en attente, on m’oubliait, on me couvrait de baisers en me retrouvant sur le banc en face des voiles de plâtre bleu, sage, assis en tailleur sous la garde des araignées et des souris besogneuses. Les tantes ne manquaient pas d’ouvrage dans l’église du bourg normand : Berthe lavait à grande eau la nef. Belle et bien bête. Je veux dire bien bête de s’esquinter le dos au lieu de regarder ses soupirants. Augustine dirigeait le chœur des dames et demoiselles, Florine s’occupait de la sacristie avec le curé pour l’aider. Ca prenait du temps tandis que je rongeais mon frein et que l’envie de pipi me tortillait sur mon banc. Olivia s’occupait de dépoussiérer les Joseph, Rita, Thérèse, Nicolas et autres Martin. Une fois même elle me caressa de son plumeau. Somnolant dans la pénombre j’ai poussé un hurlement croyant à une attaque des toiles d’araignées. “ Et alors, Poussin ! Qu’est-ce qui t’arrive ? ”
Et voilà, Poussin ! J’étais le poussin d’Augustine, de Florine, de Berthe, d’Olivia. Un mot doux avec un bec.
J’ai parlé très tard. Mes premiers interlocuteurs furent Miquette la chienne papillon qui ne s’est jamais envolée en dépit de ses grandes oreilles qu’elle dressait pour me répondre. Oui, l’oreille droite ; non l’oreille gauche. Rien du tout quand elle ne comprenait rien. Alors elle s’asseyait et me tirait la langue. Le chat me comprenait aussi, un fainéant aux griffes prestes. Il me ronronnait des berceuses bien plus efficaces que les contes horrifiques de mes tantes. Elles raffolaient d’histoires d’ogres et de revenants : pourvoyeuses en cauchemars.
J’ai eu, me disait-on, un berceau garni de satin bleu et je n’ai pas beaucoup gazouillé. Je vomissais beaucoup dans les dentelles. Le lait de ma mère ne passait pas. Toujours pressée de retourner à son commerce, elle n’attendait pas mon rot et me confiait à d’autres bras, d’autres haleines, d’autres odeurs musquées d’aisselles et de ventre, d’autres voix postillonnantes, d’autres manières de manipuler mon petit torse et mes petites fesses.
Poussin, poussinet, pupuce, poussipouninet, poupou et j’en passe…
Ah ! Je les ai bien remplies vos mains, mes tantes. Ah ! Je les ai bien humidifiées de mes larmes vos lèvres voraces. Poussin, poussinet, je te mangerai de baisers. Pourquoi pleures-tu ? Si mignon à croquer ! Miam, miam, miam sur le petit ventre ! Le joli zizi du poussinounet ! J’avais peur de vos grandes bouches (sauf celle de Berthe, si paisible), de vos baves, de votre force inattentive. Je passais de mains froides en mains chaudes ; de seins plats en seins ronds. Les seins doux et ronds de Berthe, son odeur de tilleul et de cerise. Contre eux, j’avais un peu de repos et je m’endormais.
Et puis j’ai grandi. Mon corps. Je parlais peu. Mes études au cours privé de la rue des Augustins furent un fiasco : rêve au lieu d’écouter, répond à côté de la question, recherche la solitude. Certes j’avais d’excellents résultats en rédaction mais j’étais tellement nul dans toutes les autres disciplines qu’il fallut renoncer au séminaire.
Je bricolais à la boulangerie, décorateur de mokas, virtuose de la poche à douille.. Faut bien que tu gagnes ta croûte, Poussin ! Je peignais aussi de petites natures mortes, des chats, des chiens et des souris sans jamais utiliser le bleu. J’ai eu un succès paroissial. Les commandes rapidement étendues au canton. Le tourisme gagnait notre région riche en églises romanes. Je vendais des images de chapiteaux sous un ciel blanc.
Pauline n’était pas une beauté mais elle sentait bon. Elle était parfumeuse et esthéticienne dans la localité voisine. Le soir des noces je tremblais de désir dans la chambre nuptiale réservée par mes parents à l’hôtel des Voyageurs. Mon father me parlait pour la première fois, me donnant des conseils que j’écoutai à peine tant ils me firent rougir.
Pauline en nuisette de satin bleu, m’appela. Elle rayonnait de bonheur dans le grand lit : Viens mon Poussin, Viens…
Nous n’eûmes pas d’enfants ensemble, c’est le responsable de la cellule communiste qui se chargea de ma descendance avec foi et persévérance. Je devins le père légal d’enfants du plus beau roux. Tante Augustine rappela que nous avions eu un ancêtre rouquin au XIX me siècle…
Je me fichais bien des gênes et autres ciments générationnels. Je peignais nuit et jour pour nourrir et éduquer notre portée de renardeaux.
Poussin ! Il faut commander du mazout ! Poussin, as-tu réglé la facture d’électricité ?
Pauline me rappelait à mes devoirs. Je regardais avec appréhension les canines naissantes des petits. Plus ils grandissaient, plus j’avais l’impression de rétrécir et d’être en danger.
Cette époque est bien loin maintenant. J’ai trouvé le bonheur et la paix. Je peins toujours. Le directeur m’encourage. Grâce à ton talent, me dit-il, nous allons enfin pouvoir rénover le réfectoire et les chambres du premier étage. Il me tape amicalement sur l’épaule et m’apporte personnellement du café et des crêpes. Ne perds pas de temps…
Et il y a mieux… Je me suis trouvé une bien jolie poule, la plus fraîche de l’hôpital. Elle glousse quand je la baise dans ses draps de soie commandés à la Redoute (la valeur de trois tableaux). Elle dort nue. Je la regarde dormir nue au matin, cette lumière nacrée qui joue dans le duvet de ses joues. Elle m’appelle Son Grand Coq Génial.
Quelque fois une très belle femme, plus très jeune, un peu cassée, me rend visite.
Elle m’apporte des mokas. Elle est bien gentille mais… je ne la connais pas.
Elle me dit : c’est pour toi Robert. Je sais que tu les aimes.
Je crois qu’elle est un peu folle. Peut-être a-t-elle perdu un être cher qui se nommait Robert ? J’aime son odeur de tilleul et de cerise.
Marie Treize
lundi 2 novembre 2009
La 317ième section
Depuis sa sortie en 1965, je ne suis pas allé voir ce film sur la guerre d’Indochine: j’étais anti militariste. A le découvrir maintenant, je reconnais que les aliments à une critique envers l’armée occupant un autre pays, ne manquent pas. Ce face à face entre un jeune officier fougueux et un vieux briscard, lors d’une retraite sans espoir, est efficace et prenant. Film âpre, désespéré qui montre avec force, la violence des rapports humains quand la mort est derrière chaque touffe de bambous. Un grand film essentiel, sans tapage, une tragédie implacable. Bruno Crémer et Jacques Perrin ont toute la profondeur et la complexité que ne connaissent pas les films américains du même genre qui ont pourtant une notoriété bien plus grande. Orsenna a participé à l’écriture et Schoendorffer savait bien de quoi il parlait.
dimanche 1 novembre 2009
Orquestra Aragon
Le cha-cha-cha conserve. La formation cubaine fête son soixandixième anniversaire, les papis et leurs descendants se portent comme des charmes élégants. Le public grenoblois suit au doigt et à l’œil les pincements d’un violon, les traversées de la flûte, les frappes déhanchantes des agogos, l’obstinée rythmique et font « drin-drin » ; ils en redemandaient debout aux treize musiciens danseurs. Mes voisins ont mieux perçu que moi les influences africaines dans ce groupe sans cuivre mais pas sans couleurs où les violons viennent citer du Mozart sous les pulsations envoutantes du pays des charangas, voué au danzón.
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