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mardi 24 juin 2025

Zaï zaï zaï zaï. Fabcaro.

J’ai déjà apprécié aussi bien l’auteur de BD que le romancier,
mais n’avais pas lu les 72 pages cultes publiées en 2015 adaptées au théâtre et au cinéma.
Un recueil d’absurdités, au service d’une pertinente critique sociale dotée d’un humour toujours surprenant.
Le titre vient de la punition infligée à un auteur de bande dessinée qui n’avait pas sa carte de fidélité au moment de passer en caisse. Il s’enfuit après avoir menacé un surveillant avec un poireau.  
« Elle m'a dit d'aller siffler là-haut sur la colline
De l'attendre avec un petit bouquet d'églantines
J'ai cueilli les fleurs et j'ai sifflé tant que j'ai pu
J'ai attendu, attendu, elle n'est jamais venue»
Zaï zaï zaï zaï »
 Les chaînes d’info bavardent et font causer : 
« - En tant que voisins du fugitif, diriez-vous que c'est l'incompréhension totale ?
- Oh oui, c'est l'incompréhension totale.
- Diriez-vous qu'ici c'est la stupeur ?
- Oh oui, ici c'est la stupeur.
- Diriez-vous que vous sentez un climat d'insécurité croissant ?
- Oh oui, on sent un climat d'insécurité croissant. »
 Les politiques communiquent : 
« - Je crois que ces incidents sont clairement imputables à la politique sécuritaire par trop laxiste d'un gouvernement à la dérive... Et je joins mon pouce et mon index pour donner du poids à mon propos.
- Vous joignez peut-être votre pouce et votre index mais moi je colle tous les doigts de mes deux mains...
- Vous n'avez pas le monopole de tous les doigts des deux mains collés, hop, regardez... »
 Les auteurs de BD font rire et les journalistes aussi à moins qu’il faille en pleurer : 
« - Jean-Yves Duchaussoy vous êtes spécialiste des auteurs de BD. Concrètement, à quel type d'individu a-t-on affaire ?
- Il semblerait que nous soyons ici en présence d'un représentant de la branche dite "humour"...
- "Humour" ? C'est à dire... ? (Précisez bien pour nos téléspectateurs qui pour la plupart sont issus de couches populaires et ne comprennent pas la moitié de ce qu'on dit.) »
 Les dessins guère chatoyants offrent un recul pince-sans-rire et permettent ainsi de mieux apprécier des dialogues épatants (qui sont souvent des monologues).

mardi 17 juin 2025

Surface. Olivier Norek, Matz & Luc Brahy.

Le métier de policier est dangereux. La parisienne touchée lors d’un assaut  à Saint Denis 93 est mutée à Decazeville dans l’Aveyron et loge au bord d’un lac artificiel où un village a été englouti et donc propice à l’émergence de quelque cold case. 
« C’est pas un village. Ici, c’est un trou avec un code postal. » 
Les dessins de paysages sont plaisants, l’intrigue bien tarabiscotée comme les aiment les amateurs de polars, les personnages identifiables au premier coup d’œil comme la BD sait les mettre en place. 
« Vous savez, ici, il faut savoir rétrograder les vitesses.
C'est marrant comme les Parisiens ont du mal à ralentir. » 
Au-delà des ingrédients habituels : autopsies et cimetière, finesse de l’enquêtrice, distanciation par écran interposé lors d’entretien avec un psychologue, petite romance, faux morts et familles toxiques, quelques caractères bien stéréotypés de la «  province » mis en évidence ajoutent un mol intérêt à ces 136 pages. 

jeudi 12 juin 2025

Malaterre. Pierre Henry Gomont.

Les dessins nerveux, le récit dynamique rendent palpitant le destin d’un homme insupportable.
Des conflits familiaux destructeurs sont exportés au cœur de la forêt tropicale où les charmes de l’Afrique, la liberté adolescente née de la dérobade adulte vont construire des vies romanesques. 
« Ils avaient vécu dans la cage dorée des jeunes expatriés, 
avaient goûté le mirage d'une liberté totale. » 
L’histoire de ce père menteur, manipulateur, fumeur, buveur, coureur, irresponsable, malhonnête, égoïste, irascible … est bien plus passionnante que celle des gentils.
En 200 pages, cette bande dessinée évoque avec force des ambiances exotiques et familières, des caractères affirmés et complexes.   
« J’ai prié pour que tu dérapes, pour que tu heurtes un de tes précieux arbres, lancé à pleine vitesse et les yeux pleins d’alcool. Mais ne te trompe pas, mon petit Papa. Nous ne sommes pas soulagés. Je ne savais pas à l’époque que j’avais beau te haïr, je t’aimais quand même. »

mardi 10 juin 2025

Comédie française. Mathieu Sapin.

Le sous-titre « Voyages dans l’antichambre du Pouvoir » en couverture d’un album de 165 pages qui montre le dessinateur à la bourre perdant ses feuilles en courant vers l’avion présidentiel, laissait prévoir d’habituelles chroniques de l’ « embedded » sympathique de la République.
Les derniers jours du mandat de François Hollande, et le début de celui d’Emmanuel Macron sont traités d’une façon originale, sans mauvais esprit, sans être dupe des jeux de séduction, des stratégies de communication, rendant compte du travail des responsables, de leur énergie. 
L’actualité depuis les cortèges officiels est rarement racontée d’une façon aussi empathique, dénuée de servilité, honnête, sous des lignes claires qui n’ont jamais porté si bien leur nom.
L'insertion dans ce récit des années 2017 / 2019 de la vie de l’écrivain Jean Racine (1639-1699), pour lequel se passionne le dessinateur venu de la littérature jeunesse, ajoute une pointe d'originalité.
Il raconte par ailleurs le tournage d’un film auquel il participe en tant que scénariste-réalisateur : « Le poulain », suivez le regard… 
Le parallèle inattendu entre la position de l’auteur d’Andromaque devenu historiographe de Louis XIV et le timide auteur de BD s'avère fécond tout en restant souriant : les courtisans recevant la nouvelle de l’arrestation de Nicolas Fouquet sur leurs Smartphones est plaisant. 
Sans en faire trop avec les anachronismes, se pose la question éternelle de l’objectivité, de la sincérité, de la vérité, avec légèreté.

jeudi 5 juin 2025

Histoire de l’art en BD. Marion Augustin Bruno Heitz.

Que la BD traite de l’histoire de l’art, cela va de soi, puisque celle-ci met en images l’Histoire  tout court, avec ses bruits et sa fureur déjà illustrée avec humour par Bruno Heitz dont j’avais abondamment exploité pour mes élèves le sens de la pédagogie. 
Cette fois ce sont mes petits enfants qui me servent d’alibi pour l’achat d’un coffret de 7 albums depuis les premières traces de l’homme de 75 000 ans d’âge jusqu’au graff tout frais au coin de la rue. 
Les révisions peuvent avoir la même saveur que les découvertes qui ne manquent pas, malgré l’ampleur de l’entreprise laissant de la place à de pittoresques anecdotes.  
Trois livrets consacrés à Léonard de Vinci, à Van Gogh et l’autre à Monet précisent par ces biographies les étapes majeures de l’évolution de la représentation du monde par les peintres, sculpteurs, architectes qui exprimaient leur temps, le précédaient.
C’est un grand père qui conduit ses héritiers de Venise au Louvre à Orsay, Beaubourg, comme celui de Mona dans un ouvrage plus exhaustif : 
Botticelli, Bruegel, Dali, le cheval de Lascaux se reconnaissent sur les couvertures de chaque volume d’une soixantaine de pages comprenant quelques reproductions pour compléter ce voyage agréable dans le temps. 
Il est plaisant de voir évoquer la période impressionniste par un adepte de la ligne claire, ou la période baroque avec des personnages dont un point suffit à figurer les yeux. Le regard de Picasso, lui, est différent.

samedi 31 mai 2025

La jeune fille et la mer. Catherine Meurisse.

Cette fois une des dessinatrices rescapées de l’attentat contre Charlie nous emmène au Japon. 
Elle se représente  caricaturalement maigrotte dans des paysages qu’elle peint avec délicatesse. Cette façon contrastée convient à des touches d’humour quand elle se trempe dans un bain très chaud et à la poésie quand elle ouvre son carnet où elle a mis quelques fleurs.
Cela permet aussi d’aborder le surnaturel avec la présence d’un tanuki, mythique raton laveur fantaisiste tel un guide vers la culture nippone.
Un auteur de haïku parfois revêche en résidence d’artistes avec la française s’avère être un bon passeur. 
« La poésie à laquelle j'aspire n'est pas celle qui exhorte les passions terrestres. Plutôt celle qui m'affranchit des préoccupations triviales et me donne l'illusion de quitter, ne serait-ce qu'un instant, ce monde de poussière. » 
Les caractéristiques japonaises sont évoquées sans nous ensevelir sous l’exotisme
« Natsukashii", nostalgie en japonais, désigne les beaux souvenirs qu'il fait bon évoquer. C'est un sentiment heureux. »« Chez nous, on préfère le bois au ciment. On préfère le temporaire qui, en se renouvelant, tend vers l’éternel. » 
Les enjeux liés à la place de l’homme dans la nature sont universels.
Cette centaine de pages m’a rappelé un livre tout aussi délicat.

mardi 27 mai 2025

Un bruit étrange et beau. Zep.

Un livre simple et lumineux.
Il y a le Zep dessinateur à succès de Titeuf, l’amical compagnon des cours de récréation 
d’il y a quelques années, aux couleurs cernées d’une ligne claire, 
et l’auteur atténuant ses traits réalistes sous des couleurs tendres pour des récits plus graves.
Celui là mène d’un couvent de Chartreux à la ville, qu’un moine doit rejoindre pour cause de succession notariale : du silence à la frénésie de Paris à la recherche d’un sens à la vie.
« Pas besoin de dire :
 "Là ! Il y a un bouquetin !". 
Pas besoin de dire qu'il est magnifique... 
Vivre dans le silence nous réduit à l'essentiel. Je suis chartreux. 
Cloîtré depuis vingt-cinq ans et sept mois. 
Aujourd'hui, c'est le temps de la récréation : la promenade hebdomadaire. 
Trois ou quatre heures pendant lesquelles on peut parler. Mais on perd l'habitude. 
Le bruit des mots qui résonnent dans ma bouche me paraît étrange... inutile. » 
Il ne s’agit pas d’un traité philosophique mais d’une occasion plaisante de réfléchir : 
« Si je ne doutais pas, je n'aurais pas besoin de croire.
Je ne serais pas un croyant... mais plutôt un "assuré". » 
Une rencontre exceptionnelle va-t-elle bousculer le choix radical de la solitude ?
Ces 84 pages paisibles où les questions fondamentales ne se cachent pas dans une complexité distrayante, sont bienvenues dans ce monde chamboulé.

samedi 24 mai 2025

La falaise. Manon Debaye.

Les crayons de couleur utilisés dans cette BD permettent d’atténuer la violence des mots et des situations à l’âge du collège.
Les tonalités douces de l’enfance contrastent avec des relations en milieu sauvage où les serments entaillent les peaux où l’écriture ne peut rien contre le harcèlement, la bêtise des groupes.
Un des garçons qui tracassent les filles, lit aux autres les écrits intimes de l’une d’elles : 
« Charlie était de plus en plus déterminée depuis que son père, l’horrible Morgath l’avait abandonnée. 
Astrid ne savait plus si Charlie voulait le retrouver pour le tuer ou bien le revoir une dernière fois. » 
L'auteur met en images un récit âpre autour des crises adolescentes à haute intensité pour deux jeunes filles de familles très différentes, aux caractères singuliers, Astrid et Charlie, une brune et l’autre blonde, réunies par une fascination pour le vide s’ouvrant au bord d’une falaise, symbole aussi de la profondeur vertigineuse des incompréhensions adultes.
Version océane de la série culte « Adolescence » : 

mardi 20 mai 2025

Deux filles nues. Luz.

De la belle ouvrage ! L’ancien dessinateur de Charlie est à la hauteur voire au delà de ses  productions précédentes. 
Le beau livre aéré nous offre un point de vue original et fécond : nous suivons la vie d’un tableau d’Otto Mueller par… le tableau lui-même depuis le premier coup de pinceau en 1919 jusqu’à son accrochage en 2000 au musée Ludwig de Cologne.
Peu après avoir produit cette œuvre révélée seulement à la fin d’un récit mouvementé,l’artiste quitte Berlin sans Maschka, sa femme avec laquelle il reste cependant en contact :  
« Les Muses, on les invoque, on ne les convoque pas. » 
Au-delà des premiers plans qui voient se succéder divers acheteurs, on peut repérer par les fenêtres, les signes de la montée du nazisme, jusqu’à la confiscation de la toile présentée à l’exposition de « l’art dégénéré » organisée par les nazis sous les intitulés :
« Gaspillage des deniers allemands, 
Manifestation de l’âme juive, 
La folie comme méthode, 
Comment les esprits dérangés voient la nature, 
Insultes à la féminité allemande, 
Leur idéal : crétins et prostituées, 
L’insulte aux héros allemands de la grande guerre »
 en compagnie de Picasso, Kandinsky, Dix, Grosz, Chagall, Kirchner… 
« Qui l’aurait cru, Alice… 
Les nazis ont organisé la plus extraordinaire exposition d’art moderne de l’Histoire. » 
Quand on sait l’histoire du dessinateur, la réflexion sur la liberté d’expression acquiert encore  plus de force, alors que sous nos Windows crient à la liberté ceux qui la bafouent le plus grossièrement. L’art n’est pas anodin quand on voit l’acharnement des nazis à spolier les collectionneurs souvent juifs et les artistes. Cette approche sensible, parfaitement agencée et documentée donne matière à réflexion : bien sûr, avec nos yeux du XXI°, ces œuvres « dégénérées » ont acquis de la noblesse, mais si l’on évite d’employer des termes aussi lourds, est ce que tout tas de vêtement, charbon ou de fils de fer, à condition d’être entreposé dans un centre d’art contemporain peut se proclamer œuvre d’art ?

mardi 13 mai 2025

Sybilline. Sixtine Dano.

Chroniques d’une escort girl : les dessins à l’encre et au fusain apportent une douceur qui amène au-delà de la description d’un phénomène de société.
La prostitution concerne 20 000 mineurs en France.
Raphaëlle est toute heureuse d’entamer des études d’architecture à Paris.
Mais la vie est chère et le travail dans un bar peu rémunérateur.
« - L’autre jour je suis tombée sur un site... Tu te fais un profil, tu dis que tu es une petite étudiante qui galère et plein d’hommes sont prêts à te payer pour que tu passes du temps avec eux.
-Tu serais capable de faire ça toi ?
- Bizarrement je crois que oui. » 
Les souvenirs d’une enfance en train de s’éloigner, inscrivent les expériences rémunérées dans un récit où la recherche de l’amour, de la liberté, ne débouchent pas forcément sur des situations glauques. 
« Il ne me plaisait pas du tout, mais c’est allé assez vite et il m’a bien payée.
Au final, j’ai pas trouvé ça pire que de coucher avec un mec bourré rencontré dans un bar et qui te rappelle jamais après. » 
Les témoignages recueillis pour bâtir ce premier album n’amènent pas à une juxtaposition journalistique, ils donnent de l’épaisseur aux contradictions de Sybilline/ Raphaëlle jeune femme fragile et déterminée en recherche d’émancipation. 250 pages décapantes, originales, poétiques, sans concession.
 A un client : 
« - J’y arriverai pas je crois, le stress du travail, sûrement…
- Ah oui ? Pas plutôt la vision de ta femme à la maison, attablée devant un service vide
ou encore l’image de ta fille en petit chien sur le lit d’hôtel qui te fais reconsidérer l’idée de payer pour de la chair qui grandit encore 
ou peut être le fait de savoir que désormais, chez toi,seul ton porte-monnaie fait encore miauler les chattes ? »

mardi 6 mai 2025

Le guide mondial des records. Benaquista-Barral.

Paul baron est chargé d’homologuer les performances ordinaires comme le plus gros des choux ou des plus honorables comme un record de natation d’une centenaire, et tant d’autres farfelues.  
La vie du jeune homme tout ce qu’il y a de normal peut être bousculée avec quelques ingrédients ordinaires : amour et intrigue policière agrémentent un quotidien routinier, offrant l'occasion de poser quelques questions.
« Est-ce si indigne de ne s'illustrer en rien ? 
De ne pas laisser son nom dans les livres ? 
Aujourd'hui le goût de la performance a été remplacé par l'exploit débile. 
À quoi bon s'emmerder à grimper l'Everest quand on peut avaler trois hot-dogs en trente secondes ? » 
Toujours habile le scénariste croisé ailleurs
est bien illustré par le sage Barral. 
 « Il faudrait créer un guide mondial de l'échec.
Un grand livre où tout le monde se reconnaîtrait.
l'homme qui a raté le plus d'examens, 
l'homme dont aucun rêve n'a abouti,
la femme qui a raté le plus de régimes,
la femme qui est devenue ce qu'elle redoutait. »

mardi 29 avril 2025

Le gigot du dimanche. Pelaez-Espé.

La nostalgie ajoute de la saveur au plat traditionnel généreusement aillé.
L’avidité surjouée de la famille visant les Louis d’or de la vieille qui reçoit chez elle toutes les générations fait partie du plaisir d’une lecture facile aux personnages caricaturaux où ne manque ni la malice, ni la tendresse. Une comédie.
Ah la politique après l’élection de Mitterrand, les préjugés de l’époque qu’on regarde de haut cinquante ans plus tard, le rugby le dimanche à Gaillac, les tromperies et les réconciliations, des surprises, les blessures et la vie qui va … Macarel !  
« Ça doit être ça, la vieillesse... 
Un vieux piano qui se désaccorde lentement, 
mais dont personne ne remarque les fausses notes... »

mardi 22 avril 2025

A propos de « Charlie ».

Tenir la ligne : 40 dessins. 
J’ai acheté ce « tract Gallimard » pour marquer mon soutien à « Charlie » et à l’association« Dessins pour la paix » bien que la répétition de la thématique du crayon plus fort que les kalachnikovs souligne nos impuissances.
Jean-Noël Jeanneney en rappelant dans une préface l’inscription dans la loi de la liberté d’expression et du droit au blasphème au XIX° siècle célèbre les progrès du passé, alors que présentement, les lumières s’éteignent.
                                                  Charlie quand ça leur chante. Aurel.
 L’illustrateur d’articles du « Monde » que j’ai connu plus original et plus juste,  
rappelle qu’il s’est affiché avec le badge «  Je suis Charlie » pour mieux faire valoir sa diatribe contre certains défenseurs de la liberté d’expression. La corporation des dessinateurs lui parait seule habilitée à défendre le dessin de presse. 
En 30 pages filandreuses, répétitives, sans la moindre trace d’un humour dont il parle sans l’exercer, avec une mièvrerie qu’il dénonce, il met du sel sur les plaies d’une gauche souffreteuse. 
Ses attaques mesquines contre Malka, Val ou Enthovein n’enrichissent pas son pauvre prêche, me confortant dans des choix contraires. Nous ne sommes pas prêts à nous réconcilier quand la laïcité passée par-dessus bord peut être récupérée par d’autres. 
Les arrangements avec la violence, la démagogie à l’égard des communautarismes nourrissent l’extrême droite. 
Donneur de leçons avec « ses ami.e.s woke », il n’apprend pas beaucoup de toutes les défaites qui se multiplient pourtant.  

mardi 15 avril 2025

Toutes les princesses meurent après minuit. Quentin Zuittion.

Le 31 août 1997, au bord de la piscine, 
un jeune garçon joue à la poupée, 
sa maman apprend à la radio la mort de Lady Dy, 
son papa n’est pas rentré de la nuit, 
sa grande sœur a reçu en cachette un garçon dans sa chambre.
Les couleurs pastel revêtent de douceur la vie d’une famille où des relations se font et se défont sur fond de chansons de Lara Fabian :
« Je t'aime, je t'aime
Comme un loup, comme un roi »
 Et de Françoise Hardy : 
« Oui, j'étais la plus belle
Des fleurs de ton jardin »
 La mythique « Princesse des cœurs », passée au stade de métaphore, vient de disparaître, comme l’innocence des jeux de l’enfance, les illusions romantiques de l’adolescence et que sont usées les relations entre les parents. 
Dans ce récit tout simple et gentil, le soleil brûle les peaux tendres, 
mais les rêves résistent à l’ennui et à la routine. 
« Maintenant, il va y avoir des jours un peu plus compliqués. 
 Mais je te promets qu'on sera ensemble... Toujours. »

mardi 8 avril 2025

Bonne journée. Olivier Tallec.

 « Oui, très brun, hyper viril, un peu genre Marlon Brando, mais en mieux.
Je te laisse, il m’attend. »
Mon enthousiasme ne s’est pas émoussé, voire il s’est renforcé avec cette trop brève livraison https://blog-de-guy.blogspot.com/2023/06/je-reviens-vers-vous-olivier-tallec.html 
L’auteur joue de l’absurde dans une époque déraisonnable dont il nous console par un humour original tendrement percutant.
Une coiffeuse à sa cliente : 
« C'est vrai que cette crise économique est terrible ma chérie,  
mais réglons les problèmes un par un, et commençons par tes cheveux. »
Nous en sommes tous là.
Les personnages, qu’ils soient super- héros conduisant fiston à l’école, tout petits dans la jungle ou au bord d’une piscine, riches préhistoriques ou contemporains, petits ou grands, poulets ou carottes, appellent un éclat de rire à chaque page.
La brebis au milieu d’une prairie immense demande à son agneau :
« Tu finis ton assiette ! » 
Noé, n’accepte pas que trois kangourous montent ensemble dans l'arche :
« Je me fiche de savoir que vous expérimentez une nouvelle sexualité :
on a dit un couple par espèce. » 
J’aurais plaisir à faire défiler d’autres situations mais compromettrait  le plaisir de la découverte… ou alors juste une petite dernière :
sur un radeau, un naufragé conseille à ses compagnons d’infortune : 
«  Je ne vais pas le répéter mille fois : 
les déchets organiques dans le bac vert, 
le petit électroménager dans le bac jaune, 
le verre dans le bac blanc. »

mardi 1 avril 2025

La 3°kamera. Cedric Apikian Denis Rodier.

Point de vue original en dessins d’un photographe ayant suivi Hitler jusque dans sa chute à Berlin en 1945. Ses images d’une troisième caméra on pu documenter le procès de Nuremberg.   
« Tous les reporters militaires de la propaganda kompanien étaient munis de deux appareils de service. Mais ils ont pris pour habitude de s’adjoindre un 3ème appareil… La « 3e kamera » clandestine était, elle, hors de contrôle… Aussi, elle peut contenir des choses plus personnelles, parfois délicates pour les maîtres de la propagande… »
L’atmosphère d’une guerre interminable est parfaitement rendue. La folie habite les ruines,
la misère suscite les chantages.
Si cette histoire se finit à Montevideo, la violence a rattrapé les désinvoltes, cigare au bec, plaisantant pour ne pas s’écrouler après avoir vu de leurs yeux l’horreur de ces temps là.
152 pages intéressantes.

mardi 25 mars 2025

Que faire des juifs ? Joann Sfar.

 «Vouloir la paix, c’est accepter de causer avec quelqu’un qui ne pense pas comme vous ! Sinon ça s’appelle déjeuner avec un pote. »  
J’étais soulagé quand je suis arrivé au bout des 570 pages de ce pavé de papier vibrantes de dessins et de mots à la main saturant les planches. Le poids de la dernière production du prolifique dessinateur atteste de sa sincérité, de sa fiévreuse envie de convaincre et de vaincre son pessimisme. 
 Dans ce récit historique, travail de mémoire familial, il rencontre des amis, de belles amies, à Paris et à Tel-Aviv, un combattant de Tsahal et des journalistes d’Haaretz( « Le pays »), Flavius Joseph, Le roi David,  Georges Moustaki, Yasser Arafat, Romain Gary, Joseph Kessel,  Franz Kafka, sa grand- mère , son chat, Menahem Begin, Jacques Vergès … 
« Israël : 7, 2 millions de juifs sur une surface de 22 000 km2 
au milieu de la ligue arabe : 22 pays, 481 millions d’habitants. » 
Cette somme de renseignements parfois pour initiés, éclaire les ignorants comme moi. 
« Des juifs qui habitaient loin de la Palestine ont acheté à des arabes qui habitaient loin de la Palestine des terres pour que les juifs de Palestine aient le droit d’y vivre. »
L’anti sémitisme documenté abondamment est une face de la noirceur de l’âme humaine, de ses pulsions collectives qui ont perpétré des pogroms d’une violence aggravée par des procédés ignobles, innommables. 
« Cinq cent mille morts en Syrie, dont beaucoup de Palestiniens. 
As-tu entendu une plainte à ce sujet ? 
Quatre cent mille morts au Yémen, trois cent mille au Soudan, 
un million de morts en Afghanistan, 
quatre fois plus au Congo…
Et deux millions de Ouigours martyrisés ! 
La plupart de ces victimes sont musulmanes. Personne n’en parle.  
Parce que ça ne procure pas la même joie que de parler des juifs…
Et Netanyahou n’aurait pas tué trente mille Palestiniens,
la haine ne serait pas moins grande. » 
Dans cette somme tragique, désespérante, les décors, les visages, permettent d’aller jusqu’au au bout. 
« Vous le faites exprès, je vous demande d’arrêter d’être désolé. 
Se prendre un mur, on n’y peut rien. Mais évitons les lamentations ».

mardi 18 mars 2025

Moi, Fadi le frère volé. Riad Sattouf.

Moins léger et drôle que les récits de la vie de la jeune parisienne Esther en ses cahiers, 
Riad Sattouf excelle encore une fois dans le recueil de témoignages qui le touchent de près.
Le petit frère Fadi, donne son point de vue depuis ses souvenirs de prime enfance.
Riad, le grand frère qu’il admire, joue un rôle secondaire dans ces 136 pages, pas forcément à son avantage.
Mais la tragédie est ailleurs : le père réapparu en Bretagne, où la mère élève ses trois garçons, va enlever le plus jeune pour l’emmener en Syrie.
« Je vais pas t'acheter un cadeau à chaque fois ! Arrête d'avoir des bonnes notes ! »
Heureusement que des traits d’humour viennent atténuer le côté dramatique de cette histoire d'incompétence et de démagogie paternelle, vue à travers les yeux d’un enfant.
En quatrième de couverture cette seule phrase: 
« Ah, c'est ainsi ? Et bien, je pars vivre en Syrie, avec mon papa.
Car c'est ce que font les fils, ils suivent leur père »
.
Sauf que ces mots n’ont pas été prononcés par l’enfant mais ce sont ceux du père manipulateur qui fait croire que sa mère l’a abandonné. 
«  Regarde ce bel homme fier! C'y le Syrien li plis intelligent di monde ! Hafez Al-Assad ! Li prisident ! Ti crois qu'il pleurniche pour sa maman lui ? C'y un homme il pleure pas ! » 
Passionnant, émouvant, cet auteur léger et profond mérite son succès.

mardi 11 mars 2025

Une histoire populaire du football. Deveney. Correia. Bonaccorso.

Salaires indécents, médiatisation exagérée contribuent à accentuer l’aversion de beaucoup envers ce sport universel, amplificateur des enjeux économiques et politiques du monde.
Mais des récits d’émancipation, de joie collective peuvent également être contés pour suivre le ballon rond à la trajectoire capricieuse.
A la lecture de cet album de 140 pages vulgarisant un ouvrage d’un journaliste de Médiapart, des souvenirs reviennent pour le lecteur de « Miroir du football » pour lequel la défense en ligne était de gauche alors que la présence d’un "libéro" trahissait la généreuse classe ouvrière.
Après une introduction qui évoque quelques contradictions de ce sport, les caractéristiques des origines se retrouvent dans bien des aspects contemporains lorsqu’il est question d’ordre public.
A XIV ° siècle en Angleterre, les hommes de paroisses voisines s’affrontent en communautés aux effectifs indéterminés pendant quelques heures ou quelques jours, mais la mise en clôture restreint les aires de jeux et le nombre de joueurs. 
Les écoles britanniques réservées aux aristocrates après avoir interdit ces jeux qui dégénéraient en bagarres, vont les intégrer dans leur enseignement et fixer des règles communes en 1863. La fédération anglaise prône dès le début le fair-play dans un jeu qui reste rude à 11 contre 11 pendant 90 minutes. 
Les ouvriers représentant 70% de la population au milieu du XIX° siècle ont obtenu une réduction du temps de travail, « la semaine anglaise », dont le patronat et les églises finissent par mesurer l’intérêt puisque les travailleurs occupant le temps libéré au football améliorent leur condition physique, en s’éloignant des cabarets, qui seront pourtant le creuset de nombreuses équipes. 
«…  alors que les communautés paysannes ont été dépossédées de leur folk football par la bourgeoisie agraire, la classe ouvrière s’entiche du ballon rond initialement réservé à l’élite industrielle ».
Les anglais au delà de leur empire créent des équipes à Sao Paulo, à Montevideo, en  Afrique du Sud, en Russie, en Turquie, à Copenhague, Hambourg, Prague, Turin, Milan, Bilbao, à Barcelone un Suisse réunit les expatriés anglais alors que la jeunesse dorée de Lisbonne joue sur la plage, le club du HAC (Le Havre) est fondé en 1872. 
Pour la coupe du monde de 1966, il n’y avait qu’une place pour l’Afrique, l’Asie, l’Océanie. En 1974 les Léopards zaïrois deviennent la première équipe sub-saharienne à être qualifiée.
Pendant la guerre de 1914, toujours en Angleterre, des femmes suppléant les hommes partis au front, surnommées «  les munitionnettes » jouent dans des matchs caritatifs, mais il faut attendre les années 60 en France du côté de Reims pour que soit crée la première équipe féminine avant la reconnaissance du foot féminin par la FFF en 70.
Le dribble est inventé au Brésil quand le fils virtuose d’un homme d’affaire allemand et d’une lavandière noire évitait les agressions jamais sanctionnées par les arbitres. 
«  Le joueur noir qui ondule et chaloupe ne sera pas rossé, ni sur le terrain ni par les spectateurs à la fin de la partie ; personne l’attrapera ; il drible pour sauver sa peau ».
Quelques pages aux dessins dynamiques sont consacrées à Pelé et Garrincha sous le titre  «  dribbleurs social club » alors que « Diégo, Dieu et le Diable » revient à Maradona.  
D’autres chapitres rappellent le courage exemplaire de Sindelar prodige autrichien qui refusa de jouer pour l’Allemagne nazie ou les dirigeants du Spartak ( comme Spartacus) de Moscou finissant au goulag pour avoir contrarié le Dynamo qui appartenait à la police secrète et le CSK à l’armée.
L’histoire des supporters en Egypte et le rôle qu’ils ont joué lors du printemps arabe de 2011 comme ceux des clubs rivaux d’Alger les premiers à pousser Bouteflika dehors en 2019, confirme l’idée que les groupes de supporters ne sont pas que des abrutis. 

mardi 4 mars 2025

Le petit Narvalo. jipag & memesgrenoblois.

Le passage des écrans à la version papier au format sympathique n’ajoute pas grand-chose, à un humour de niche ou plutôt de « cuvette » puisque ce petit album de 122 pages s’adresse aux grenoblois. 
A mon goût, les jolis dessins aux traits pâlichons manquent de punch.
Les  « Brûleurs de loup » de jadis qui désignent l’équipe de Hockey sur glace de l’auto proclamée « capitale des Alpes » se sont approprié le terme « narvalo » venant de l’argot rom.
Dans une ville où les expatriés sont majoritaires, il n’est pas étonnant que le vocabulaire d’une minorité aux traditions fortes imprègne les conversations étudiantes.
Sous des températures changeantes, le Grelou s’habille chez Décathlon, se moque des lyonnais, roule en vélo, se nourrit de tacos avant de trinquer à la Chartreuse verte...  
L’humour potache à base de références générationnelles : « Mission Cléopâtre », « OSS 117 », « Le seigneur des anneaux »… joue aussi des connivences artistiques avec Rodin et Michel Ange, Delacroix. 
Mais pour une excellente «  Jeune fille à la perle » au bronzage révélant ses lunettes à son retour de l’Alpe d’Huez, la silhouette de la tour Perret dans «  Le déjeuner sur l’herbe ou « La nuit étoilée » peut paraitre quelque peu répétitive.
Le lexique des expressions locales a conservé l’emblématique « c’est à  chaille » ou «  chouraver » voire l’exclamatif  « maramé ! », il s’enrichit, pour ce qui concerne le natif des terres froides, avec « chaler »(transporter quelqu'un sur le porte-bagages d'un vélo) ou le sigle PPM : Parc Paul Mistral.