Affichage des articles dont le libellé est bandes dessinées. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est bandes dessinées. Afficher tous les articles

mardi 1 avril 2025

La 3°kamera. Cedric Apikian Denis Rodier.

Point de vue original en dessins d’un photographe ayant suivi Hitler jusque dans sa chute à Berlin en 1945. Ses images d’une troisième caméra on pu documenter le procès de Nuremberg.   
« Tous les reporters militaires de la propaganda kompanien étaient munis de deux appareils de service. Mais ils ont pris pour habitude de s’adjoindre un 3ème appareil… La « 3e kamera » clandestine était, elle, hors de contrôle… Aussi, elle peut contenir des choses plus personnelles, parfois délicates pour les maîtres de la propagande… »
L’atmosphère d’une guerre interminable est parfaitement rendue. La folie habite les ruines,
la misère suscite les chantages.
Si cette histoire se finit à Montevideo, la violence a rattrapé les désinvoltes, cigare au bec, plaisantant pour ne pas s’écrouler après avoir vu de leurs yeux l’horreur de ces temps là.
152 pages intéressantes.

mardi 25 mars 2025

Que faire des juifs ? Joann Sfar.

 «Vouloir la paix, c’est accepter de causer avec quelqu’un qui ne pense pas comme vous ! Sinon ça s’appelle déjeuner avec un pote. »  
J’étais soulagé quand je suis arrivé au bout des 570 pages de ce pavé de papier vibrantes de dessins et de mots à la main saturant les planches. Le poids de la dernière production du prolifique dessinateur atteste de sa sincérité, de sa fiévreuse envie de convaincre et de vaincre son pessimisme. 
 Dans ce récit historique, travail de mémoire familial, il rencontre des amis, de belles amies, à Paris et à Tel-Aviv, un combattant de Tsahal et des journalistes d’Haaretz( « Le pays »), Flavius Joseph, Le roi David,  Georges Moustaki, Yasser Arafat, Romain Gary, Joseph Kessel,  Franz Kafka, sa grand- mère , son chat, Menahem Begin, Jacques Vergès … 
« Israël : 7, 2 millions de juifs sur une surface de 22 000 km2 
au milieu de la ligue arabe : 22 pays, 481 millions d’habitants. » 
Cette somme de renseignements parfois pour initiés, éclaire les ignorants comme moi. 
« Des juifs qui habitaient loin de la Palestine ont acheté à des arabes qui habitaient loin de la Palestine des terres pour que les juifs de Palestine aient le droit d’y vivre. »
L’anti sémitisme documenté abondamment est une face de la noirceur de l’âme humaine, de ses pulsions collectives qui ont perpétré des pogroms d’une violence aggravée par des procédés ignobles, innommables. 
« Cinq cent mille morts en Syrie, dont beaucoup de Palestiniens. 
As-tu entendu une plainte à ce sujet ? 
Quatre cent mille morts au Yémen, trois cent mille au Soudan, 
un million de morts en Afghanistan, 
quatre fois plus au Congo…
Et deux millions de Ouigours martyrisés ! 
La plupart de ces victimes sont musulmanes. Personne n’en parle.  
Parce que ça ne procure pas la même joie que de parler des juifs…
Et Netanyahou n’aurait pas tué trente mille Palestiniens,
la haine ne serait pas moins grande. » 
Dans cette somme tragique, désespérante, les décors, les visages, permettent d’aller jusqu’au au bout. 
« Vous le faites exprès, je vous demande d’arrêter d’être désolé. 
Se prendre un mur, on n’y peut rien. Mais évitons les lamentations ».

mardi 18 mars 2025

Moi, Fadi le frère volé. Riad Sattouf.

Moins léger et drôle que les récits de la vie de la jeune parisienne Esther en ses cahiers, 
Riad Sattouf excelle encore une fois dans le recueil de témoignages qui le touchent de près.
Le petit frère Fadi, donne son point de vue depuis ses souvenirs de prime enfance.
Riad, le grand frère qu’il admire, joue un rôle secondaire dans ces 136 pages, pas forcément à son avantage.
Mais la tragédie est ailleurs : le père réapparu en Bretagne, où la mère élève ses trois garçons, va enlever le plus jeune pour l’emmener en Syrie.
« Je vais pas t'acheter un cadeau à chaque fois ! Arrête d'avoir des bonnes notes ! »
Heureusement que des traits d’humour viennent atténuer le côté dramatique de cette histoire d'incompétence et de démagogie paternelle, vue à travers les yeux d’un enfant.
En quatrième de couverture cette seule phrase: 
« Ah, c'est ainsi ? Et bien, je pars vivre en Syrie, avec mon papa.
Car c'est ce que font les fils, ils suivent leur père »
.
Sauf que ces mots n’ont pas été prononcés par l’enfant mais ce sont ceux du père manipulateur qui fait croire que sa mère l’a abandonné. 
«  Regarde ce bel homme fier! C'y le Syrien li plis intelligent di monde ! Hafez Al-Assad ! Li prisident ! Ti crois qu'il pleurniche pour sa maman lui ? C'y un homme il pleure pas ! » 
Passionnant, émouvant, cet auteur léger et profond mérite son succès.

mardi 11 mars 2025

Une histoire populaire du football. Deveney. Correia. Bonaccorso.

Salaires indécents, médiatisation exagérée contribuent à accentuer l’aversion de beaucoup envers ce sport universel, amplificateur des enjeux économiques et politiques du monde.
Mais des récits d’émancipation, de joie collective peuvent également être contés pour suivre le ballon rond à la trajectoire capricieuse.
A la lecture de cet album de 140 pages vulgarisant un ouvrage d’un journaliste de Médiapart, des souvenirs reviennent pour le lecteur de « Miroir du football » pour lequel la défense en ligne était de gauche alors que la présence d’un "libéro" trahissait la généreuse classe ouvrière.
Après une introduction qui évoque quelques contradictions de ce sport, les caractéristiques des origines se retrouvent dans bien des aspects contemporains lorsqu’il est question d’ordre public.
A XIV ° siècle en Angleterre, les hommes de paroisses voisines s’affrontent en communautés aux effectifs indéterminés pendant quelques heures ou quelques jours, mais la mise en clôture restreint les aires de jeux et le nombre de joueurs. 
Les écoles britanniques réservées aux aristocrates après avoir interdit ces jeux qui dégénéraient en bagarres, vont les intégrer dans leur enseignement et fixer des règles communes en 1863. La fédération anglaise prône dès le début le fair-play dans un jeu qui reste rude à 11 contre 11 pendant 90 minutes. 
Les ouvriers représentant 70% de la population au milieu du XIX° siècle ont obtenu une réduction du temps de travail, « la semaine anglaise », dont le patronat et les églises finissent par mesurer l’intérêt puisque les travailleurs occupant le temps libéré au football améliorent leur condition physique, en s’éloignant des cabarets, qui seront pourtant le creuset de nombreuses équipes. 
«…  alors que les communautés paysannes ont été dépossédées de leur folk football par la bourgeoisie agraire, la classe ouvrière s’entiche du ballon rond initialement réservé à l’élite industrielle ».
Les anglais au delà de leur empire créent des équipes à Sao Paulo, à Montevideo, en  Afrique du Sud, en Russie, en Turquie, à Copenhague, Hambourg, Prague, Turin, Milan, Bilbao, à Barcelone un Suisse réunit les expatriés anglais alors que la jeunesse dorée de Lisbonne joue sur la plage, le club du HAC (Le Havre) est fondé en 1872. 
Pour la coupe du monde de 1966, il n’y avait qu’une place pour l’Afrique, l’Asie, l’Océanie. En 1974 les Léopards zaïrois deviennent la première équipe sub-saharienne à être qualifiée.
Pendant la guerre de 1914, toujours en Angleterre, des femmes suppléant les hommes partis au front, surnommées «  les munitionnettes » jouent dans des matchs caritatifs, mais il faut attendre les années 60 en France du côté de Reims pour que soit crée la première équipe féminine avant la reconnaissance du foot féminin par la FFF en 70.
Le dribble est inventé au Brésil quand le fils virtuose d’un homme d’affaire allemand et d’une lavandière noire évitait les agressions jamais sanctionnées par les arbitres. 
«  Le joueur noir qui ondule et chaloupe ne sera pas rossé, ni sur le terrain ni par les spectateurs à la fin de la partie ; personne l’attrapera ; il drible pour sauver sa peau ».
Quelques pages aux dessins dynamiques sont consacrées à Pelé et Garrincha sous le titre  «  dribbleurs social club » alors que « Diégo, Dieu et le Diable » revient à Maradona.  
D’autres chapitres rappellent le courage exemplaire de Sindelar prodige autrichien qui refusa de jouer pour l’Allemagne nazie ou les dirigeants du Spartak ( comme Spartacus) de Moscou finissant au goulag pour avoir contrarié le Dynamo qui appartenait à la police secrète et le CSK à l’armée.
L’histoire des supporters en Egypte et le rôle qu’ils ont joué lors du printemps arabe de 2011 comme ceux des clubs rivaux d’Alger les premiers à pousser Bouteflika dehors en 2019, confirme l’idée que les groupes de supporters ne sont pas que des abrutis. 

mardi 4 mars 2025

Le petit Narvalo. jipag & memesgrenoblois.

Le passage des écrans à la version papier au format sympathique n’ajoute pas grand-chose, à un humour de niche ou plutôt de « cuvette » puisque ce petit album de 122 pages s’adresse aux grenoblois. 
A mon goût, les jolis dessins aux traits pâlichons manquent de punch.
Les  « Brûleurs de loup » de jadis qui désignent l’équipe de Hockey sur glace de l’auto proclamée « capitale des Alpes » se sont approprié le terme « narvalo » venant de l’argot rom.
Dans une ville où les expatriés sont majoritaires, il n’est pas étonnant que le vocabulaire d’une minorité aux traditions fortes imprègne les conversations étudiantes.
Sous des températures changeantes, le Grelou s’habille chez Décathlon, se moque des lyonnais, roule en vélo, se nourrit de tacos avant de trinquer à la Chartreuse verte...  
L’humour potache à base de références générationnelles : « Mission Cléopâtre », « OSS 117 », « Le seigneur des anneaux »… joue aussi des connivences artistiques avec Rodin et Michel Ange, Delacroix. 
Mais pour une excellente «  Jeune fille à la perle » au bronzage révélant ses lunettes à son retour de l’Alpe d’Huez, la silhouette de la tour Perret dans «  Le déjeuner sur l’herbe ou « La nuit étoilée » peut paraitre quelque peu répétitive.
Le lexique des expressions locales a conservé l’emblématique « c’est à  chaille » ou «  chouraver » voire l’exclamatif  « maramé ! », il s’enrichit, pour ce qui concerne le natif des terres froides, avec « chaler »(transporter quelqu'un sur le porte-bagages d'un vélo) ou le sigle PPM : Parc Paul Mistral. 

mardi 25 février 2025

Les évasions perdues. Thomas Legrand François Warzala.

Le titre excellent, faisant allusion aux « Illusions perdues », résume l’essentiel du propos : l’obsession du père du célèbre chroniqueur politique pour trouver à s’échapper du Stalag où il était prisonnier aux confins de la Prusse orientale pendant la seconde guerre mondiale.
La période a beau être déjà très documentée, la description sobre de la « drôle de guerre » situe parfaitement le contexte dramatique de la défaite militaire et morale en juin 40. 
Nous révisons la dureté des conditions de vie des prisonniers de guerre, face à la cruauté des nazis. Indicibles, si bien que les confidences de celui qui n’était qu’un jeune homme n’arrivent qu’à la fin de son existence et valent par leur retenue.
Pour ma part, j’ai appris que suite à des accords entre le gouvernement de Vichy et les autorités allemandes des aspirants officiers sont regroupés afin de former une élite pour « une nouvelle Europe ». Dans cette misérable université, que vient visiter un ministre véritablement aveugle, les dilemmes sont grands pour ces cadres défaits et mal informés jusqu’à ce qu’un général précise l’engagement de Pétain qui heurte leurs sentiments patriotiques. Le récit de leurs tentatives d’évasion, vecteur palpitant de lecture, rend presque familier l’héroïsme de ces héros, loin des fanfaronnades qui s’étaient substituées aux silences.
   
 

mardi 18 février 2025

Le démon de mamie. Florence Cestac.

Ah ! Ah ! Ah ! 
La patte de la dessinatrice pionnière se reconnait facilement : ses gros nez qui jadis me cognaient dans l’œil, conviennent parfaitement pour « enchanter la sénescence ». 
«  La sénescence n’est pas une pente que chacun descend à la même vitesse,c’est une volée de marches irrégulières que certains dégringolent plus vite que d’autres »
 Simone De  Beauvoir
Tout y est :
- Le choix du vocable : mamie, mémé ou grand maman…
- Les petits enfants communément nommés « chic ouf » et leurs parents avec leurs poussettes démesurées, leurs précautions délirantes.
- Les ancêtres qui ne reconnaissent plus personne.
- La frénésie d’activités du troisième âge : aquagym et chemins de Compostelle... ;;;;
- Les copines rigolardes au restau se font clore le bec par un jeune exaspéré qui a tellement entendu «  c’était mieux avant ! » : 
« Vos gueules les mamies boomeuses ! » 
- S’il y a du plaisir à transmettre et à ne rien faire, il convient de se tenir au courant : 
«  Cmd+A , copier, Cmd+c, quitter, aperçu… » 
- Les sites de rencontre  avec le torturé citant Baudelaire  
« Je t’aime surtout quand la joie s’enfuit de ton front terrassé
Quand ton cœur dans l’horreur se noie »
parce que tout de même, la vieille dame indigne qui doit davantage « graisser la serrure » n’arrive pas à la hauteur de la tragédie de papy en phase «  crépuscule des vieux ».
Et si la descente au tombeau vient après « l’abandon des occupations qui font ce que nous sommes » comme Hemingway le disait à peu près, la pirouette du confrère Philippe Druillet est bien dans le ton de l’album dont l’humour nous rend plus vifs :  
« Et ce ne sera pas la peine de venir à mon enterrement, je n’y serai pas. »
 Les vignettes sont grandes, les lettrages bien lisibles, adaptés à un public de « Tamalous » qui aimera se mirer dans ces soixante pages burlesques et pétillantes.

mardi 11 février 2025

Corto Maltese. Nocturnes berlinois. Juan Diaz Canales. Ruben Pellejero.

Cet épisode se déroulant en 1924 à Berlin promettait ambiances mystérieuses et péripéties inédites, mais je suis resté sur ma faim comme lors d’une précédente proposition avec d’autres auteurs voulant se situer dans la lignée d’Hugo Pratt, le créateur disparu il y a trente ans.
 
Bien qu’affecté un instant par la mort de son ami Steiner, le marin qui peut difficilement passer inaperçu, traverse les nuits de Berlin et les maléfices magiques de Prague avec un flegme qui met à distance le lecteur.
Ces années là sont bien sombres où les sociétés secrètes nazies apparaissent  avec une virulence grandissante dans la fragile république de Weimar. Mais d’autres enjeux autour de cartes de tarot m’ont semblé hors du jeu. 
La planisphère figurant en page 2 et 3 de l’album de 72 planches est nécessaire pour répertorier tous le lieux de aventures de l’insaisissable héros né en 1967, mais je ne sais si je serai au prochain rendez-vous.

mardi 4 février 2025

Les amants d’Hérouville. Yann Le Quellec. Romain Ronzeau.

Mausolée de plus de 200 pages en hommage au château du Val d’Oise qui servit de lieu d’enregistrement pour Eddy Mitchell, Johnny , Nougaro, Higelin…
« Bien sûr que j'avais raison ! Les Grateful Dead, Polnareff, Bill Wyman des Stones, Pink Floyd, Magma, Gong, qui peut faire mieux ? » 
C'est l'histoire du destin de Michel Magne le propriétaire, cancre irréductible qui composa plus de 70 musiques de films dans les années 60/70, se maria avec la toute jeune baby-sitter de ses enfants, organisa des fêtes somptueuses ; ruiné, il se suicida. 
Il avait surmonté  la destruction de ses bandes originales de musique concrète et de variété.
Des photographies s’insèrent dans le récit dessiné abondamment documenté pour mieux attester que ces rêves furent réalité, comme lors d’un concert gratuit de Grateful Dead au château où : 
« Le temps d'une nuit, les paysans, les groupies, les pompiers, les dames du monde, tous unis dans un grand moment de communion. Du luxe démocratique, du ciel bon marché, un véritable paradis ! »

mardi 28 janvier 2025

Pico Bogue. Haïku. Dominique Roques. Alexis Dormal.

J’ai offert à mon petit fils, et à moi-même, le 16° album de la série au petit garçon raisonneur, cette fois en recherche poétique.  
La façon japonaise de saisir avec délicatesse des moments de la vie convient bien à ces courtes scénettes sans violence dans une famille bienveillante.
« Sur l’étang noir
La petite araignée d’eau
Frôle la lune
qui en tremble ».
Oui le procédé de mettre dans la bouche des enfants des mots, des interrogations d’adultes dans des logiques originales, peut paraître artificiel, mais il donne matière à réflexion et des moments d’humour subtil quand sont examinés les mots à la racine.
Une lampe ait été explosée après un lancer de coussin. 
«- Vous avez cassé la lampe ?!?
- Oui ça devait mal finir : j’ai lu qu’un « objet » vient du mot latin qui veut dire « jeter devant ». Un objet c’est fait pour être jeté.
- Un objet représente du travail. On doit respecter les objets. Je devrais vous punir
- Papa je vois qu’on est l’ « objet » de ta colère. Alors comme tu dis, tu dois nous respecter. » 
La petite sœur Ana-Ana se donne souvent des occasions de se rouler par terre de rire.

mardi 21 janvier 2025

Un cow-boy sous pression. Achdé & Jul .

Pour le 125 ° album de la série initiée par Morris nous sommes invités à Milwaukee, capitale de la bière où notre héros solitaire avec un sérieux mal de dos pour cause de surmenage est  appelé afin de tenter de mettre un terme à une grève dans les brasseries.
Dans cette ville au cœur de la « German belt » (6 millions d’immigrés allemands) les traditions sont maintenues : discipline et syndicalisme. Le shérif Benz portant une étoile à trois branches , comme une marque de voiture célèbre, n’est qu’un exemple de clin d’œil où les jeux de mots sont nombreux parmi des faits bien réels, au pays où « Les Desperados sont mis en bière ».
Et nous savons tout sur les origines du ketchup Heinz, du hamburger de Hambourg,  d’Eisenhower et Trump. 
Pour la tradition, nous retrouvons immanquablement les Dalton appelés à remplacer des grévistes alors que pour la nouveauté des cases adoptent des formats et des cadrages inédits. 
Lorsque Lucky Luke, se mettant tout nu, dépose ses habits noirs, rouges et jaunes, pour les faire sécher, les couleurs de la Belgique patrie de Morris sont comprises comme celles du drapeau allemand ainsi que peut l’indiquer l’indien « Aigle à deux têtes ».

mardi 14 janvier 2025

Feuilles volantes. Alexandre Clerisse.

Un jeune dessinateur entreprend un récit qui en croise d’autres :
 
« Transcendé par son imagination, il ne dessinait pas seulement une histoire, il était Raoul, ce moine érudit et curieux qui, la nuit, du fond de sa cellule minuscule enluminait des récits impies. Leurs destins seraient désormais liés. »
Histoire aux couleurs pastel pour Moyen-âge, et fiction en 2070 avec la fille d'un narrateur contemporain. 
Nous naviguons entre Intelligence Artificielle, robots et fils de bourreau en 141 pages où les vignettes se disposent diversement dans un espace temps désarticulé mais intelligible grâce à ses dessins naïfs. 
« C'est cette séance de torture qui te stresse ?
 Prends des bouchons pour couvrir un peu les cris.
 - C'est plus fort que moi... Je ne veux pas devenir comme lui...
 - Sur ce coup-là, j'ai de la chance d'être une fille... » 
Gentil, original : la douce mélancolie qui teinte cet hommage aux dessinateurs n’éteint pas notre sourire.

mardi 7 janvier 2025

Automnale. Kraus Shehan Wordie Campbell.

Les feuillages sont flamboyants à Comfort Notch  (réconfort, entaille), où revient Kat, mère célibataire, accompagnée de sa fille Sybil après la mort de la grand-mère détestée.
Les dessins tourmentés, parfaits pour évoquer le fantastique, alternent avec des ambiances plus apaisées, pas moins inquiétantes.
Le livre de 232 pages est « relié cartonné drapé dans un geltex nieve au grain léger rappelant l’écorce d’une jeune pousse et frappé par un fer à chaud afin de sceller la malédiction. » 
Nous voilà tout de suite dans l’ambiance avec ce bel objet pour lequel je reprends les qualificatifs d’autres commentateurs, n’étant pas du tout un amateur du genre  « horrifique américain » voire du « folk horror ».
Bien que les couleurs éclaboussent des traits tranchants, je suis resté spectateur d’une angoisse exponentielle. Malgré une comptine obsédante et des visages horribles, la peur ne vient pas, comme les enfants attendus pour Halloween lorsqu'ils viennent frapper à la porte accompagnés par maman qui veille sur ses monstres sympathiques.
De vraies horreurs occupent tellement nos écrans que celles de la bibliothèque ne peuvent nous effrayer. 
Elles n’arrivent même pas à distraire, malgré quelques intrigues épouvantables vraiment trop tarabiscotées. 

mardi 31 décembre 2024

Didier, la 5°roue du tracteur. Ravard et Rabaté.

Avec Rabaté au scénario on est rassuré, et le dessin est à l’avenant. 
La situation paysanne peut fournir de noirs scénarios, ici le sort d’un célibataire dont « les mains ont caressé plus de pis que de seins » est traité avec humour et indulgence dans des couleurs pastels.
« On fait le plus beau métier du monde et pourtant c'est dans notre branche qu'il y a le plus de suicides ! Deux l'année dernière, rien que sur le canton ! Et je parle pas des faillites ! On vend à perte... Les banques nous saignent... Les crédits nous étranglent ! Mais c'est pas grave ! On continue à faire la fête !!
- Et alors, merde ! Laisse-nous nous amuser entre deux enterrements !!
- C'est vrai !! Tu nous saoules ! »
 
Pourtant une vente aux enchères du matériel agricole d’une ferme tombée en faillite est dramatique, quand me revient l’un de mes premiers souvenirs d’enfance m’extirpant de la candeur. Mais cet évènement est traité avec retenue.
La recherche du grand amour sur Internet mêle la poésie et la truculence.
La vie quotidienne souvent irriguée de « rosé pour faire la transition entre le blanc et le rouge » sourit lorsqu’un oiseau se pose sur le rebord de la fenêtre.
L’arbre garni de flacons laisse espérer quelques belles poires destinées à l’eau de vie.

mardi 24 décembre 2024

Mes B.D 2024 :

Scénario inventif : « Bouts de ficelles »
Chronique des jours ordinaires : « Idéal standard »
Quand arrive dans une famille un enfant trisomique : «  Ce n’est pas toi que j’attendais ».
Indispensable, incontournable: « Les cahiers d’Esther ».
Version dessinée d’un livre intéressant : « Sapiens » .

mardi 17 décembre 2024

Bouts de ficelles. Olivier Pont.

« Exquis » comme le dit « cadavre ».
Exercice de style réussi avec brio à partir de la comptine « trois p’tits chats, chats, chats, chapeau de paille… » entrainant dans un rythme d’enfer, un anti héros sur les toits de Paris, le temps d’une nuit.
« Moi je veux juste rentrer chez moi et être tranquille ! 
Me glisser sous la couette et regarder la télé en mangeant des chips ! » 
Drôle, romantique, virevoltant, original, loufoque, ce thriller (même pas peur) qui est aussi une quête involontaire, ne se prend pas au sérieux et nous régale pendant plus de 120 pages expressives sans tomber dans la caricature grotesque.
« - C’était tes premières menottes ? 
 - Ben oui…
 - Dans mes bras mon grand ! Te voilà un homme !! »

vendredi 13 décembre 2024

La vie secrète des arbres. Fred Bernard Benjamin Flao Peter Wohlleben.

Version dessinée du livre à succès du défenseur des arbres mondialement connu
Les illustrations dynamiques mettent au premier plan le forestier depuis son enfance, jusqu’à la fondation de son académie et la reconnaissance de sa gestion respectueuse des forêts.
Nous partageons ses découvertes étonnantes, ses découragements.
Sa grande patience acquise au fil des saisons l’amène à éviter le catastrophisme bien que coupes à blanc et artificialisation des sols compromettent l’avenir. Sa démarche pragmatique et exigeante, à l’encontre des impatiences contemporaines, arrive à être partagée au-delà des sept millions de lecteurs de la version sans image.
Le temps long est le maître dans ce domaine merveilleux et fragile où les elfes de l’enfance n’ont pas disparu, bien que des dégâts soient irréversibles.
Nous révisons que les arbres communiquent entre eux par racines et champignons associés, ils mémorisent, interagissent avec les animaux proches qui s’y abritent ou s’en nourrissent pour se reproduire ou s’en défendre, se montrent résilients face aux vents et aux orages... ils se déplacent.
Mes réserves lors de la parution de la première version écrite ne tiennent plus quand les prises de positions du pédagogue vont évidemment vers une meilleure qualité de vie pour les humains. 
« Certaines personnalités ont commencé à s’inquiéter de notre impact destructeur dès la fin du XVIII° siècle et les premières actions de protection sont apparues aux Etats-Unis au XIX° siècle. Cela fait moins d’un demi-siècle que l’on sent concrètement les limites et les effets de nos abus, et à peine quarante ans qu’ils sont devenus un vrai sujet de société. Nous commençons vraiment à chercher des solutions. Il est bien tard, mais c’est tout de même une bonne nouvelle. »
Un cèdre devant chez nous, cassé le 1° septembre 2024.

mardi 10 décembre 2024

Nora. Lea Mazé.

 Une petite fille est confiée à son oncle qui vit seul dans sa ferme.
- Tonton, pourquoi la guerre, ça existe?
- Je... Heu... Je ne sais pas... Moi aussi, je me pose la question, tu sais...
- Mais elle est finie, hein?
- Ici, oui. Mais tu sais, la guerre elle est tout le temps dans d'autres endroits du monde.
- Il ne faut pas l'oublier. Il faut être heureux qu'ici il y ait la paix, parce qu'il y a des petits enfants de ton âge qui aimeraient que ce soit pareil chez eux
.
La petite boudeuse va être amenée à interroger le taiseux qui ne manque pas de bon sens. 
« Tu sais mourir à la guerre c'est très triste, mais le plus dur c'est d'être vivant à la guerre. Le plus difficile c'est de rester et de voir tout ça... de... de voir tout s'effondrer autour de soi sans pouvoir faire quoi que ce soit. » 
A partir de la naissance de petits chats, l’amour et la mort interrogent, et quand les réponses sont trop évasives, l’imagination de la fillette prend toute la place et l’amène à grandir.
Les couleurs sépia des dessins me plaisent davantage que le nez démesuré du Lucien. 
Mais rien qu’en 70 pages, au cours d’un récit assez original, les rapports entre les personnages évoluent, ce qui constitue pour moi une qualité primordiale.

mardi 3 décembre 2024

L’astragale. Anne Caroline Pandolfo Terkel Risbjer.

Je n’avais pas lu l’autobiographie alors culte d’Albertine Sarrazin datant d’avant 68, ni vu le film en noir et blanc de 2015 avec Leïla Bekhti et Reda Kateb.
En 220 pages vivement brossées de noir, j’ai rattrapé cette lacune et retrouvé une époque, où la passion affronte la liberté en n’ayant que faire des grands mots quand la vie d’une si jeune femme crépite.
Anne s’est cassé un petit os de la cheville, l’astragale, en sautant du mur d’une prison, Julien qui sort de tôle la planque. Ils tombent amoureux. 
« Je rampe. Mes coudes deviennent terreux, je saigne de la boue, les épines me percent au hasard des buissons, j’ai mal mais il faut continuer à avancer. » 
Son immobilité dans des chambres de passage, le fait d’être entretenue, pourraient signifier le contraire d’une émancipation, mais sa rage qui lui fait surmonter douleurs et solitude constitue le carburant d’une vie intense, âpre et romantique.

mardi 26 novembre 2024

Clémence en colère. Mirion Malle.

En dehors de l'attrait des couleurs vives entourées de traits nerveux qui rendent la lecture facile, ces 213 pages m’ont parues bien simplistes pour traiter de sujets d’autant plus graves qu’ils persistent.
Les hommes sont, sans distinction, des méchants : 
« Ceux qui nous ont fait ça, ça les arrange bien qu'on ait honte au lieu d'être en colère. »
L’héroïne principale rongée d’impuissance va apprendre à gérer sa rage à l’intérieur d’un groupe de parole, tout en vivant une histoire d’amour avec une danseuse qui va l’apaiser.
En dehors d’expressions québécoises qui entrelardent les dialogues (« reep » : sale type, « dude » : mec …), les mots qui ressassent les valeurs du collectif réduit à une communauté souffrante, paraissent dérisoires de la part de filles sans épaisseur qui ne font que bavarder.
La BD peut pourtant offrir des histoires d’amour de femmes entre elles bien plus intéressantes https://blog-de-guy.blogspot.com/2024/02/le-secret-de-la-force-surhumaine-alison.html