Curieux d’interprétations nouvelles, de la même façon que
j’accepte que Gaston Lagaffe ou Napoléon soient revisités, je suis passé
par-dessus les intentions « inclusives » et autres déclinaisons de « Meetoo »
annoncées au programme. J’ai été intéressé par cette version de 2h 40 de l’œuvre de
350 ans d’âge.
Molière résiste : je craignais le pire, il avait déjà
eu lieu :
Le metteur en scène
qui semble découvrir que Dom Juan est un vilain macho et même plus aime
déboulonner les statues, alors il en met une à la renverse toutes couilles
dehors sur le plateau.
« Mais sache,
fils indigne, que la tendresse paternelle est poussée à bout par tes actions,que je saurai, plus
tôt que tu ne penses, mettre une borne à tes dérèglements, prévenir sur toi le
courroux du Ciel, et laver par ta punition la honte de t'avoir fait
naître »
En des scènes réussies de dialogue entre l’assassin du
Commandeur et le pauvre, son créancier, sa mère en place du père … le directeur
du Théâtre du Nord met en évidence ce qu’il annonce, en parlant de
« l’épouseur » :
« Le mensonge ne
l’intéresse pas, il ne cherche qu’à détruire la vérité… »
Il y a bien quelques affèteries, clins d’œil et autres
effets stroboscopiques, mais ces péchés véniels plaisent bien et si j’ai
préféré le Sganarelle chanteur à l’acteur en faisant des tonnes, celui-ci
allège les violents propos de son maître.
Charlotte danse très bien. Son amoureux avec lequel elle parle en chinois,
pour signifier la "glottophobie" (mépris des accents) du libertin, révélera une
nouvelle inclination du séducteur en accueillant un fougueux baiser.
Cela fait
beaucoup pour une pièce du patrimoine déjà très riche où Dom Juan n’est pas
qu’un don Juan : son mépris des femmes va vers celui envers tous les
hommes, violemment.
Le portrait du cynique « trompeur » depuis
Molière est tellement chargé que sa tirade contre l’hypocrisie est
réconfortante, tellement juste et d’un courage bien au dessus des fausses
audaces contemporaines.
N’est-ce pas ceux « qui
se sont fait un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit
respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du
monde » ?