samedi 13 septembre 2025

Ces fleuves qui coulent en nous. Erik Orsenna.

Beau titre pour une exploration de notre corps où la poésie rend la science aimable.
L’académicien illustre parfaitement la formule de Bachelard : 
« Qui enseigne est enseigné, qui est enseigné enseigne », agréablement. 
Devant notre merveilleuse machinerie, il convient de revenir aux fondamentaux. 
« Les relations entre l’intestin et le cerveau font intervenir les mêmes acteurs que le commerce planétaire. D’abord, la mer, sur laquelle passe comme tu sais, 80% des échanges. Dans notre corps, ce liquide est le sang. Y circulent des « cargos » : le cargo du cholestérol, le cargo des glucides, le cargo plein d’hormones… Cette flotte n’arrête pas de monter du ventre vers la tête. » 
Le souvenir d’« Il était une fois la vie », série télévisée destinée aux scolaires, dans laquelle les virus étaient personnifiés, peut être convoqué tant l’habileté de l’écrivain permet de mieux appréhender la complexité et nous conduire vers des réflexions profondes.
L’évocation des légendes indiennes ou japonaises, la sagesse des chercheurs antiques, leurs erreurs, excusent nos ignorances et stimulent la curiosité. 
Hildegarde de Bingen tient une place de choix dans ce rappel de l’histoire des sciences.
La découverte des sources du Nil par Burton ne s’est pas faite en un jour : 
« Oui, vive ce fou curieux né à Torquay deux jours avant la venue du printemps 1821 ! Il prouve en était-il besoin ?, que ces fleuves qui coulent en nous ne sont pas faits que d’eau mais aussi de mots et d’émois, d’histoires grandes et petites, de vérités avérées comme autant de songes improbables, de légendes et de mélodies. » 
Plutôt que de livrer une bibliographie plantureuse, Orsenna nous promène en 200 pages dans les rues de Paris pour aller d’un infectiologue à un spécialiste de l’autisme ou une familière des moustiques, en notant au passage quelques bonnes adresses de restaurants.
Il voit Robert Hue en tant qu'ancien rocker- judoka, qui a créé une ONG pour lutter contre la drépanocytose, la plus fréquente des maladies génétiques, née de la mutation d’un gène codant l’hémoglobine (80 % en Afrique et 15 % en Inde) : 260 000 décès d’enfants en bas âge.
L’écrivain compare cette maladie à l’embâcle quand les troncs s’accumulaient dans les rivières canadiennes, et que les draveurs couraient sur les radeaux mouvants. 
« ça commence au fond du lac Brûlé, 
Alentour du huit ou dix de mai. 
La mort à longues manches,
Vêtue d'écume blanche,
Fait rouler le billot
Pour que tombe Sylvio. »
 
Félix Leclerc
En partageant son gai savoir, l’ambassadeur de l’Institut Pasteur remercie la vie.

1 commentaire:

  1. Ça a l'air sympathique... mais, mais...
    Erik Orsenna fait partie de ces personnes qui sont susceptibles de voir que dans un dictionnaire étymologique de la langue française, autour du 19ème, et les découvertes de... Pasteur, il s'opère un grand renversement (se souvenir que le mot "perversion" contient le latin "vertere", tourner, se retourner, aller sens dessus dessous, et dans "renversement" on trouve le "vertere" latin), avec le mot "germe", un mot très important, car avant le 19ème "on" tendait à y voir le principe (comme "principiat" ou "prince") de la vie, un moteur positif qui travaillait POUR la vie, et pas post-moderne, mais post Pasteur, le "germe" est devenu un ennemi qui risque de nous détruire de l'extérieur. Avec Pasteur, et son époque, nous sommes devenus des forteresses à défendre, à protéger des... "germes".
    Il y a très peu de temps maintenant, nous avons vu les conséquences de cette manière de voir le monde, et le "germe". Et bien, le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas tout bénéfice. Il y a, je suppose, des gens qui voudraient croire qu'il s'agit là de la Vérité qui continue à se révéler progressivement dans nos existences, mais... l'existence des modes, en science, en médecine, en fringues, en nutrition, en sport... cela ponctionne ma foi dans une Vérité révélée progressivement, sans retour, sans régression possible, dans nos vies.
    Mais, j'avoue que cela a l'air bien écrit, alléchant et jubilatoire avec le langage. C'est déjà beaucoup par les temps qui courent.

    RépondreSupprimer