samedi 19 mars 2022

Le père Goriot. Balzac.

Revenir vers les classiques permet, avec ces 420 pages, de vérifier que leur notoriété est vraiment méritée. 
Les productions contemporaines ne manquent pas de vigueur, de noirceur, mais le roman paru en 1842 reste d’une force inégalée avec l’argent en motif central, quand la richesse et le dénuement se côtoient. 
Les scènes où le groupe des pensionnaires de la maison  Vauquer se déchainent sont terribles, les personnages parfaitement campés : 
« Il avait jusqu’alors trouvé la vicomtesse pleine de cette aménité polie, de cette grâce melliflue donnée par l’éducation aristocratique, et qui n’est complète que si elle vient du cœur ».
L’usage de termes obsolètes fait partie du charme :  
« melliflue : qui a la suavité du miel ».
Les échanges épistolaires sont polis, d’une grande délicatesse, les harangues cyniques de Vautrin ont de la gueule, et les développements concernant nos rêves et ce qu'il en advient sont bien vus : 
« … en se livrant pendant la route à ses espérances étourdiment folles qui rendent la vie des jeunes gens si belles d’émotions : ils ne calculent alors ni les obstacles ni les dangers, ils voient en tout le succès, poétisent leur existence par le seul jeu de leur imagination et se font malheureux ou tristes par le renversement des projets qui ne vivaient encore que dans leurs désirs effrénés ; s’ils n’étaient pas ignorants et timides, le monde social serait impossible. »  Rastignac.
Je ne suis pas sûr que monsieur Goriot soit le personnage principal, finalement pas abusé dans son amour déraisonnable pour ses filles. Et d’amour il est question : 
« Ni les hommes ni les femmes n’y sont dupes des montres pavoisées de lieux communs que chacun étale par décence sur ses affections soit disant désintéressées. »
Qui a dit que les descriptions de Balzac plombaient ses romans ? Elles permettent de  partager la vie de cette époque quitte à se crotter le bas des pantalons, alors que l’humour inattendu de l’auteur ajoute au charme de la lecture : 
« Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui retarderait trop l’intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas. »
San Antonio, que je préférais lire plutôt que la littérature que me conseillaient mes profs, était un copieur.

1 commentaire:

  1. Cela ne me surprend pas. Mon mari est en train de lire Balzac, et beaucoup de littérature française. J'apprécie un vocabulaire soigné, évocateur, qui étoffe toute la richesse de la réalité... qui devient riche par ce vocabulaire, à mon avis.
    Il y a quelques mois j'ai sorti "Madame Bovary" en me disant que j'allais enfin m'y mettre. Je sais que c'est un très grand roman. Un chef d'oeuvre. Le sujet m'intéresse beaucoup aussi.
    Mais... le roman français de cette période me fait la même impression que les beaux draps chez Linvosges (ceci n'est pas une publicité) : d'un côté on peut voir de délicates impressions florales, mais de l'autre, on voit un dessin qui est carcérale.
    Paradoxe de la littérature française : la terrible déception de ses auteurs qui ont vu LEURS émois de jeunesse... déçus imprègne cette écriture au point de m'étouffer de désespoir.
    Les auteurs français... n'aiment pas leurs personnages, et cela se sent. Et c'est pourquoi quand je prends un roman, je le pose après quelques pages. Je ne veux pas mourir de déception cynique.
    En contrepartie, et pour s'évader sans sombrer dans le cynisme désenchanté : Thomas Hardy, l'immense romancier anglais qui a si bien dépeint la disparition de l'Angleterre rurale et ses moeurs avec l'avancée rouleau compresseur de la mentalité industrielle. Ses histoires sont des tragédies, mais elles ne laissent pas ce.. mauvais goût dans ma bouche.
    Et il aime ses personnages. On sent la tendresse qu'il se permet en les faisant mouvoir dans des situations inextricables et assez universelles, tout de même.

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