samedi 25 octobre 2025

Chantecler. Edmond Rostand.

Au moment le plus chaud de l'été, j’avais envoyé dans le réseau familial la moins ronflante des strophes extraite de l’ « Hymne au soleil » du coq le plus bavard du répertoire. 
« Tu changes en émail le vernis de la cruche ;
Tu fais un étendard en séchant un torchon ;
La meule a, grâce à toi, de l’or sur sa capuche,
Et sa petite sœur la ruche
A de l’or sur son capuchon !
 »
 
Et puis après avoir ajouté un autre extrait, 
« Toi qui sèches les pleurs des moindres graminées,
Qui fais d’une fleur morte un vivant papillon,
Lorsqu’on voit, s’effeuillant comme des destinées,
Trembler au vent des Pyrénées
Les amandiers du Roussillon, »
 
je suis allé jeter un œil dans une édition de 1910 qui figurait, inexplorée, dans mon héritage et là, j’ai été saisi par la modernité de la pièce de théâtre dont même les didascalies sont poétiques. 
« Un rayon de lune traverse la toile d’araignée, qui semble tamiser de la poudre d’argent. » 
La nature, les animaux sont magnifiés, frétillants comme ceux de notre film d’animation préféré, « Madagascar », les alexandrins en moins. 
L’humour est constant avec en particulier un merle persifleur. 
« - Que dis-tu quand tu vois sur les monts l’aube luire ?  
 - Je dis que la montagne accouche d’un sourire ! » 
La poésie donne du talent aux cigales- pardon- aux « tzigales » : 
«  Ici - C’est si – Vermeil - Qu’on s’y - Roussit - Merci ! »
Le héros emplumé qui croit faire lever le jour peut se trouver en proie au doute.
Il tombe amoureux d’une poule faisane, en transition de genre, travestie dans les couleurs du mâle faisan.
A bout du quatrième acte, lorsque des humains s’annoncent, le rideau rouge retombe.
Il s’était levé avec retard, l’attente de la représentation avait duré quatre ans, le directeur du théâtre était intervenu : 
« Chut ! Avec tous les bruits d'un beau jour, la Nature
Fait une rumeur vaste et compose en rêvant
Le plus mystérieux des morceaux d'ouverture,
Orchestré par le soir, la distance et le vent ! »
 Chantecler dialogue avec le rossignol : 
« - Vais-je pouvoir chanter ? Mon chant va me paraître
Hélas ! trop rouge et trop brutal
- Le mien peut être
M’a semblé quelque fois trop facile et trop bleu. […]
- Oh être un son qui berce
- Etre un devoir qui sonne. »
Toutes sortes de coqs participent à un défilé « kaléidoscopiquement cosmopolite » dans une variation de « Kikiriki » «  Cocorico » internationaux, participant à un feu d’artifice de mots qui ajoute des couleurs à une vie d’autant plus célébrée qu’elle est éphémère.  

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