Les Syriens savaient depuis si
longtemps ce qu’était Saidnaya, à nous d'inscrire un nom de plus dans nos mémoires encombrées. En spectateurs appliqués
nous pressentons que les Kurdes vont être plus que jamais les parias parmi d’autres
du Moyen Orient. Les Ukrainiens ont bien froid et les Palestiniens bien peur. Mais comment ne pas se sentir déplacés à sous- titrer la cruauté des hommes?
Dans mon pays si léger où un ministre a été chassé jadis pour avoir mis du homard au menu, la réussite de la reconstruction de Notre Dame n'est plus qu'un souvenir pâlichon sur les écrans, alors que la réussite des Jeux Olympiques vaut à peine une
brève. Sans relâche, au politic théâtre, le procès en illégitimité, mené depuis des années par les adeptes de la confusion, ne cesse d'être rabâché, faute d'arguments et de propositions.
Le « quoi qu’il en coûte » a chassé
le « en même temps », pour parler comme les simplistes drogués à la petite
phrase, d’autant plus en vue que les situations sont complexes.
Jadis les boute-en-train cherchaient à vendre du papier maintenant
ce sont les clics qui comptent. Les journalistes avides de réponses dans la
seconde tapinent à coup de micros crottoirs, en bout de chaîne de phénomènes
cheminant depuis longtemps.
L’épisode COVID a accéléré la perte du sens des
responsabilités, de la valeur travail, sur un fond de désinformation. Celui-ci a pris
une ampleur de dingue et pousse ses métastases jusque dans les institutions les
plus sages.
Une fois les couleurs jaunes des gilets abaissées, les
outrances oubliées, des leaders épuisés, oubliés, leur mentalité a eu le temps de
s’installer, elle n’en a rien à foutre de la démocratie représentative, ni des
usages revendicatifs.
Agriculteurs, cheminots, avec leurs syndicats en
compétition, en ont pris de la graine à coup d’intimidations, de pressions, avec
une complaisance coupable envers les plus violents.
Il fut un temps où la dégradation des biens publics n’était
pas envisageable, les abris-bus et autres vitrines s’en souviennent.
Des parlementaires, nos représentants, ont
fait du mal, au-delà des péripéties des sessions législatives, en
adoptant pour certains les façons les plus grossières des occupants des
ronds-points. Ils ont mené à terme le blocage d’institutions garantes de
l’unité de la nation dont ils devraient être les exemplaires défenseurs. Certains
extrémistes de gauche refusaient de serrer la main de l’extrême droite mais l’ont
embrassée lors de la censure.
Il n’y a pas que la tactique qui les a rapprochés, la
surenchère démagogique les tient.
Et les bonnes âmes, remontant systématiquement à Mathusalem
pour excuser tout délinquant, n’ont rien vu venir de ce populisme qui partout
mène le bal.
Cet encrassement de la vie politique alimente et se nourrit
de l’ensauvagement de la vie sociale. L’affaissement des connaissances, des
compétences à la sortie des écoles n’y est pas pour rien. Le niveau des élus,
des journalistes, baisse à la mesure d’un effritement des exigences de la part d’enseignants dont l’autorité est
sapée par le manque de respect envers leur mission d'apprentissage. L’instabilité de
leurs ministres est autant la cause que la conséquence d’indécidables réformes
tandis que l’exclusive demande de moyens figure de plus en plus comme prétexte
à ne pas bouger, à ne pas voir les maux de l’instruction publique où les mantras
protestataires entrent dans la logique de marchandisation de tout acte.
Une réflexion d’élève, devenue culte pour moi : « à quoi bon savoir,
c’est dans l’ordi » pourrait achever tout débat à propos de l’intelligence
artificielle. Celle-ci est le fruit de l’inventivité d’ingénieurs d’élite au
service de la paresse des autres qui pourront y puiser des remèdes à la baisse
du niveau de l’ensemble, comme je pêche mes citations dans l’obligeant Google.
« O misère de
nous ! Notre vie est si vaine qu'elle n'est qu'un reflet de notre
mémoire. »
Chateaubriand
La machine nourrie d’algorithmes ne contredit pas mes choix,
les flatte, prend la main, l’altérité est mal en point. L’IA génère de la
nouveauté, mais en agglomérant les opinions, les langages existants, que deviennent
la fantaisie, les surprises, la singularité. Cette originalité qui nous
distingue dans la foule, s’avère contraire à l’enfermement sur son égo, le mal
du siècle. Les mémoires colossales des machines nous fascinent et pour celui
dont les neurones fatiguent la tentation est grande de sacraliser la boite à
souvenirs surtout à l’heure où les clips et les story si brèves donnent le
tempo.
« L’ordinateur a de la mémoire mais aucun
souvenir. »
Anonyme
Très bon papier ce matin, Guy. J'apprécie beaucoup. Ça fait réfléchir, la dernière citation anonyme : "l'ordinatueur a de la mémoire, mais aucun souvenir". Oui, c'est ça.
RépondreSupprimerJ'ai eu mon premier contact à ma connaissance avec l'intelligence artificielle hier soir, et ce fut une catastrophe... de fait, je n'utiliserai plus mon compte sur le géant planétaire qui nous fait commercer partout sur la planète maintenant... Trop tôt pour savoir les effets à long terme.
Est-ce le populisme qui mène le bal, ou.. la vulgarité tout court ? On se souviendra, comme je le dis souvent, que "peuple" se dit "vulgus" en latin. C'est comme un jugement là, non ? Il me semble que oui.
La course vers le plus grand nombre ? le bas ? va à une allure effrénée maintenant. Où, quand s'arrêtera-t-elle ? Mystère. En attendant, je fais tout mon possible pour prendre mon temps, loin de la foule déchaînante...
Et j'essaie de cultiver ma patience.