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samedi 29 mars 2025

Un homme seul. Frédéric Beigbeder.

La légèreté qui se fait passer pour de la désinvolture rend encore plus émouvant le récit de la vie d’un père ne se résumant pas cette fois à une revanche, genre littéraire passé de mode. 
«Ce portrait ne prétend pas être ressemblant mais le plus subjectif possible.
La franchise est toujours injuste. » 
L'ancien chasseur de têtes choisissait les puissants,  après sa mort, son fils fouille dans l’ordinateur paternel : 
« J’ai accès au « hard drive » de mon père mais cette existence digitale ne le ressuscite pas. Je ne le verrai plus s’empiffrer, ni boire, ni ronfler sur le canapé, ni regarder CNN. Il ne répond plus à mes messages. Il n'en subsiste que des datas. Des traces codées d'un silence. »
Jean-Michel Beigbeder, enfant élevé à la dure, papa si peu présent, coureur de belles femmes, peut-être espion, fournit de la matière romanesque et de concises réflexions sur la transcription de la vérité, les vanités du pouvoir, quand vient une triste fin, fusse-t-elle habillée de poésie après coup. 
« Je n’ai nulle honte à espionner un homme qui a passé sa vie à espionner les autres de manière officielle (« le sourcing »). Son passé me passionne. Les individus les plus secrets fascinent plus que les exhibitionnistes. Comment un individu aussi discret a-t-il pu engendrer un romancier aussi extraverti ? » 
Mon voisin qui m’a prêté ce livre avait joint une lettre envoyée à l’auteur, par un ancien pensionnaire de l’internat militaire, présenté comme un bagne impitoyable qui aurait tant marqué celui qui ne lira jamais ces 220 pages. 
« Votre père était à Sorèze de 45 à 48 dans des petites classes [...] Il avait assisté à un dîner organisé au Procope par l’association Sorézienne. Il avait donné l’impression de garder un bon souvenir de l’Ecole. » 
Il écrit pas mal, l’écrivain dilettante: 

samedi 22 mars 2025

Maigret se défend. Simenon.

Depuis la table où nous déposons des livres entre voisins, l’aubaine de ces 186 pages rappelle les vacances et les polars pour maisons de campagne. 
L’efficacité du style de l’auteur patrimonial reconnue pour aller au-delà de la résolution d’une énigme policière lui a valu depuis longtemps d’être reconnu comme un maître d’atmosphères en littérature. 
« Paris grésillait dans le soleil. Aux façades, beaucoup de volets étaient fermés pour procurer un peu de fraîcheur. Par-ci par-là, des hommes pêchaient à la ligne et il y avait d’autres amoureux que ceux du pont Saint-Michel… » 
Le retour vers le passé fleurant bon les plats mijotés est assuré même si la rivalité des anciens et des nouveaux mise en scène en ces années soixante traverse le temps.
Un jeune préfet familier de Roland Garos convoque le commissaire à deux ans de la retraite . Les temps changent : de l’autre côté du bureau,  il doit détailler son emploi du temps après avoir été pris en filature. 
Il saura bien vite déjouer le machination dont il est victime où des cadavres sont déterrés, des influences de puissants contrées, des vols de bijoux élucidés. 
« "Tu es très triste ?" demandait Mme Maigret en mettant la table, car elle avait été surprise de voir son mari rentrer de bonne heure. » 
Madame Maigret  n’a jamais douté de son mari, mis en congé maladie. 
Ses fidèles adjoints aident discrètement à la résolution. Les relations et la célébrité du héros de 87 romans permettent de surmonter tous les obstacles, la pipe au bec.  
« On vivait les jours les plus longs de l’année. Le soleil n’était pas couché et Paris ouvrait toutes ses fenêtres à l’air fraîchissant du soir. Des hommes en bras de chemise fumaient leur pipe ou leur cigarette en regardant les passants, des femmes en tenue de nuit s’interpellaient d’une fenêtre à l’autre … »   

samedi 15 mars 2025

L’autre rive de la mer. Antonio Lobo Antunes.

La force de ce livre m’a conduit à interrompre ma lecture au bout de 265 pages : 
à chaque fois que je l’ouvrais, je redoutais de retrouver la litanie des solitudes et des douleurs.
Trois personnages différents, mais s’exprimant d’une même façon désespérée, rendent compte de leur pauvre vie dans un Angola en révolte contre le Portugal colonialiste. 
« L’Angola j’en avais plus que ma claque, toute cette confusion, cette misère, tout ce silence qui m’assourdissait parce que même les arbres on les entend pousser, même l’herbe, même les ongles, il n’y a rien qui ne grandisse en nous acculant à la mer de plus en plus distante nous empêchant de fuir, elle le soir
- Tu me fais pitié tu restes là sans solution remuant le sable et dissolvant le passé, le sourire de ma femme pendant un instant
- Au revoir au revoir » 
Les odeurs, les couleurs de là bas arrivent sous nos ampoules hivernales, dans un rythme obsédant scandé par des interruptions qui crient la vérité d’une transcription très «  nouveau roman ».
Les souvenirs cachent des situations d’une violence de dingue là bas et ici :   
« … et puis la neige et puis l’hiver neuf mois par an, et puis les brochettes de veuves rien que nez et mentons et ma grand-mère remontant la rue, dissimulée sous leur châle, dans une tempête de pantoufles jusqu’à la chapelle tout en haut pour rendre visite à un Dieu qui bien que plus petit et plus pauvre que celui de la place se démène comme un possédé pour l’accomplissement des vœux… » 
J’avais été enthousiaste après avoir vu au théâtre « Le cul de judas », voyage au bout de le nuit africaine, mais le temps d’une pause je vais chercher dans ma bibliothèque des volumes plus rose, tout en gardant le souvenir dans mon enfer de ces mots implacables, ces atmosphères lourdes, noires, désespérantes, poétiques. 
« L’Angola est là tout près là sur l’autre rive de la mer car ils appellent mer ce fleuve avec plus d’eau et plus d’écume que les autres, frottant ses rochers dans un sens puis dans l’autre en farfouillant dans les tiroirs, emportant ce qu’elle s’empresse de nous rendre, coquillages, cailloux, bouts de bois venus d’où mon Dieu, avec un moteur énorme, à moitié fichu, chevrotant là-dessous et quand elle se retire voilà les crabes de retour claudiquant vers nous avec cette détermination entêtée des estropiés et au-dessus le vide, des oiseaux, la feuille sans arbre d’une mouette réduite à un bec et des yeux, dans une attente éternelle, moi à Domingas, sans les mots
- Que faisons-nous ici ? Nous attendons qu’on nous ramène en Afrique … »  
Trop chochotte, je regrette de ne pas être à la hauteur pour faire valoir cet auteur, qu’il serait dommage de ne pas connaître.

vendredi 14 mars 2025

Patienter dans les ruines. Michel Onfray.

Si la couverture est lugubre, le titre juste, la quatrième de couverture met en appétit : 
 « … à l’heure où cette civilisation dont je procède s’effondre, doublement menacée par une incroyable négativité qui la détruit et par l’horizon transhumaniste qui s’annonce à l’échelle civilisationnelle… » 
Le philosophe, athée militant, livre en 120 pages ses réflexions après un petit séjour dans une abbaye où il célèbre la lumière, partage les rites de la communauté, dialogue respectueusement avec le père Michel. 
« Quand chaque journée ressemble à chaque journée, que la veille, le jour même et le lendemain seront, à peu de chose près, identiques, que chaque mois ressemble à chaque mois, chaque année à chaque année, chaque vie à chaque vie, que ceux qui sont entrés dans le cimetière ont vécu la même vie que les vivants qui s'en souviennent dans le monastère et ceux qui les remplaceront quand ils seront morts, le temps fond, se dilue, se dissout, se métamorphose comme un métal en fusion et génère dans son athanor quelque chose qui ressemble à l’éternité. » 
La lecture commentée des sermons sur la chute de Rome de saint Augustin est exigeante, comme est nécessaire le retour aux questions éternelles sur le thème du mal, de la liberté, tout en gardant un recul, générateur de sagesse : 
« Le judaïsme a généré une civilisation de l'herméneutique ; le christianisme, une civilisation de l'allégorie ; l'islam, une civilisation de la réitération. Le monastère est le lieu où vit, dure et perdure l'allégorie. Car tout y fait sens, sans cesse, partout, tout le temps, dans le moindre détail. La vie quotidienne y est une voie d'accès au sacré. »

samedi 8 mars 2025

Riens. Régis Debray.

« Sur notre boule terraquée » 
: en mettant en relief cette expression employée deux fois en 143 pages, je ne voudrais pas perturber la fluidité du texte de celui dont je guette attentivement tout livre nouveau, mais partager seulement le plaisir de jouer de ses mots qui toujours me ravissent.
Chaque ligne est délicieuse : 
« Les mots ont beau avoir la politesse de survivre aux choses qu’ils désignent,
chaque Français sait bien qu’ils ont filé à l’anglaise ».
Et il serait vraiment malséant de louer son sens de la « punch line » lui qui s’amuse : 
« On ne dirige plus on manage ; on n’oriente plus on pilote. On est disruptif et innovant. Décarboné et compétitif. Comme il sied à un foyer incubateur de talents, dynamisé par l’upcycling et le monitoring… » 
Mon maître répercute d’autres maîtres : 
« Il n’y a de grand parmi les hommes, disait Baudelaire, que le poète, le prêtre et le soldat » et c’est peu dire que les trois sont mal en point. »
«  Ils ont le droit, dit Balzac, d’être un siècle en retard mais qu’y faire ? 
Ils ne peuvent pas être de celui qui les voit mourir. On ne court pas deux siècles à la fois ». 
Quand il évoque ses rencontres avec Julien Gracq, François Maspéro, Chris Marker, Jean Luc Godard,  Edgard Morin ... son amitié pourtant mal engagée avec Bernard Pivot, nous ne sommes pas au pays des people, mais dans un tourbillon intellectuel où l’amant fugace de Jane Fonda ne se donne pas toujours le beau rôle lorsqu’il publie l’impitoyable réponse à une de ses maladresses de la part de Simone Signoret qui l’avait hébergé après son retour de quatre ans de captivité en Bolivie.Les espérances internationalistes avaient plus de gueule alors que les repentances qui ont suivi.
Ce livre de souvenirs chaleureux, désabusés, graves, plaisants, n’est pas rien. 
« S’il faut de tout pour faire un monde, il faut des riens pour faire une vie »
Et si je ne partage pas  son opinion à propos de l’Europe, chacune de ses productions est pour moi une fête. 

samedi 1 mars 2025

Je reste roi de mes chagrins. Philippe Forest.

Le portrait de Churchill par Graham Sutherland n’apparaît pas en couverture du livre, alors que l’élaboration du portrait de l’invincible et fragile premier ministre occupe les 300 pages. 
« La peinture met le monde à nu. Elle exhibe la réalité dans son plus simple appareil. L’étonnant est qu’il faille déployer tant de travail et d’ingéniosité, d’intelligence et d’art pour en faire apparaître l’insignifiante et brutale obscénité, révélant ce pur spectacle se suffisant à lui-même, dont nul ne sait ce qu’il veut dire, qui sidère le regard, abasourdit l’esprit et dont l’on ne parvient à se protéger qu’à la condition d’en rire aussitôt et de tenir toute l’affaire pour une pure plaisanterie. » 
L’homme cigare au bec, avec à la main un verre de whisky, avait de l’humour.
Une lecture au début étirée dans le temps, autorisée par un découpage en scènes comme au théâtre, m’avait laissé à distance, alors qu’ elle m'a enchanté dès que j'ai enchainé les pages.
« Vous pouvez me retirer ma gloire et ma puissance, dit la voix, mais non mes chagrins dont je resterai toujours le roi. » 
S’élabore le bilan d’une vie au cours d’un dialogue articulé au-delà du temps d’une représentation où se peuplent poétiquement les silences. 
Le peintre et son modèle qui use aussi des pinceaux, à la recherche de leur vérité et de celle qui se tente sur une toile, avouent avoir perdu  tous deux un enfant. 
«- Quelque chose vous manque, disiez-vous. Peut-être est- ce : quelqu’un.
- Quelqu’un ?
- Vous êtes le seul à savoir qui. Un autre qui est davantage vous que vous ne l’êtes vous-même. Quelqu’un qui vous attendrait auprès de l’étang où vous vous rendez. Avec qui vous avez un rendez-vous que vous ne voudriez manquer à aucun prix. Même si la personne ne se présente jamais. » 
Voilà le tableau :

samedi 22 février 2025

Le dernier rêve. Pedro Almodovar.

Les chanteurs deviennent acteurs, les acteurs dirigent à leur tour, cette fois le réalisateur chamarré écrit son « autobiographie morcelée. »
Dans un ensemble de douze chapitres inégaux, j’ai aimé ses réflexions à propos de la littérature quand il distingue scénario et roman et surtout quand il apporte dans quelques nouvelles une intériorité vibrante que ne rendent pas forcément les images même lorsqu’elles sont hautes en couleurs.
« La rédemption » où Jésus dans sa prison comprend les hommes en rencontrant Barabas brasse quelques idées fécondes au-delà d'un argument original bien exploité.
« La visite » révèle douleurs et hypocrisies au moment où la religion se travestit.
D’autres récits où perce la nostalgie rappellent des heures flamboyantes, quand il évoque la chanteuse Chavela Vargas : 
« El ultimo trago fut cette nuit là un hymne délicieux à la joie d’avoir tout bu, d’avoir aimé sans retenue et d’être toujours vivante pour le chanter. L’abandon devenait fête. » 
Avec sincérité, clarté, une inventivité cependant moins radieuse que jadis, il revisite quelques mythes et rend hommage à sa mère : 
« Ma mère comblait les vides dans les lettres, lisait aux voisines ce qu’elles voulaient entendre, des choses que l’auteur avait probablement oubliées et auxquelles il aurait volontiers souscrit.
Ces improvisations constituaient une grande leçon pour moi. Comme je l’ai dit, elles établissaient la différence entre la fiction et la réalité, et montraient combien la réalité requiert la fiction pour être plus complète, plus belle, plus vivable. »

samedi 15 février 2025

L’honneur des chiens. Lydie Salvayre.

Cette compilation de 15 textes parus dans diverses revues occupe 136 pages vite lues grâce à la nervosité du style, à la verve de la lauréate du Goncourt 2014 
Pourtant ses colères me semblent surjouées et ses causes plutôt consensuelles qui justifieraient parfois le bon mot de Philippe Muray concernant  « les mutins de Panurge ».
Je la préfère anti conformiste :
«  … je me fous des paysages, et des jardins, et des forêts, et des prairies et des champs cultivés  et des grands espaces et des mers toujours recommencées et des banquises au bout du monde » 
Bien qu'elle tienne à s’excuser : 
« Je n’éprouve rien devant la nature aucune émotion, aucune inspiration rien, ce qui ne m’empêche pas, je tiens à le préciser, de la défendre contre toutes les menaces qui la guettent. »
Les combattantes Kurdes sont des « guerrières » mais l’appellation me semble quelque peu exagérée pour désigner les féministes de chez nous qui tiennent le haut du pavé.
Je la préfère modeste : 
« Je me méfie de la pureté, des grands sentiments, des envolées sublimes. Je recule devant trop de perfection, trop de bonté, de noblesse : j’ai le pénible sentiment qu’on me ment. » 
Ses chiens qu’elle aime « crottés » et « calamiteux » me paraissent bien sages et conformes même si en rapportant des écrits de Chloé Delaume, elle sait parler avec force des « maboules », des « cinglés » et de leur souffrance.
Ses emportements sont salutaires, son écriture limpide, 
mais l’hésitante me convient davantage: 
 «  Je viens de dire que je m’engageais, corps et âme en quelque sorte, dans l’écriture.
Premier accroc à mon emphase : qui est donc ce « Je » » dont je parle. ?  
« Je ». 
Qui ça ? »
écrit Beckett dans l’Innommable. »

vendredi 14 février 2025

Le dernier souffle. Claude Grange Régis Debray.

Claude Grange, le médecin, accompagne des personnes en fin de vie, il distingue douleur physique et souffrance psychique. 
« Je soulage ta douleur et je serai là quand tu en auras besoin ».
Il a pu susciter la compassion envers son métier difficile lors de dîners en ville, mais lorsqu’il décrit les moments intenses qu’il a pu vivre dans son service de soins palliatifs, nous trouvons ce métier formidable, comme ses interlocuteurs d’un soir, après la lecture de cette centaine de pages où le « mouroir glauque s’égaye ».
Régis Debray, l’écrivain, éclaire ma vie littéraire depuis longtemps et signe préface et postface. 
« C’est la blouse blanche, non la soutane, qui prend les choses en main, et ce n’est pas un cadeau d’avoir à rendre l’âme sans savoir à qui. 
Reste que si l’âme a perdu l’au-delà, le corps en deçà y gagne. » 
Lorsque les malades sont convenablement pris en charge en soins palliatifs, ils ne demandent pas la mort.
Les débats contemporains concernant la fin de vie sont abordés au cours d’un récit très vivant où l’humilité est de mise. 
«  Jean Leonetti aime résumer sa loi en une phrase : Laisser mourir : oui, faire mourir : non. » « Le défunt détruit par le feu est miniaturisé ; il rejoint un infiniment grand en se faisant infiniment petit. La crémation rejoint le rite de purification. »
«  On en a fini avec le «  tu enfanteras dans la douleur ». 
Donnons-nous la chance d’accoucher les gens de leur mort, sans douleur… »
«  C’est un fait que les Saintes Femmes se retrouvent d’ordinaire aux étroits stratégiques de l’existence, ayant coutume d’être là au début comme à la fin, pour donner le jour et fermer les yeux. »

samedi 8 février 2025

A nos vies imparfaites. Véronique Ovaldé.

Huit nouvelles s’enchainent agréablement dans ce recueil de 150 pages avec certains personnages passant du second au premier plan d'un chapitre à l'autre. 
Dans un bus :  
« Elle entend les gens râler, Avancez vers le fond, putain. Elle se dit qu'ils sont tous (elle comprise) des personnages de second plan dans la vie des autres. Des figurants. Comme ceux qui se font assassiner au début du film ou engloutir par la coulée de lave. Mais ils sont le centre de leur propre vie. Leur propre fil à plomb. Et cet agrégat de fils à plomb dans un espace aussi réduit est une aberration. Ça pourrait même devenir explosif. Elle imagine une nuée de phylactères au-dessus de leurs têtes. Chacun dirait, Je suis la personne la plus importante de ma vie. » 
Si j’ai été déconcerté par les parenthèses, de la solide écrivaine, auxquelles je préfère les deux points en matière de ponctuation, j’ai  savouré sa fantaisie et l’acuité de son regard original,  sans illusion ni inquiétude. 
« Elle se mit à collectionner les mots qui, quand ils passent au féminin, deviennent des objets ou du moins perdent leur nature humaine : veilleur veilleuse, chevalier chevalière, gourmet gourmette etc... »  
Son « réalisme magique », qui lui a valu bien des prix, présente d’intéressants types d’hommes et femmes aux destins ordinaires qu’elle magnifie sans artifice.  
« … les gamins du quartier n’appelaient plus sa mère que la folle - malgré le fait que leurs propres mères et grands-mères venaient la consulter en cas de disparition de l’aimé, de ventre sec, de ménopause mélancolique, ou de règles douloureuses. »

samedi 1 février 2025

Prends soin de moi. Jean-Paul Dubois.

Je n’éviterai pas la formule « humour politesse du désespoir » tant l’écriture donne l’illusion d’une grande lucidité alors que le narrateur est le jouet de deux femmes.   
Il vit à côté de l’une en mal de maternité et accourt quand une autre, s’amusant avec les mâles, l’appelle.
Avec San Francisco en toile de fond, Paul Osterman se réfugie dans l’observation des phoques et des écureuils, fils mal remis de son enfance, ne voulant pas de fils. 
« Au fil des réimpressions, les relevés de ma banque et la façon dont j'y étais traité m'ont convaincu que je pouvais prendre mes distances avec le monde des actifs pour me consacrer à d'autres occupations autrement gratifiantes telles que la névrose, la dépression, la dépréciation de moi-même et la migraine ophtalmique ».
Les personnages pittoresques rendent agréable la lecture des 210 pages mais ne contredisent pas une atmosphère mélancolique où complaisamment, avec élégance, le narrateur étale ses faiblesses. 
« Julia de Quincey concevait la sexualité comme un dérivé de la gymnastique corrective ».
Rebecca à la riche imagination convoque Karl Lewis pour des jeux érotiques où la conclusion doit survenir en dessous des dix secondes, alors qu’une autre fois, un pistolet chargé interdit toute précipitation.
« L’absence est à l’amour ce qu’est le feu au vent. Il éteint le petit et attise le grand. » 
La formule du libertin Bussy-Rabutin est mise au crédit d’un pasteur partant en tournée apostolique.
Il fait bon retrouver cet auteur habile dans une dérision n’abolissant pas la profondeur.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2024/06/lorigine-des-larmes-jean-paul-dubois.html
« Ce soir-là, nous dînions chez ses amis. C'étaient des gens généreux, sympathiques mais catholiques. Si j'émets cette dernière réserve c'est qu'ils proclamaient leur foi comme on affiche des ristournes ».

samedi 25 janvier 2025

Nuits de noces. Violaine Bérot.

Quand j’ai ouvert ce livre pourtant commandé au père Noël après une jolie critique du « Monde »,  je l’ai vite refermé estimant hors du temps une histoire d’amour de plus avec un prêtre, en vers qui plus est.
Pour avoir commencé chaque jour de classe par un moment de poésie, et prolongeant dans ma retraite mon goût pour cette forme littéraire avec la lecture régulière du même ouvrage comportant 365 poèmes, je peux confesser ce moment d’égarement.
Je me suis racheté lors d’une deuxième tentative où je me suis mis cette fois à tourner frénétiquement les 87 pages du récit d’une passion parfaitement écrite.
L’auteure nous donne à entendre l’amour de sa mère pour le prêtre qu’elle a attendu six ans avant de l’arracher à l’église.  
« Se termine cette année 
 que tu ne termineras pas.
Se termine cette année
et moi
seule
moi
si vieille et presque morte
moi même pas capable d’être morte
même pas
tandis que toi. » 
Le rythme adopté, la limpidité des mots, la légèreté de l’ouvrage, tout concourt au plaisir d’une lecture époustouflante : une vie offerte dans un souffle, depuis le père violent de la narratrice jusqu’à la disparition de l'amour de sa vie qui fut appelé « mon père » avant de devenir celui de Violaine, l'autrice. 

samedi 18 janvier 2025

Le soleil des morts. Bernard Clavel.

Retour avec délice vers le passé dans un roman au plus près de trois guerres :
de 70 à la seconde, en passant par les bataillons d’Afrique et celle de 14, la préférée de Brassens. 
« - Tout de même, répliqua Charles, est-ce que ça ne fait pas le jeu d’Hitler ?
A nous la charrue et à l’Allemagne l’industrie. Les avions. Les chars. Les camions…
Bat’ d’Af’ ne put s’empêcher de lancer :  
- Moi, chef, j’dirais à nous la faucille et à eux le marteau pour river les blindés. »
En retrouvant l’auteur vedette des années 80, j’avais l’impression de lire à nouveau des morceaux choisis de nos livres de classes de la communale qui délivraient à chaque fois une leçon de morale, tout en vérifiant que j’étais bien de ces temps là. 
« Il allait le plus vite possible et les mots qui dansaient en lui comme la bille dans le grelot l’aidaient à surmonter sa peur. »
L’effroi devant l’absurdité de la guerre, les humiliations militaires et malgré tout le patriotisme, le courage de la grand-mère au lavoir, les joies du braconnage… composent un  riche panorama du siècle passé autour d’un homme d’une incontestable droiture à la présence très physique. 
« Comme toujours, Pauline le regarda de la fenêtre de la salle à manger et, comme toujours, quand il eut traversé la chaussée, il se retourna pour lui adresser un petit au revoir de la main. » 
L’amour et l’amitié ne s’affichent pas, ils se vivent intensément, les douleurs se surmontent. 
« Presque toutes les clientes qui venaient avaient un fils, un mari ou un frère à la guerre. Certains avaient trois ou quatre proches sur le front et on ne parlait guère que des tranchées, des rats, des poux, des blessés et des morts. »
La confortable nostalgie de ces années aux couleurs contrastées, lisibles, tenant en 600 pages, n’occulte pas quelques maladroites simplifications. 
« Que les destructeurs portent un casque en acier ou, comme c’était le cas, le chapeau d’un homme d’affaires devenu maire d’une ville, il s’agissait toujours de salopards et Charles Lambert n’avait jamais aimé les salopards. » 
Ce roman à l’héroïsme un peu compassé, inspiré de la vie de l’oncle de l’auteur, nous repose pourtant  d’ égobiographies contemporaines où le cynisme se fait passer pour de la sincérité.   

samedi 11 janvier 2025

Fort Alamo. Fabrice Caro.

Fort plaisant : l’auteur de BD reconnu persiste dans le roman nerveux (174 pages)
Un prof pense qu’il a le pouvoir de donner le mort à tous ceux qui le contrarient, depuis qu’un malotru énervant s’est écroulé victime d’un malaise après l’avoir doublé à la caisse d’un supermarché. 
« L'Enfer, c'est les autres, avec du réseau ». 
J’ai souvent éclaté de rire, ce qui m’arrive rarement avec un livre, tant l’écrivain délivre en rafales des formules qui tuent, lors d’une intrigue tendue dont on se demande comment il va sortir son héros de situations menaçant d’être fatales. 
« Mes neveux faisaient partie de la génération dématérialisée qui rendait les idées cadeaux de plus en plus compliquées. Cette génération qui vous regardait avec des yeux de poisson mort dès que vous leur tendiez un objet autre qu'un téléphone. »
L’idée originale, cocasse, mais porteuse de drames, se déploie dans une ambiance familière avec la maison de la mère que son frère pressé par sa femme énervante veut vider au plus vite. 
« C'était la maison de notre enfance, la vider impliquait de nous vider nous, comme des poulets avant l'étal, nous vider de notre passé, de notre héritage, de nos premiers rires et de bonheurs jamais égalés. » 
Le discret tonton doit trouver le bon cadeau de Noël entre la FNAC et Nature et Découverte: « La plupart passaient de longues minutes à essayer des fauteuils électriques masseurs de dos hors de prix avant de repartir avec un livre à douze euros sur les différentes façons de chier dans les bois. » 
Le présumé assassin en série, thaumaturge meurtrier, bon père, bon mari, bon fils n’a que sa mère au cimetière pour croire en son pouvoir maléfique: 
« Quand elle était encore là, chaque fois que je passais la voir, ma mère m'annonçait un décès, elle précisait l'âge, suivi de la cause, c'était sa marotte. Et derrière, elle ajoutait immanquablement: Si jeune, tu te rends compte ? Quelque soit l'âge du défunt. Pour ma mère, on était de toute façon trop jeune pour mourir. »
Bienvenue dans la famille ironique d’un Jean Paul Dubois en plus jeune, en moins solitaire, mais avec le même talent, mêlant mélancolie et humour, observation juste et fantaisie surprenante. 

samedi 21 décembre 2024

Les annales de Brekkukot. Halldor Laxness.

Bien qu’ayant répercuté auprès de mes élèves le droit d’abandonner un livre, un des préceptes de Pennac, j’essaye d’aller au bout des histoires. Mais cette fois j’ai arrêté au milieu, bien que l’humour et l’originalité, promis par un de mes prescripteurs aguerris, soient évidents.
L’ambiance particulière où les songes viennent atténuer les rigueurs de conditions de vie en Islande, tellement exotiques pour nous, est pourtant bien installée. 
« A cette époque là, la coutume était de faire des annonces en vers si l’on voulait vendre de la morue séchée ou si l’on avait besoin d’une femme pour les travaux du printemps. » 
Alfgrimur, le jeune garçon recueilli par des grands parents, au milieu de personnages improbables m’a paru fantomatique. La multiplication des petits contes souvent inaboutis m’a lassé. Les tribulations de Gardar Hólm, « chanteur mondial » m’ont laissé froid.
Quant à l’écriture, pourtant d’un prix Nobel, qui souvent sollicite le lecteur, pour dire qu’il sera question de tel sujet plus tard… ou pas, je me suis demandé si le correcteur n’avait pas été pris dans les glaces : 
«  Il se tenait en posture d’amiral près du chevet de son lit et ne pouvait voir les veines bleues qui serpentaient sous la peau parcheminée de ses tempes qui était comme du parchemin. »    

samedi 14 décembre 2024

Loving Frank. Nancy Horan.

« Divulgacher » constitue une faute de goût, mais en sachant la fin tragique de Mamah l’amoureuse du célèbre architecte Frank Lloyd Wright, ces 567 pages m’ont encore plus ému.
On connait la fin du Titanic et on peut apprécier le film, on sait la conclusion de nos vies et on l’aime - notre vie. 
« Je me souviens, juste après la mort de Jessie, lui raconta Mamah. J'étais à un pique-nique organisé par l'église et il y avait une course en sac. Je regardais tous ces gens qui sautillaient frénétiquement à cloche-pied. Ils riaient mais ils mettaient toute leur énergie à gagner cette épreuve. Je me rappelle avoir pensé : Ne savent-ils donc pas qu'ils vont mourir ? »
Les combats de cette femme quittant mari et enfants pour un génie qui le sait trop bien, leurs moments de bonheur prennent une plus grande force. La presse, attachée aux célébrités, tout en se repaissant de cet amour dévorant, condamne les amants.
La recherche de l’indépendance même en milieu privilégié est semée d’embuches et les dilemmes abondent qui fournissent une passionnante matière littéraire non linéaire, non binaire. 
« Elle s’était toujours considérée comme quelqu’un de profondément moral. Pas une prude, loin de là, mais une femme bien. Honorable. Elle ne se permettait pas de souligner les passages d’un livre de bibliothèque, ne laissait pas le boucher se tromper en lui rendant sa monnaie. Comment avait-elle réussi à se convaincre que commettre l’adultère avec le mari d’une amie n’avait rien de répréhensible ? » 
Protagoniste de l’indispensable engagement féministe en début de XX° siècle, Mamah  prend essentiellement la lumière, apparaissant comme le personnage principal qui aurait pu fournir un titre plus fidèle au contenu de ce roman documenté à partir d’une histoire terriblement vraie.
Je choisis ci-dessous, un extrait anodin d’apparence pour évoquer la fluidité d’un style décrivant une expérience banale, prenant des allures de moment de grâce avec un œil toujours ouvert sur les maladresses, les conditions contingentes.
«  Elle se dirigea vers le champ où la pellicule de glace se brisa sous ses pas et s’enfonça dans la neige jusqu’aux genoux. Elle poursuivit sa route tête baissée, les jumelles autour du cou,. Quand elle releva les yeux pour s’orienter, le soleil inonda son visage. Le temps que ses pupilles se contractaient dans la lumière aveuglante, elle ne vit que des ondes blanches. En regardant derrière elle, elle ne distingua aucune forme précise. Rien de distinct, nulle part. Elle ne voyait même pas ses pieds. Quelle imbécile tu fais ! pensa-telle en éclatant de rire. Dans la neige jusqu’aux genoux et complètement éblouie.
Elle ferma les yeux et attendit. »

samedi 30 novembre 2024

Arpenté. Alain Freudigeur.

Le titre exprimé au participe passé se révèle tout à fait juste tout au long de 138 pages précises et modestes. 
La géographie construit un homme en devenir. 
«… en découvrant mon environnement, je découvre que j’ai un corps, des sens, une pensée ; Avant de l’explorer, je n’étais rien ou pas grand-chose. J’explore ces frontières et je me crée un corps, encore partiel, une sensibilité, un être. » 
Le petit enfant grandit et la mémoire impressionnante de l’écrivain réveille chez le lecteur des souvenirs délicieux de genoux écorchés, quand pissenlits, papillons, vaches et champ de maïs constituent l’univers… et les copains.
 Il ne s’agit pas d’un exercice de plus de « je me souviens » mais d’une expansion du domaine de l’étonnement souriant.  
Dans les années 80, le fils de pasteur d’un village vaudois bénéficie entre quatre et sept ans d’une liberté qui pourrait sembler incroyable aujourd’hui alors qu’elle était naturelle à cette époque.
Jamais remis de mes délices d’enfant à l’écoute de Pagnol, je reste très sensible à la façon d’exprimer l’enfance. 
L’auteur suisse accompagne le développement du petit, ses découvertes avec beaucoup de justesse, du mécanisme de la pince à linge au mystère de la mort de Léon.   
« Je dois parler du sol. Car dans cette expérience et de ce souvenir ressort une autre chose très nette: dans la petite enfance, l’importance du sol, et de ce qu’on y voit, de ce qu’on y trouve, de ce qu’on y tâte, du pied ou de la main, est considérable. » 

vendredi 29 novembre 2024

Les yeux de Mona. Thomas Schlesser.

Chaque semaine, pendant un an, un grand père emmène sa petite fille au Louvre, à Orsay, à Beaubourg. 
Cette initiation à l’histoire de l’art au succès planétaire remet en mémoire « Le monde de Sophie » expliquant la philosophie. 
« Si je comprends, 
le tableau nous dit qu’une mère c’est sacré, c’est ce qu’il y a de plus important ;
 et il nous dit que devant une peinture, les couleurs comptent plus que ce qu’il peint. »
En tension depuis si longtemps ces deux conceptions entre la forme et le fond, la beauté et la vérité, cohabitent, se contredisent, nous passionnent.
Mis en appétit par une conférence de l’auteur, j’offrirai l’ouvrage à ma petite fille en lui conseillant d’aller d’abord vers des chapitres traitant de sujets familiers dont elle peut voir les 52 reproductions à l’intérieur de la jaquette.
Si j’ai apprécié la description des œuvres, les commentaires, les biographies, le rappel des contextes qui vont au-delà d’une célébration de la beauté dans toutes ses variantes, le fil narratif m’a paru parfois un peu artificiel et quelques digressions dispersent l’attention.
L’érudit Dadé respecte Mona qui va entrer en sixième en lui parlant comme à une adulte.
La candeur de la petite fait avancer la conversation avec plus d’efficacité que lorsqu’elle semble d’une maturité exceptionnelle.  
« Devant Le serment des Horace, j’ai ressenti quelque chose de froid.
Eh bien, j’ai évité de te le dire, mais ce tableau me fait un peu la même impression…
- Tu peux dire ce que tu veux. On ne doit jamais, devant une œuvre d’art, censurer ses sentiments ou taire ses réserves. Il faut au contraire s’y fier pour en chercher la cause. »
Les 480 pages généreuses font vivre des personnages positifs et chaque artiste se rappelle aux autres. 
« Elle se dit ensuite que Marcel Duchamp était à sa manière un magicien, 
parce qu’il offrait cette possibilité extraordinaire de tout métamorphoser en œuvre d’art.
La confusion qu’il opérait entre l’art et la vie la fit tressaillir ; c’était presque trop beau. »   
Se concentrer sur une touche de rouge à la surface d’une toile apprend à faire attention au monde, à ceux qui l’habitèrent et à ceux qui la peuplent aujourd’hui. 
« … disparus nos ainés ne nous demandent pas de nous conformer à ce qu’ils ont fait ;ils nous disent juste d’être digne de ce qu’ils furent. »

samedi 23 novembre 2024

Histoire d’une fille de ferme & autres nouvelles. Guy de Maupassant.

Après avoir aperçu quelques versions télévisées à mes yeux ringardes, il vaut bien mieux la lecture ou la relecture pour un des plus grands, des plus riches de nos écrivains.
Chaque mot compte et aucun n’est de trop : cruel, magnifique, juste.
« On est gai sur la colline, mélancolique au bord des étangs, exalté lorsque le soleil se noie dans un océan de nuages sanglants et qu'il jette aux rivières des reflets rouges. 
Et, le soir, sous la lune qui passe au fond du ciel, on songe à mille choses singulières qui ne vous viendraient point à l'esprit sous la brûlante clarté du jour. »
Les scènes de la campagne normande dans leur rude vérité m’ont paru plus touchantes que les comédies des ministères dans « L’héritage ».
Au-delà de l’évocation d’un siècle disparu, c’est toute la condition humaine qui est puissamment représentée : 
« L'hiver s'écoula. Il fut long et rude. 
Puis le premier printemps fit repartir les germes ; et les paysans, de nouveau, comme des fourmis laborieuses, passèrent leurs jours dans les champs, travaillant de l'aurore à la nuit, sous la bise et sous les pluies, le long des sillons de terre brune qui enfantaient le pain des hommes. » 
 L’auteur du « Horla » peut servir d’exemple d’efficacité et de profondeur dans chacun de ses portraits : 
« Toine, en effet, était surprenant à voir, tant il était devenu épais et gros, rouge et soufflant. C’était un de ces êtres énormes sur qui la mort semble s’amuser, avec des ruses, des gaietés et des perfidies bouffonnes, rendant irrésistiblement comique son travail lent de destruction. Au lieu de se montrer comme elle fait chez les autres, la gueuse, de se montrer dans les cheveux blancs, dans la maigreur, dans les rides, dans l’affaissement croissant qui fait dire avec un frisson : « Bigre ! comme il a changé ! » elle prenait plaisir à l’engraisser, celui-là, à le faire monstrueux et drôle, à l’enluminer de rouge et de bleu, à le souffler, à lui donner l’apparence d’une santé surhumaine ; et les déformations qu’elle inflige à tous les êtres devenaient chez lui risibles, cocasses, divertissantes, au lieu d’être sinistres et pitoyables. » Essentiel.