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dimanche 7 décembre 2025

Cécile McLorin Salvant.

Nous avons entendu une chanteuse au répertoire varié dont la voix permet des intonations étonnantes. Mais l’annonce d’ « expériences folles » parait exagérée à l’auditeur qui ne saura pas si la filiation revendiquée avec Sarah Vaughan pourrait être homologuée.
Je l’ai préférée dans ses chansons facétieuses aux accents caribéens, « il m’a vue nue », « mon doudou » et j’ai apprécié la reprise du poème « Est-ce ainsi que les hommes vivent » d’Aragon et Ferré.
Mon niveau en anglais étant à peine meilleur qu’en occitan, seule la sonorité des mots étirés parfois d’une façon artificielle a pu me parvenir servie par des musiciens dynamiques.
Une rencontre agréable avec la franco-américaine à la voix plus élégante que le costume qu’elle portrait ce soir à la MC2. Bien que des publicitaires trop facilement flatteurs mettent trop haute la barre des attentes, son professionnalisme a permis d’apprécier la variété des chansons proposées.

dimanche 30 novembre 2025

Vanessa Wagner.

Notre rendez-vous mensuel musical à 11h le dimanche a des airs "calotins" comme disait mon grand-père pour désigner les talas (ceux qui vont-à-la messe) pour remonter à des enfances pieuses se rappelant des cloches d’antan. 
Cette fois dans l’auditorium comble de la MC2, Vanessa Wagner, la pianiste d’une grande notoriété, chevalière de la légion d’honneur, alterne Philippe Glass et Jean Sébastien Bach avec une virtuosité qui mérite tous les agenouillements. 
Dès la première note, je fus sous le charme et si je reconnaissais la fluidité apaisante du luthérien allemand, je suivais, fasciné, les mains de la pianiste pour les constructions fascinantes du juif new-yorkais qu’il est encore permis d’entendre. 
Rien qu’un piano et nous voilà sous le dôme des mélodies entre études et préludes au-delà des soucis, des petitesses, au royaume des compositeurs surhumains par l’entremise d’une interprète impressionnante. 
Le minimaliste contemporain gagne en poésie et le géant baroque du XVIII° apporte sa sérénité à la petite fille qui posait sa tête devant nous sur l’épaule de son papa et à tous les paroissiens.

dimanche 23 novembre 2025

Lacrima. Caroline Guiela Nguyen.

Ces trois heures de spectacle nous ont fait atteindre un sommet d’émotions tout en proposant une multitude de pistes de réflexion au risque de faire apparaître bien fades d’autres propositions théâtrales. 
Quelle créativité autour d’un chiffon fut-il de haute couture !
La réalisatrice comme ses personnages aime le travail bien fait et livre un chef-d’œuvre de clarté abordant les problématiques de l’époque au moment où il est question ponctuellement de Shein, sans tomber dans l’anecdotique à l’obsolescence précoce, nous renvoyant plutôt aux enjeux éternels de notre condition humaine.
Pour la confection pendant des mois d’une sublime robe de princesse, nous partageons l’exigence du créateur soumis aux prescriptions de celle qui portera pendant 27 minutes la robe dont la symbolique dépasse les caprices. Nous admirons l’ardeur des ouvriers de la maison de couture, des dentelières d’Alençon et d’un brodeur de Mumbaï, en Inde, apportant chacun leur part à la beauté du monde.
Leur engagement percute leurs vies intimes et nous pouvons comprendre les burn-out tant la tension est pressante. Une passionnante documentation apparaît habilement à travers des témoignages destinés à une émission de radio quand les ouvrières du siècle précédent obligées au silence s’arrêtaient de respirer tant leur concentration était intense pendant des heures pour un centimètre carré d’or blanc.
La confrontation entre l’Occident et le Sud et notre hypocrisie saillante sont relevées: 
« Vous voulez les plus belles réalisations au prix les plus bas, et l'éthique en plus… 
Vous vous dites garants de la santé des employés, sans que l'exigence d'éthique ne vous coûte un centime … » 
Les urgences de notre univers toujours impérieuses, les échéances affolantes parfaitement rappelées, sont allégées par des sourires avec quelques facéties tempérant les tensions, éloignant le pathos. 
La mise en scène efficace, sans esbroufe, nous fait même subir sans broncher des paroles pas toujours audibles de certains acteurs, comme cela arrive quand une sirène d'alarme se superpose à des cris longtemps retenus. Dans la richesse de cette soirée, j’aime retenir les dialogues où se révèlent les difficultés de dire entre mères et filles, entre la doctoresse et la première d’atelier.
La précision de la description des personnages aux passions violentes ramène au format des séries devenu l’aune de nos addictions, alors que Boby Solo nous aurait susurré « Una lacrima sul viso ». 
Pour souligner la force de cette pièce de théâtre, j’aurai eu envie de la résumer dans une formule du genre : «  la beauté advient au prix des larmes et du silence » mais ce serait faire peu de cas de la subtilité de l’écriture humaniste de madame Nguyen. 

dimanche 16 novembre 2025

Imminentes. Jann Gallois.

La douceur initiale, le calme, surprennent quand est annoncé du hip hop dont quelques  performances spectaculaires attendent que la tension monte aux rythmes d’une musique envoutante.
Six danseuses, sans qu’il soit utile de les qualifier de guerrières pour vanter leur énergie, nous tiennent par la main pendant près d’une heure.
Loin des défis virils, leurs intentions apaisantes sont célébrées avec grâce et intensité.
Si des passages s’approchent des rondes enfantines, «  Passez pompon les carillons », les liens entre les individus et le groupe sont exprimés avec simplicité et fantaisie.
Peut-on profiter de belles propositions artistiques à la beauté abstraite détachée des malheurs du monde ? Ecartant l’image de l’orchestre du Titanic, nous pouvons éviter aussi d’être abusé par des intentions vaines prétendant lutter contre les destructions. 
Les bras enlacent, les corps se délient joliment, nous avons passé une bonne soirée.  

dimanche 9 novembre 2025

Delirium. Miet Warlop.

Comment jouer avec un kilomètre et demi de tissus pendant une heure ?
La troupe flamande parfaitement réglée déroule des bobines de soie (ou de rayonne) de toutes les couleurs sur la scène et dans les travées de la grande salle de la MC2, cependant il s’agit plus d’opérateurs mettant en place une performance que de danseurs.
L’imagination est au rendez-vous pour exploiter toutes les ressources de grands voiles enserrant les manipulateurs qui s’en extirpent, en magnifient les plis, mais les hommes et les femmes pourtant dynamiques s'effacent en tant qu’acteurs sous les dimensions majestueuses de coupons soulevés par d’immenses ventilateurs.
La matière dont on ne peut s’empêcher de la lier aux gaspillages industriels submerge les humains.
Parmi les tableaux parfois un peu étirés, l’évocation d’une vague où apparaît puis disparaît un personnage m’a paru poétique et forte, bien accordée aux sons électro puissants de la  plasticienne-scénographe plus heureuse dans sa musique que pour les socquettes noires,malheureusement à la mode, puisqu’elle signe aussi les costumes. 
Les termes démesurés des attachés de la presse mentionnant « un humour ravageur », « une beauté plastique éberluante » desservent un propos qui aurait gagné à être présenté avec plus de simplicité.

dimanche 2 novembre 2025

Obsession. La tempête.

A l’auditorium de la MC 2, un son et lumières inattendu met en relief les variations d’Arvo Pärt, Philip Glass, Jehan Alain servis par des voix et un orchestre de haute tenue.
Les points lumineux synchronisés aux sons dispersés du début se multiplient telles des lucioles accordées aux rythmes envoutants, avant que pleuvent des étoiles filantes en volutes toujours renouvelées. 
Le chef d’orchestre enserré dans une résille mouvante dirige aussi le chœur où chaque artiste est cerné par un entrelac d’ampoules amplifiant leur performance avec une précision étonnante. Leur ballet dans la pénombre accompagne les musiques organiques propices à la méditation. L’émotion peut naître après la séduction de tant de prouesses techniques et amener à goûter ce genre de musique minimaliste qui a fait le maximum ce soir.   

dimanche 26 octobre 2025

Prism. Salomé Gasselin.

Salomé Gasselin, une des révélations aux Victoires de la musique classique proposait pour le premier concert du dimanche 11h à la MC2 de faire rencontrer Keith Jarrett et Henri Purcell avec quatre violes de gambe, une guitare et une sorte de darbouka, un zarb, caressé par l’arrangeur de cette représentation, Kevin Seddiki.
Le piano du jazzman avait disparu, si bien que les sonorités mélancoliques de « Tous les matins du monde » ont dominé cette heure et demie apaisante, même si Salomé Gasselin a parlé de « transe » pour les deux musiciens que plus de trois siècles séparent.
Le projet de la trentenaire titré « Prisme » visait à faire briller les différentes facettes de l’anglais roi du baroque et de l’américain également curieux de toutes les musiques.
Ayant rencontré récemment des tonalités électro bien plus brutales, je n’ai perçu ni lumière, ni couleurs annoncées dans les notes d’intention, mais plutôt fermé les yeux pour goûter les sonorités « viscérales », consolantes des cinq instrumentistes.  

samedi 25 octobre 2025

Chantecler. Edmond Rostand.

Au moment le plus chaud de l'été, j’avais envoyé dans le réseau familial la moins ronflante des strophes extraite de l’ « Hymne au soleil » du coq le plus bavard du répertoire. 
« Tu changes en émail le vernis de la cruche ;
Tu fais un étendard en séchant un torchon ;
La meule a, grâce à toi, de l’or sur sa capuche,
Et sa petite sœur la ruche
A de l’or sur son capuchon !
 »
 
Et puis après avoir ajouté un autre extrait, 
« Toi qui sèches les pleurs des moindres graminées,
Qui fais d’une fleur morte un vivant papillon,
Lorsqu’on voit, s’effeuillant comme des destinées,
Trembler au vent des Pyrénées
Les amandiers du Roussillon, »
 
je suis allé jeter un œil dans une édition de 1910 qui figurait, inexplorée, dans mon héritage et là, j’ai été saisi par la modernité de la pièce de théâtre dont même les didascalies sont poétiques. 
« Un rayon de lune traverse la toile d’araignée, qui semble tamiser de la poudre d’argent. » 
La nature, les animaux sont magnifiés, frétillants comme ceux de notre film d’animation préféré, « Madagascar », les alexandrins en moins. 
L’humour est constant avec en particulier un merle persifleur. 
« - Que dis-tu quand tu vois sur les monts l’aube luire ?  
 - Je dis que la montagne accouche d’un sourire ! » 
La poésie donne du talent aux cigales- pardon- aux « tzigales » : 
«  Ici - C’est si – Vermeil - Qu’on s’y - Roussit - Merci ! »
Le héros emplumé qui croit faire lever le jour peut se trouver en proie au doute.
Il tombe amoureux d’une poule faisane, en transition de genre, travestie dans les couleurs du mâle faisan.
A bout du quatrième acte, lorsque des humains s’annoncent, le rideau rouge retombe.
Il s’était levé avec retard, l’attente de la représentation avait duré quatre ans, le directeur du théâtre était intervenu : 
« Chut ! Avec tous les bruits d'un beau jour, la Nature
Fait une rumeur vaste et compose en rêvant
Le plus mystérieux des morceaux d'ouverture,
Orchestré par le soir, la distance et le vent ! »
 Chantecler dialogue avec le rossignol : 
« - Vais-je pouvoir chanter ? Mon chant va me paraître
Hélas ! trop rouge et trop brutal
- Le mien peut être
M’a semblé quelque fois trop facile et trop bleu. […]
- Oh être un son qui berce
- Etre un devoir qui sonne. »
Toutes sortes de coqs participent à un défilé « kaléidoscopiquement cosmopolite » dans une variation de « Kikiriki » «  Cocorico » internationaux, participant à un feu d’artifice de mots qui ajoute des couleurs à une vie d’autant plus célébrée qu’elle est éphémère.  

dimanche 19 octobre 2025

Honda romance. Vimala Pons

Dans la note d’intention, les fautes d’orthographe ne se pardonnent pas quand elles voisinent avec l’écriture inclusive qui devrait signifier une attention au langage par ailleurs annonciateur de « 200 états émotionnels différents ».
Pour ma part j’en compte trois au cours de cette heure et quart :
- Dubitatif dans le premier tableau, où la performeuse se relève lentement, supportant un satellite immense de marque Honda diffusant quelques images furtives et réclamant une pipe.
- Perplexe, à entendre des bribes de phrases souvent véhémentes interrompues par trois canons à air comprimé qui agressent l’artiste solitaire.
- Finalement attrapé, par dix chanteurs apparaissant et disparaissant depuis le fond de scène composé de lanières blanches. Leur marche aller-retour, dans leurs accoutrements variés, sur une musique lancinante de Rebeka Warrior appellait pour moi, les fantaisies d’une mémoire qui présentement me joue des tours. 
Et là je me sens concerné, mais je crains de vite oublier.

mercredi 8 octobre 2025

A mots doux. Thomas Guillardet.

Un spectacle autour de Mylène Farmer  me semblait ad hoc pour commencer la saison 2025/26 à la MC2, dans la légèreté et la curiosité puisque j’avais à apprendre de la mystérieuse reine du vidéo clip et des ventes de disques. 
Il y a deux ans, l’approche théâtrale réussie de l’univers de Johnny Halliday m’avait convaincu de revenir aux questionnements concernant les interprètes de chansons populaires. 
Cette version chaleureuse s’intéressait à un groupe d’admirateurs de l’interprète de
« Retiens la nuit » alors que cette fois il s’agit d’un enfant seul fasciné par 
« Je, je suis si fragile Qu'on me tienne la main ». 
Des personnages surgis de son imagination depuis le lit de sa chambre viennent l’aider dans ses interprétations sous le patronage de Baudelaire: 
« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis, »
 
Les mises en scènes de différents tableaux sont inventives avec des musiques aux moyens modestes restituant l’allégresse des rythmes, malgré la noirceur des paroles :  
« Tout est chaos à côté
Tous mes idéaux, des mots abimés
Je cherche une âme, qui pourra m'aider
Je suis d'une génération désenchantée
Désenchantée » 
Les coulisses se découvrant en conclusion viennent souligner que l’auteur n’est pas dupe des artifices du music-hall, mais le placent dans une position surplombante qui contredit quelque peu ses intentions d’explorer avec empathie les relations passionnelles entre public et artiste, fan et idole.
« Ton Kamasutra
A bien cent ans d'âge
Mon Dieu que c'est démodé
Le nec plus ultra
En ce paysage
C'est d'aimer les deux cotés »

mercredi 17 septembre 2025

Défilé de la Biennale de la danse 2025.

Pour sa 15e édition le défilé revient à ses origines.
 
En 1996, la première édition lyonnaise s’inspirait du Brésil,
cette année le centre chorégraphique de Rio a entrainé dans ses rythmes les spectateurs qui venaient d’applaudir la parade. 
Direction Place Bellecour où Mehdi Kerckouche, chorégraphe en cours, présentait un extrait de sa création électro figurant parmi 40 spectacles de danse prévus jusqu’au 28 septembre dans « la capitale des Gaules » comme on ne dit plus en 2025.
Dans le domaine des convenances langagières, je suggèrerais volontiers à l’inclusive rédactrice du dépliant proposé aux nombreux spectateurs que le mot « danseur.euses » pourrait gagner en poésie en devenant « danseureuse » voire « danse heureuse » puisque ce fut le cas pour les 3000 personnes souriantes, énergiques, impliquées, que nous avons applaudies. 
Les mots « résistance », « désobéissance », « esprit canaille » et  autre « jeunesse furieuse » sont de mise dans les intitulés.
Mais comme beaucoup de productions artistiques contemporaines, bien des propositions s’adossent au passé. A l’instar des boutiques de seconde main, le thème « danses recyclées » reliait les neuf groupes rassemblant 3000 personnes venues des quatre coins de l’Auvergne Rhône Alpes.
Des rythmes berbères amplifiés d’électro ont ouvert la fête avec élégance.
Alors que le groupe auvergnat suivant était aussi hétéroclite que sa chorégraphie déconstruite.
La « feria andalous » hip hopait du flamenco,
avant que les savoyards évoquent des fêtes catalanes nimbées de bleu.
Notre groupe préféré fut celui de l’Isère : le plus cohérent, avec ses musiques vivantes à forte connotation africaine voire brésiliennes, son char en forme de djembé, des costumes originaux sans esbroufe sous la direction de la compagnie Malka.
 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2017/02/boomerang-bouba-landrille-tchouda.html
Il fallait de la finesse pour reconnaître un hommage à West Side Story dans le groupe lyonnais,
alors que Villeurbanne évoquait le Pérou.
 Abdou N’Gom faisait fusionner dans un nerveux « Let’s Re-Jam » - je recopie le dépliant- « Swing et House, Hip-Hop et Lindy-Hop »
avant que Diego Dantas, le brésilien, clôture le défilé.

mercredi 3 septembre 2025

Avignon 2025.

Les  jeunes habitués du festival « Au bonheur des mômes » ont changé de catégorie. 
Je reviens avec mes petits enfants dans la Mecque du théâtre après 15 ans d’abstinence. 
en essayant de privilégier la célébration de la beauté du monde plutôt que  la recension des malheurs causés par de terribles ainés.
Les distributeurs de tracts sont toujours aussi nombreux pour nous convaincre d’aller voir
« Les féministes sont des chieuses ? Les hommes des connards ? » 
ou «  Et pendant ce temps Sigmund Freudonne » 
bien qu’ « Une heure de philosophie avec un mec qui sait pas grand-chose » soit tentante.
Dans ce genre café-théâtre, le trio interprétant depuis une armoire « Shakespeare, même pas mal » nous a convaincu par son énergie indispensable pour évoquer, en 75 minutes, 38 pièces du mystérieux anglais, dont « La guerre des deux roses » présentée comme un match de rugby.
Par contre «  Il était le malade imaginaire, une fois » parfois « malaisant », 
nous est resté sur l’estomac.
« Léon, le magicien »
, « mentaliste », celui qui « simule des capacités psychiques et des pouvoirs mentaux », met en scène quelques échecs pour valoriser des réussites époustouflantes. Il manipule habilement objets et spectateurs, et donne l’occasion d’apprendre que « close-up » signifie « magie de proximité ».
Nous avons vécu une journée percussive entre deux batucadas en parade dans la rue, avant un éloge virtuose de la batterie dans « Une vie sur mesure », poétique, souriant, évoquant sur scène depuis 15 ans, jazz, rock, bossa nova, techno… dans la peau d’un ingénu.
« Swing Gum »
spectacle de claquettes, apparaît plus répétitif, bien que soit original le prétexte des retrouvailles, 75 ans après, d’un vétéran américain ayant participé au débarquement avec son amoureuse de l’époque. La configuration de la salle ne contribue pas à valoriser l’entrain de la troupe suisse.
La diversité des lieux de représentation fait partie de la magie d’Avignon et peu importent les gradins sommaires, l’absence bien évidemment de climatisation : le boulodrome de l’île Piot fut pour nous le plus beau des écrins, car la comédie dramatique «  Les pieds tanqués » qui y était jouée ne pouvait trouver meilleure place, comme les acteurs incarnant parfaitement un provençal, un parisien, un « pied noir », un arabe, au cours d’une partie de boule autour de la question algérienne. Leur camaraderie, surtout pas mièvre, permet que chacune de leurs opinions soit entendue par les autres. 
Si l’incertitude fait partie du jeu des choix entre 1700 propositions, nous sommes allés sans risque voir «  Le prénom »
drôle et profond, un triomphe depuis 2010, parfaitement interprété.  Des paroles anodines déchainent les passions à l’intérieur d’une famille : 
progression bien menée aux dialogues parfaits pour un théâtre intime et social. 
Nous n’en étions pas à notre premier « Cyrano de Bergerac » 
mais cette version a réussi à faire apprécier ce chef d’œuvre patrimonial à ma grande 
qui l’avait étudié en classe et à son plus jeune frère. 
« Toutes ces folles plaisanteries […]
 Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve. »
 
Les plus anciens ont pu réviser que le personnage de Rostand fut inspiré par Savinien de Cyrano, dit de Bergerac, auteur d’une des premières œuvres de science fiction : « Les États et empires de la Lune » et « Les États et empires du Soleil ».
Nous avons apprécié «  Camus, Sartre, miroirs d’enfance »
 où l’auteur en reprenant «  Les mots » et « Le premier homme » donne chair et éclaire les idées des deux grands contradicteurs, l’un élevé au soleil où son amour de la vie n’est pas effacé par les coups de nerf de bœuf et l’autre dans la solitude de la haute bourgeoisie, tous deux dans le bonheur 
de la lecture. 
 

dimanche 8 juin 2025

Cher cinéma. Jean-Claude Gallotta.

J’aime retrouver, à chaque saison, les gestes du chorégraphe célébré bien au-delà de nos montagnes. Cette familiarité s’illumine à chaque fois de nouveauté. 
Pas de vidéo, ni de parodie pour cet hommage au septième art,  vibrant, fringant, fougueux.
De sa voix espiègle, il dit qu’il doit « le métier tout simplement » à Federico Fellini, 
que le cinéma avec Anne-Marie Mieville comme la danse « se fait à deux ». 
Il a appris l’insolence avec Bertrand Blier, 
le dépassement avec Nadège Trebal 
et la vérité des mensonges avec Raoul Ruiz. 
Il reconnaît l’exigence de Leos Carax, 
l’élégance de Nani Moretti, 
la dignité de Tonie Marshall, 
la fidélité de Claude Mourireas. 
Jean-Luc Godard fut le réalisateur de sa propre vie. 
Avec Robert Guédiguian, il ne faut pas oublier d’où l’on vient. 
S'il devait l’intensité à Patrice Chéreau,il la lui rendait bien dans la séquence qu'il lui a consacrée. Comme il rend un hommage sensible et léger à chacun des cinéastes, nous surprenant encore et encore au bout de ces 35 ans de scènes sautillants, où il sait si bien mettre en harmonie, la beauté qui nous « guérit » comme il dit.
Epatant.

mercredi 28 mai 2025

La vie secrète des vieux. Mohamed El Khatib.

Il est souvent difficile de ne pas être déçu par une pièce précédée de très bonnes appréciations, eh bien cette heure trop courte est à la hauteur des compliments.
Le journal de salle annonce, modeste: 
« partons à la rencontre des vieux » 
Et avec justesse : 
« Faire face au vieillissement, c’est d’une part affronter le regard social 
et d’autre part observer son corps usé qui altère jour après jour l’autonomie ». 
Qui pourrait prétendre déballer tous les secrets ? 
« Moi je veux bien tout vous raconter, mais je ne voudrais pas que mes enfants le sachent.
Ils pensent que c’est fini pour moi depuis un moment… » 
Les acteurs amateurs cabotinent un peu devant un public qui comportait moins de vieux que d’habitude m’a-t-il semblé, mais le boomer est prêt à tout leur pardonner tant ils sont frais.
Le récit de leurs amours anciennes ou actuelles avec la présence d’une aide soignante en EHPAD jouée par une comédienne surprenante, passe du rire au drame, tout en posant quelques bonnes questions sur nos relations avec nos ancêtres et nos enfants et sur la représentation théâtrale.
Ce moment éclatant de sincérité, bien documenté, dose avec finesse pudeur et crudité, spontanéité et écriture, humour et gravité. 
Sur le dance floor, le désir de vivre peut s’exprimer à proximité d’une urne funéraire.

mercredi 21 mai 2025

Léviathan. Guillaume Poix, Lorraine de Sagazan.

 

Le titre déjà n’hésite pas sur la métaphore pompière. 
« Le Léviathan est un monstre colossal, dragon, serpent et crocodile, 
dont la forme n'est pas précisée ; 
il peut être considéré comme l'évocation d'un cataclysme terrifiant capable de modifier la planète, et d'en bousculer l'ordre et la géographie, sinon d'anéantir le monde. » 
Wikipédia
Au moment où l’extrême droite se déchaine contre les juges, un spectacle mettant en question la justice excite la curiosité.
Mais le mélange des genres, les affèteries de mise en scène brouillent le propos bien que le voile qui respire au plafond soit poétique.
Il est question de comparution immédiate dans le palais de Thémis tenant en son poing un glaive, une arme de catégorie D  pourtant interdite dans l’espace public.
« Le Canard enchainé », en se contentant de décrire les audiences expéditives, en a relevé pendant des années toute l’injustice.
Un ouvrier a conduit une moto sans permis et sans casque,
un SDF a insulté une policière, 
une mère a volé des vêtements pour sa petite fille dont le père violeur a la garde.
Dans un lieu qui a justement à voir du côté de la théâtralité, les situations des prévenus n’ayant blessé personne sont tellement caricaturées qu’elles perdent de leur force. Juge et avocats aux mouvements de pantins s’agitent et crient. Un cheval arrive sur scène comme un chien dans un jeu de quilles et mange quelques pages du code pénal.
La plaidoirie en faveur d’une justice réparatrice peut s'entendre, prononcée par le seul acteur à la belle voix, sans bas sur le visage, ni allure de marionnette. Une brève apparition d’un surveillant de prison filmé en vidéo, nous a  surpris par son naturel, son humanité.
Le jeu avec le silence final est bienvenu.
Autant le choix des marionnettes était judicieux dans une pièce d’Ibsen pour traiter de l’incommunicabilité, autant cette déshumanisation des travailleurs de la justice me parait contestable en s’invitant dans le grand carnaval où, Trump, le fou devenu roi, fait exploser  toutes les valeurs en s’attaquant en premier lieu à la justice.

mercredi 14 mai 2025

Viennoiseries. Jeanne Bleuse, Julian Boutin.

Le mot « Viennoiserie » au parfum de croissant s’est enrichi ce dimanche matin des musiques de la capitale des bords du Danube.
Mozart, Beethoven, Schubert …  au piano et au violon.
Avec une pédagogie équilibrée entre des morceaux familiers et des découvertes, les deux musiciens varient sur le thème « Ah vous dirai-je maman », s’amusent avec le « Pierrot lunaire » de Schönberg, et ravissent les romantiques avec la musique de «  Mort à Venise » de Mahler transcrite pour piano.
J’ai apprécié la performance voulue par Paganini se mettant à l’épreuve dans « Le rire », et l’étrangeté de Webern dans « quatre pièces ».
Les deux instrumentistes ont travaillé avec le quatuor Béla, familier de la MC 2, qui sert parfaitement la musique classique sans s’interdire des approches contemporaines avec une rigueur et une curiosité qui assurent leur succès.

mercredi 7 mai 2025

21 & Gira. Grupo Corpo.

Nature et culture dialoguent : sauvage et classique, inventif et précis, élémentaire et profond, sylvestre et urbain, mathématique et animiste ...
Quand certains artistes veulent abolir la distance de la scène à la salle, ce spectacle objet d’admiration mérite d’être surélevé pour sa beauté, le professionnalisme de la troupe, le pouvoir du chorégraphe.
Même si la diversité des thèmes musicaux aurait mérité parfois des enchainements plus lisses pour ne pas entamer la cohérence du spectacle, on retient sa richesse et sa force.
Les couleurs explosent, et dans le jeu des lumières et des ombres, les apparitions disparitions ajoutent de la magie à la transe hypnotique, des mouvements les plus subtils aux performances les plus spectaculaires au sein d’un groupe puissant où s’harmonisent les apports individuels. 
 Le Brésil et sa diversité, sa simplicité, nous régale à tous les coups :

mercredi 30 avril 2025

Une maison de poupée. Henrik Ibsen, Ynvild Aspeli, Paola Rizza.

L’utilisation de marionnettes convient parfaitement au thème de la pièce où se mesure la distance entre l’artifice et l’authenticité.
Une femme fait en secret un faux en écriture pour financer un voyage pour son mari malade. Pour emprunter de l’argent, il fallait l’accord du mari. D’où la mise à jour des sentiments, des colères; une vie paisible va se défaire.  
En France il a fallu attendre 1965 pour que les femmes puissent signer un chèque sans l’autorisation du mari.
Dans cet aperçu d’un moment de vie bourgeoise au XIX° siècle, traité finement, avec par exemple ce mot de tendresse : « mon alouette » qui en se matérialisant par un masque, souligne les faux semblants de la vie de couple.
L’artiste joue tous les rôles, imite toutes les voix, manipule les personnages à taille humaine avec virtuosité. Un interlocuteur existe quand on s’adresse à lui.
Par le jeu des lumières et des costumes, malgré d’angoissantes araignées, la narratrice se distingue de l’actrice en route vers une émancipation coûteuse, aux enjeux toujours d’actualité.  

mercredi 23 avril 2025

Les chats [ou ceux qui frappent et ceux qui sont frappés]. Jonathan Drillet Marlène Saldana.

Ouaf ! Ouaf  ! Grrr !
Ah oui ce sont les mêmes qui avaient déjà présenté un spectacle étrange, ils ont récidivé avec un objet déplaisant, mais cependant marquant. 
Leur expression nihiliste dévore elle même son propos, alors que la teneur est écologique +++ j’ai vu une indubitablement cycliste quitter la salle comme d’autres spectateurs avant la fin.
J’ai voulu rester jusqu’au bout des deux heures pourtant prévues pour durer une heure, afin d’ approcher des sommets du « n’importe quoi » produit et soutenu par une kyrielle d’institutions.
Pour rester dans le registre exagéré de toutes les paroles proférées sur scène, je dirais qu’il s’agit d’une tromperie de plus. Un chat en divinité égyptienne figure dans le catalogue alors qu’il n’est guère question de la condition féline, pas plus que de « Cats » la comédie musicale en référence, dont la notoriété ne m’avait pas atteint, n’ayant droit qu’à une furtive allusion.
Lors d’une pause dans l’agitation, sont mentionnées quelques anecdotes choquantes : un massacre des chats organisé par des apprentis imprimeurs parisiens au XVIII° siècle et du  chat mis au menu en Franche-Comté.
L’ambition était ailleurs, sous forme d’adjonction d’un discours radical à un anodin produit culturel populaire, sur un fond banalement anthropomorphe de chez l’ anthropocène, comme le firent les situationnistes sur des films de karaté, il y a un demi-siècle.
Les discours assommants chantés à propos d’Amazon et de l’IA, les litanies parlées/chantées, rarement chantées, les proclamations violentes sont parasitées par les mimes appuyés de la dizaine d’acteurs à quatre pattes se léchant, minaudant, d’une grâce tapageuse si loin de celle de nos minous.
Kit Cat va être déçu : le grand sac destiné aux végétariens est rempli des problèmes de forages et un certain Artémis de la fille à  Neuneuille a été tué dans une fête à Montretout… 
Il faudrait quelques heures de plus pour trier dans ce fatras et distinguer « climatosceptiques », « climato-réalistes » ou « climato-je-m’en-foutistes » qui risqueraient de repartir avant que les trams aient cessé de circuler.
Il aurait fallu se documenter :   
« Les chats sont aujourd’hui les icônes kawaï des réseaux sociaux et des childless cat ladies. » 
« Ceux qui frappent et ceux qui sont frappés, utsu mono to utaruru mono en japonais, est le titre d’un numéro de Kengeki, un combat de sabres, un sous-genre du kabuki du début du XXe siècle. »