samedi 15 mai 2021

Petit pays. Gaël Faye.

«
Le jour se lève et j'ai envie de l'écrire. Je ne sais pas comment cette histoire finira. Mais je me souviens comment tout a commencé. »
 
J’avais attendu pour rencontrer cet auteur enseveli sous les compliments à propos d’un sujet horrible et plein d’ombres : la guerre civile au Rwanda, alors que la tenue, le style, l’habileté du montage passant de la paix à la guerre avec pudeur amplifient la force du témoignage.
Dans ce grand livre, le narrateur réussit pleinement le pari périlleux de prendre la voix d’un enfant et traite de la fin de l’innocence dans un récit bouleversant. 
« Mais le Rwanda du lait et du miel avait disparu. C’était désormais un charnier à ciel ouvert. » 
Je suis embarrassé d’images conventionnelles, mais ne sais résumer ces 215 pages, qu’en employant des mots trop grands: tout est traité avec délicatesse dans ce passage du Paradis à l’Enfer.
Les portraits sont parfaitement brossés : 
« Il adorait les chanteurs français romantiques qu’on entendait en boucle à la radio, ceux qui parlaient d’amour et de tristesse, et de tristesse en amour. Lorsqu’il les reprenait, ces chansons devenaient siennes. Il fermait les yeux, grimaçait, pleurait, et alors toute la famille se taisait, même la vieille Rosalie qui ne comprenait pas un mot de français. On l’écoutait sans bouger, ou alors seulement le bout des oreilles comme les hippopotames qui flottent dans les eaux du port. » 
Quelques réflexions sans affectation scintillent: 
« Je détourne le regard de ces images, elles disent le réel, pas la vérité. »
« On ne doit pas douter de la beauté des choses, même sous un ciel tortionnaire. Si tu n'es pas étonné par le chant du coq ou par la lumière au-dessus des crêtes, si tu ne crois pas en la bonté de ton âme, alors tu ne te bats plus, et c'est comme si tu étais déjà mort. »
Et dans cet univers saccagé, un épisode sur le réconfort apporté par les livres vient comme une mise en abyme, car ce panorama depuis le cœur d’un continent déroutant, fascinant, lointain, nous concerne et nous marque : 
« Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis. »

1 commentaire:

  1. Merci pour ces bribes qui font découvrir un grand auteur.

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