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dimanche 8 juin 2025

Cher cinéma. Jean-Claude Gallotta.

J’aime retrouver, à chaque saison, les gestes du chorégraphe célébré bien au-delà de nos montagnes. Cette familiarité s’illumine à chaque fois de nouveauté. 
Pas de vidéo, ni de parodie pour cet hommage au septième art,  vibrant, fringant, fougueux.
De sa voix espiègle, il dit qu’il doit « le métier tout simplement » à Federico Fellini, 
que le cinéma avec Anne-Marie Mieville comme la danse « se fait à deux ». 
Il a appris l’insolence avec Bertrand Blier, 
le dépassement avec Nadège Trebal 
et la vérité des mensonges avec Raoul Ruiz. 
Il reconnaît l’exigence de Leos Carax, 
l’élégance de Nani Moretti, 
la dignité de Tonie Marshall, 
la fidélité de Claude Mourireas. 
Jean-Luc Godard fut le réalisateur de sa propre vie. 
Avec Robert Guédiguian, il ne faut pas oublier d’où l’on vient. 
S'il devait l’intensité à Patrice Chéreau,il la lui rendait bien dans la séquence qu'il lui a consacrée. Comme il rend un hommage sensible et léger à chacun des cinéastes, nous surprenant encore et encore au bout de ces 35 ans de scènes sautillants, où il sait si bien mettre en harmonie, la beauté qui nous « guérit » comme il dit.
Epatant.

mercredi 28 mai 2025

La vie secrète des vieux. Mohamed El Khatib.

Il est souvent difficile de ne pas être déçu par une pièce précédée de très bonnes appréciations, eh bien cette heure trop courte est à la hauteur des compliments.
Le journal de salle annonce, modeste: 
« partons à la rencontre des vieux » 
Et avec justesse : 
« Faire face au vieillissement, c’est d’une part affronter le regard social 
et d’autre part observer son corps usé qui altère jour après jour l’autonomie ». 
Qui pourrait prétendre déballer tous les secrets ? 
« Moi je veux bien tout vous raconter, mais je ne voudrais pas que mes enfants le sachent.
Ils pensent que c’est fini pour moi depuis un moment… » 
Les acteurs amateurs cabotinent un peu devant un public qui comportait moins de vieux que d’habitude m’a-t-il semblé, mais le boomer est prêt à tout leur pardonner tant ils sont frais.
Le récit de leurs amours anciennes ou actuelles avec la présence d’une aide soignante en EHPAD jouée par une comédienne surprenante, passe du rire au drame, tout en posant quelques bonnes questions sur nos relations avec nos ancêtres et nos enfants et sur la représentation théâtrale.
Ce moment éclatant de sincérité, bien documenté, dose avec finesse pudeur et crudité, spontanéité et écriture, humour et gravité. 
Sur le dance floor, le désir de vivre peut s’exprimer à proximité d’une urne funéraire.

mercredi 21 mai 2025

Léviathan. Guillaume Poix, Lorraine de Sagazan.

 

Le titre déjà n’hésite pas sur la métaphore pompière. 
« Le Léviathan est un monstre colossal, dragon, serpent et crocodile, 
dont la forme n'est pas précisée ; 
il peut être considéré comme l'évocation d'un cataclysme terrifiant capable de modifier la planète, et d'en bousculer l'ordre et la géographie, sinon d'anéantir le monde. » 
Wikipédia
Au moment où l’extrême droite se déchaine contre les juges, un spectacle mettant en question la justice excite la curiosité.
Mais le mélange des genres, les affèteries de mise en scène brouillent le propos bien que le voile qui respire au plafond soit poétique.
Il est question de comparution immédiate dans le palais de Thémis tenant en son poing un glaive, une arme de catégorie D  pourtant interdite dans l’espace public.
« Le Canard enchainé », en se contentant de décrire les audiences expéditives, en a relevé pendant des années toute l’injustice.
Un ouvrier a conduit une moto sans permis et sans casque,
un SDF a insulté une policière, 
une mère a volé des vêtements pour sa petite fille dont le père violeur a la garde.
Dans un lieu qui a justement à voir du côté de la théâtralité, les situations des prévenus n’ayant blessé personne sont tellement caricaturées qu’elles perdent de leur force. Juge et avocats aux mouvements de pantins s’agitent et crient. Un cheval arrive sur scène comme un chien dans un jeu de quilles et mange quelques pages du code pénal.
La plaidoirie en faveur d’une justice réparatrice peut s'entendre, prononcée par le seul acteur à la belle voix, sans bas sur le visage, ni allure de marionnette. Une brève apparition d’un surveillant de prison filmé en vidéo, nous a  surpris par son naturel, son humanité.
Le jeu avec le silence final est bienvenu.
Autant le choix des marionnettes était judicieux dans une pièce d’Ibsen pour traiter de l’incommunicabilité, autant cette déshumanisation des travailleurs de la justice me parait contestable en s’invitant dans le grand carnaval où, Trump, le fou devenu roi, fait exploser  toutes les valeurs en s’attaquant en premier lieu à la justice.

mercredi 14 mai 2025

Viennoiseries. Jeanne Bleuse, Julian Boutin.

Le mot « Viennoiserie » au parfum de croissant s’est enrichi ce dimanche matin des musiques de la capitale des bords du Danube.
Mozart, Beethoven, Schubert …  au piano et au violon.
Avec une pédagogie équilibrée entre des morceaux familiers et des découvertes, les deux musiciens varient sur le thème « Ah vous dirai-je maman », s’amusent avec le « Pierrot lunaire » de Schönberg, et ravissent les romantiques avec la musique de «  Mort à Venise » de Mahler transcrite pour piano.
J’ai apprécié la performance voulue par Paganini se mettant à l’épreuve dans « Le rire », et l’étrangeté de Webern dans « quatre pièces ».
Les deux instrumentistes ont travaillé avec le quatuor Béla, familier de la MC 2, qui sert parfaitement la musique classique sans s’interdire des approches contemporaines avec une rigueur et une curiosité qui assurent leur succès.

mercredi 7 mai 2025

21 & Gira. Grupo Corpo.

Nature et culture dialoguent : sauvage et classique, inventif et précis, élémentaire et profond, sylvestre et urbain, mathématique et animiste ...
Quand certains artistes veulent abolir la distance de la scène à la salle, ce spectacle objet d’admiration mérite d’être surélevé pour sa beauté, le professionnalisme de la troupe, le pouvoir du chorégraphe.
Même si la diversité des thèmes musicaux aurait mérité parfois des enchainements plus lisses pour ne pas entamer la cohérence du spectacle, on retient sa richesse et sa force.
Les couleurs explosent, et dans le jeu des lumières et des ombres, les apparitions disparitions ajoutent de la magie à la transe hypnotique, des mouvements les plus subtils aux performances les plus spectaculaires au sein d’un groupe puissant où s’harmonisent les apports individuels. 
 Le Brésil et sa diversité, sa simplicité, nous régale à tous les coups :

mercredi 30 avril 2025

Une maison de poupée. Henrik Ibsen, Ynvild Aspeli, Paola Rizza.

L’utilisation de marionnettes convient parfaitement au thème de la pièce où se mesure la distance entre l’artifice et l’authenticité.
Une femme fait en secret un faux en écriture pour financer un voyage pour son mari malade. Pour emprunter de l’argent, il fallait l’accord du mari. D’où la mise à jour des sentiments, des colères; une vie paisible va se défaire.  
En France il a fallu attendre 1965 pour que les femmes puissent signer un chèque sans l’autorisation du mari.
Dans cet aperçu d’un moment de vie bourgeoise au XIX° siècle, traité finement, avec par exemple ce mot de tendresse : « mon alouette » qui en se matérialisant par un masque, souligne les faux semblants de la vie de couple.
L’artiste joue tous les rôles, imite toutes les voix, manipule les personnages à taille humaine avec virtuosité. Un interlocuteur existe quand on s’adresse à lui.
Par le jeu des lumières et des costumes, malgré d’angoissantes araignées, la narratrice se distingue de l’actrice en route vers une émancipation coûteuse, aux enjeux toujours d’actualité.  

mercredi 23 avril 2025

Les chats [ou ceux qui frappent et ceux qui sont frappés]. Jonathan Drillet Marlène Saldana.

Ouaf ! Ouaf  ! Grrr !
Ah oui ce sont les mêmes qui avaient déjà présenté un spectacle étrange, ils ont récidivé avec un objet déplaisant, mais cependant marquant. 
Leur expression nihiliste dévore elle même son propos, alors que la teneur est écologique +++ j’ai vu une indubitablement cycliste quitter la salle comme d’autres spectateurs avant la fin.
J’ai voulu rester jusqu’au bout des deux heures pourtant prévues pour durer une heure, afin d’ approcher des sommets du « n’importe quoi » produit et soutenu par une kyrielle d’institutions.
Pour rester dans le registre exagéré de toutes les paroles proférées sur scène, je dirais qu’il s’agit d’une tromperie de plus. Un chat en divinité égyptienne figure dans le catalogue alors qu’il n’est guère question de la condition féline, pas plus que de « Cats » la comédie musicale en référence, dont la notoriété ne m’avait pas atteint, n’ayant droit qu’à une furtive allusion.
Lors d’une pause dans l’agitation, sont mentionnées quelques anecdotes choquantes : un massacre des chats organisé par des apprentis imprimeurs parisiens au XVIII° siècle et du  chat mis au menu en Franche-Comté.
L’ambition était ailleurs, sous forme d’adjonction d’un discours radical à un anodin produit culturel populaire, sur un fond banalement anthropomorphe de chez l’ anthropocène, comme le firent les situationnistes sur des films de karaté, il y a un demi-siècle.
Les discours assommants chantés à propos d’Amazon et de l’IA, les litanies parlées/chantées, rarement chantées, les proclamations violentes sont parasitées par les mimes appuyés de la dizaine d’acteurs à quatre pattes se léchant, minaudant, d’une grâce tapageuse si loin de celle de nos minous.
Kit Cat va être déçu : le grand sac destiné aux végétariens est rempli des problèmes de forages et un certain Artémis de la fille à  Neuneuille a été tué dans une fête à Montretout… 
Il faudrait quelques heures de plus pour trier dans ce fatras et distinguer « climatosceptiques », « climato-réalistes » ou « climato-je-m’en-foutistes » qui risqueraient de repartir avant que les trams aient cessé de circuler.
Il aurait fallu se documenter :   
« Les chats sont aujourd’hui les icônes kawaï des réseaux sociaux et des childless cat ladies. » 
« Ceux qui frappent et ceux qui sont frappés, utsu mono to utaruru mono en japonais, est le titre d’un numéro de Kengeki, un combat de sabres, un sous-genre du kabuki du début du XXe siècle. »

mercredi 16 avril 2025

Souchon au Summum.

Je m’étais dit: « les concerts c’est fini » et puis l’accompagnant de toute une vie passant dans les parages je ne pouvais le manquer. 
L’octogénaire remonte les années et le moral.
Au-delà d’un air qui entête, les chanteurs vieillissent avec nous, laissant pour l’auteur de « Maman, comment tu m'as fait, je suis pas beau », la trace d'un infini sourire sous la mèche effilochée
Des indulgences peuvent être attribuées aux rêveurs réconciliés:
« J'aime les regretteurs d'hier
Qui trouvent que tout c'qu'on gagne on l'perd
Qui voudraient changer le sens des rivières
Retrouver dans la lumière
La beauté d'Ava Gardner ».
 
Je sais si peu de cette femme fatale mais l’idée suffit comme pour  
« ces nouvelles pour dames de Somerset Maugham » 
jamais lues, au fort pouvoir d’évocation. 
« La vie, c’est du théâtre et des souvenirs » de la littérature et du cinéma:  
« L’amour en fuite »
« Toute ma vie, c'est courir après des choses qui se sauvent
Des jeunes filles parfumées, des bouquets d'pleurs, des roses »
 
Bien sûr : « Foule sentimentale », « J’ai dix ans », « Poulailler’song », «  Rame », « La balade de Jim »…  deux heures et demie de plaisir parmi trois cents chansons, une découverte de trente ans d’âge, « Casablanca », la ville où il est né :
« Bogart offrait place de France
Du vin d'Alsace à sa Lauren »
Alsace Lorraine.
Le chanteur m’enchante tellement par sa poésie, ses décalages, que je lui pardonne ses appels sautillants à « Grenoble, Grenoble » qui m’insupportent chez d’autres. Le moindre de ses bavardages, augmenté par sa belle complicité avec ses fils, me fait sourire.
Et je fonds :
« Quand j'serai rien
Qu'un chanteur de salle de bains
Sans clap clap
Sans guitare sans les batteries qui tapent
Est-ce que tu m'aimeras encore
Dans cette petite mort ? »
 
« Oui! » crient les « folles griffonnant des « je t’aime » sur des bristols ».

mercredi 9 avril 2025

Elena, nécessité fait loi. Myriam Muller.

Cette pièce de théâtre inspirée du film russe « Elena », prix spécial du jury à Cannes en 2011, va au delà du « thriller sociétal » annoncé illustrant la « lutte des classes, des races, des sexes » d’après des commentateurs arrêtés à la prise du palais d’hiver en 1917.
Un de mes amis m’avait prédit en plus : ennui et bavardages. 
Il n’en est rien, j’ai  apprécié la mise en évidence de la distance entre une routine conjugale et les réflexions d’une belle jeune femme intransigeante, informée et solitaire, au miroir de nos petites habitudes qui relativisent de belles paroles sur l’amour, la vie.
Ces propos absolus en ouverture sont prononcés par la fille de celui dont l'existence sera abrégée par sa pauvre compagne accablée par les faiblesses de son propre fils à la descendance désespérante.
La belle mise en scène définit parfaitement les espaces entre des enfants respectifs dépendants du monsieur vieillissant et de sa dame dite « racisée » alors que rien n’apparaît à mes yeux pour documenter cette thématique. L’utilisation de la vidéo avec des plans travaillés rend l’ennui plus lourd, les pensées plus abrasives, les solitudes plus poignantes.
L’ajout au titre initial de la formule : « nécessité fait loi » me conforte dans l’idée que cette pièce stimulante, intéressante est « immorale » comme on disait jadis. 
Notre époque a-t-elle perdu tout humanisme ? Pour n’avoir pas donné de l’argent à des fainéants ingrats, un homme, fut-il ennuyeux, ne mérite quand même pas la mort !

mercredi 2 avril 2025

L’hôtel du libre échange. Georges Feydeau Stanislas Nordey.

Tant de notes d’intention ambitieuses avant un moment de théâtre tombent parfois dans la prétention et le ridicule, si bien que la mise en œuvre du projet « d’assumer le divertissement dans toute sa joie et son intelligence » apparaît comme une réussite.
De surcroit, les reprises de pièces du patrimoine se contentent souvent d’un démontage,
alors quel régal ces 2h ¾ renouvelant le vaudeville avec une drôlerie fidèle à la mécanique originelle (1894) mise au goût de nos jours!
Le metteur en scène que j’avais apprécié il y a dix ans, puis critiqué dans d’autres registres que celui tellement délicat de l’humour nous a convaincu ce soir.
« Il y a de la lave en moi ! De la lave en ébullition !... Seulement, je n’ai pas de cratère...
Eh bien, alors ! Un volcan qui n’a pas de lave : ce n’est pas un volcan !
C’est une montagne... avec un trou ! » 
Bien sûr, les portes  claquent, scandant dans un rythme échevelé les quiproquos qui se déchaînent. Le beau décor participe à une distanciation respectueuse, révélatrice, nourrissante, souriante. Les acteurs excellents proclamant leurs mensonges peuvent se passer de micro. Danses, chants, costumes participent à la fête où le metteur en scène se met à la hauteur du prestigieux auteur.

mercredi 26 mars 2025

Kolizion. Nasser Djemaï.

Mehdi, « Le guide éclairé par Dieu » surnommé « Kolision » par ses six frères depuis que l’un d’eux l’a fait tomber de son berceau, conte sa trajectoire menant à d’autres télescopages.
L’acteur, Redouane Leflahi, seul pendant 1h 40 sur une scène bien mise, exprime avec force les écrits d’un de mes auteurs de théâtre préféré. 
Cependant ce conte trop écrit, trop plein d’adjectifs - c’est moi qui dis ça ! - aurait mérité d’être plus resserré, sans nuire à sa générosité. 
En effet à l’opposé des jérémiades des transfuges de classe, le mérite du petit dernier de la famille devenu ingénieur m’a paru exemplaire. Les brûlures, les douleurs ne l’ont pas épargné, alors il faut bien qu'un infirmier l’amène à la littérature et qu’il tombe amoureux d’une pharmacienne. 
Sa vision optimiste de la société, si elle parait naïve en cette période folle, lui a permis de ne pas se retrouver enfermé dans la fatalité, la facilité.
Son goût des mots le reconnecte poétiquement à son enfance, et nous donne à partager ses questionnements à propos du sens d’une vie où crie la solitude.

mercredi 19 mars 2025

Fugaces. Aina Alegre.

Le centre chorégraphique de Grenoble et le Studio fictif rendent hommage à une gitane danseuse de flamenco, Carmen Amaya. 
La bande sonore rappelle en introduction les rythmes andalous avant qu’émergent de l’obscurité les fantômes de trois danseurs et quatre danseuses qui s'avèrent affublés de costumes déstructurés. Ils entreprennent des figures dans un silence interrompu parfois par un son de bâton de pluie. Difficile la danse sans musique, et déjà vue. 
Quand arrive enfin un trombone à coulisse joué par une des artistes sur fond de percussions, une transe aux allures africaines s’empare de la troupe qui en monte dans les gradins. 
Après silence et attentes, la libération de tant d’énergie nous convainc de la sincérité de la créatrice et de l’engagement d’un groupe déterminé. 
Les temps forts sont d’autant plus appréciés que les chaussettes noires dans des baskets ne me semblaient pas du meilleur goût même pour déconstruire le patrimoine. 
Comme l’art contemporain s’adosse aux classiques, l’évocation des battements d’un certain Boléro permet-elle d’annoncer avoir puisé dans un « matrimoine »? Une heure fugace.

mercredi 12 mars 2025

Neandertal. David Geselson.

Après des salles qui l’an dernier tardaient à s’éteindre au début d’une pièce de théâtre, l’absence de lumière jusque sur le plateau devient tendance.
Ainsi nous ne voyons rien de la première scène où deux scientifiques sont réfugiés dans les sous sols de l’université qui les accueille lors d’un colloque.
Nous sommes intrigués, et les surprises ne manqueront pas tout au long de ces 2h 20 d’interrogations souriantes.
Même si on ne comprend pas tout de la conférence gesticulée qui suit pour nous expliquer ce qu’est l’ADN, nous pouvons saisir les enjeux du travail d’une équipe de paléogénéticiens chargés de trouver « du vivant dans des trucs morts ». Toutes les compositions amoureuses sont possibles dans ce groupe burlesque, pathétique, émouvant, qui croise thèmes de recherche et  vie privée de tranquillité quand il est question de filiation, de mémoire. Les acteurs sont excellents, la mise en scène au poil.
L’homo sapiens a-t-il rencontré le néandertalien ? Y a-t-il urgence à se procurer des os de 30 000 ans d’âge alors que des cadavres sont à reconstituer du côté de Srebrenica ? Y a-t-il un gène juif ? Qui était le premier occupant de Jérusalem ? Quand ai-vu pour la dernière fois une étoile filante ? 
Ces interrogations ouvrant vers l’infini du temps et de l’espace se traitent poétiquement à coup de balais essayant de débarrasser la terre du plateau, car tant de malheur sont arrivés depuis que « Dieu a été planté dans la terre ».
L’assassinat du premier ministre Yitzhak Rabin rappelé encore ce soir parait une fois de plus comme un évènement déterminant empêchant une quelconque résolution de la question éternelle des frontières au pays du Livre.
Pleinement dans l’actualité, sans prêchi-prêcha, nous sommes contents d’avoir résisté au découragement qui peut nous guetter après d’autres spectacles ignorant ou méprisant le spectateur. Le théâtre peut faire acte de bienfaisance. 

mercredi 5 mars 2025

Ma chair. Parelle Gervasoni.

Commencer avec une salle et un plateau dans le noir me mettait dans de bonnes dispositions pour passer en douceur des réverbères de la ville aux feux de la rampe, ce dispositif se démarquant d’autres amorces qui maintiennent  trop souvent les spectateurs dans la lumière.
Mais je suis resté dans l’obscurité.
Le texte se voulant poétique conviendrait peut être pour une lecture, mais ce seul en scène appelant la référence « stand up » et ses interactions avec le public m’a semblé lointain.
Parole d’abuseur d’allitérations. 
« Je m’entends rire aux éclats de la lune, d’un de ces rires nerveux dont on ne saurait dire si ce sont les éclats de sanglots d’un homme jadis éclatant, aujourd’hui éclaté. » 
Le thème de l’amant délaissé, tellement ressassé dans des chansons françaises récentes a tendance à entamer mon indulgence alors que celui de la mémoire devrait me remuer, las !Orphée, Eurydice et le chien d’Ulysse ont beau être convoqués, cette chère de « Ma chair » évaporée manque d’incarnation. Ce collant compagnon soliloquant aurait tendance à faire fuir.
Et ce n’est pas la rencontre d’un hippocampe lors d’une plongée interminable qui joue avec l’hippocampe comme siège de la mémoire qui ajoute de la profondeur à cette recherche dont l’ambition m’a échappé.
Il est question d’incommunicabilité : c’est gagné !  

mercredi 26 février 2025

Matin à la cornemuse. Erwan Keravec & Les sonneurs.

Le quatuor, dont les instruments à vent renvoient à quelque image folklorique, semblerait plus à sa place dans les landes armoricaines qu'en auditorium. 
Hé bien au cours de l’heure dominicale à la MC2, rendez-vous des mélomanes curieux, trélombarde, bombarde, biniou et cornemuses conviennent parfaitement aux musiques les plus expérimentales.
Leurs sons stridents, les notes tenues, les mélodies répétitives, rencontrent des compositions exigeantes dont un morceau de Phil Glass, le plus célèbre, clôt en beauté la séance. 
Les sonneurs expérimentant les modes de jeux les plus divers, sont surprenants, dérangeants, grinçants, couinant ( "god save the couine"), délicats, contrastés, sensitifs, voire facétieux dans leurs recherches où la modernité la plus insolite rencontre la tradition la plus identifiable. 
Cependant dans le quatuor de mes amis, certains ont trouvé le concert difficile et parlaient plus volontiers de bouchons d’oreilles que d’envie d’un morceau supplémentaire.

mercredi 19 février 2025

Le rendez-vous. Katharina Volckmer Jonathan Capdevielle Camille Cottin.

Camille Cottin se montre furieusement bankable en ce moment,
la pièce inspirée par le livre à succès Jewish Cock« la bite juive » est accueillie favorablement par la critique,
le changement de genre se porte bien dans la période. 
Mais la mode s'avère parfois périssable.
L’actrice seule en scène se déplace parmi les plis d’un très grand tissu.
Ce décor, avec les costumes que porte l’ancienne humoriste de « Connasse » constituent à mes yeux les seules réussites de cette soirée qui a le mérite comme disait une amie de ne durer qu’’une heure vingt. 
Elle se déguise, bavarde, traverse le plateau avec un ruban de gymnaste aux couleurs du rainbow flag. C’est qu’il y a encore du boulot  quand les petites lèvres se traduisent en allemand par « lèvres de la honte».
De surcroit, le thème de la culpabilité après la Shoah traité avec, semble-t-il, une efficacité relative, alourdit le propos dont l’humour m’a échappé totalement, malgré quelques outrances verbales, « épate bourgeois » comme on disait au XIX° siècle.
La petite fille du chef de la gare située juste avant Auschwitz avait déjà fait part de ses fantasmes sur Hitler à son psychanalyste, elle poursuit sa logorrhée chez son gynécologue juif.
Le personnage se passera de notre compassion : 
« L'autre raison pour laquelle je ne vais plus au parc, c'est que me retrouver régulièrement forcée d'écouter la conversation des autres déclenchait chez moi des hémorragies internes. »

mercredi 12 février 2025

Blizzard. Flip fabrique.

Longtemps après que les cercles de sciure ont disparu, des québécois, une nouvelle fois,  nous procurent bien du plaisir dans le domaine des arts du cirque,  
mais cette fois pas de Soleil au théâtre (du) : bonnets et boules de neige pour sept acrobates et un musicien en « temps de poudrerie » comme disait Vignault autre vigoureux bienfait poétique de ce bout d’Amérique tant aimé.
Parce que  « l’hiver est plus qu’une saison, c’est un mode de vie », « le ministère canadien du froid, de la froidure et du brrrrrr » donne quelques conseils clownesques qui ne marqueront   quand même pas les mémoires, alors que les performances acrobatiques le long des mâts, au bout de sangles à tourner les têtes, font frissonner, de plaisir, la salle. 
Le pianiste à roulettes accompagne le ballet des artistes au trampoline, avec quatre cerceaux pour un contorsionniste, des mains à mains époustouflants de force et de grâce, des jonglages étourdissants au moyen de pelles à neige, et des sauts à la corde parfaitement coordonnés avec des écharpes… 
La séquence de patinage guillerette et naïve s'accorde parfaitement au thème, dans l’esprit candide de la troupe, nous offrant un final poétique et athlétique très applaudi autour d’une structure  parallélépipédique dont ils ont joué avec virtuosité pendant une heure et quart. 

mercredi 29 janvier 2025

Didon et Enée. Blanca Li.

Il y a deux mille ans, Virgile contait le suicide de Didon première reine de Carthage après le départ de son amoureux Enée. Purcell en fit un opéra baroque en 1689. Il y a six mois  Blanca Li présentait un magnifique ballet sur une musique dirigée par William Christie.
Nous avons eu la chance de voir à la MC2 ce spectacle pour lequel le mot époustouflant me vient d’emblée bien qu’il soit un peu trop tapageur alors que s’impose simplement l’évidence de la beauté.
Je n’ai pas recherché les détails de la narration, impressionné par la fusion des gestes et de la musique. La diversité, l’énergie, la fluidité, la précision des gestes suspendent le temps pendant une heure vingt.
Qu’importent les dates des œuvres littéraires, musicales, chorégraphiques qui se sont enrichies avec les siècles, la performance des 10 artistes nous attrape d’emblée sous des lumières elles aussi en harmonie avec les élans de la passion.
Nous sommes au-delà des modes classiques ou contemporaines hip hop ou flamenco, dans l’inventivité sans esbroufe.
Parmi tant images offertes à profusion, j’ai vu comme les mystères de Delvaux, 
l’élégance des personnages de Vettriano 
les lignes claires de Magritte ouvrant vers des univers magiques 
Le  plateau recouvert d’une pellicule d’eau offre de nouvelles façons de s’unir, de se porter, de se séparer, de fuir, de se transporter dans cette histoire méditerranéenne.

mercredi 22 janvier 2025

Les gros patinent bien. Olivier Martin-Salvan Pierre Guillois.

Depuis son tabouret l’homme en surpoids voyage grâce à son gracile comparse qui court dans tous les sens, brandissant des cartons annonçant nuages et ferry, jouant la mouette et un phare à un rythme endiablé. Les rires n’ont pas cessé pendant une heure vingt.
Les Monty Python figurent comme référence et le mot  anglais « slapstik » peut caractériser cette forme d’humour burlesque, quand deux bâtons entrechoqués imitent une claque.
C’est pas tous les jours qu’on rigole, alors le public ne s’en prive pas qui a fait de ce voyage au pays des stéréotypes un succès depuis deux ans. 
Ils « cartonnent. »
Ils ont le sens du public quand ils se disent agacés par les claquements de mains des spectateurs et nous marchons puisqu'il faut prendre à partie le méchant qui nous le rend bien.
Quand le maladroit marche dans le caca, parle une langue inventée, et que tout tourne autour d’une séduisante sirène, nous revenons, allégés, en terre d’innocence, nous délectant de blagues nulles et d’’engueulades pour de faux.
Voilà du théâtre populaire où emmener toutes les classes qui apprécieront l’inventivité, l’humour des deux compères, nous en mettant plein les yeux, le ventre, avec trois fois rien : du scotch et des feutres, des emballages. 
Il faut plus de cinq heures pour installer les 500 cartons avant la représentation et refaire la marmotte passée à la broche, remettre dans leur boite tous les éléments qui se sont déchainés : pluie, neige et grêlons, donner un coup de balai.     

mercredi 15 janvier 2025

Résonance. François Veyrunes.

Un noir ruisseau rectangulaire scintille en fond de scène où quatre danseurs et deux danseuses entrent et sortent en diverses compositions, s’élèvent en poirier, se tiennent, se soulèvent.
Performances gymniques de hip hoppeurs lents, en leurs habits de tous les jours, sur musique électro pimentée de bruits de la nature et de sonorités mystiques.
Si je n’ai point vu « une exploration du corps social et de ses différents modes d’organisation », dans le genre « danse philosophique » comme le caractérisait une amie, je n’ai pas été insensible à la force tranquille des artistes, ni à l’atmosphère languissante où les tentatives de combattre la pesanteur passent par de puissants et doux appuis en solo, à deux à trois.
Des tableaux se montent tels les dessins d’Ernest Pignon Ernest quand il évoquait Pasolini ou Genet, entre deux galopades, nous sommes en terre Galottéenne.
Les inventions plastiques ne sont pas tapageuses et on peut se laisser gagner par les mouvements et les sons hypnotiques qui font de cette heure une expérience qui mérite d’être tentée.