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mercredi 2 avril 2025

L’hôtel du libre échange. Georges Feydeau Stanislas Nordey.

Tant de notes d’intention ambitieuses avant un moment de théâtre tombent parfois dans la prétention et le ridicule, si bien que la mise en œuvre du projet « d’assumer le divertissement dans toute sa joie et son intelligence » apparaît comme une réussite.
De surcroit, les reprises de pièces du patrimoine se contentent souvent d’un démontage,
alors quel régal ces 2h ¾ renouvelant le vaudeville avec une drôlerie fidèle à la mécanique originelle (1894) mise au goût de nos jours!
Le metteur en scène que j’avais apprécié il y a dix ans, puis critiqué dans d’autres registres que celui tellement délicat de l’humour nous a convaincu ce soir.
« Il y a de la lave en moi ! De la lave en ébullition !... Seulement, je n’ai pas de cratère...
Eh bien, alors ! Un volcan qui n’a pas de lave : ce n’est pas un volcan !
C’est une montagne... avec un trou ! » 
Bien sûr, les portes  claquent, scandant dans un rythme échevelé les quiproquos qui se déchaînent. Le beau décor participe à une distanciation respectueuse, révélatrice, nourrissante, souriante. Les acteurs excellents proclamant leurs mensonges peuvent se passer de micro. Danses, chants, costumes participent à la fête où le metteur en scène se met à la hauteur du prestigieux auteur.

mercredi 26 mars 2025

Kolizion. Nasser Djemaï.

Mehdi, « Le guide éclairé par Dieu » surnommé « Kolision » par ses six frères depuis que l’un d’eux l’a fait tomber de son berceau, conte sa trajectoire menant à d’autres télescopages.
L’acteur, Redouane Leflahi, seul pendant 1h 40 sur une scène bien mise, exprime avec force les écrits d’un de mes auteurs de théâtre préféré. 
Cependant ce conte trop écrit, trop plein d’adjectifs - c’est moi qui dis ça ! - aurait mérité d’être plus resserré, sans nuire à sa générosité. 
En effet à l’opposé des jérémiades des transfuges de classe, le mérite du petit dernier de la famille devenu ingénieur m’a paru exemplaire. Les brûlures, les douleurs ne l’ont pas épargné, alors il faut bien qu'un infirmier l’amène à la littérature et qu’il tombe amoureux d’une pharmacienne. 
Sa vision optimiste de la société, si elle parait naïve en cette période folle, lui a permis de ne pas se retrouver enfermé dans la fatalité, la facilité.
Son goût des mots le reconnecte poétiquement à son enfance, et nous donne à partager ses questionnements à propos du sens d’une vie où crie la solitude.

mercredi 19 mars 2025

Fugaces. Aina Alegre.

Le centre chorégraphique de Grenoble et le Studio fictif rendent hommage à une gitane danseuse de flamenco, Carmen Amaya. 
La bande sonore rappelle en introduction les rythmes andalous avant qu’émergent de l’obscurité les fantômes de trois danseurs et quatre danseuses qui s'avèrent affublés de costumes déstructurés. Ils entreprennent des figures dans un silence interrompu parfois par un son de bâton de pluie. Difficile la danse sans musique, et déjà vue. 
Quand arrive enfin un trombone à coulisse joué par une des artistes sur fond de percussions, une transe aux allures africaines s’empare de la troupe qui en monte dans les gradins. 
Après silence et attentes, la libération de tant d’énergie nous convainc de la sincérité de la créatrice et de l’engagement d’un groupe déterminé. 
Les temps forts sont d’autant plus appréciés que les chaussettes noires dans des baskets ne me semblaient pas du meilleur goût même pour déconstruire le patrimoine. 
Comme l’art contemporain s’adosse aux classiques, l’évocation des battements d’un certain Boléro permet-elle d’annoncer avoir puisé dans un « matrimoine »? Une heure fugace.

mercredi 12 mars 2025

Neandertal. David Geselson.

Après des salles qui l’an dernier tardaient à s’éteindre au début d’une pièce de théâtre, l’absence de lumière jusque sur le plateau devient tendance.
Ainsi nous ne voyons rien de la première scène où deux scientifiques sont réfugiés dans les sous sols de l’université qui les accueille lors d’un colloque.
Nous sommes intrigués, et les surprises ne manqueront pas tout au long de ces 2h 20 d’interrogations souriantes.
Même si on ne comprend pas tout de la conférence gesticulée qui suit pour nous expliquer ce qu’est l’ADN, nous pouvons saisir les enjeux du travail d’une équipe de paléogénéticiens chargés de trouver « du vivant dans des trucs morts ». Toutes les compositions amoureuses sont possibles dans ce groupe burlesque, pathétique, émouvant, qui croise thèmes de recherche et  vie privée de tranquillité quand il est question de filiation, de mémoire. Les acteurs sont excellents, la mise en scène au poil.
L’homo sapiens a-t-il rencontré le néandertalien ? Y a-t-il urgence à se procurer des os de 30 000 ans d’âge alors que des cadavres sont à reconstituer du côté de Srebrenica ? Y a-t-il un gène juif ? Qui était le premier occupant de Jérusalem ? Quand ai-vu pour la dernière fois une étoile filante ? 
Ces interrogations ouvrant vers l’infini du temps et de l’espace se traitent poétiquement à coup de balais essayant de débarrasser la terre du plateau, car tant de malheur sont arrivés depuis que « Dieu a été planté dans la terre ».
L’assassinat du premier ministre Yitzhak Rabin rappelé encore ce soir parait une fois de plus comme un évènement déterminant empêchant une quelconque résolution de la question éternelle des frontières au pays du Livre.
Pleinement dans l’actualité, sans prêchi-prêcha, nous sommes contents d’avoir résisté au découragement qui peut nous guetter après d’autres spectacles ignorant ou méprisant le spectateur. Le théâtre peut faire acte de bienfaisance. 

mercredi 5 mars 2025

Ma chair. Parelle Gervasoni.

Commencer avec une salle et un plateau dans le noir me mettait dans de bonnes dispositions pour passer en douceur des réverbères de la ville aux feux de la rampe, ce dispositif se démarquant d’autres amorces qui maintiennent  trop souvent les spectateurs dans la lumière.
Mais je suis resté dans l’obscurité.
Le texte se voulant poétique conviendrait peut être pour une lecture, mais ce seul en scène appelant la référence « stand up » et ses interactions avec le public m’a semblé lointain.
Parole d’abuseur d’allitérations. 
« Je m’entends rire aux éclats de la lune, d’un de ces rires nerveux dont on ne saurait dire si ce sont les éclats de sanglots d’un homme jadis éclatant, aujourd’hui éclaté. » 
Le thème de l’amant délaissé, tellement ressassé dans des chansons françaises récentes a tendance à entamer mon indulgence alors que celui de la mémoire devrait me remuer, las !Orphée, Eurydice et le chien d’Ulysse ont beau être convoqués, cette chère de « Ma chair » évaporée manque d’incarnation. Ce collant compagnon soliloquant aurait tendance à faire fuir.
Et ce n’est pas la rencontre d’un hippocampe lors d’une plongée interminable qui joue avec l’hippocampe comme siège de la mémoire qui ajoute de la profondeur à cette recherche dont l’ambition m’a échappé.
Il est question d’incommunicabilité : c’est gagné !  

mercredi 26 février 2025

Matin à la cornemuse. Erwan Keravec & Les sonneurs.

Le quatuor, dont les instruments à vent renvoient à quelque image folklorique, semblerait plus à sa place dans les landes armoricaines qu'en auditorium. 
Hé bien au cours de l’heure dominicale à la MC2, rendez-vous des mélomanes curieux, trélombarde, bombarde, biniou et cornemuses conviennent parfaitement aux musiques les plus expérimentales.
Leurs sons stridents, les notes tenues, les mélodies répétitives, rencontrent des compositions exigeantes dont un morceau de Phil Glass, le plus célèbre, clôt en beauté la séance. 
Les sonneurs expérimentant les modes de jeux les plus divers, sont surprenants, dérangeants, grinçants, couinant ( "god save the couine"), délicats, contrastés, sensitifs, voire facétieux dans leurs recherches où la modernité la plus insolite rencontre la tradition la plus identifiable. 
Cependant dans le quatuor de mes amis, certains ont trouvé le concert difficile et parlaient plus volontiers de bouchons d’oreilles que d’envie d’un morceau supplémentaire.

mercredi 19 février 2025

Le rendez-vous. Katharina Volckmer Jonathan Capdevielle Camille Cottin.

Camille Cottin se montre furieusement bankable en ce moment,
la pièce inspirée par le livre à succès Jewish Cock« la bite juive » est accueillie favorablement par la critique,
le changement de genre se porte bien dans la période. 
Mais la mode s'avère parfois périssable.
L’actrice seule en scène se déplace parmi les plis d’un très grand tissu.
Ce décor, avec les costumes que porte l’ancienne humoriste de « Connasse » constituent à mes yeux les seules réussites de cette soirée qui a le mérite comme disait une amie de ne durer qu’’une heure vingt. 
Elle se déguise, bavarde, traverse le plateau avec un ruban de gymnaste aux couleurs du rainbow flag. C’est qu’il y a encore du boulot  quand les petites lèvres se traduisent en allemand par « lèvres de la honte».
De surcroit, le thème de la culpabilité après la Shoah traité avec, semble-t-il, une efficacité relative, alourdit le propos dont l’humour m’a échappé totalement, malgré quelques outrances verbales, « épate bourgeois » comme on disait au XIX° siècle.
La petite fille du chef de la gare située juste avant Auschwitz avait déjà fait part de ses fantasmes sur Hitler à son psychanalyste, elle poursuit sa logorrhée chez son gynécologue juif.
Le personnage se passera de notre compassion : 
« L'autre raison pour laquelle je ne vais plus au parc, c'est que me retrouver régulièrement forcée d'écouter la conversation des autres déclenchait chez moi des hémorragies internes. »

mercredi 12 février 2025

Blizzard. Flip fabrique.

Longtemps après que les cercles de sciure ont disparu, des québécois, une nouvelle fois,  nous procurent bien du plaisir dans le domaine des arts du cirque,  
mais cette fois pas de Soleil au théâtre (du) : bonnets et boules de neige pour sept acrobates et un musicien en « temps de poudrerie » comme disait Vignault autre vigoureux bienfait poétique de ce bout d’Amérique tant aimé.
Parce que  « l’hiver est plus qu’une saison, c’est un mode de vie », « le ministère canadien du froid, de la froidure et du brrrrrr » donne quelques conseils clownesques qui ne marqueront   quand même pas les mémoires, alors que les performances acrobatiques le long des mâts, au bout de sangles à tourner les têtes, font frissonner, de plaisir, la salle. 
Le pianiste à roulettes accompagne le ballet des artistes au trampoline, avec quatre cerceaux pour un contorsionniste, des mains à mains époustouflants de force et de grâce, des jonglages étourdissants au moyen de pelles à neige, et des sauts à la corde parfaitement coordonnés avec des écharpes… 
La séquence de patinage guillerette et naïve s'accorde parfaitement au thème, dans l’esprit candide de la troupe, nous offrant un final poétique et athlétique très applaudi autour d’une structure  parallélépipédique dont ils ont joué avec virtuosité pendant une heure et quart. 

mercredi 29 janvier 2025

Didon et Enée. Blanca Li.

Il y a deux mille ans, Virgile contait le suicide de Didon première reine de Carthage après le départ de son amoureux Enée. Purcell en fit un opéra baroque en 1689. Il y a six mois  Blanca Li présentait un magnifique ballet sur une musique dirigée par William Christie.
Nous avons eu la chance de voir à la MC2 ce spectacle pour lequel le mot époustouflant me vient d’emblée bien qu’il soit un peu trop tapageur alors que s’impose simplement l’évidence de la beauté.
Je n’ai pas recherché les détails de la narration, impressionné par la fusion des gestes et de la musique. La diversité, l’énergie, la fluidité, la précision des gestes suspendent le temps pendant une heure vingt.
Qu’importent les dates des œuvres littéraires, musicales, chorégraphiques qui se sont enrichies avec les siècles, la performance des 10 artistes nous attrape d’emblée sous des lumières elles aussi en harmonie avec les élans de la passion.
Nous sommes au-delà des modes classiques ou contemporaines hip hop ou flamenco, dans l’inventivité sans esbroufe.
Parmi tant images offertes à profusion, j’ai vu comme les mystères de Delvaux, 
l’élégance des personnages de Vettriano 
les lignes claires de Magritte ouvrant vers des univers magiques 
Le  plateau recouvert d’une pellicule d’eau offre de nouvelles façons de s’unir, de se porter, de se séparer, de fuir, de se transporter dans cette histoire méditerranéenne.

mercredi 22 janvier 2025

Les gros patinent bien. Olivier Martin-Salvan Pierre Guillois.

Depuis son tabouret l’homme en surpoids voyage grâce à son gracile comparse qui court dans tous les sens, brandissant des cartons annonçant nuages et ferry, jouant la mouette et un phare à un rythme endiablé. Les rires n’ont pas cessé pendant une heure vingt.
Les Monty Python figurent comme référence et le mot  anglais « slapstik » peut caractériser cette forme d’humour burlesque, quand deux bâtons entrechoqués imitent une claque.
C’est pas tous les jours qu’on rigole, alors le public ne s’en prive pas qui a fait de ce voyage au pays des stéréotypes un succès depuis deux ans. 
Ils « cartonnent. »
Ils ont le sens du public quand ils se disent agacés par les claquements de mains des spectateurs et nous marchons puisqu'il faut prendre à partie le méchant qui nous le rend bien.
Quand le maladroit marche dans le caca, parle une langue inventée, et que tout tourne autour d’une séduisante sirène, nous revenons, allégés, en terre d’innocence, nous délectant de blagues nulles et d’’engueulades pour de faux.
Voilà du théâtre populaire où emmener toutes les classes qui apprécieront l’inventivité, l’humour des deux compères, nous en mettant plein les yeux, le ventre, avec trois fois rien : du scotch et des feutres, des emballages. 
Il faut plus de cinq heures pour installer les 500 cartons avant la représentation et refaire la marmotte passée à la broche, remettre dans leur boite tous les éléments qui se sont déchainés : pluie, neige et grêlons, donner un coup de balai.     

mercredi 15 janvier 2025

Résonance. François Veyrunes.

Un noir ruisseau rectangulaire scintille en fond de scène où quatre danseurs et deux danseuses entrent et sortent en diverses compositions, s’élèvent en poirier, se tiennent, se soulèvent.
Performances gymniques de hip hoppeurs lents, en leurs habits de tous les jours, sur musique électro pimentée de bruits de la nature et de sonorités mystiques.
Si je n’ai point vu « une exploration du corps social et de ses différents modes d’organisation », dans le genre « danse philosophique » comme le caractérisait une amie, je n’ai pas été insensible à la force tranquille des artistes, ni à l’atmosphère languissante où les tentatives de combattre la pesanteur passent par de puissants et doux appuis en solo, à deux à trois.
Des tableaux se montent tels les dessins d’Ernest Pignon Ernest quand il évoquait Pasolini ou Genet, entre deux galopades, nous sommes en terre Galottéenne.
Les inventions plastiques ne sont pas tapageuses et on peut se laisser gagner par les mouvements et les sons hypnotiques qui font de cette heure une expérience qui mérite d’être tentée.  

mercredi 8 janvier 2025

La Traviata. Verdi. Rohrer, Le cercle de l’harmonie.

Il y a quelques années, nous avons eu l’occasion de voir à plusieurs reprises la «  Ménagerie de verre » de Tennessee Williams ; en ce moment «  La Traviata » semble à la mode.
Et cette version fidèle à l’original était excellente. 
Devant tant de justesse de l’orchestre, du chœur et des solistes, en particulier Violetta et le père d’Alfredo, on ne peut que saluer les exigences du travail préparatoire pour arriver à cette légèreté.
Violetta, « La dévoyée », apprend qu’Alfredo un riche héritier est amoureux d’elle (follement bien sûr, nous sommes à l’opéra), mais le père demande à la belle de renoncer à cette relation.
Alors que Verdi enfreignait les règles de son milieu en entretenant une liaison non maritale avec une cantatrice qui finira par devenir son épouse, il s’est mis à écrire son œuvre en 1853 inspirée de « La Dame aux camélias » d’Alexandre Dumas sur le même thème.
Les moments entrainants : « Libiamo » et « Les bohémiennes » mettent en relief les délicats pincements des cordes, quand « les cœurs percés de mille serpents » sont chahutés entre allégresse éclatante et désespoir le plus noir.  
Le public applaudit debout après deux belles heures quarante cinq.

mercredi 18 décembre 2024

Barbara. Ensemble Contraste.

En sortant de cette heure de concert trop courte où j’avouais mon émotion à mes amis qui eux aussi avaient été touchés, j’étais content de vérifier que mes glandes lacrymales fonctionnaient encore, tellement les coups de chaud en chansons se faisaient rares depuis un moment.
Est-ce un reste de Top 50, la crainte de ne pas « être dans le coup » comme on disait jadis, mais dans ma jeunesse il fallait que les « tubes » se renouvellent? Cette avidité est devenue  bien moins impérieuse d’autant plus que toute comparaison ne peut être établie avec de sublimes poètes comme Barbara gagnant encore en force avec le passage du temps. 
Merci à l’ensemble Contraste de retrouver « la longue dame brune ».
La chanteuse Albane Carrère passe haut la main l’examen devant les admirateurs impitoyables de la petite juive cachée à Saint Marcellin pendant la guerre. 
« Oh les noix fraîches de septembre
Et l'odeur des mûres écrasées
C'est fou, tout, j'ai tout retrouvé
Hélas »
 
La chanteuse lyrique classique interprète avec fidélité, sans parodier la classique auteure-compositrice-interprète.  Elle a la pudeur et l’élégance de respecter l’histoire personnelle de Barbara en laissant les musiciens interpréter seuls « L’Aigle noir ». L’altiste du groupe donne quelques indications utiles sans tomber dans l’indiscrétion biographique : Brel a encouragé Monique Serf, dite Barbara à écrire ses propres chansons après avoir chanté celle des autres dans les cabarets de ses débuts.
Ce qui nous vaut la charmante « Jolie Môme » de Ferré :  
« T'es qu'un brin de soleil
Dans l'chagrin du réveil »
 
Après l’inusable « Tourbillon de la vie » et la bouffonne «  Elle vendait des petits gâteaux », on se rappelle de l’auteur d’une « Histoire d’un amour » : Francis Blanche. 
« C'est le rêve
Que l'on rêve sans dormir ».
 
Dès les premières notes, dès les premiers mots, nous sommes transpercés. 
« La solitude » : 
« Elle est revenue, elle est là
La renifleuse des amours mortes »
 
Toutes les grandes chansons s'enchainent : « Nantes », «  Göttingen », « Dis, quand reviendras-tu ? » « Le mal de vivre » 
« Ils ont beau vouloir nous comprendre
Ceux qui nous viennent les mains nues
Nous ne voulons plus les entendre
On ne peut pas, on n´en peut plus »
Quand les mots se donnent la main si justement, la poésie met du baume sur les plaies.
Les musiques les plus nostalgiques font gonfler oreillettes et ventricules et donnent du bonheur.
Nous avons le plaisir de (re)découvrir : «  Mon enfance », « Toi »
« Devant toi, j'étais vraiment nue
Le jour où tu m'as dévêtue. »
 
« La petite cantate » aux inflexions si douces est un hommage à sa pianiste morte dans un accident.  
« Je te revois souriante
Assise à ce piano-là
Disant bon, je joue, toi chante
Chante, chante-là pour moi
Si, mi, la, ré » 
De belles histoires d’amour.

mercredi 11 décembre 2024

Comment sont vos nuits ? Orchestre national de Lyon.

Voilà une bonne idée surtout si 
Mendelssohn, 
De Falla, 
Moussorgski 
et Schönberg 
sont au programme d’un orchestre plantureux dirigé par l’énergique Johanna Malangré.
Au pays des rêves et des étoiles, pas besoin de vidéo pour que les auditeurs puissent répondre à la question initiale, chacun pour soi, sans injonction.
On peut se laisser bercer par l’ouverture du « Songe d’une nuit d’été » du romantique allemand moins sombre 
que « Nuits dans les jardins d’Espagne » aux accents de là bas.
Même pas peur, mais du plaisir pour « Une nuit sur le Mont-Chauve » du maître russe du fantastique.
« La nuit transfigurée » en deuxième partie de soirée ne laisse pas deviner les atonalités futures du « dégénéré » réfugié à Los Angeles.
Novice en musique jusqu’à la fin de mon temps, j’aurais bien aimé apprécier sa musique sans image et sans un texte qui pourtant a servi son inspiration, mais a pu me paraitre dépourvu de poésie : un homme accepte que la femme qu’il aime porte l’enfant d’un autre.
Cela avait fait scandale à l’époque : tout n’était pas mieux avant.   

mercredi 4 décembre 2024

Le garage inventé. Claude Schmitz.

Cette pièce de théâtre serait « méta diégétique » voire « désanthropocentré » comme j’ai pu le lire chez quelque auxiliaire publicitaire squattant les réseaux des amateurs de plateaux. J’avais cherché en vain quelques critiques, sortis peut être avant la fin comme de nombreux spectateurs trouvant interminables ces 2h et quart.
Je dirais que c’était simplement « con » et assumé comme tel.
Le metteur en scène censé penser vient faire des effets de panse sur le plateau avant que son actrice ne dise qu’elle s’en va… et puis non elle revient. 
Une voiture n’arrive pas à démarrer malgré fumée et clignotements répétitifs, le spectacle ne s'est jamais mis en route. Le seul moment de théâtre arrive quand le technicien en chef  s’essaye à jouer Cyrano dont quelques mots suffisent à mesurer la profondeur de l’abime séparant les époques, j’allais dire les auteurs, mais non seul Rostand nous parle, l’autre reste un imposteur jargonnant jouant avec l'éclairage.
Dans un  long prologue cinématographique un sympathique grand-père rocker joue au dragon gentil avec une petite fille qui triture un cheval au bout d’une ficelle nommé cheval-ficelle. C’est elle la plus inventive dans cette création vaine, même pas pathétique, ni absurde, ni loufoque : vide.  
Heureusement quelques commentaires peuvent divertir après l’habituelle  
« actrice emprisonnée dans l’imaginaire patriarcal d’un metteur en scène » : 
«  Ce qui fait d’ailleurs penser à la pièce Stifters Dinge du compositeur et metteur en scène allemand Heiner Goebbels présentée en 2008 au Festival d’Avignon, « une œuvre pour piano sans pianiste mais avec cinq pianos, une pièce de théâtre sans acteur·ice, une performance sans performeur·se mais avec de la lumière, des images, des bruits, des sons, des voix off, du vent et du brouillard, de l’eau et de la glace ».

mercredi 20 novembre 2024

Animal. Cirque Alphonse.

Le plaisir de jouer de la troupe familiale venue du Québec déborde du plateau.
La Belle province nous fournit ici un beau moment de cirque chorégraphié, de fortes performances acrobatiques accompagnées de musique originale en direct, du « funk agricole ».
Les chanteurs sont convaincants à la fois jongleurs, équilibristes, nous entrainant dans un rythme trépidant avec une autodérision candide, un humour réconfortant.
Roue de tracteur, poulets couineurs en latex, œufs à cuire, fourches, seaux de grains, énorme cloche, brouettes, taureau mécanique… les objets les plus prosaïques sont prétextes à cabrioles, tour de force et d’habileté.
L’originalité rencontre la poésie et l’évocation d’une campagne à ce point ludique laisse penser au travail nécessaire pour régler un tel spectacle devant prendre plus de temps que la maturation d’une moisson. Les images proposées  jouant avec les clichés ne s’enferment pas dans la nostalgie. 
Le vrai vieux (78 ans) qui grimpe à une perche portée par un hercule de foire ne sera pas celui qui grimpe au cocotier pour être secoué au point d’en tomber, les mômes jetés en l’air dans la ronde des poulets sont recueillis pas des bras solides et tendres, les deux femmes qui s’équilibrent sur des bidons de lait portent au plus haut la complicité de ce groupe de neuf autour de la tribu Carabinier.

mercredi 13 novembre 2024

Good road to follow. Quatuor Béla.

 
L’intitulé de départ: « Les clochards célestes » a changé pour un habituel titre en anglais justifié par l’évocation d’un voyage dans les musiques novatrices venues du Nouveau monde. L’allusion initiale à l’ouvrage de Kérouac exprimait cette recherche d’absolu qu’un des compositeurs joué ce dimanche matin, Moon Dog ou le « viking de New York » de son vrai nom, Louis Hardin, incarnait parfaitement.
Les trois violonistes et l’expressive violoncelliste tirent les sonorités les plus diverses de leurs instruments sur des partitions inventives, surprenantes, drôles. 
Dans les morceaux choisis aux notes parfois ténues, aux emballements réjouissants, la précision des pizzicati ne contredit pas la fantaisie des propositions. 
Classique, ou d’avant-garde, jazz ou pour cartoon, ce moment musical permet d’avoir une idée de la perfection quand est palpable le plaisir de jouer au bout d’un travail admirable. 
Nous oublions alors, pour un moment,  d’autres énergies humaines consacrées au malheur de leurs semblables.

mercredi 23 octobre 2024

La petite renarde. Ensemble Miroirs tendus.

L’opéra de Janačèk a été adapté pour un ensemble de quatre instruments : cymbalum, piano, contrebasse, flûte, dans un format d’une heure à destination d’un public d’enfants avec une conteuse en maîtresse de cérémonie.
Une renarde échappe aux hommes, séduit un renard avec lequel elle aura renardeaux et renardelles, avant que ne l’atteigne une balle.
La fantaisie de la musique m’aurait suffi si l’évocation de la nature, du cycle des saisons n’avait pas été perturbée par la récitante à la diction chuintante et au jeu d’animatrice pour anniversaires.
J’ai fait confiance à la formule des concerts du dimanche 11 h de la MC2 à des prix bien inférieurs aux représentations musicales ordinaires où des productions de qualité sont présentées aux enfants accompagnés essentiellement des grands parents.
Pourtant habitué aux spectacles destinés au jeune public qui peuvent ravir aussi les adultes, cette fois le versant pédagogique m’a paru maladroit. 
Quel besoin de dénigrer Bambi pour se faire valoir dans le journal de salle ?
La comparaison se retourne cruellement contre la critique, l’arpenteuse de scène peut remballer son gilet orange dans son sac à dos et laisser la musique, la poésie, exprimer la fragilité de la vie, ses joies et ses tristesses.           

dimanche 1 septembre 2024

Au bonheur des mômes 2024.

Les vacances se finissent en grande beauté au "Grand Bo" pour notre dixième festival,
où nous avons vu:
« La fin du monde c’est (pas) pour demain »
 
offre l’occasion d’une discussion sur l’avenir de la planète entre mon petit fils confiant en la science et sa grande sœur plus inquiète de l’épuisement des ressources. Le récit autour d’un magicien captivant appelle ces commentaires pour mieux comprendre la profondeur du propos. 
La compagnie de « La fabrique des petites utopies » replace les problèmes d’aujourd’hui à l’échelle de 24h dès lors que l’apparition de l’homme se produirait une minute avant minuit. 
« Le souffle d’un rêve. » La lune dans les pieds.
Le titre convient parfaitement au spectacle joué au bout d’une montée en téléphérique où nous étions accompagnés par des adeptes du vol libre. 
Natif d’une époque sonorisée par les guitares électriques, je me demandais si les enfants de l’électro pouvaient s’intéresser à l’accordéon. L’histoire personnelle de l’acteur concerne à la fois les contemporains de Verchuren et les familiers d’Oreslan. Sa persévérance pour obtenir l’instrument de ses rêves ne fait que prolonger le désir de son père porté par une même passion réalisée par la génération suivante. 
« Classe verte. » Robert et moi. 
Les chansons excusent les séquences à l’humour insistant autour d’un instit balourd aux compétences écologiques limitées, aggravées par une grosse fainéantise.
« Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. »
« Les misérables. » Les batteurs de pavé. 
Il faut bien que les deux bateleurs suisses choisissent quelques comparses dans la foule enthousiaste pour évoquer les nombreux personnages de l’œuvre de Victor Hugo.
L’ampleur du monument patrimonial ayant déjà impressionné quelques générations, celle qui est haranguée par les influenceuses mérite au moins quelques rappels de moments héroïques. 
L’humour appelant un regard critique peut aussi convier à connaitre de sublimes personnages à la générosité et au courage grandioses.
Ces citoyens de notre riche voisin remercient les politiques qui ont permis la gratuité de leur spectacle quand tant d’autres ne mentionnent jamais ceux qui financent leur liberté.
« Quatre fois rien. » Joe Sature et ses joyeux osselets.
 
La bande son met en valeur le rythme de la joyeuse troupe d’excentriques acteurs chevronnés. Parmi d’autres séquences vivement menées, la classique concurrence entre chefs d’orchestre nous donne l’occasion après coup d’écouter Vivaldi en revenant de la revue.
« La cuisine musicale. » Minute papillon.
Proposer de l’opéra sous un chapiteau surchauffé, malgré des bénévoles arrosant le public à la sulfateuse, relève d’une haute ambition. 
Mozart, Bizet, Puccini, Rossini sont au menu avec une chanteuse énergique accompagnée par une contrebasse née d’une poêle, d’une grille de four-harpe, d’une louche-flute. 
La salle reprend avec application les lalala universels  après plusieurs morceaux dans la langue de Verdi. 
« Quand les corbeaux auront des dents. » L’espèce de compagnie. 
Un corbeau part vers le nord pour retrouver les princes gris, les loups, anciens partenaires de chasse. Les jeux élémentaires avec les objets perdent de leur force évocatrice quand la présentation des méprisables « deux pattes » s’avère sans nuances. 
Comment de si méchants personnages pourraient assimiler les leçons délivrées par les deux actrices amies des gentilles bêtes ? 
« Hôtel Cosmos ». Le Volubile.
 
Les rires des plus petits perturbent l'ennui effleurant certains quand des valises insaisissables et des personnages se cognant partout ne mènent nulle part. 
La représentation dans cet hôtel déserté m’a semblé vide de sens. 
« Bête Beurk, la folle création du monde ». Monde à part.
 
Le dernier spectacle m’a paru bien meilleur avec un dynamique conteur rock, pourtant parfois inquiétant. La terre est plate comme un vinyle, très sèche sur sa face A, très humide face B.
Un bon roi vivait d’un côté, un monstre de l’autre. Cette dualité simpliste totalement assumée s’avère tellement drôle. 
Quoi de plus trash qu’un baiser sur les lèvres avec la langue pour les foules enfantines ? 
Leur indignation sur-jouée s’exprime dans les rires déclenchés également par l’évocation de pustules, ulcères et autres bubons plein de mayonnaise.
 

mercredi 5 juin 2024

Les quatre saisons. Le concert de la loge.

Entendu à la sortie : « c’est une bonne idée de mettre de la danse avec de la musique ». Certes, le hip hop et Vivaldi pouvaient former un couple original, mais je ressors de cette heure de spectacle plus mitigé que la salle qui a applaudi vivement les performances des danseurs.
Sur la scène étroite de l’auditorium destinée aux orchestres, les danseurs de Mourad Merzouki se sont glissés parmi les violonistes aux pieds nus de l’ensemble dirigé depuis son violon quelque peu ostensible par Julien Chauvin.
J’ai apprécié quand le groupe inventif et coordonné accompagne les élans de la musique baroque, mais bien qu’en concerto, m‘a-t-on expliqué, le soliste se confronte à l’orchestre, j’ai trouvé souvent agressifs les solos chorégraphiés. Lorsqu’ils retombent de leurs sauts spectaculaires et que claquent les planches, la subtilité des harmonies en est perturbée.
Dans le journal de salle, les biographies des interprètes sont complètes mais rien sur le « prêtre roux », Vivaldi, qui depuis trois siècles a mis de la légèreté à nos printemps, de la joie aux fêtes d’automne.