mardi 31 mars 2009

Les Kinés #1

« Ce qui est terrible quand on vieillit, c’est qu’on reste jeune. » Oscar Wilde.
Juliette
Les rhumatismes ? Connaissais pas.
Mais quand des douleurs sournoises ont investi bras et nuque au point de briser mes nuits j’ai consulté.
La rhumatologue, jeune Malgache aux doigts longs et fins, m’a rassurée : bien de la chance que ça vous arrive si tard…
Elle m’a piquée le cou, des images de mygales traversaient mon écran frontal.
« En attendant je vous donne quinze séances de kiné. Mais vous savez ce n’est pas un traitement curatif, ce n’est qu’un soin des symptômes. »
Ouais, en attendant les soins palliatifs ! Quand on devient vieux on peut être sûr que par malchance, ça va durer.
J’ai pris rendez-vous chez la kiné du bourg voisin : Juliette. Fortiche, au courant des dernières nouveautés. Ce qui est bien en général avec les kinés c’est qu’on peut se livrer en leur compagnie à une thérapie remboursée par la Sécu. Pendant que la praticienne vous étire, vous malaxe, vous pinçotte, vous gnognotte, vous ramolotte, elle vous parle et vous lui parlez, d’abord par politesse. Puis comme vous aimez les mêmes livres et les mêmes films et que vos petits-enfants ont l’âge de ses enfants, vous en arrivez à échanger des points de vue et des sentiments intergénérationnels. C’est quelque chose d’entendre que la mère de la kiné, que sa grand-mère même, pensent comme vous. Exactement comme vous. Personnellement ça ne me rassure pas d’être formatée à ce point mais Juliette, ça l’attendrit et j’ai droit à une caresse entre deux étirements. Toujours ça de pris. Qui ferait du mal à sa grand-mère ? Quant à sa mère, la réponse reste ouverte.
Nous avancions pas à pas dans la connaissance de nos réciproques environnements quand est apparu le mari de la Kiné, non pas dans l’embrasure de la porte de la salle des délices mais sur les lèvres bien ourlées de son épouse. « Il a des doigts de magicien, Virgile. L’as du massage thaï… ». Ses mains quittèrent quelques secondes mon épaule gauche comme si elle se passait un film très personnel.
Bon sang, il y avait encore des gens capables d’appeler leur fiston Virgile au lieu de Kevin ou… J’ai la flemme d’aller consulter mon Télé Sept Jours.
Un masseur romain et poète…
De séance en séance j’en appris un peu plus sur les capacités, talents et compétences de Virgile, le masseur thaïlandais prodigieux
Certes, Juliette, avait du savoir-faire. A la cinquième séance je ne souffrais déjà plus de mes cervicales. Mais je crois que ce qui me soignait le mieux c’étaient les descriptions du fameux Virgile coulant de la bouche bien ourlée de son épouse vers mon cou en processus inexorable de flétrissement.
Et Virgile était maître de Kwen Khi Doo (art martial plutôt hard) ! Et Virgilinounais aussi commettait des textes (c’est bien la moindre des choses) ! Et Virgilamour, les femmes en étaient folles. « Ah ! Il est si beau, le visage coupé à la serpe et le nez fort comme celui de Lambert Wilson. »
J’adore Lambert Wilson son nez fort et ses yeux doux.
« Et il chante aussi mon Virgile ! »
- Rendez- vous , la semaine prochaine.
Marie Treize

lundi 30 mars 2009

"Welcome"

C’est ce qui est écrit sur le paillasson du voisin qui va dénoncer Vincent Lindon. Nous venons de découvrir que c’est un délit d’avoir de la compassion pour d’autres hommes. Pourtant la France affichait " fraternité" à ses frontons républicains. En ces temps de sarkose, les bornes n’existent pas pour les riches dont le fric est planqué ailleurs. Les frontières sont barbelées pour les plus malheureux qui passent chez nous et essaient de se faire oublier. Le film de Lioret remet sur le devant de la scène un problème majeur qui se pose à l’humanité. Rocard avait été abrégé dans son expression : « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde » mais j’avais adhéré - lâchement - à cette maxime qu’un garant de notre morale avait apporté face à des postures généreuses certes mais qui risquaient de se retourner contre les plus faibles. Besson, lui n’est pas Rocard, il incarne sans vergogne la figure contemporaine du traître. Il fait remonter les indignations, renforce ceux qui ont depuis toujours la fraternité au corps. Ce film est utile, sans schéma simpliste. Le personnage du maître nageur ne se paye pas de mots et le jeune kurde a des airs de Patrick Bruel. Aligner des longueurs de bassin vous prépare à avoir une idée de l’infini, à tenter l’impossible. Et dire une fois encore que pour un maillot, un dribble du côté de Manchester, des vies se rêvent, s’épuisent, pour une fille aussi. A bout de souffle. A certaines séances, le public applaudit.

dimanche 29 mars 2009

Delerm, le fils.

Faudra pas qu’il se plaigne, le Vincent, que l’on cause à chaque fois de son papa Philippe, parce sur le terrain de la nostalgie qu’il emprunte à son tour, on sait faire aussi du côté des quinqua;on est même des cadors. Fanny Ardant ce ne serait pas l’univers des papas ? De sieste assassinée en petits plaisirs pour les grands et les petits, j’ai aimé l’univers paisible et provincial de l’écrivain de mon age. Les clins d’œil du fils, les marqueurs d’époque du chanteur traversent les générations et nous arrangent, nous parlent à nous les babys boomers insatiables, toujours « dans le vent » pour user d’une expression surannée. Nous avons annexé la génération Zatopek, mais Wayne Rooney nous évitons de le tâcler. Alors quand le petit fait oublier ses intonations nasillardes, nous pouvons goûter sur des mélodies souvent aguichantes:
« Et avant-hier
J'ai trouvé l'argument
Qui l'a calmée, sévère
Un tacle de Patrick Vieira
N'est pas une truite en chocolat
Une tente Quechua sur le canal
Un quatre étoiles
Un dirigeant d' la LCR
N'est pas un mono d' sports d'hiver »

Oui, c’est connoté, mais nous avons besoin de ces connivences, et j’apprécie aussi la petite surprise de trouver un photographe en chanson, « Martin Parr »repris en leitmotiv par un choeur féminin.
« Casino désert
Martin Parr
Vert fluo, dessert
Martin Parr
Cheveux bleus, grand-mère
Martin Parr
Vieillir quelque part »

Et d’ailleurs : « Souvent, le cœur des volleyeuses bat plus fort pour les volleyeurs »
et c’est ben vrai !

samedi 28 mars 2009

Monnaie d’échange

Je viens d’acheter d’élégantes baguettes en fer qui servaient en Sierra Léone chez les Kissis à payer par exemple du tabac , elles constituaient la monnaie avant les pièces de la colonisation.
En 1918, un bouquet contenant 20 ou 30 liasses de 20 pièces de Kissi penny permettait de payer une vache, il fallait le double pour une femme.
Quand cette monnaie serpent se casse, l’âme s'en échappe et les morceaux n'ont plus de valeur, seul le forgeron (aussi sorcier de la tribu) a le pouvoir de faire réintégrer l'âme en forgeant les deux morceaux.
En décrivant le détournement par l’esthétique d’objets d’usage très souvent chargés de spiritualité, est ce que je m’exonère du cynisme de l’homme blanc, est ce que j’entre dans la marchandisation du monde ?
Nous retrouvons dans les boutiques d’art africain, les verroteries qui servirent pour le commerce du temps des esclaves. Et quand dans une brocante dauphinoise je marchande un album amoureusement constitué par un enfant des années 50, pour quelques sous, je me paye une tranche de mémoire. C’est le charme ambigu de ces marchés du temps.
Si la vente ostentatoire des objets Saint Laurent par Bergé m’a parue assez indécente dans ces temps ou valsent les milliards, la mise à l’encan des pauvres lunettes de Gandhi qui fut aussi le symbole du détachement m’a parue obscène. Mais j’avais acheté à Pékin une paire de lorgnons que je trouvais très mandarin de bande dessinée. Elles avaient peut être été portées par un lettré qui fut pourchassé pendant la révolution culturelle, cet accessoire désignait l’intellectuel à combattre.

vendredi 27 mars 2009

Noir. Baru.

Après des B.D. consacrées à sa Lorraine natale où mobylettes et bières sortaient tout juste d’un cœur d’acier avec mémoire ouvrière et culture rital, cette fois le dessinateur Baru affiche « Noir ».
Un président omniprésent est encore là sur les écrans dans la décennie qui s’annonce, et dans les banlieues, c’est le pire du cauchemar sécuritaire. Les jeunes qui se déchirent ont toujours l’air de tomber au ralenti et la musique est absente sur les dalles des cités.
« Arrête de pleurer et prépare toi à courir, vite ! »
La troisième nouvelle dessinée offre une image d’espoir mais rappelle que l’aveuglement religieux en Irlande traverse aussi les disciples d’une foi voisine.

jeudi 26 mars 2009

Edward Munch

Prononcer Munk, mais ça risque de faire snob comme Bar (Bach)
En tous cas peut être le peintre le plus évident pour moi, où la douleur s’exprime sous des volutes élégantes.
Christian Loubet, le conférencier disert, ayant rencontré récemment Boris Cyrulnick, a tenu à clore la projection des oeuvres du norvégien par une toile ensoleillée pour illustrer en quelque sorte le thème de la résilience. Ce tableau au rayonnement naïf me plait beaucoup moins que des toiles plus sombres. Pas plus que je ne vois là une sortie miraculeuse d’une dépression qui travailla l'orphelin toute sa vie, je ne saisis pas de désespérance absolue dans la peinture des baisers qui me semblent souvent sensuels. Sa façon de travailler a sans doute été influencée par sa technique de graveur, et ses séries inaugurent-elles un genre systématisé par Warhol ?

mercredi 25 mars 2009

Maître disparu. Faire classe # 26

Le mot « instituteur », « celui qui institue », a bien disparu sans un mot.
J’avais milité pour le corps unique, j’aurais pu être content de devenir professeur. A compter toutes les heures, et les points retraites, nous avons émoussé aussi ce qui fondait la valeur d’un métier de prestige. Le désintéressement, la conscience professionnelle s’indemnisent et se perdent.
« Etre et avoir », le film chaleureux de Philibert m’avait permis de réviser sur l’écran, ma chance d’exercer ce métier! Il nous montrait une nature belle et rude, des enfants poignants et drôles, l’instit,pas idéalisé, pas infaillible, avec un amour qui aide à grandir, hors des baratins. Oui l’école génère des rapports humains vrais... forcément, terriblement, humains, loin des galéjades à la Gérard Klein ou des vitres froides des « w » qui slachent. Et puis l’instit’ du film s’est mis à vouloir plus d’avoir : déception.
Dernière trouvaille qui dure depuis des décennies: « il faut des professeurs expérimentés dans les zones difficiles ».
Ces paroles d’un bon sens de façade sont contredites par un travail de sape qui décourage bien des bonnes volontés. Les théories d’IUFM jadis bien notées par les offices cathodiques se sont retrouvées bien chétives car elles n'ont pas osé se confronter à l’expérience ramenée à des « recettes ». Entre la parole à donner aux enfants de l’après-guerre et celle monopolisée par le petit roi impérieux des années 80 : un brouhaha a succédé à un excès de silence. Les remèdes de Darcos contre les IUFM sont pires que le mal qu’il dénonce, mais n’empèche, les organismes de formation se sont coupés des praticiens. En effet, même si j’ai peine à croire de telles grossièretés : des formateurs déconseillaient aux jeunes sortants de fréquenter les ringards qui continuent à travailler auprès des enfants, ceux qui n’ont pas intégré le vocabulaire des entreprises et ne se soucient point de plan de carrière.
« Tu n’as jamais eu d’ambition ?
- Oh mais si ! dit –il, j’en ai eu ! Et je crois que j’ai bien réussi ! Pense qu’en vingt ans mon prédécesseur a vu guillotiner six de ses élèves. Moi, en quarante ans, je n’en ai eu que deux, et un gracié de justesse. Ca valait la peine de rester là. »
M. Pagnol
Maître : aujourd’hui seuls les notaires se prévalent de ce titre et le dernier artiste à solliciter la particule devait porter la Lavallière. Mes élèves me désignaient par ce terme et Yacine avait même ajouté un jour de classe de mer où je jouais au shérif auprès de jeunes parisiens : « le maître, c’est le boss ! ». Moi de bomber le torse, intérieurement, l’espère je. Est-ce que le débutant que je fus à dix-huit ans rougirait derrière sa Che barbe destinée à élargir le fossé des ans face à des fins d’études de quinze berges ?
Faut-il aller jusqu’au pied de l’Himalaya pour recueillir la sagesse qui énonce : « lorsque l’élève est prêt, le maître arrive » ? Cette version ramassée d’une expérience recouvre bien des autorités : « on a le président qu’on mérite, on a la compagne, les enfants, la directrice, l’inspecteur, les maîtres qu’on mérite. »
En transmettant je n’ai pas eu un sentiment d’amputation mais au contraire d’enrichissement.
Aujourd’hui, je n’aurai pas su enseigner correctement l’anglais, et je ne trouvais plus le courage d’affronter les nouveaux conformismes. Et puis quand je me suis mis en retrait de ma petite entreprise, je me suis senti tellement allégé des inquiétudes constitutives du métier ! Le packaging des projets nécessite trop de temps au détriment du travail avec les élèves. La responsabilité des enseignants se rétrécit; la hiérarchie, de plus en plus prégnante, veille aux apparences, le niveau peut monter. Les statistiques du chômage, les chiffres de la délinquance sont relativisés, et les succès au bac ? Le sens du travail d’enseignant perd de son évidence, aucune idée claire sur le chemin parcouru n’émerge : le ministre voulait interdire une méthode de lecture abandonnée depuis 20 ans… Les adultes doivent se taire, les « maîtres » disparaître, et quand viendra le moment de l’orientation, la toute puissance de l’enfant sera contrariée, les couteaux tirés, les frustrations familiales éclateront.
Certains orfèvres des communales savent ( ré) enchanter le présent, sans se bercer d’utopies factices, de fictions à deux balles mais en exerçant leur volonté : ce qui s’appelle véritablement vivre et qui tient tellement à l’esprit d’enfance.

mardi 24 mars 2009

Grossesses d’ogresses

J'ai replacé les planches sur la margelle. La sueur me coule entre les omoplates en dépit du froid. La lune est mon seul témoin ; elle se moque bien des frimas, pleine comme elle est, à sourire, contente d'être au maximum de son tour de taille. Tu ne peux empêcher, ma vieille, que ce que j'ai fait, je l'ai fait et bien fait et que rien ne pourra défaire ce que j'ai fait.
Là-bas dans la maison basse, ils dorment, les six fils, les trois filles, leur père aussi. Les innocents, ils dorment …
Ah ! Les innocents…
Hier soir, il a considéré longuement la situation, en larmes : non je ne peux pas faire ça ! Quand je pense que c'est son extrême sensibilité qui m'a séduite, il y a dix ans de cela… Il saurait me comprendre… nous marcherions la main dans la main, les yeux dans la même direction, comme écrivait Saint Ex… qui a largué sa bonne femme la plupart du temps ! Aux poèèètes, on pardonne tout. Aux épouses, les basses œuvres ! Faut-il être particulièrement conne pour aimer un homme de lettres ! J'ai froid au dos, c'est la sueur qui se fige. Je ne peux pas partir tout de suite. Il faut que je sois sûre. Je n’entends plus rien mais on ne sait jamais !
Oui, il a dit en reniflant, moi je ne peux pas faire ça… Toi, tu sais gérer ces affaires, ton enfance à la campagne t'a endurcie. La vie, la mort c'est du naturel pour toi… Moi, tu le sais bien, la vue de mon propre sang m'envoie dans les vaps.
Excuse-moi, a-t-il pleurniché. J'ai eu cette journée pénible avec l'éditeur. Bonne nuit, chérie.
Regarder dans la même direction… moi devant, lui, derrière. Quand je pense qu'il n'a pas voulu assister à la mise bas de nos neuf enfants !
Il y a une heure, j'ai mis au lit ma nichée. Les plus petits étaient joyeux comme d'habitude, ils attendaient l'histoire. L'aînée, Amélie, a encore bougonné qu’elle voudrait bien avoir sa chambre à elle, qu'elle n'aurait pas d'enfants quand elle serait grande, que d'ailleurs elle ne se marierait pas, qu'elle serait juge pour enfants, avec le boulot qui ne manquait pas ! Je l'ai câlinée, je lui ai dit que je l'aimais. Elle a pris son pouce, a sombré de suite.
Les petits attendaient leur conte en sautant sur leur lit. "Le Petit Poucet ", a hurlé Norbert !
- Je vous l'ai déjà raconté cent mille fois, non ?
- On s'en fiche. C'est une histoire de famille nombreuse et nous on aime les histoires de famille nombreuse…
- Ouais, a complété Célimène (ma future prix Nobel) parce que les ogres peuvent réussir quelquefois, si le plus petit n'est pas assez malin !
Et elle a pincé le nez du dernier dans mes bras.
- Allonge un peu l'affaire des deux lits, tu sais. Les filles de l'ogre avec leurs couronnes et les pauvres avec leurs bonnets, a supplié Clément, l'aîné des garçons.
- Dis, maman, y a pas d'ogre dans le jardin qui va passer par la fenêtre quand tu dormiras ?
- Non, il n'y a pas d'ogre dans le jardin. Et s'il venait, maman le tuerait avec la hache à bois, ai-je affirmé avec conviction et geste violent.
J'ai pensé… pas d'ogre mais peut-être une ogresse.
La lune escalade les proues du Vercors. Je n'ai plus froid. Penser à mes enfants me réchauffe. La mousse de la margelle est douce, humide sous mes doigts. Aucun bruit. Tout dort. J'ai bien accompli ma mission, ce travail qui revenait à ma mère, à ma grand-mère… Depuis des siècles, la chaîne sans fin des Baba Yagas
L'élastique bien serré autour du sac de plastique.
Il a dit que je savais faire…
Oui je sais faire ces choses-là : le coup au lapin derrière les oreilles, la chienne à mener chez le véto pour l'ultime piqûre, l’anguille à écorcher vive. Oui, je sais. Je sais aussi raconter des histoires, pousser un chariot entre les rayons de conserves, et maintenir en vie les orchidées. Tu as les doigts verts ma chérie.
Ce que je déteste, c'est l'odeur de l'éther. Je ne m'y ferai jamais.
Le silence. Je suis morte de fatigue, je rêve d’un lit tiède, à son corps chaud sous la couette où il ronfle du ronflement délicat des poètes.
Miaulement plaintif amplifié par la gorge du puits.
Zut ! C'est à refaire !
Marie Treize

lundi 23 mars 2009

Bellamy

J’aime Depardieu et sa solidité, Brassens, la province, Simenon, la cuisine. La promo avec la paire Chabrol/Gégé laissait entrevoir des dialogues savoureux, de la sensualité ; hélas le coup est un peu éventé. Heureusement le dernier quart d’heure, à l’inverse des conclusions américaines sirupeuses, apporte une dose de complexité, de mystère, de subtilité : la morne intrigue se résout mais la réputation de Chabrol me semble encore une fois surévaluée.

dimanche 22 mars 2009

Juliette : de Goya à Goya.

Elle a du tempérament, la chanteuse, et à la MC2, elle a soulevé son public. Spectacle bien mené, poétique, politique, s’arrêtant devant les vieilles du peintre Goya « Que tàl ? » et déguisant son orchestre en lapins style Chantal. Les plaisirs de la vie : le vin, l’amour, des vieilles indignes, les jeunes de mon quartier, le pimprenelle de l’environnement, les ronflements, la notoriété, les étrangers, ceux qui chantent faux; ce n’est vraiment pas son cas : le spectacle est juste. J’ai apprécié d’autant plus la prestation que la veille je m’étais attardé à la télévision devant « les enfoirés » où les noms de Goldman, le Forestier, Benabar m’avaient appâtés : c’était factice, clinquant, de bien peu de sens. Avec Juliette, quelques reprises bien adaptées à son univers : les loups de Réggiani ; et une bonne paire de claques de Vian, réjouissant:
« Quand on est tout blasé
Quand on a tout usé
Le vin l'amour les cartes
Quand on a perdu le vice
Des bisques d'écrevisses
Des rillettes de la Sarthe
Quand la vue d'un strip-tease
Vous fait dire: Quelle bêtise
Vont-ils trouver autre chose
Il reste encore un truc
Qui n'est jamais caduc
Pour voir la vie en rose
Une bonne paire de claques dans la gueule
Un bon coup de savate dans les fesses
Un marron sur les mandibules
Ça vous fait une deuxième jeunesse »

samedi 21 mars 2009

Que voyons-nous de la ville ?

Sur les bords de l’Isère, où des SDF ont élu domicile improbable dans quelque caravane, ce sont des cabanes qui se sont édifiées récemment. Une femme sortait de l’une d’elle, tenant une fillette par la main. Je les ai croisées en allant à la manif.
Nos avons traversé la ville avec mes compagnons habituels et puis plein d’autres ; tous ensemble : une marée. J’ai marché en bonne compagnie , me réjouissant de la puissance de cette masse, mais nous interrogeant sur la faiblesse des syndicats, des partis à la voix certes amplifiée en ce jour, mais qui rallient toujours les mêmes fidèles, quand les boulevards sont rendus aux voitures.
Sur l’écran d’un téléphone portable, on m’a montré des voitures qui brûlent devant le bowling d’Echirolles à 21h. Surprise.
En participant à des essais d’invention d’un futur pour notre ville, nous avions envisagé de rechercher des solutions du côté des ordinateurs, machine à solitude et en même temps de lien, d’exclusion et de connivences. Nous devrons y revenir.
Les jeunes pour lesquels nous envisagions des activités de proximité, recherchent plutôt un certain éloignement. La chance gâchée d’un lycée à Saint Egrève n’a pas désolé tous les lycéens qui goûtent ainsi aux plaisirs anonymes du centre ville.
Les jardins d’ici s’éclairent sous le printemps, les petits enfants grimpent sur des jeux violets et jaunes dans les parcs.
Un révolutionnaire double face des années coupantes, n’a pas son badge, et personne en son domaine ne l’a reconnu. Il faisait tellement nuit.

vendredi 20 mars 2009

Les voyageurs du temps

Comme BHL, Sollers, à force de le voir, on ne le lit pas. Je viens d’essayer de l’approcher au cours de sa balade bavarde dans le quartier Saint Germain et du côté de Bordeaux où -nous apercevons des grands hommes- il rencontre Hölderlin, Rimbaud, Lautréamont, Orwell et se tire une jeunette rencontrée au centre de tir du ministère de la défense. Son art consommé de la citation au service d’une culture éblouissante, nous apporte plus que des anecdotes sensées alléger de trop exigeants propos où il pose avantageusement. Picasso et Bach sont requis pour nous guérir de vivre. L’évocation de la fin de Manon Rolland est bouleversant : « liberté, que de crimes on commet en ton nom » comme celui qui corne une page de son livre juste avant de se coucher sous la guillotine. Métaphore de la beauté vaine de la littérature, de sa nécessité? Ce livre comporte des pépites, mais la luxuriance de l’auteur qui s’aime tant, éloigne la sympathie. Maniéré, parfois élégant aussi, se répétant, décapant. « Priez le diable pour moi, il va plus vite que le Bon Dieu ! Tout le prouve »Céline. J’aime quand il n’est pas correct en citant Doris Lessing : « la femme la plus stupide, la plus méchante, la plus mal élevée, peut traîner dans la boue l’homme le plus charmant, le plus intelligent, et penser que ce qu’elle fait est merveilleux, et personne ne protestera ».

jeudi 19 mars 2009

GRRREnoble manif du 19 mars

De Sixte à Léon, art et communication au Vatican.

Catherine de Buzon, la conférencière des amis du musée, est un tourbillon d’érudition.
Au Vatican, jadis, les artistes étaient chargés d’assurer la postérité des pontifes, le temps a rendu son verdict : c’est Botticelli (Sixte IV), Michel Ange (Jules II) et Raphaël (Léon X) que nous admirons.
Au moment où le protestantisme frappe à la porte, ces peintres ont plus travaillé pour la gloire du catholicisme que bien des doctrinaires. Bien sûr, il y a des génuflexions suggérées pour rappeler l’autorité du pape, et des reconstructions savoureuses qui remontent aux dieux égyptiens pour légitimer un pouvoir qui fut fort terrestre, on voit aussi des « neveux » du pape qui étaient ses fils. Mais avec ces peintures de commande, c’est l’explosion des corps de Michel Ange célébrant l’homme au cœur de la spiritualité qui me frappe. Nous pouvons reconnaître Dante au milieu des saints, et au-delà des orgueils de ces éminences, il y a eu aussi la volonté de convoquer la fine fleur du XVI ° qui fait vivre jusqu’à nous l’esprit de la renaissance où l’intelligence rencontre la beauté. Désormais, la Renaissance est révolue pour les occupants du Vatican : dans leurs avions ils retournent aux âges les plus obscurs.

mercredi 18 mars 2009

Machines. Faire classe # 25

Nous avons rêvé révolution avec des couleurs plus cramoisies, mais celle des machines informatiques a emporté le morceau, aussi décisive que celle de Gutenberg. Une formidable mutualisation des connaissances s’annonce possible, en tous cas nos heures en sont reformatées. Il arrive qu’on se laisse surprendre à vouloir passer au feu vert par simple clic, ou taper un de ses codes devant le micro-ondes.
Nous regrettons que les enfants passent trop de temps devant la télé ; les victimes d’addiction aux langages sommaires des play-stations et autres extensions nous inquiètent d’avantage. Certes, ils acquièrent de la dextérité mais elle s’accompagne d’ un rétrécissement des perceptions, des possibilités d’actions. Je ne sangloterai pas sur l’éloignement du réel que procurent ces écrans, moi qui aime tant me fondre dans les livres. Maupassant / Mortal combat : même oubli.
Les récits de science fiction remplacent les hommes par des machines. J’ai la sensation, parfois de devenir machine. Machin. La mémoire de mon « Mac »conforte la fainéantise de la de la mienne de mémoire.
Les raisonnements sortent difficilement du mode binaire. Le Q.C.M. s’impose laissant peu de place à la nuance et puis la correction s’effectue en vitesse.
Le zapping, les taches multiples justement valorisés, cultivés dans les loisirs adolescents présentent quelque intérêt. Que l’école propose justement autre chose et se distingue de la griserie techno ! Les élèves doivent accéder à plus de dextérité intellectuelle par du suivi, de l’approfondissement.
Face aux écrans :
- Avec la même rigueur que dans l’écriture manuscrite, traiter les textes à l’ordinateur.
Le temps pris aux mises en forme ne doit pas empiéter sur la recherche d’une expression écrite plus précise, plus jolie.
- Distinguer le langage texto, de l’écriture de l’école, comme le langage familier se différencie du langage élaboré.
- Profiter de l’impassibilité de la machine pour des soutiens personnalisés.
- Valoriser la vivacité des jeunes, une occasion d’écoute réciproque, preuve de curiosité, d’adaptation à la nouveauté qui rend plus attrayants les apprentissages. Ne pas perdre une occasion de se mettre dans la peau de l’apprenti pour aiguiser ses stratégies d’appreneur.
- Mutualiser les démarches personnelles, les digressions permises, par l’utilisation d’un vidéo projecteur.
L’usage de l’ordinateur se banalise, mais il serait illusoire de penser qu’il offre un outil décisif vers plus de savoirs. Parfois l’inverse se joue quand un élève rétorque : « à quoi bon apprendre, puisque c’est sur internet », il est vrai que lors des manifestations anti-C.P.E. une banderole portait : « A quoi bon travailler pour se retrouver au chômage ». Je me sens bien peu malin avec mes incantations : et si justement le pouvoir résidait dans les savoirs, dans le travail ! Qui le leur fait savoir ?
Dans les premiers pas de « l’informatique pour tous », un engouement naquit pour le langage Logo dont la fortune fut aussi brève que brillante fut sa gloire. Comme une butte témoin dans l’histoire speedée de ce moyen pédagogique, j’en conservai quelques séances pour retrouver les rigueurs d’une programmation, la concrétisation immédiate d’une démarche, pour soulever un peu le couvercle de la boîte noire de ces engins magiques. Nous anticipons en construisant des figures géométriques dont la définition des propriétés va être validée à l’écran.
- Eviter les exercices à trous qui s’effectuent aussi bien à la main.
- Utiliser l’outil pour ce qu’il apporte de particulier : programmation en Logo
- Recherche rapide, tri d’informations. Cartes et vues aériennes
- Recherche d’adresses
- Complément ou amorce de thèmes abordés en classe, actualité à l’usage des enfants.
- Traitement de textes et correcteur orthographique.
Dans un premier temps je me montrai réservé quant à l’usage du correcteur orthographique qui se substituait à la réflexion personnelle et puis il m’apparut au contraire qu’il étayait les recherches. En outre, cette option relativise l’omniscience de l’ordinateur. L’élève a sa part dans le choix. Ce dispositif permet de surmonter bien des difficultés à conduire une autocorrection qui ne soit pas bâclée.
L’école n’ignore pas ce formidable levier d’une révolution en cours : concernant l’information aussi le rapport à l’humain. Après guerre, l’imprimerie à l’école ouvrait la chapelle laïque vers la cité : l’enfant prenait la parole. Que de chemin parcouru avec l’accès au réseau universel ! L’ordinounou, marqueur de la tribu djeun, protège du voisin agressif ou muet. Il cuirasse contre le monde en se disant mondial. Le grand cliquetis où chacun joue sa partition en blogs à la queue leu leu accentue l’illusion de la démocratie. J’ai posé ma bouteille à la mer, elle accostera exceptionnellement. La profusion crée la confusion, difficile de garder les pieds sur terre, sans s’enliser.
En payant de leur personne, les enseignants ont accompagné le mouvement. Leurs capacités d’adaptation n’ont pas été moindres que celles des paysans maintenant exploitants gestionnaires de paysage, hors sol.
Le successeur de l’occupant de l’appartement au-dessus de la classe, ne va pas recracher un cours formaté.
Il ne mutera pas en répétiteur mécanique libéré d’avoir à inventer comme dans ces formations d’aérobic avec moniteur labellisé où le vendeur de méthode n’autorise pas un pas de côté.
"On peut apprendre à un ordinateur à dire: "je t'aime" mais on ne peut pas lui apprendre à aimer." A. Jacquard

mardi 17 mars 2009

Soignantes

« Vous avez dit développement durable ? »
Je suis infirmière en gérontologie. Ces vieux sont de vieilles barques à la dérive…
Pas toujours. Quelque fois, une petite brise souffle, une voile se lève, répit de trop courte durée pour notre pessimisme latent. Alors, pour un peu nous nous mettrions à crier dans les chambrées : on le sait, il y a de la vie là-dedans ! Manifestez ! Manifestez !
Nous étions bien embarrassées un samedi à cause d’une petite personne recroquevillée au fond de son lit, alimentée par perfusion, ne parlant pas. Nous avions perdu sa fiche de médicaments : ça tourne trop vite les soignants ! A la porte de la chambre nous nous interrogions. Une voix aigrelette, soudain ! « Cachets roses… Mémantine… un seulement, boîte sur… étagère… haut… blanche. » Dernières paroles de la petite dame emportée par l’épidémie de gastro un mois plus tard.
Parfois, quand je rentre du boulot au petit matin, j’ai à peine le courage d’appuyer sur l’accélérateur ; une fois mon fils m’a retrouvée ronflant dans ma voiture garée de traviole à l’endroit réservé à Mme Lequeue, une pimbêche notoire vivant de commerce nocturne, bien plus profitable que de s’échiner auprès de petits vieux pas bien riches et abandonnés en fin de vie. Ceux du corridor de la mort comme nous les appelons à deux heures du mat, devant cette foutue machine à café qui fait de la rétention de pisse.
- Ouais, éructe Yasmina, en allumant son clope, et ils n’ont rien à attendre du Président pour une remise de peine !
- Toi non plus, tu n’auras pas de remise de peine, la coupe Coline, va donc t’achever dehors, tu nous empestes !
La première fois que j’ai vu la porteuse d’eau, c’était un matin de mars. Elle avançait dans ma direction, haute silhouette penchée en arrière, un peu trébuchante. Elle s’arrêtait tous les dix pas. Elle portait une lourde charge, le corps arc bouté. Je l’ai frôlée, elle n’a pas fait attention à mon véhicule. J’ai ri à cause de l’immense arrosoir qu’elle serrait contre son ventre. J’ai pensé à Cosette et tout ça… Mais cette femme aurait pu être l’ arrière grand-mère de Cosette ! J’ai monté mes neuf étages : l’ascenseur était encore en panne. Mon fils n’avait pas débarrassé la table de la cuisine, l’enfouaré ! J’ai pris un Stillnox. J’ai sombré.
Le lendemain, grasse mat. J’ai lavé les jeans de mon fils, j’ai jeté en tas son linge sec sur son lit pas fait. « J’en ai plein le dos, lui ai-je dit, trouve-toi une copine, du travail et tire-toi de mon herbe ! »
J’ai recroisé ma Cosette. Elle poussait une brouette avec deux bidons dedans. Tiens, que je me suis dit, elle est passée de jardinière à marchande de lait. Ses muscles secs se tendaient sous la peau nue de ses bras tannés. J’aurais pu l’aider mais j’étais claquée : on avait eu trois décès, on avait couru toute la nuit… Cet après midi j’irais me faire une toile. J’adore Catherine Frot, toujours fraîche et rieuse. Elle ne doit pas torcher beaucoup de déments séniles, sa peau est si lisse, sa silhouette impec ! Comme dit Coline, c’est bon de savoir qu’il y a une vie avant la mort !
Cette Cosette sur le retour allait bien quelque part ? Comme j’étais de repos tout le week-end, que mai larguait ses parfums, je me suis levée très tôt pour guetter ma mystérieuse. En zigzaguant elle poussait sa brouette grinçante. Elle a tourné sur l’avenue où ils ont abattu tous les arbres, des platanes centenaires bien agréables pendant les étés torrides. A la place, c’est la mode, ils ont planté des chênes rachitiques, protégés par des corsets de ferraille. Les toutous du quartier devront se contenter des calendes des voitures pour soulager leurs vessies !.
Cosette s’est arrêtée devant le plus misérable des arbustes. Ses feuilles étaient des réductions de feuilles : on aurait dit un sapin de Noël bien après Noël !
Elle s’est massé les côtes et le dos, elle a poussé une plainte rauque : elle parlait.
Je me suis glissée derrière une camionnette, tout près.
« Oui, je sais que tu es mal parti, mais faut pas te décourager. Regarde ce que je t’ai apporté… soixante litres d’eau, tirée de mon puits. J’ai ajouté du purin d’ortie. Bon ça pue mais tu verras, c’est bon pour le rachitisme… Aoh ! T’as encore perdu six feuilles. C’est pas la peine de me mentir, c’est les tiennes, près du grillage. Et pas de vent la nuit dernière. Arrête tes bobards. Au lieu de te laisser aller, pompe, mais pompe donc, espèce de petit con ! Tu ne bouges même pas tes branches, tu restes là, avachi, une vraie guenille. Résiste, prouve que tu existes. Voilà que je me mets à chanter ! Tu me rends folle !
Avec une casserole, elle a vidé l’eau de ses bidons et puis elle a soulevé les bidons pour arroser avec le reste le pied du chêne. J’ai bien vu qu’elle pleurait en repartant avec sa brouette allégée.
Fin mai le protégé de Cosette s’est couvert d’un beau feuillage vernissé. Il était bien le seul. Ses frères avaient crevé les uns après les autres.
J’aurais pu imiter l’entreprise de sauvetage de la vieille femme ! Mais moi, j’ai assez à faire avec mes vieilles branches de la maison de retraite.
Les jardiniers municipaux ne savent peut-être pas que les arbres nouvellement plantés s’arrosent même en hiver ? Ca a fait un raffut de tous les diables ce gaspi des plantations ratées. Articles furibards dans la presse locale, interpellations des écolos au Conseil municipal, les Verts mal à l’aise…
Du bruit… pas d’eau !
Je n’ai jamais revu la fée de l’eau du puits avec purin d’ortie incorporé… Vit-elle toujours ? S’en est-elle retournée au royaume des Sylves ? Désormais, quand un de mes patients refuse de boire, je lui murmure (s’il est cardiaque) ou je lui hurle (s’il est sourd ) « Allez, bois donc, espèce de vieille conne, de vieux con ! »
Ils rigolent, ils boivent.

Marie Treize

lundi 16 mars 2009

Harvey Milk

Les homosexuels ont-ils gagné le droit à l’indifférence ? Le maire de Paris a annoncé son homosexualité et personne n’a été bouleversé… et si c’était une femme ? Entre les rafles dans des bars aux USA, les silences douloureux autour des préférences sexuelles et l’élection d’Harvey Milk, il a fallu des larmes et du sang pour que le terme « gay » s’affirme positivement. Si le temps qui passe apporte pour une fois du bon, c’est que des hommes se sont battus. Harvey Milk a été élu à San Francisco, porteur de la dynamique joyeuse d’une communauté qui sortait des placards dans les belles années 70. Avec Sean Penn, subtil, convaincant, nous apprenons beaucoup des mœurs politiques US. Les marchandages communautaristes ne sont pas vraiment glorieux, mais évitent un portrait trop pastel d’un personnage attachant. Le film de Gus Van Sant n’échappe pas au reproche rituel des fins mielleuses des films américains : dix minutes de trop. Même si les derniers inserts à conserver nous rappellent utilement le devenir des protagonistes de cette histoire qui mêle habilement images d’archives et reconstitution.

dimanche 15 mars 2009

Miossec -Tiersen

Les deux bretons sont passés par Grenoble avant de sortir leur C.D. Une démarche originale, paraît-il, qui m’a permis de découvrir leurs chansons en même temps qu’un public plus averti. J’aurais bien approuvé la dame derrière moi qui reprochait à Miossec de ne pas assez articuler, mais je me souvenais de la réplique de Charlélie Couture à la même critique : « s’il n’y avait pas les gris, comment verrait-on les blancs et les noirs ». C’est surtout Miossec qui chante, accroupi souvent, jouant de son pied de micro, tendu. Son univers est désabusé, fait de fuites, de séparations, mais l’environnement musical très rock est primordial et il m’a bien plu. Le beau mot « fortune de mer » est illustré avec intensité et des bonheurs d’écriture : « seul ce que j’ai perdu m’appartient à jamais » ont satisfait ma curiosité.

samedi 14 mars 2009

Aulas, hélas !

Facile comme une banderole, en l’honneur du président de l’olympique lyonnais qui cherche les baffes.
Après la défaite cinglante de son club, il vient gémir, une fois de plus, sur… l’égalitarisme du foot français qui expliquerait les 5 buts qu’il vient de se prendre au Camp Nou.
Ceux qui cherchaient en vain un libéral par ces temps, qui ne craint pas quand même la manne publique non plus : en voilà un! Mais il faudrait l’informer qu’il paraîtrait qu’il y aurait une crise du capitalisme, et que le modèle oligarque russe à Chelsea ne va peut être pas durer autant que le marché de Voiron.
Beau match à Barcelone. J’aurai peut être moins apprécié la symphonie catalane, si l’OM en avait été le faire valoir, mais la virtuosité, la complicité, l’explosivité à ce point, ça vous fait des feux d’artifice dans cet hiver qui traîne, et ce n’est pas qu’une affaire d’argent. Le Réal n’est pas qualifié. « Glorieuse incertitude du sport », la formule est usée et pourtant le loto sportif a renoncé au rugby car les résultats sont sans surprise, et Aulas n’achètera pas des poteaux rentrants pas plus qu’une compréhension de ce qui nous amène derrière des mains courantes ou sur des gradins inconfortables : l’imprévu justement. Il plombe son club, quand il vient sur le devant de la scène secouer sa sébile, méprisant pour tous ceux qui aiment le foot. C’est justement parce qu’il survole le championnat depuis 10 ans, qu’il n’est pas aimé, trop froid et prévisible. Juhinho le redoutable tireur de coups francs, arbitre le samedi dans l’hexagone ; mercredi à Barcelone, il s’est montré dans des coups pas francs : expulsé !
Ce même mercredi, le « Parisien », une fois encore, révélait les salaires mirobolants de certains joueurs. Comme pour les stars du cinéma, les aficionados pardonnaient souvent ces salaires indécents, mais les temps changent, même si pour Drogba bien des smicards marseillais verseraient leur obole. Makelele, je l’aime bien, mais faut pas pousser et Piquionne, n’est pas Messi. En bundesligua une équipe obscure concurrence le Bayern ; en ligue des champions, Porto est qualifié. Allez Auxerre !

vendredi 13 mars 2009

XXI Hiver

Même quand le trimestriel XXI traite de « la France du milieu », nous voyageons en profondeur et empathie, par la grâce de l’écriture et l’originalité des angles choisis pas les rédacteurs.
Aussi bien dans la recherche des successeurs de la mère Denis, à l’occasion de la disparition d’une femme à Toulouse, ou lors du scandale d’une clinique de chirurgie esthétique de Marseille. Et Jourde qui raconte son retour sous les pierres dans le village du Cantal qu’il avait décrit dans « pays perdu ». Une B.D est consacrée aux quatre saisons dans les Landes d’un agriculteur : « Dans les années 80, on disait aux paysans de se faire exploitants. Aujourd’hui on leur dit de redevenir paysans. Le monde agricole est en décalage avec une société plus en plus urbaine qui fait mine de redécouvrir l’agriculture »
Il y a des pages plus brèves, mais percutantes sur la crise financière : « l’endettement immobilier des ménages américains est de 62% dans la décennie 1990/2000 et de 1012% entre 2000 et 2007. » « Un jour il faudra rembourser la dette publique. La France dont la dette est de 1800 milliards d’Euros mobilise actuellement 390 milliards pour sauver ses banques… »
Le portrait d’un financier qui va vivre sa nouvelle vie de moine en HLM dans les quartiers Nord de Marseille est passionnant, et les photographies d’une vallée dangereuse d’Afghanistan pas plus sauvages que ces pages décrivant un coin perdu d’Arizona, ni plus inquiétantes qu’un « meilleur des mondes » dans une commune modèle en Chine. « Ma vie ne fut-elle qu’un rêve ? » se demande celui qui doit liquider l’hôtel Russia en démolition sur la place rouge. Je ne connaissais pas Guidamac, le « seigneur de la guerre français », ce serait un personnage romanesque s’il n’avait fait commerce d’armes en Angola. Le portrait de Gérard Noriel concepteur du musée de l’immigration met en lumière le conservatisme du milieu universitaire mais sa fidélité à son origine ouvrière nous rassure : le monde n’est pas peuplé que de malfaisants

jeudi 12 mars 2009

Benjamin Carbonne

A la galerie 9 rue de Génissieux dans un quartier qui prend un petit air branché, à côté du cinéma Le Club, un peintre aux portraits marquants.
C’était la fin de son exposition et une des salles était occupée par un stage de sculptures qui semblaient prometteuses. Nous avons pu cependant apprécier des portraits noirs et blancs, gris, tourmentés qui font penser inévitablement à Bacon. De l’énergie, du tragique, une force qui avait parfaitement convenu à une performance qu’il avait réalisée avec un autre Carbonne pour qu’on se souvienne de ce qui s’était passé au camp de Rivesaltes (entre 1938 et 1970 des réfugiés espagnols sont passés, puis des Harkis et leur famille y ont été regroupés).
La photo d’illustration c’est juste pour le côté sombre, le travail du montpelliérain est expressif, tourmenté.

mercredi 11 mars 2009

Livres pour enfants. Faire classe # 24

Certes le marché aux livres regorge de produits à la recherche d’un créneau, leur style court après la dernière mode et se démode ainsi « hyper »vite : ces clips de papier ne mènent nulle part. Sûrement pas à la littérature, celle qui nous élève au-dessus de notre ombre, de nos soucis immédiats, qui nous donne les clefs pour comprendre le monde, enchanter nos jours. (Bis)
Heureusement il est de belles réussites sensibles, attractives, où l’auteur ne prête pas systématiquement aux enfants ses « à priori » d’adultes.
Voici quelques romans appréciés au hasard de mes devoirs de vacances proposés par mes bibliothécaires. Oui, des romans ; j’ai choisi ce camp des littéraires censé apporter la nuance, la complexité, la contradiction dans un univers hygiéniste, technique, tellement sûr de lui.
Andrevon Jean Pierre : La dernière pluie
Cet ouvrage de science fiction doit son titre à la pluie continuelle causée par la pollution. Pour survivre, les hommes construisent une arche confortable: grand mythe remis dans le quotidien avec simplicité. La catastrophe change du train-train. Le message écologique n’est pas asséné et le livre incite à la réflexion même si l’auteur Grenoblois que nous avions rencontré s’était montré bien peu aimable avec ses lecteurs.
Ahlberg Janet et Allan : L’ours que personne n’aimait
Dans une atmosphère début de vingtième siècle, avec lessive à la main, guerre, classes sociales bien différenciées, un ours en peluche a besoin de réparations. Le lecteur peut se consoler des incidents de la vie. Ne pas être trop arrogant, unique et solitaire peut adoucir la vie.
Burgess Melvin : Billy Eliott
Nous trouvons une fois de plus le livre meilleur que son adaptation au cinéma déjà fort honorable, puisque nous partageons les états d’âme des protagonistes de l’histoire, tour à tour narrateurs et acteurs. Nous vivons l’histoire de l’intérieur et non comme une suite de péripéties. Livre chaleureux, sans candeur : de la légèreté, de la tendresse entre deux coups de poing dans la gueule. C’est la lutte des classes.
Cendrars Blaise : L’or
Livre des commencements. Des pionniers naïfs croient à une terre d’abondance. Ils auront rêvé. Le western appartient à un genre un peu épuisé, les enfants s’ intéresseront-ils à un monde qui se construisait en Californie ? La ruine débarque quand la fortune semble atteinte. Brutalité et civilisation.
Dahl Roal : Charlie et la chocolaterie
Ce scénario jubilatoire d’un auteur incontournable, débride les imaginations par des situations, des personnages vite croqués. Personne n’en ressort idéalisé, le délire sucré attend à chaque page : c’est pour du rire, pour du plaisir.
Fine Anne : Comment écrire comme un cochon
L’ambiance de classe éloignée du quotidien français déstabilise au départ quand les sarcasmes pleuvent dru. Mais finalement ce livre très moral, original, rythmé, fin, épicé, accède à une démarche pédagogique à l’opposé de toute mièvrerie, salutaire pour des enfants peu à l’aise dans l’école.
Houston James : Akavak
Récit élémentaire, au contenu essentiel. Ce roman d’apprentissage nous initie à la vie d’un jeune et son grand-père dans le grand Nord. La rencontre avec le printemps se gagne après des épreuves extrêmes ; des bricolages infimes assurent une survie toujours remise en cause. Profondeur sans chichi, hors des modes pour tous les âges avec le respect du lecteur.
Morgesten Sylvie : La sixième
L’originalité de cet ouvrage plein de fraîcheur tient au personnage principal bon élève dans une famille unie. Les relations sont subtiles, les profs pas tous ridicules et bornés. Son angélisme mis à mal, Margot partage ses impressions avec sa sœur et sa grand-mère.
Mourlevat Jean Claude La balafre.
L’auteur trouve le ton juste pour parler de ses doutes, de son environnement : rien de schématique. Une solitude irréductible s’installe, des personnages sympathiques se devinent au-delà de leurs apparences. Dans une réalité banale du fantastique s’installe.
Pennac Daniel : Cabot caboche
Les élèves n’ont pas manifesté d’emballement pour l’écrivain F.N.A.C alors que je pensais qu’une vie vue par un chien pouvait créer une connivence avec ce héros à poil qu’on aimerait recueillir, à partir de cadrages différents sur les adultes, …
Petit Xavier Laurent : Le monde d’en haut
La science fiction, ici adaptée aux enfants, amène à la réflexion sur notre façon de vivre. Bien écrit, le simplisme de certains archétypes modelés par une certaine culture américaine s’efface dans une conclusion qui n’est pas close, laissant la place au doute et à la possibilité d’évolution des personnages.
Quesemand Anne : La mort marraine
Dans ce conte, la mort, sans masque grandiloquent devient un personnage familier. Donne à réfléchir, à s’amuser, à consoler aussi : « l’appétit vient en mangeant, la mort en vivant »
Rodari Gianni : La tarte volante.
Ce bon vieux Gianni nous amuse et diffuse un message d’humanité sans lourdeur. Son écriture foisonnante dépeint des personnages cocasses, des situations loufoques. On en redemande sans risque d’indigestion.
Marilyn Sachs : Les retrouvailles
Deux sœurs se retrouvent au cours d’un repas et ne se reconnaissent plus : unité de lieu et de temps pour une pièce dramatique qui risquait d’être austère, et pourtant les sentiments sont vibrants. Des sujets forts traités subtilement, avec la fraîcheur, la sincérité de l’enfance: la jalousie, la différence de classe sociale, la fragilité, la mémoire, la réussite, grandir…
Marilyn Sachs : La maison en danger, La maison retrouvée, Du soleil sur la joue
Un vrai auteur plein d’humanité. La littérature enfantine atteint ici son sommet par la finesse de l’observation, le ton permet à la détresse de se dire sans en faire trop. L’abandon de l’enfance déchirant et passionnant s’accompagne de la compréhension des autres. Au bout de l’exigence naît notre plaisir.
Tillage Léon Walter : Léon
Un témoignage d’une force formidable sur la barbarie, nous transporte, sans pathos, au sud des Etats Unis.
D’autres auteurs permettent de stimuler l’écriture : Delerm (C’est bien, Surtout ne rien faire), Saint Exupéry (Le Petit Prince), Tournier (Pierrot ou les secrets de la nuit, Vendredi ou la vie sauvage), Rodari (Histoires à la courte paille). Des personnages tels que Poil de carotte, le petit Nicolas, Renart, Robinson, Robin des bois « devront dire quelque chose» aux enfants. Les « Contes de la rue de Broca » de Gripari recèlent encore des charmes comme « Le prince de mot tordu » de Pef réservé aux plus petits.
Et Titeuf.
Pour finir l’année « l’idée du siècle » de Pennac connaît toujours un vif succès quand le passage en sixième pointe à l’horizon.

mardi 10 mars 2009

Tu connais Sophie Marceau ?

« …Marcher dans le désert (…) Marcher dans les pierres (…)
Dormir dehors
Il faut un minimum
Une bible un cœur d’homme
Un petit gobelet d’aluminium… »

Alain Souchon
Le chameau* porteur du gaz, des pommes, de la quincaillerie, de quelques sacs privés s’est échappé à l’insu des trois chameliers mauritaniens qui devisent tout en tirant sur leur mini trompette de pipe. Trois silhouettes maigres, tuniques grises, ceintures de virilité, chèches noirs.
Votre servante juchée sur un des deux bestiaux restants (elle s’est fait une entorse avant de quitter la France : acte manqué, discours réussi !) alerte Mohammed, chef parce qu’il est grand, de stature et de gueule, fils d’un notable de Chinguetti, chef parce qu’il a trois épouses et toute la suite féconde qui va avec, parce qu’il parle français et triche à la belotte.
Petit Sidi, fait demi tour, vole comme un ange sur l’enfer du reg ! A mon avis on mangera froid ce soir et les deux quadras femelles du groupe qui suit pédestrement à quelques kilomètres se passeront de lingettes.
Je m’en fiche des bagages ! J’ai mal au derche sur ce foutu chameau qui navigue en galère : roulis et tangages m’envoient glisser à droite, à gauche et puis en avant et en arrière. Si seulement j’étais obèse, ça me calerait et je verrais le paysage ! Bof ! Y a pas de paysage.
Mohammed et Grand Sidi allument une pipe. Ils attendent, adossés à leurs chameaux tandis que je m’interroge sur la trousse à pharmacie. Aura-t-elle le baume salvateur ?
Grand Sidi, proprio de ma monture, me fait l’offrande d’une espèce de machin truc transparent qu’il a prélevé sur un épineux : « mâche, bon, Maritreize... »
- Gomme arabique, commente Mohammed.
Et zou dans le bec, ce cadeau du désert ! Maintenant, ma vieille, ton bec tu risques de ne plus l’ouvrir avant que ta langue ne finisse par user cette saloperie de plastique naturel qui te soude les mâchoires.
Mohammed a disparu le temps de trente coups de langue.
Il réapparaît tenant précautionneusement une jatte en bois.
- Tu en veux qu’il me dit, c’est du lait de chamelle. Tout frais, du campement là-bas.
- Méyapcamp ! Deux coups de langue.
Je refuse de la tête en me tapant sur l’estomac.
Mohammed avale ce lait bleu, si tentant… Mais les bactéries, hein !
Sa bête lape le fond du bol en battant de ses lourdes paupières décorées de cils en chiendent.
Mohammed est un chic type puisqu’il aime sa chamelle.
- Tu connais Sophie Marceau ?
- Fofaro ?
Trois coups de langues, toujours aussi tenace, cette saloperie !
- Quatre Toyota. Cinquante chameaux.
- … ?
- Si j’avais eu tout ça, je l’achetais Sophie Marceau. C’est la plus belle femme du monde.
- Auchiné ? Les coups de langues, les coups de gourde et les jets de salive commencent à faire les efficaces.
- Au cinéma ? Non non, en vrai. Je l’ai vue comme je te vois ! rétorque le polyglotte.
- Téailléenfranche ?
Courage, ça se décolle.
- Ben je voudrais bien mais non j’y suis pas allé en France. J’ai joué dans le film.
- Kéflim ?
- Tu te rappelles pas ? La Passe d’Amogjar. On a vu le fortin de « Fort Saganne » depuis la Passe. Juste avant Ouadane…
- Cha me reffient.
Que oui, ça me revient. Ce petit fort perdu dans le rien. Ce décors de film en dur religieusement préservé par les Mauritaniens. On entendait encore le violoncelle d’ Hyppolite Girardot sur le toit du fortin … Ah ! Depardieu et peuchère la pulpeuse Sophie, ces amours ensablées !
- Ainchi t’aféaKchteur ?
- Tous les rôles j’ai joués ! A cheval, à chameau, à fusil derrière les dunes, à couteau derrière les murettes ! Je suis derrière Depardieu quand il scie la jambe de son copain.
- … !!!
- Corneau m’a engagé pour les repérages. On a tout fait à cheval. Il est revenu plusieurs fois après le film. On a fait des virées autour de l’Adrar… Fou du désert ce type. Je me demande ce qu’il lui trouve au désert.
- Moi auchi !
Il rêvasse en se bourrant la pipette. Il a grandi de dix centimètres.
- Sophie Marceau, c’est bien la plus belle du monde !
Petit Sidi a rattrapé son chameau volage, attiré par quelque chamelle en chaleur. On mangera chaud la biquette morte qui pendouille au flanc du déserteur.
Au pique-nique, tout le monde se retrouve : les quatre sexas, les quatre quadras, dont deux filles et deux gars toujours affamés (dis, il te resterait pas une boîte de thon dans ton barda ?). Les sexas ont ce genre de ressource, ils le savent.
Pendant que les chameliers, guide et cuisinier s’éparpillent dans le rien rugueux pour prier, je raconte l’affaire Sophie Marceau.
- Nous, on doit valoir une chèvre, s’exclame Adèle, approuvée par les autres sexas. Elles rigolent en faisant encore baisser les enchères.
Sieste sous ce vent sournois qui vous recouvre vite fait d’un suaire de quartz.
- Je veux un autre chameau. La Er râhla* de celui-là avec sa peau de bique m’a écorché les fesses.
Grand Sidi défend son taxi et sa monumentale Er râhla. Je ne lâche pas le morceau.
- Si vous ne me donnez pas une autre monture, je pars à pied. Vous aurez ma mort sur la conscience !
- C’est parce que tu ne sais pas monter, persifle Adèle, approuvée par ces chiennes de sexas ! Tiens, j’ai envie de voir les choses (y en a pas, que je me réflexionne) de haut moi aussi. Je vais le monter ton chameau.
Cinq heures plus tard, sous les palmiers dattiers, oasis de carte postale, nous sommes comme des sardines sous l’abri de branchages qui sert aux habitants des villes ( ?) au moment de la récolte des dattes.
Dehors, clair de lune efficace puisque c’est à sa lueur qu’une sexa me badigeonne à la Néosine la zone martyrisée depuis trois jours et la toute fraîchement écorchée d’Adèle.
Vieille carne, et bien fait pour toi ! Ouais, beau clair de lunes.
Grand Sidi, ton chameau, personne n’en voudra plus ! Sauf les chèvres mortes et les bouteilles de gaz.
Tout le monde ronfle. Sauf votre servante qui tend l’oreille. A droite, les deux quadras femelles se parlent à mi-voix :
- Et tu sais ce qu’il m’a dit ce macho de Mohammed ?
- A propos de quoi ?
- Tu sais, le prix des femmes… Comme une conne je lui ai demandé ce que je vaudrais sur le marché ici. Il m’a regardée de haut en bas, a fait le tour de ma personne - tout juste s’il n’a pas examiné mes dents - et a déclaré… Ah, le salaud !...
- Ouais, alors, accouche !
- Une chamelle stérile et un âne !
- Quels goujats, ces types !
- Vos gueules ! ont hurlé les autres en se tournant tous en même temps du même côté.
Dans l’inconfort du lieu, je me suis rappelé qu’à l’hôtel de plein air, à Ouadane, le patron avait dressé une immense Khaïma *d’une blancheur éclatante pour recevoir Théodore Monod.
Nous n’avons pas rencontré le vieux navigateur du désert, celui qui cherchait une petite fleur bleue, et une météorite mystérieuse. Nous sommes partis faire les cons dans la beauté tragique du rien, la veille de l’arrivée de l’auteur de « Méharées ».
« On s’ennuie tellement, on s’ennuie tellement, on s’ennuie tellement
Alors la nuit quand je dors,
Je pars avec Théodore …
Dehors, dehors »
Alain

Marie-Treize

* En Afrique, il y a les dromadaires (une bosse) mais on dit toujours ‘chameau’
Les chameaux c’est en Asie. Deux bosses.
*Pour Er râhla (pas Elle râla) merci Google !
* tente mauritanienne

Gran Torino

Du cinéma : des dialogues âpres, des personnages typés, des destins problématiques, des questions essentielles, du rythme, des acteurs, une ambiance, de la nostalgie et un présent bien brutal. Du cinéma américain avec une conclusion qu’on aimerait plus elliptique, mais avec son efficacité : Clint Eastwood nous émeut et nous fait rire. Je me suis trouvé du côté de ce vieux ronchon qui n’apprécie pas que sa petite fille joue de son téléphone pendant l’enterrement de sa grand-mère, et il aura le temps de se racheter de son racisme caricatural du début. Les cinéphiles lisent cette œuvre comme une manière de testament ; ce qui fait la grandeur de ce film c’est bien le jeu avec son trajet singulier d’acteur et de réalisateur. Une entreprise qui nous concerne en tant que citoyen qui ne trouvera pas de réponse à ses questions sur la délinquance mais aimera ce moment d’humanité d’autant plus palpitant qu’il est haut en couleurs et fort en gueule.

lundi 9 mars 2009

35 Rhums

Une caméra entre assiette avalée devant le frigo et voies de RER aurait pu composer une vision originale des solitudes en banlieue, qui ont plus l’habitude de traîner, avec le cinéma français, du côté de Saint Germain des Prés. Mais le film de Claire Denis s’étire, nous n’apprenons que peu de choses sur les personnages tellement mutiques qu’ils restent énigmatiques. L’alcool est triste. La relation père fille, mise en avant par les critiques, ne m’a pas paru non plus très convaincante : pourquoi sont-ils attachés ?

dimanche 8 mars 2009

« Arrêtez le monde, je voudrais descendre »

La phrase au présent avait servi aussi de titre à Bedos pour un livre, et des émissions sur mai 68 ont utilisé l’expression qui rappelle « on arrête tout on réfléchit et c’est pas triste » des années 01. Ici pas de subversion dans cette succession de scénettes. Dans une cabane à l’extérieur de la MC2, la scène est circulaire comme chez les frères Forman qui nous avaient régalé avec Obludarium, dont les anciens compagnons de Bartabas de ce cirque Dromeko, se sont inspirés sans arriver à créer une atmosphère aussi originale. Il y a bien un orchestre sur la scène, des machineries apparentes, des animaux, un manège final et un coup de vin rouge à la sortie, mais nous l’avions déjà vu. Le rythme est alangui, et comme dans certains gags, les dialogues détaillant la prostate, il n’y pas que le papier toilette qui soit insuffisant. L’occasion de faire quelques clichés estampillés poétiques, mais rien de rare.

samedi 7 mars 2009

Aboiements dans la nuit.

J’ai croisé des souvenirs enfantins et des impressions d’aujourd’hui quand j’ai trouvé cette phrase : « les journalistes sont comme les chiens qui lancent des aboiements dans la nuit en pensant qu’ils la feront fuir ».
Même si nos paroles n’éclatent sûrement pas dans le silence ni l’obscurité, je trouve dans mes expériences associatives, politiques, bien des mots à connotations magiques.
Quand des marchands ont proposé les poupées de Nicolas et de Ségolène à piquer d’épingles, ils pensaient faire sourire avec cette transposition de malédictions vaudoues. Ils matérialisent nos impuissances à agir dans le réel, alors la parodie, le miraculeux déboulent. En flattant notre goût à moquer, plutôt qu’à approuver, ils participent aux clivages de la société qui se définit plus volontiers par ses oppositions que par ses adhésions.
Qu’ils sont collants, les prosélytes ! Ils font fuir le sympathisant, avec leurs manières de représentant à l’ancienne, du genre qui coince la porte avec son pied ou se présente en doublette Jéhovah avec ses patenôtres!
Mais je suis dans l’incompréhension la plus totale quand je constate, dans bien des groupes, des stratégies sophistiquées et têtues pour rester entre soi, surtout. Il y a bien sûr l’historique de l’assoc’ intouchable qui ne veut pas lâcher le manche, les si peu sûrs d’eux-mêmes que tout nouveau est un importun, les cercles qui se sentent toujours attaqués et qui n’osent plus entrouvrir une porte…
D’ajouter à chaque détour de phrase : « signe des temps », ne fait pas avancer les pratiques ni reculer la nuit. Pourtant avec les machines participatives que peuvent être les ordinateurs qui ont mail à partir, la montée des urgences écologiques, économiques, sociales, les engagements et aussi les bonnes volontés ne manquent pas. Mais il n’y a pas forcément rencontre, et les mots de Jean Prévost restent des mots : « il faut défendre avec violence des idées modérées ».
Les grincements, les soubresauts dans nos groupements peuvent signifier encore une manifestation de vie, est ce que ça ira jusqu’à la mise en mouvement ?
Teuf ! Teuf !

vendredi 6 mars 2009

Dominique Fernandez au Square

A bientôt 80 ans, l’académicien invité à la librairie du Square ( on dit encore « librairie U » voire « l’Université ») est bien vert. Quelle chance de pouvoir écouter le fils de Ramon, s’exprimant avec précision, élégance, humour, simplicité sur son dernier roman : « Ramon ». Histoire d’une famille haute en contrastes et en couleurs, où le père brillant spécialiste de Molière et de Proust, ami de Jean Prévost mort au Vercors, s’est engagé auprès de Doriot au PPF, aux heures noires de la collaboration. Ce mondain abandonnera la mère si provinciale. Dominique leur fils, en fouillant l’énigme de ces vies, décrit la singularité d’une époque, la complexité des liens, les mystères d’un homme, un peu les nôtres ? Duras résistante habitait au troisième étage de l’immeuble dont Fernandez le collabo occupait le quatrième. Le fils de Dominique, qui s’appelle… Ramon, est directeur du trésor, c’est un proche de Nicolas. Il ne nous lâche pas celui là.

jeudi 5 mars 2009

La lumière dans l’art contemporain

Rien que pour cette citation d’Hannah Arendt, la conférence des amis du musée valait le coût« Ces pensées figées, semble dire Socrate, sont tellement pratiques à l’usage qu’on peut s’en servir tout en dormant ; mais si le vent de la pensée, que je vais maintenant se faire lever en vous, vous arrache à votre sommeil, vous réveille pour de bon et vous rend plein de vie, vous verrez que vous n’avez que des incertitudes à quoi vous raccrocher, et ce qu’il y a de mieux à en faire, c’est de les partager avec les autres. »
Comme bien souvent avec l’art contemporain, un détour, cependant un peu long, s’imposait du côté des classiques avec Georges De La Tour, les hollandais du siècle d’or, l’or des icônes, Turner et les meules de foin de Monnet.
A partir de Soulages qui fait sortir les couleurs du noir, le spectateur participe au jaillissement de la lumière. Plaisir de revoir des œuvres comme les récipients en verre de Kounellis ou les projecteurs de Boltanski braqués vers la mémoire.
J’avais bien aperçu des néons dans les musées : ce sont ceux de Dan Flavin, figure majeure de l’art minimal comme dit Wikipédia, stimulant.
Et la pièce remplie de brouillard que j’avais traversée à Lyon, pourrait bien avoir été installée par Mathieu Briand créateur de mondes flottants et émouvants.
Claude Lévèque connaît maintenant la consécration avec le pavillon français à Venise après avoir mis du temps à être reconnu : ses lits au plafond qui ouvraient et concluaient la conférence disent la solitude et la mort.
Mais la révélation forcément fulgurante a été pour moi, la découverte de Walter Di Maria qui a installé dans une zone désolée et très orageuse du nouveau Mexique, 400 poteaux métalliques pour attirer la foudre. Quelle entreprise est plus ambitieuse pour essayer de saisir la lumière qui est le projet de tout photographe, de tout peintre ? Cette entreprise fait de l’artiste le concurrent de Zeus. Prométhée qui s’y était essayé avait mal fini, mais nous a laissé une belle légende.

mercredi 4 mars 2009

Lecture. Faire classe # 23

Il existait jadis dans les bibliothèques un lieu qui recueillait les livres interdits : l’enfer.
Il se paraît ainsi de tous les attraits.
Dans beaucoup de familles le même usage sévissait : il fallait avoir lu quelques classiques avant de dévorer en cachette le moindre Yan Fleming (c’était Bond).
Pour appâter le client, quelques rescapés de ces temps de frustrations et donc d’envies ont pensé mettre le polar à la portée des nourrissons.
Ces briseurs de tabous déjà morts, ces tueurs de fantômes de pimbêches moralisatrices d’un autre siècle, ont disposé en tête de gondole des romans prêts à penser : « ma sœur se drogue », « mon frère est homo », « mon père est ouvrier », « ma mère fait même la cuisine »,« mon grand-père est trotskiste »…
Ils ont été les premiers à souligner que Cendrillon participe à un conte cruel, et que le chaperon persiste en rouge mais ils n’ont jamais tant parlé de littérature enfantine que lorsqu’ils tentaient de l’assassiner.
Les modes d’emploi supplantent la poésie.
Les réponses arrivent avant les questions.
Les prescriptions trop précoces durcissent les consciences.
Si le paradis enfantin tourne parfois au vert, il ne se teint pas en noir total comme Yann Pavloff nous le décrit.
Lecture en CM2:quelques trucs, quelques tics, quelques traces :
- Donner un outil de repérage quantitatif des romans lus, cette liste est un moyen pour dialoguer avec l’élève, et mesure pour beaucoup le chemin parcouru. Il arrivait que des lecteurs en herbe dépassent une centaine d’ouvrages de plus de 100 pages dans une année scolaire. Le nombre de romans lus figurait sur le bilan trimestriel. Peuvent se relever, à part, sur un autre support, les titres des bandes dessinées découvertes. Cela concerne les livres de toute provenance (fond de classe, bibliothèque, maison…)
- A la fin de l’année scolaire dans la classe de CM1 qui passera en C.M. 2 à la rentrée, j’invitais à rédiger une fiche de lecture pour un roman, une sorte de devoir de vacances pour amorcer la liste de l’année à venir. J’exigeais un résumé en trois phrases maximum, différent de la quatrième de couverture, une argumentation pour justifier son choix.
« Comme un roman » de D. Pennac nous aide en donnant le droit de ne pas aimer un livre et de l’abandonner. Alors, il ne reste plus qu’à apprécier.
Il fut fort mal vu à une époque de lire des textes aux élèves et eux-mêmes se devaient de ne pas lire à haute voix. D’avoir traversé tant de modes qui se révélèrent ridicules, j’aurai tendance à cultiver le bon sens volontiers basique donc :
- lire des passages, des pages, des livres aux élèves.
Laissons pour les intervenants extérieurs d’autres taches que celle qui touche au cœur du métier. Nous sommes invités chaque jour à investir (cling !) des domaines nouveaux au rythme des engouements médiatiques d’un jour, et nous délaissons les bases. Tout floue le camp !
« Ah ! La brave petite chevrette, comme elle y allait de bon cœur ! Plus de dix fois, je ne mens pas, Gringoire, elle força le loup à reculer pour reprendre haleine. Pendant ces trêves d’une minute, la gourmande cueillait en hâte encore un brin de sa chère herbe ; puis elle retournait au combat, la bouche pleine… Cela dura toute la nuit. » A.Daudet
A quarante ans, nous sommes en mesure de juger par nous-même que madame Bovary peut accéder au titre de chef-d’œuvre alors que ce fut la bouche de Lagarde et Michard qui l’exprima à l’époque où il fallait émettre sur la question. La culture s‘édifie peu à peu, elle se constitue de beaucoup de reconnaissances, y compris de productions qui nous ont été indifférentes. J’écoute beaucoup mieux des musiques déjà entendues, proposées par des passeurs voire des repasseuses, professeurs à plein temps. Quel plaisir de s’appuyer sur des références, mesurer les évolutions ! Nos goûts présumés personnels se mitonnent avec les conformismes de l’heure.
De garder trop le nez dans les livres, « on se fait des films » où l’on se voit volontiers en tant que membre d’une caste en voie de disparition mais tellement distinguée. Si la fréquentation des librairies, des bibliothèques devient moins naturelle, nous perdrons de nos capacités à approfondir le temps, à peser subtilement nos connaissances des humains. Les brillances des écrans appellent la vitesse, les ricanements.
Dans des lieux dits d’expérimentations, les enfants apprenaient, disait-on, à cuire des gâteaux en classe alors que les parents étaient invités à installer l’apprentissage de la lecture après leurs heures de travail. Il leur était recommandé de montrer l’exemple de leur appétit de lecture. Est-ce que l’usage du livre, du journal est en voie d'épuisement chez les enseignants ? Où les intellectuels du terrain vont-ils aller pour happer des idées, des réflexions, des certitudes ?
Tragique impudence des mots quand nous employons le même terme « illettrisme » pour désigner les enfants dans le monde qui ne savent pas lire parce que leur pères achètent plus volontiers des armes que des crayons et pour les nôtres pour qui l’activité d’apprentissage est contrariante. Il faudra leur dire que le savoir est une arme. La corrélation entre le développement d’un pays et son taux d’alphabétisation n’est-elle pas assez évidente que le pourcentage d’enfants ne maîtrisant pas bien la lecture ne suscite pas plus d’indignation !
Pour notre zone hors les murs de la ville centre, le travail soutenu par les bibliothécaires assure une continuité entre l’école et ce pôle culturel du quartier. L’apprentissage du bon usage de la bibliothèque favorise les recherches personnelles, arase les différences sociales avec des animations inventives et riches, le suivi de prêts. Nous avons mené des défis lecture accélérateurs.
- Défi lecture : pendant une période de deux mois un lot d’une vingtaine de livres en double exemplaire est mis à la disposition des élèves séparés en deux équipes. Les compétiteurs doivent élaborer des questions pour leurs rivaux. Peut se jouer avec une classe parallèle, les correspondants…
Deux temps forts closent la période : l’un festif accompagné de sirop et bonbons présenté sous forme de jeu (« trivial pursuit », « question pour un champion »…) avec buzzer et applaudissements, les deux équipes s’affrontent collectivement en une mobilisation joyeuse.
L’autre dans les rites scolaires où s’évalue l’efficacité de lecture à travers quatre questions pour cinq livres (dont des B.D.). Chaque élève reçoit sa liasse de questions personnalisées.
La proximité de la bibliothèque intégrée à la maison d’école facilitait les demi-groupes propices à des entretiens individuels autour du livre que l’élève détenait pour l’heure dans son île.
- Chaque semaine amène son quatre pages de lecture silencieuse autour de thèmes liés au calendrier : rentrée des classes, Noël, 1er avril et 1er mai et des sujets abordés dans d’autres matières : les planètes, la poste, Napoléon, l’appareil photo… pour varier les types de textes : dialogues, recettes, documentaires, mode d’emploi, articles de journaux, récits qui engagent à des corrections tout au long de la semaine. Une corbeille reçoit tous les travaux exécutés dans un délai d’une semaine. Les questionnaires recueillis sont corrigés dès leur dépôt. Pour ceux qui ont attendu la dernière échéance et ceux qui n’ont pas apporté les réponses satisfaisantes : correction collective. Les autres bénéficient tranquillement d’un temps de lecture libre.
Des livres en lecture suivie s’étalent sur une quinzaine de jours voire un mois pour avancer au rythme de la classe : « L’œil du loup » de Pennac, l’inusable « Claudine de Lyon » de Marie Christine Helgerson captive toujours mes C.M. 2 : 1880 dure condition d’une petite fille de canuts, son désir d’école…
Quels livres pour les jeunes lecteurs ? :
Certes le marché regorge de produits à la recherche d’un créneau, leur style court après la dernière mode et se démode ainsi « hyper »vite : ces clips de papier ne mènent nulle part. Sûrement pas à la littérature, celle qui nous élève au-dessus de notre ombre, de nos soucis immédiats, qui nous donne les clefs pour comprendre le monde, enchanter nos jours. Heureusement il est de belles réussites sensibles, attractives, où l’auteur ne prête pas systématiquement aux enfants ses « à priori » d’adultes.
La semaine prochaine sur le blog une liste de livres pour les écoliers.

mardi 3 mars 2009

Derniers flocons

Les poètes ne sont pas pareils :
« Ah ! revienne l’automne, et revienne l’hiver
La mer déserte et grise
Avec ses îles nues
Et les nuages qui se déplacent
Dans un ciel sans éclat. »
Louis Brauquier
A la recherche de poèmes sur l’hiver qui s’est bien fait et qui s’en va, la question :
« Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir?" est de François Coppée (Non, pas Jean François !)
Le saule sur la tombe de Musset n’a jamais vraiment pris, et les laboureurs ont disparu, pourtant ces disputes atmosphériques ont de l’allure :
« Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire,
Bien que le laboureur le craigne justement :
L’univers y renaît ; il est vrai que le vent,
La pluie et le soleil s’y disputent l’empire.
Qu’y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ;
C’est sa première larme et son premier sourire… »

Alfred de Musset

lundi 2 mars 2009

Combalimon

Le film de Mathié Raphaël va pâtir de la sortie récente de « la vie moderne » de Depardon, pourtant son reportage était visible un an avant celui du bourguignon au festival de Cannes. Un paysan de Corrèze a demandé au cinéaste de transmettre des images de son coin d’humanité qui meurt. Il avait bien essayé de sortir de sa solitude, et avait marié une camerounaise qui n’est pas restée. Chronique de la fin d’un monde. Des lumières, les chiens, et des questions éternelles au fil des saisons qui ne peuvent que tendre à l’économie de paroles.

dimanche 1 mars 2009

Cabrel : des roses et des orties.

Après le Souchon des villes, le Cabrel des champs.
Le meilleur vendeur français 2008 a livré un dernier album, bien accueilli, après quatre ans de maturation.
Quelques accents de flamenco, le troubadour gascon contente son public d’images simples :la vie est faite de roses et d’orties. A voir sur Daily motion, les clips de ses aficionados, type calendrier des postes où quand il est question de fruits, la corbeille est là, mon œil critique s’écarquille.
Et en même temps je m’en veux de ne pas me laisser aller à l’innocence des halos sur prairies fleuries.
« On est lourd, tremblant comme des flammes de bougies »
Je ne sais si je dois saluer la sincérité ou repérer la facilité.
La recherche de la rime peut amener à des tableaux enluminés, plus qu’à un réel qui risquerait d’être brutal
« Adossé à un chêne liège, je descendais quelques arpèges, par un après midi pluvieux ».
Humide et inconfortable, pourtant la mélodie vous embobine.
Nous avons besoin de ces accents nostalgiques où glisse « le manteau de l’enfance » même si l’image est mal ajustée. Ces « cardinaux en costume » indifférents au monde qui saigne, ce n’est pas nous, toutefois les illusions sont évanouies : « les chansons se fanent ».
« Les gens nous aiment et puis nous laissent
Et c’est sans doûte mieux »