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samedi 28 juin 2025

Un été avec Alexandre Dumas. Jean Christophe Rufin.

Au rendez-vous annuel de la jolie série : un été avec…
un bel écrivain écrit en bien à propos d’un des plus vivants de nos romanciers dont le fils avec « La Dame aux camélias » entra à l’académie Française qui s’était refusée au père des « Mousquetaires » maintenant au Panthéon. 
Une belle formule extraite de « Joseph Balsamo » pourrait résumer l’œuvre et la vie romanesque du descendant du général Davy de la Pailletterie et d’une servante Cézette Dumas. 
« Nous aimons le monde comme les damnés le paradis : sans le connaître ». 
Alexandre a visité tant de pays, connu fortune et faillites, réalisé une œuvre foisonnante, seul et en collaboration, aimé tant de femmes.
« … il multiplie les liaisons avec des actrices. Virginie, Hyacinthe, Henriette, Caroline, les noms des victimes s’alignent, comme sur un monument aux amours mortes. »
Les succès cinématographiques de Monte-Cristo et des Mousquetaires confirment des siècles plus tard, sa qualité d’orfèvre  mettant en valeur le matériau brut extrait par les historiens.
« Qu’est-ce que l’histoire ? C’est un clou auquel j’accroche mes romans. »
Il contredit Feydeau qui décrit parfaitement cette fin passionnante du XIX° siècle : 
«  A une époque qui a enfanté le suffrage universel, les emprunts nationaux, les embellissements de Paris, les associations de capitaux, les chemins de fer, les télégraphes électriques, les bateaux à vapeur, les canons rayés, la photographie, les expositions de l’industrie, tout ce qui va si vite, tout ce qui est mathématique, utile, matériel, commode, le réalisme est la seule littérature possible. »
Dans ces 186 pages où figurent des recettes de cuisine du maître des feuilletons, la description de ses bateaux, de son château, le rappel de quelques souvenirs de voyages, des échos de ses rencontres avec Hugo, Garibaldi, ses expériences de spiritisme, je retiens une dernière citation pour apprécier sa tolérance : 
« C’est une des singularités de ma vie, d’avoir connu tous les princes et, avec les idées les plus républicaines de la terre, de leur avoir été attaché, du plus profond de mon cœur. »  

lundi 23 juin 2025

Le festival de Cannes ou le Temps perdu. Santiago H Amigorena.

Le « Temps perdu » avec la majuscule c’est celui gaspillé par le lecteur après 345 pages qui ne disent rien et  n’évoquent surtout pas Proust pourtant sollicité à l’évocation de chaque triste fête, autour d’un festival où il n’est pas question de cinéma. 
Comme l’ancien amant de Philippine, ce « Monsieur Gayet » ou « Monsieur Binoche » ainsi que le nomme le concierge du Carlton prétend au Panthéon littéraire, il ne lui sera rien pardonné, même si son manque de délicatesse est tempéré par quelque autodérision pas plus sincère que les emballements amoureux du piètre baiseur. 
«…  plus désireux de plaire en bavardant que de m’instruire en écoutant. »
 Sa chronique people est bien fade, et la magie du festival bien éventée. 
« On a cru faire partie d’un monde, on finit par faire partie des meubles ». Un tapis.
Il ne s’agit pas d’un dévoilement des coulisses de cet événement mondial, mais par le fait qu’un tel livre puisse être édité, preuve est faite de la vacuité d’un milieu culturel où à aucun moment n’effleure la moindre raison d’admirer, de s’émouvoir, d’être surpris…    
Ses apostrophes au lecteur, ses répétitions, son style de bric et de broc ose ce genre d’astuce : « Nez en moins, si je comprends, ou feins de comprendre… »
 Quand « La grande librairie » titre : « Proust sur la Croisette », le dossier concernant les connivences critiques s’épaissit . 
« Je me demandais même si, ayant réussi à imiter Proust au point d’être méprisé par certains comme un écrivain mondain… » 
Les écrivains mondains ont au moins plus d’humour.

samedi 21 juin 2025

La nuit n’est jamais complète. Niko Tackian.

Pour diversifier mes lectures, je suis allé au rayon livres de mon Supermarché, oubliant les suggestions de mes magazines et journaux habituels.
Une atmosphère apocalyptique, proche du livre «  La route » de Cormac McCarthy que je n’avais pas apprécié contrairement à l’ensemble des critiques, nous remet le nez dans la poussière noire.
L’accumulation des déboires d’un père et de sa fille arrêtés en plein désert sur le site d’une mystérieuse mine abandonnée et l’addition de tous les motifs propres à faire monter l’angoisse m’ont incité pourtant à aller au bout des 248 pages pour voir comment l’auteur allait se tirer de ce festival de clichés étouffants. 
« Il vit le puma à la gueule sanglante, la bête tapie dans l'ombre qui les menaçait,
cette bête, c'était lui. »  
Le style conventionnel participe au malaise résolu pourtant dans une conclusion horrifique bien ficelée qui nous sort de la perplexité.
Nous aurons d’autres cauchemars.

samedi 14 juin 2025

Dernières nouvelles de Rome et de l’existence. Jean Le Gall.

L’éditeur écrivain a accordé la forme de son roman désabusé à son propos :
« A vouloir démontrer l’inexistence de Dieu, l’homme n’a pas vu la sienne. » 
Un ami pense lancer la carrière du narrateur à partir d’un livre qu’il n’a pas écrit.
Dans les années 70, le dénommé Palumbo démissionne le jour où il est élu à la tête d’un parti politique sensé renouveler le paysage intellectuel transalpin. 
« Ce communisme new age avait vécu. Deux heures et quart pour être précis. » 
Il s’établit comme vendeur de canapé pour mieux observer « l’homme moyen ».
Cette démarche déjà testée en Chine où les intellectuels étaient invités aux champs pouvait renouveler la réflexion sur la fracture sociale de par chez nous.
Mais rien de probant n’apparaît dans ce récit de 187 pages avec quelques formules désabusées :  
« Souvent, il usait de son charme comme d’une allumette humide qui, frottée dix fois, ne prend toujours pas. »
Il  a perdu ses illusions, il s’écrit à lui-même: 
« La moitié de l’humanité est prête à remplacer l’amour par des parcs d’attractions, la beauté par la chirurgie, les pâtes par les nouilles, les écrivains par les journalistes. » 
La littérature pourrait être un recours : 
« Stendhal, c’est inégal en fait de style, de caractères et d’intérêt, mais c’est un observateur à l’œil millimétrique, c’est un désenchanteur de première bourre, un railleur exceptionnel, un maître du scepticisme. » 
Mais même Rome, issue de tous les chemins, se voit maltraitée : 
« Rome n’est pas seulement ignoble et excrémentielle, elle est aussi inauthentique.
Sa « décadence » et sa « chute » sont des crâneries d’historiens, des tics d’écriture, des vanités d’éditorialistes impatients de placer leurs conclusions sur l’Occident. » 
Cette errance désincarnée, dépressive, ne nous donne aucune nouvelle de la ville éternelle, mais réussit son pari d’une approche de l’inexistence. 
« Se trouvent dans les romans non advenus, l’éloquence et l’émotion qui manquent si sadiquement à la littérature une fois qu’elle est imprimée. Le roman, en tant que roman se dérobe toujours. Et l’on devine quel avantage il y aurait dans le privilège d’être un romancier qui n’a rien écrit ! »  
A lire de nuit, dans une salle vide, peinte en blanc d’une FRAC, qu’il ne sera pas utile d’éclairer pour exciter malgré tout notre pensée.

vendredi 13 juin 2025

Futu&r. N°46.

Usbek & Rica a pris le nom de Futu&r avec le même objectif depuis 2010 : tourner  vers l’avenir un regard persan comme les personnages de Montesquieu auteur de lettres « naïves et sans préjugés ».
Orphelin de Jean François Khan et de Jacques Julliard, je m’applique à chercher des voix nouvelles et le titre de ce trimestriel ne pouvait que m’accrocher.
« L’écriture va disparaître, et alors ? »
« Et si, après cinq siècles de domination de l’écrit, notre civilisation redevenait orale ? »
Plus guère de courrier dans les boites à lettres, 
le livre audio est plébiscité par 62% des enfants de 7-9 ans, 
7 milliards de notes vocales par jour circulent sur les réseaux permettant aux langues sans clavier de s’exprimer, à ceux qui ont des difficultés de lecture de communiquer.
L’oral devient un atout dans les entreprises.
Le traitement du sujet est alerte avec un journaliste qui a passé une semaine sans écrire, approfondi sous le regard d’une philologue italienne, 
décapant avec un essayiste américain qui reconnaît :  
«  On sous estime à quel point les gens détestent écrire »
Une librairie au Japon propose un seul livre (en plusieurs exemplaires) par semaine. 
Bien sûr il est question de ChatGPT dont on se demande s’il ne va pas tuer l’alphabet …et les alphabètes. 
Il est intéressant d’envisager une école sans écrit, 
de nouveaux métiers à l’âge de l’oralité,
et les glissements dans les pratiques des entreprises, en politique. 
Les historiens emprunteront-ils aux techniques des griots ?
Cinq œuvres de sciences fiction qui ont prévu la disparition des livres ont toute leur place parmi ces 150 pages denses qui offrent en outre une uchronie originale :  
«  Et si Louis XVI n’avait pas été guillotiné ? » 
Le dialogue entre un expert du Giec et une activiste intersectionnelle autour de la question  
«  Faut-il arrêter de militer pour le climat ? » est tout à fait pertinent…
Tout cela suffit à me nourrir même si je laissé au bord de l’assiette  
« La ville cybernétique de SimCity » 
ou « J’ai discuté avec mon futur moi » avec un jeu de l’oie autour de la planète Mars... Dépassé par les enjeux exposés par un expert du stockage sur ADN,  
difficile de suivre « l’anti nataliste qui nous veut du bien »
Plus familier des personnalités de « Vieux » ou « Schnock », je n’ai pas été attentif aux propositions de Simona Levi, 
ni à celles de Mélody Mourey d'illustres inconnues pour moi, 
par contre la découverte de la face cachée de Brian May, rock star et astrophysicien a piqué ma curiosité.

samedi 7 juin 2025

Clamser à Tataouine. Raphaël Quenard.

Les cadavres divertissants, déjà abondants chez Fabcaro,  
s’accumulent dans ce roman du comédien à la mode, un « narvalo » comme on dit à Echirolles, sa ville d'origine,  
« Près de chez nous » du nom du film culte dans le même genre déjanté.
Les 190 pages plaisantes du « gadjo » punchy se lisent en un souffle. 
« La société doit s'acquitter de ce mal-être dont je la tiens responsable.
Pour que l'anéantissement soit total et que mon action porte, je dois frapper symboliquement. Je vais tuer un représentant de chacune des classes sociales.»
Le narrateur, tueur en série, a choisi de supprimer 
une aristocrate, 
une ingénieure, 
une jeune active, 
une femme de footballeur, 
une caissière, 
une SDF, 
avec en prime un homme qui l’agace.
Le psychopathe, mot plus familier dans les cours de récréation que le mot « maçon », 
est volubile. 
« Certains affirment que nos vies ont le sens qu'on leur donne. Je n'y crois pas. 
Pour moi, nos vies ont le sens que les autres lui donnent. 
Notre entourage fait de nous ce qu'on devient et non l'inverse. 
La mer érode le rocher pour lui donner sa forme. Elle le travaille, le façonne. Imparfaitement, bien sûr. Les mouvements d'eau sont aussi erratiques que ceux de nos entourages respectifs. Se fracassant sur nous comme la mer sur son rivage, ils nous donnent forme. Libre à nous d'aménager la côte pour contenir ses assauts. »
L'écrivain, en son premier roman, a le sens de la formule et des paradoxes que j’aime tant traquer :  
« Comme tous les conseils sortant d’une bouche plus âgée, on ne les comprend que plus tard. Nul pédagogue n’égale le temps qui passe. »
« Nos recoins les plus obscurs ont ceci de paradoxal qu’ils nous éclairent. »
« A Paris, la concentration démographique annihile toute individualité.
C’est là que j’ai commencé à prendre conscience de mon insignifiance.
C’est dans le trop-plein que l’idée du vide est née. »
« On rêve de tout donner à celui qui ne veut rien.» 
Un amour des femmes manifesté de façon expéditive participe à un ensemble politiquement incorrect. 
Son humour noir dispensé à jet continu permet de conclure brillamment par une fin morale. 
Il était temps ! Délicieux. 

vendredi 30 mai 2025

Alice au pays des idées. Roger-Pol Droit.

Après un voyage au pays de l’art d’un grand-père et sa petite fille, cette fois sans images,
nous sommes invités à suivre une jeune fille qui pour une première rédaction à rendre va nous emmener au marché avec Socrate dont elle retiendra la fécondité des questionnements jusqu’au chalet où niche Nietzche ou dans le salon de Louise Dupin. 
Bien que Socrate ait bu la cigüe et qu’Hypatie d’Alexandrie ait été assassinée, des penseurs antiques revenus à la Renaissance ou ceux du désert, en Inde ou en Chine nous parlent encore.
La renaissance : 
« La principale mutation consiste à placer l’idée de l’homme au centre de tout. 
C’est autour de la définition de la nature humaine que tourne désormais la réflexion. 
Dieu n’est plus l’idée principale. 
Les capacités de l’humanité l’emportent sur ses faiblesses ou ses vices. 
L’accent n’est plus mis sur l’obéissance, la soumission à la loi, l’inscription de l’humanité dans un plan divin. » 
L’idée de progrès née à cette époque se voit secouée de tous côtés en ce moment : 
« La destruction peut se révéler constructrice. Le mal peut produire le bien. »  
Le dispositif mis en place par le critique du « Monde »  accompagne agréablement le lecteur pour un voyage intense et paisible en compagnie de deux souris, l’une sage, l’autre folle,d'un kangourou nommé Izgourpa toujours prêt à sortir une fiche de sa poche et de la fée objection.  
Le côté Descartes en dix pages me convient parfaitement pour réviser et découvrir depuis le vaisseau qu’elle emprunte un riche panorama des idées. Comme Alice j’ai adhéré aussi bien aux paroles d’Epicure qu’à celle des stoïciens, et compris son envie d’abandonner devant la complexité, les contradictions des différentes écoles et religions. 
Tout en respectant l’impatience de la jeunette avide de trouver des solutions pour vivre honnêtement  et réparer la planète, la simplicité de l’auteur nous rassure en plaidant  tout du long pour le frottement des idées. 
Dans les respirations pédagogiques, à chaque étape, la demoiselle bien de son temps donne sa version et retient une phrase qu’elle voudrait se faire tatouer.   
Parmi une belle récolte, celle qui me convient en ce moment, je la trouve chez Kant : 
«  Le bois dont l’homme est fait est si noueux qu’on ne peut y tailler de poutre bien droites. » 
J’évite les tatouages. 

samedi 17 mai 2025

Vers les îles Eparses. Olivier Rolin.

Nous partageons la vie de l’écrivain embarqué sur un bateau militaire qui ravitaille quelques garnisons françaises sur des îles minuscules du Canal du Mozambique.
Cet exotique séjour, au-delà de la description de terres inconnues dans l’Océan Indien, revient sur la prise de conscience de l'auteur à propos de son vieillissement, déjà finement exploré, avec le détachement qui convient.
Les mots des marins font voyager : 
« Le bateau se rapproche lentement du quai, chassant une masse de cannettes, de bouteilles en plastique, d’épaves diverses, on lance des pommes de touline, que récupèrent des lamaneurs en combinaison orange, on capelle les aussières sur les bollards, on les raidit… » 
Parfois ses hésitations dans la description ajoutent à l’étrangeté, à la richesse du spectacle de la nature qu’il rend avec sobriété sans en effacer la couleur.
« … ces oiseux, frégates, fous, hérons cendrés, d’autres dont j’ignore le nom (un cardinal ?), rouge et noir jacassant au milieu d’un bosquet de lantaniers aux fleurs jaunes et rouges, à l’odeur poivrée, et surtout les sternes fuligineuses qui tournoient par centaine de milliers au-dessus de l’île, du côté du phare. »
Pour tromper l’ennui, rien de tel que quelques livres bien mis en valeur, quelques notes spontanées, sans apprêt dans son écriture, la recherche du mot juste dans ces îles à dix mètres au dessus du niveau de la mer où le bleu est plus que bleu. 
«  dans d’autres langues, blue, azul, c’est peut être mieux, parce qu’il y a quelque chose de fluide, de longuement alangui dans le blue anglais, qui va avec le glissement de l’eau (et la couleur bouge respire), quelque chose d’ailé et de salé dans l’azul espagnol ou portugais. » Avec la même honnêteté, il décrit le jeune équipage qui le conduit, sans forcer leur intimité, respectueux de leurs personnalités, affronté, sans dramatiser, à son âge.
« Habitué qu'on est à soi-même et à son apparence, on ne s'est pas vu se transformer en cet être de papier mâché en qui les autres, qui ne vous connaissent pas, identifient immédiatement un semi-vivant. […] Parfois je m'en amuse, mais pas toujours. »

samedi 10 mai 2025

Une affaire de style. Daniel Grozdanovitch.

L’ancien joueur de tennis, lecteur attentif  nous fait part de ses plaisirs de lecture : 
«  C’est alors une félicité suspensive divine, l’un de ces instants prélevés jusque sur les prérogatives de la mort elle-même et qui ne saurait être comparé qu’à la brève extase de l’équilibre sportif idéal. » 
Tous les auteurs cités n’ont pas la notoriété d’Alexandre Vialatte dont je me régale avec ses chroniques postées chaque jour sur Facebook par un lecteur par ailleurs amateur de Sempé.
Ainsi parmi mes inconnus, Claudio Magris : 
« La correction de la langue est la prémisse de la netteté morale et de l’honnêteté. 
Beaucoup de filouterie et de prévarications brutales naissent quand on fait de la marmelade avec la grammaire et la syntaxe. » 
Georges Haldas à propos de la minutie :  
« … consiste à révéler, à travers les petites choses, les grandes. 
A déceler l’invisible dans la moindre pépite du visible ; 
l’éternité vivante en chaque seconde ; 
le mystère au sein des réalités les plus insignifiantes en apparence et les plus familières, l’extraordinaire en ce qui parait être, à première vue, l’ordinaire. » 
John Cowper Powis commente Anatole France : 
«  les plus sages sont ceux qui jouent avec les illusions sans en rester déçus 
et qui se laissent gagner par la pitié sans en être blessés. » 
A travers ces paysages littéraires pas toujours faciles à arpenter quand on n’est pas familier comme moi de Pessoa ou d’Aldabert Stifter, nous pouvons cependant cueillir quelques mots de l’auteur qui aime « passer du futile à l’agréable » : 
« … beaucoup de jeunes gens d’aujourd’hui  vivent en état de schizophrénie contrôlée, préférant s’aveugler sur les désastres qui se profilent à l’horizon pour s’abandonner à l’insouciance festive » 
Ces 226 pages illustrent d’une façon originale cette banale citation : 
« Le style est l’instant où le fond affleure à la surface. »

vendredi 9 mai 2025

Le trésor des savoirs oubliés. Jacqueline de Romilly.

Qui peut être en désaccord avec l’académicienne qui conclut ses 217 pages ainsi : 
« Depuis que je n’y vois plus, je découvre encore chaque jour les beautés du monde, 
ses étrangetés, ses laideurs, sa présence - parce que la littérature ne cesse de me les apporter. » ?
Sauf que je reste avec un sentiment de défaite lorsqu’elle parle de « pureté », de « civisme », de « sagesse » quand l'école pour laquelle elle plaide est dédaignée, les savoirs méprisés.  
Et pourtant : 
« De cet amas de connaissances que l’on croyait d’abord inutiles et qui peu à peu se sont effacées, disparaissant de notre conscience les unes après les autres, résulte donc pour finir la possibilité d’avoir une pensée personnelle, une vie indépendante et une personnalité autonome. »  
Ses références antiques sont à peine aussi démodées que l’évocation de Gide ou Giraudoux.
« L’élève qui aura fait ses classes, même modestement, aura ajouté aux souvenirs des contes qui charmaient son enfance tout l’héritage de l’expérience humaine. Il aura conquis un empire avec Alexandre ou Napoléon, il aura perdu une fille avec Victor Hugo, il aura lutté seul sur les mers comme Ulysse ou bien comme Conrad, il aura vécu l’amour, la révolte, l’exil, la gloire. »
J’emploierai un terme également suranné pour remercier la « brave » dame de nous consoler des carences de nos mémoires. Elle n’avait à l’époque sans doute pas vu d’élève de près depuis aussi longtemps que moi. 
« Montaigne, déjà, connaissait bien le risque d'une recherche trop intense; et, se plaignant de sa mémoire, il écrivait (dans De la Présomption) : « Plus je m'en défie, plus elle se trouble; elle me sert mieux par rencontre. Il faut que je la sollicite nonchalamment ; car, si je la presse, elle s'étonne; et depuis qu'elle a commencé à chanceler, plus je la sonde, plus elle s'empêtre et embarrasse : elle me sert à son heure, non pas à la mienne. »
Si je partage quelques unes de ses réflexions, je n’ai pas l’optimisme de l’helléniste militante disparue en 2010.   
De jour, nous clignons des yeux devant des paysages asséchés, la nuit, les lumières se font rares.
« Alors que les littératures anciennes  ou classiques célébraient si volontiers la beauté de la vie humaine, les nobles sentiments et la douceur de l’existence, la littérature de notre temps exprime presque toujours une sombre amertume… »

samedi 3 mai 2025

Mammifères II. Pierre Mérot.

Un premier volume d’il y a vingt ans avait quelque saveur. 
Mais au bout des 217 pages de celui là, l’écrivain fatigué gâche le travail : 
« Un livre éteint, sans les éclats ni la violence de la jeunesse. » 
Cette livraison du sexagénaire qui se confie à son urologue, à son cardiologue, ne gambade plus beaucoup et ne saute plus guère, quand le « Bukowski de Montmartre » alpague le néophyte en faisant référence à plusieurs reprises à Montaigne du « sauts et gambades ».
Il se repent : 
« … il était bien obligé d’enfiler son masque d’oncle, cruel et ordurier, de faire taire sa charité, son cœur réel, son humanité, on le payait pour ça, la méchanceté, le cynisme, l’horrible drôlerie, la drôlerie expéditive, simplifiante, facile. Etait-il drôle, l’oncle ? Il en doutait. » 
Il fume, se fait sucer, boit quelques bières, va à l’enterrement de Daisy sa maman, avec Riri, Fifi et Loulou et à l’EHPAD voir Donald son papa. L’enfance est partie, et les gros mots ne choquent plus grand monde. La critique du « Monde » indulgente en arrive à lui pardonner ses mollassons  coups de patte envers le politiquement correct. Le professeur toujours en congé, change d’appartement, car les prix sont élevés à Paris, ha bon, heureusement il y a Tinder. 
« Tantôt songeuse comme Raphaël, tantôt passionnée comme un Delacroix, parfois directe comme un trait de Matisse, je recherche mon partenaire d’inspiration pour aller au-delà de l’esquisse et explorer tout en nuances la palette de la vie ».

samedi 26 avril 2025

L’avenir. Stéphane Audeguy.

Emballé, je fus, au début avec l’idée féconde de l’effacement de « La Joconde » avant la disparition d’autres œuvres interrogeant puissamment notre rapport aux images.
« … la Joconde est morte depuis longtemps, bien avant même sa disparition ultime. Alors, insatisfaits et fourbus, penauds comme les badauds de la fête foraine qui ont payé pour voir la femme-sirène ou l’homme sans tête et ont entrevu un simulacre grossier, honteux d’avoir été ainsi bernés, mais contents d’en avoir fini avec la Joconde, d’avoir coché cette ligne dans leur liste des choses à faire… »
Les portraits de divers personnages passionnés ayant un rapport avec le tableau sont originaux : un instituteur chinois à la retraite, un conservateur italien, un historien de l’art juif-allemand, un riche collectionneur mexicain…
L’écriture est plaisante, quand le romanesque stimule la réflexion avec humour.
puis la dystopie perd de sa saveur, devient conventionnelle bien que conservant une petite musique ironique, étouffe dans la poussière et la mièvrerie, lorsque le monde ne faisant plus d’enfants se vide petit à petit de ses habitants. 
Tout ça pour finir à Corfou !
Le contraste est d’autant plus flagrant que la déception vient après un départ prometteur.
Les 266 pages auraient pu être divisées en deux pour garder leur punch.

vendredi 25 avril 2025

L’heure des prédateurs. Guiliano Da Empoli.

J’ai lu comme un roman cet essai limpide de 150 pages qui vient à point nommé dans notre époque bouleversée.  
« Le grand dilemme qui a structuré la politique au XX° siècle est le rapport entre l’Etat et le marché : quelle part  de notre vie et du fonctionnement de notre société doit être sous le contrôle de l’état et quelle part doit être laissée au marché et à la société civile ?
Au XXI° siècle, le clivage décisif devient celui entre l’humain et la machine. »
Il est bien sûr question de Trump, 
«  un analphabète fonctionnel comme Trump peut atteindre une forme de génie dans sa capacité à résonner avec l'esprit du temps»
mais aussi de MBS, Mohammed Ben Salman le prince-héritier d'Arabie Saoudite, de Bukele, président du Salvador dans sa lutte contre les gangs :   
« Certains disent que nous avons emprisonné des milliers de personnes, 
la vérité est que nous en avons libéré des millions ».
Celui qui fut conseiller politique de Prodi n’ignore pas le pouvoir de séduction de ces dirigeants sans limites, ni les erreurs de leurs concurrents. Le compte-rendu d’une réunion de partisans d’Obama hors sol à propos du potager de la première dame inciterait au rire, il est tragique. La catastrophe démocratique largement engagée n’en est que plus effrayante. 
« Si, au milieu des années 2010, les Brexiters, Trump et Bolsonaro pouvaient apparaître comme un groupe d’outsiders, défiant l’ordre établi et adoptant une stratégie du chaos, comme le font les insurgés en guerre contre une puissance supérieure, 
aujourd'hui la situation s’ est inversée : le chaos n'est plus l’arme des rebelles, 
mais le sceau des dominants. » 
Au-delà de ces personnages caricaturaux, l’auteur du « Mage du Kremlin » met en garde contre l’Intelligence Artificielle et ses adorateurs Asperger de la même espèce prédatrice.  « MBS construit des enclaves où ne s'appliqueront que les lois de la tech, Bukele a adopté le bitcoin comme monnaie officielle de son pays, Milei envisage de bâtir des centrales nucléaires pour alimenter les serveurs de l'IA. De son côté, Trump a confié des pans entiers de son administration aux accélérationnistes les plus déchaînés de la Valley. »« Les ingénieurs de la Silicon Valley ont cessé depuis longtemps de programmer des ordinateurs, pour se transformer en programmateurs de comportements humains. »  
Pour un bon mot, Da Empoli, sans être un luddiste comme ceux qui s’opposèrent aux premières machine à tisser,  joue au modeste: 
« Il est vrai que je suis profondément incompétent en matière d’intelligence artificielle.
En revanche, fréquentant la politique, j’ai développé une certaine compétence en matière de stupidité naturelle. »
Ses références à Borgia modèle du « Prince » de Machiavel, à Shakespeare, à Kafka donnent de la profondeur à des informations qui habituellement nous noient sous leur profusion.   
« L'IA surgit comme une technologie borgienne, dont le pouvoir repose sur sa capacité à produire de la sidération »
« Il y a des phases dans l’histoire où les techniques défensives progressent plus vite que les techniques offensives. Ce sont des périodes où les guerres deviennent plus rares parce que le coût de l’attaque est plus élevé que celui de la défense. A d’autres moments, ce sont surtout les technologies offensives qui se développent. Ce sont des époques sanglantes où les guerres se multiplient, car attaquer coûte beaucoup moins cher que se défendre. »
Lecteur, parfois commentateur, je me sens si petit que je ne sais que picorer des formules, quelques remarques originales lorsqu’il note qu’en quarante ans chez les démocrates les vingt candidats à la présidence et à la vice-présidence étaient tous des avocats, sauf le dernier colistier de Kamala Harris. 
Le seul mot d’espoir serait dans le verbe « prétendre » de cette dernière citation :
« Si, en Occident, la première moitié du XX° siècle avait enseigné aux hommes politiques les vertus de la retenue, la disparition de la dernière génération issue de la guerre a permis le retour des démiurges qui réinventent la réalité et prétendent la façonner selon leurs désirs. »

samedi 19 avril 2025

Comme une mule. François Bégaudeau.

Le marxiste libertaire est passé au tribunal pour avoir écrit  à propos de Ludivine Bantigny, une de ses collègues de la gauche radicale : 
« Tous les auteurs de La Fabrique lui [seraient] passés dessus, même Lagasnerie ».
S’il trouve la formule gratuite et abjecte, il se garde bien de s’excuser, mais il lui faut 443 pages pour s’expliquer et nous emmener dans un tourbillon où il revisite avec brio les rapports entre l’art et la politique, la morale et la politique, l’humour, le féminisme…  
«L’excuse suppose une faute, or de faute il n’y en a pas - tout juste une faute de goût. » 
Son ton souvent hautain va aussi avec pas mal d’autodérision et dans l’examen de nos contradictions aime se trouver où on ne l’attend pas : 
« Une perversité intrinsèque à la passion de s’indigner nous incline à jouir de la faute qui nous débecte. » 
Et d’illustrer son propos dans un style imagé : 
« Un identitaire ne se réjouit pas moins d’apprendre le viol d’une fillette par un étranger sous OQTF, qu’un antifa d’apprendre le canardage d’une mosquée par un suprématiste blanc… »
Des références contemporaines voisinent avec des évocations culturelles variées dont celle-ci : 
« La punchline est la renomination contemporaine d’une constance de l’art à message, qu’elle s’incarne dans la pique de cour, dans l’aphorisme de Chamfort, dans l’assaut rhétorique hugolien, dans les salves céliniennes, dans le bon mot de Guitry, dans le mot d’auteur d’Audiard : la formule. »
 Je me délecte de ses formules :
« L’invitation à se déconstruire sent déjà un peu le camp de rééducation, où l’homme doit montrer des signes de pénitence plutôt que d’intelligence. »
 « Si la blague est jolie c’est qu’elle n’est pas drôle. » 
« La morale préférant le Bien à la vie, elle repeint la vie aux couleurs du bien.Elle l’arrange, comme un chirurgien de Miami arrange des lèvres de rentière.» 
Sa mauvaise foi peut aller avec l’affichage d’une honnêteté certaine. 
« La littérature brasse autant de vent qu’un patron de multinationale,produit aussi peu qu’un actionnaire. »  
L’écrivain très productif sait de quoi il parle: 
«  Le spectateur politisé demande à l’art de dire ce qu’il sait mais en mieux- comme il demande à l’intellectuel d’adouber de son verbe haut des théories déjà formées. »
ça me va.

samedi 12 avril 2025

L’accident. Jean-Paul Kauffmann.

L’ancien otage du Hezbollah dans les années 80 nous conduit à Corps-Nuds, la commune bretonne de son enfance au nom étrange avec une église dont le clocher conviendrait plutôt à une église orthodoxe. A travers le souvenir d’un accident qui coûta la vie à dix-huit jeunes de ce village en 1949 se revisite toute une époque. 
« Entourée d'un étrange non-dit, la tragédie ne traduisait pas la volonté de cacher mais plutôt de garder pour soi, à l'échelle du bourg, la trace d'un traumatisme trop lourd et sa part intransmissible. »
 L’ancien journaliste, fils de boulanger, nous livre 320 pages de gratitude, pleines d’odeurs, de nuances, où chaque mot est pesé pour restituer le plus justement ses souvenirs. 
« Je n’aime pas la nostalgie, cette mélancolie complaisante, maladie qui ne veut pas être soignée, je préfère le nevermore, ce  jamais plus qui ne regrette rien, ce désespoir maitrisé, point hésitant entre l’oubli et le souvenir. » 
Son enfance heureuse dans une après-guerre laborieuse, austère, lui a permis de résister pendant une détention de trois ans, qu’il se garde de brandir comme un étendard.
« Je n'ai fait aucun cauchemar pendant ma captivité. Mes rêves étaient tous bienfaisants. 
La hantise de la mort qui me harcelait pendant la journée, s’évanouissait par miracle pendant la nuit.» 
Des références au mal, au malin, venues de son passé d’enfant de chœur peuvent aujourd’hui s’agiter comme sonnette : 
« Le démoniaque est toujours là. Je le vois aujourd’hui dans cette fatigue générale, la violence triomphale trop consciente d’elle-même, la morosité paralysante et surtout cette confusion qui fait passer le faux pour le vrai. Cette apathie face au mensonge, d’essence diabolique, a fini par gagner les meilleurs esprits. » 
Le provincial évoque des paysages virgiliens, comme le suggère le dessin de première page  avec un virage qui s’avèrera mortel sous un ciel aux couleurs du peintre Nicolas Poussin.
Les tableaux du passé, peints avec sincérité, nourrissent une paisible sagesse.
« Aime ton destin, aime ton sort. 
Ne t’attarde pas sur ce qui te manque ou t’a fait mal. 
Dépasse ton ressentiment. »

samedi 5 avril 2025

Mes battements. Albin de la Simone.

L’élégant chanteur sucré, salé, sans excès, 
offre un recueil de peintures vivement colorées et de textes autobiographiques courts où se découvrent sa passion de la composition musicale et son goût des instruments.
Le touche-à-tout risquerait d’être superficiel mais sa douce originalité sans surplomb, rafraichissante et singulière se laisse entendre sur tous supports. 
Sa voix tendre est perceptible dans le récit d’une enfance picarde au sein d’une famille modeste qui se donne des allures aristocratiques sans que son originalité soit tapageuse.
Pendant 140 pages, le titre parfaitement illustré, à l’exception d’une petite bande dessinée maladroite, se justifie par l’expression de douces émotions et aussi les pulsations d’une musique mise au service de Pomme, Alain Souchon, Mathieu Boogaerts, Salif Keita …
Ce livret accompagne son dernier album « Toi là-bas » que je vais courir acquérir.
La quatrième de couverture retient cet extrait, il y en aurait tant d’autres cocasses, légers : 
« Le mercredi, après le départ de mes parents je me lançais dans la construction de ce qui devait devenir mon look. Il fallait du brillant. Du métallique. Bagues, épingles à nourrice, bracelets, anneaux, trombones, colliers, gourmettes, tout y passait. Jusqu’à la petite chaînette de la baignoire. Tant que le bouchon restait caché dans ma poche, tout allait bien. »

samedi 29 mars 2025

Un homme seul. Frédéric Beigbeder.

La légèreté qui se fait passer pour de la désinvolture rend encore plus émouvant le récit de la vie d’un père ne se résumant pas cette fois à une revanche, genre littéraire passé de mode. 
«Ce portrait ne prétend pas être ressemblant mais le plus subjectif possible.
La franchise est toujours injuste. » 
L'ancien chasseur de têtes choisissait les puissants,  après sa mort, son fils fouille dans l’ordinateur paternel : 
« J’ai accès au « hard drive » de mon père mais cette existence digitale ne le ressuscite pas. Je ne le verrai plus s’empiffrer, ni boire, ni ronfler sur le canapé, ni regarder CNN. Il ne répond plus à mes messages. Il n'en subsiste que des datas. Des traces codées d'un silence. »
Jean-Michel Beigbeder, enfant élevé à la dure, papa si peu présent, coureur de belles femmes, peut-être espion, fournit de la matière romanesque et de concises réflexions sur la transcription de la vérité, les vanités du pouvoir, quand vient une triste fin, fusse-t-elle habillée de poésie après coup. 
« Je n’ai nulle honte à espionner un homme qui a passé sa vie à espionner les autres de manière officielle (« le sourcing »). Son passé me passionne. Les individus les plus secrets fascinent plus que les exhibitionnistes. Comment un individu aussi discret a-t-il pu engendrer un romancier aussi extraverti ? » 
Mon voisin qui m’a prêté ce livre avait joint une lettre envoyée à l’auteur, par un ancien pensionnaire de l’internat militaire, présenté comme un bagne impitoyable qui aurait tant marqué celui qui ne lira jamais ces 220 pages. 
« Votre père était à Sorèze de 45 à 48 dans des petites classes [...] Il avait assisté à un dîner organisé au Procope par l’association Sorézienne. Il avait donné l’impression de garder un bon souvenir de l’Ecole. » 
Il écrit pas mal, l’écrivain dilettante: 

samedi 22 mars 2025

Maigret se défend. Simenon.

Depuis la table où nous déposons des livres entre voisins, l’aubaine de ces 186 pages rappelle les vacances et les polars pour maisons de campagne. 
L’efficacité du style de l’auteur patrimonial reconnue pour aller au-delà de la résolution d’une énigme policière lui a valu depuis longtemps d’être reconnu comme un maître d’atmosphères en littérature. 
« Paris grésillait dans le soleil. Aux façades, beaucoup de volets étaient fermés pour procurer un peu de fraîcheur. Par-ci par-là, des hommes pêchaient à la ligne et il y avait d’autres amoureux que ceux du pont Saint-Michel… » 
Le retour vers le passé fleurant bon les plats mijotés est assuré même si la rivalité des anciens et des nouveaux mise en scène en ces années soixante traverse le temps.
Un jeune préfet familier de Roland Garos convoque le commissaire à deux ans de la retraite . Les temps changent : de l’autre côté du bureau,  il doit détailler son emploi du temps après avoir été pris en filature. 
Il saura bien vite déjouer le machination dont il est victime où des cadavres sont déterrés, des influences de puissants contrées, des vols de bijoux élucidés. 
« "Tu es très triste ?" demandait Mme Maigret en mettant la table, car elle avait été surprise de voir son mari rentrer de bonne heure. » 
Madame Maigret  n’a jamais douté de son mari, mis en congé maladie. 
Ses fidèles adjoints aident discrètement à la résolution. Les relations et la célébrité du héros de 87 romans permettent de surmonter tous les obstacles, la pipe au bec.  
« On vivait les jours les plus longs de l’année. Le soleil n’était pas couché et Paris ouvrait toutes ses fenêtres à l’air fraîchissant du soir. Des hommes en bras de chemise fumaient leur pipe ou leur cigarette en regardant les passants, des femmes en tenue de nuit s’interpellaient d’une fenêtre à l’autre … »