mardi 30 septembre 2014

La force des choses. Graham Annable.

Les feuilles tombent et il faut les ramasser.
Thom a beau être dessiné avec un simple trait pour les jambes, nous partageons sa flemme, d’autant plus que les dents du râteau sont tordues et lorsqu’il se sera enfin décidé à les rassembler en tas, Billy Joël, le chien de sa compagne va les disperser.  
Elle seule travaille et peut reprocher à son compagnon :
«Tu ne te bouges jamais que sous la contrainte».
Ce n’est que le début d’une courte histoire grinçante avec des problèmes de voisinage et de chiens, de travail et d’un ailleurs : un mot laissé sur la table.
Bref et bien mené comme une nouvelle où il est question du temps qui passe et creuse les solitudes, le dessin met de l’humour quand il s’agirait d’accablante monotonie.
La force ( d’inertie) des choses.

lundi 29 septembre 2014

Léviathan. Andreï Zviaguintsev.

La musique de Phil Glass convient tout à fait à une œuvre allant bien au-delà des péripéties concernant  l’expropriation d’un garagiste qui se débat bien qu’il n’envisage pas d’échapper à son destin tragique. Ce Léviathan dont il est question, monstre biblique, a échoué sa carcasse au bout du monde, au nord de la Russie où les hommes pleurent.
Là, les politiques sont mafieux, la justice n’est pas mieux que l’église : sans espoir.
Le ténébreux a ses beautés, comme les rochers et l’herbe rase dans les lumières du petit matin, nous sommes en route vers l’usine où les femmes vident des poissons, et à la tombée des jours imbibés de vodka désespérée. Les belles lumières, depuis une véranda ou dans une église en ruines, ne réchauffent pas les solitudes qui finissent le nez dans l’eau froide. Si certains critiques ont vu de l’humour, je ne n’ai rien décelé de tel dans ce russe noir, puissant et magnifique.


dimanche 28 septembre 2014

Bambi galaxy. Florent Marchet.

Je me suis fait avoir : j’avais lu qu’il y avait du Souchon chez ce chanteur qui m’avait tapé à l’oreille un jour à la radio, mais quand l’humour n’est pas là, que ce « Space opéra » est lourd !
En outre, ce n’est pas parce qu’un titre s’intitule « particule élémentaire » que l’amère nouveauté de Houellebecq déboule.  
Des retrouvailles avec les stéréotypes western peuvent procurer du plaisir, ici dans l’imagerie de science fiction, les évocations de 2045 semblent des parodies telles que les Inconnus aux scaphandres postiches en fournissaient à la chaine.
 Et il y a pour moi du Jarre en potiche avec musiques enjouées pour sombres propos. 
« Nous sommes du ciment
Nous sommes du métal
Chauffé à blanc
Presque animal
Nous sommes les racines
Nous sommes la résine
Nous sommes troublants
D'un sang différent
Nous sommes de la glaise
Pris dans la fournaise »(Bashung au secours)
La vie n’est pas facile :
« Qu'est ce que j'ai fait au monde ? »
« Reste avec moi »,
« Il faut qu’on reste »,
« Mais que font les anges ? »
« Punissez moi »  
« Où étais-tu
Quand je partais vaincu »
déchaîne les rimes en « u » qui font rencontrer PMU / Dahu/ Jésus et Malibu.
 Mais les audaces sont limitées :
« Oh vivre nu
J'ai peur qu'on m'embrasse
Oh dévêtu
L'amour me dépasse
Oh vivre nu
Goûter la lumière
Oh étendu
La chair de ma chaire »
« Je crois qu'il est l'heure de quitter ce monde menteur
Je crois qu'il est l'heure de quitter ce monde menteur
Je crois qu'il est l'heure »
N’insistons pas.

samedi 27 septembre 2014

France culture papiers. Eté 2014.

Le dossier principal consacré aux utopies rencontre quelques inévitables : Saint Simon et Huxley. Si le rappel du tournage de l’An 01 par Doillon et Gébé parait lointain, la promenade à travers des lieux alternatifs d’Espagne au Danemark esquisse un paysage contemporain de la contestation sociale qui s’essaie à une vie plus juste, plus douce, essayant de ne pas reproduire les certitudes passées. Les tunisiens qui ont quitté leur pays pour les squares parisiens sont loin de Fourier, More, Owen … ou des jolies paroles d’illusion d’Olivier Py :
« Quand le théâtre s’adresse encore au public, il a toutes les chances d’être invincible »
 D'autre part, les  interviews de Frédéric Dard ou Dominique Rocheteau sont sans surprise, même si leurs noms m’avaient attiré, le portrait de Théodore Monod est d’une autre encre.
« La mare est, en cette saison, grande comme une pièce moyenne d’appartement. Tout à coup débouchent une centaine de moutons venant de la brousse qui se précipitent tous à la fois dans le bain boueux, suant, soufflant, éternuant, urinant, crottant, dissolvant quinze jours de crasse dans ce fond de cuvette ; c’est de cette « sauce » que nous avons rempli nos outres »
Un échange autour de madame Bovary rappelle les beautés de la littérature:
«  Mais elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord et l’ennui, araignée silencieuse, filait sa toile dans l’ombre à tous les coins de son cœur »
Flaubert avait vomi à deux reprises quand il écrivait l’empoisonnement d’Emma.

vendredi 26 septembre 2014

A la réforme !

"Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire" Einstein
Je maintiens l’article ci dessous écrit avant les égorgements dont l’horreur est là pour imposer le silence. Sans aller à bavarder sur la cigarette électronique ou l’origine des pins du Medef à laquelle la télévision publique vient de consacrer un dossier, à quelles mutations assistons nous ? Vers quels progrès allons-nous ? Quels bouleversements ?
Le mot réforme est devenu tellement galvaudé que la première signification qui me viendrait à l’esprit serait celle que lui donnait mon grand-père parlant de chevaux qui n’étaient plus bon pour le travail ou les courses.
Quand une modification des rythmes scolaires consensuelle au départ se retrouve pareillement embourbée,
quand notaires, pilotes de taxis, chauffeurs d’avion se braquent,
quand brûlent portiques éco taxes et perceptions,
quand les homos ont eu la possibilité de se marier et que ceux que ça n’obligeait pas se sont sentis outragés,
il n’y est plus guère de réforme envisageable,
comme il n’y a plus beaucoup de constructions possibles quand on demande leur avis aux riverains.
Et il n’est pas besoin de rappeler la litanie des maladresses, des reniements, au sommet de l’état pour rendre illégitime toute velléité d’avancée vers un peu plus de justice.
Les plus conservateurs, type Balladur, avaient déjà perverti le mot, synonyme de progrès, mais sur l’autre versant quand « le changement c’est maintenant » tant attendu, s’avança, le contre pied fut complet : toute réforme fiscale disparut et les mots de la droite furent mis à la sauce soc’ : Rebsamen vit les tricheurs avant tout… chez les chômeurs… Quant à Thévenoud…
Sur les écrans de l’information, les explosifs s’allument les uns aux autres : le doux devient mièvre, le laid fait le beau, la dérision ne fait plus sourire – quoique : « Sarkozy est à l'honnêteté ce que Nabila est à l'académie Française » pris sur le site « humour de droite »-
le soleil lui-même devient une menace.
Comment surmonter les haines, les facilités, les surdités, les renoncements ?
Bertrand Bonello, cinéaste,  cite Pasolini
"Pourquoi notre vie est-elle dominée par le mécontentement, l'angoisse, la peur de la guerre, par la guerre ? Pour répondre à cette question, j'ai écrit ce film sans suivre de fil chronologique ni même logique. Mais simplement mes raisons politiques et mon sentiment poétique."
Ce film s’appelait « La rage ».
…………..
Le dessin de cette semaine est copié sur le site de Slate.

jeudi 25 septembre 2014

Le noir. Damien Capelazzi.

Après le rouge http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/05/le-rouge-damien-capelazzi.html : le noir.
Dans la ville de Stendhal, le conférencier récidive dans cette dernière conférence de l’année 2014 aux amis du musée.
Il se réfère à Pastoureau, l’historien, pape de la symbolique des couleurs tout en apportant un regard original quand la nuit  va se « lever » alors que dans l’expression courante, elle a tendance à « tomber ».
« Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit : « Que la lumière soit ! » Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le premier jour. »  
Au plafond de la Sixtine, vu de dessous, le Dieu de Michel Ange, à la barbe nuageuse sépare le bien du mal. La lumière permet de percevoir le monde et d’entrevoir le Tout Puissant par l’intermédiaire d’un philosophe de la renaissance Marsile Ficin qui concilia Platonisme et Christianisme. Pic de la Mirandole fut son élève.
En Egypte, le maître des cérémonies des morts, Anubis, le Dieu chacal est noir, en référence au sombre limon régénérateur du Nil. En Grèce, Charon le passeur des âmes était fils de Nyx (la nuit).
Perséphone, la belle enlevée par Adès avec ses chevaux noirs aux reflets bleutés chez Rembrandt va vers les enfers. Elle sera assignée en garde alternée six mois (automne / hiver) plus bas que terre aux côtés de son époux et six mois sur terre (printemps / été) avec sa mère Déméter. Par ailleurs, lors de ce rapt, jamais le marbre n’a été plus chaud que dans la statue du Bernin où la pierre se fait chair.
Dans toute cette mythologie pleine de passions, Zeus punit les titans qui avaient dévoré un de ses enfants, première incarnation de Dionysos, en les réduisant en cendres d’où naquit l’humanité partagée désormais entre l’amour et le mal.
La vierge noire de Montserrat est plus extatique mais Marie qui a été comme le premier manteau couvrant « le fruit de ses entrailles », tient son fils promis à la dernière couverture que sera la terre. Cette clairvoyance permet de se « dégraisser » du merveilleux antique.
Mais les mythes nourrissent  notre humanité : Rodin sculpte Eurydice dans l’ombre, derrière Orphée aveuglé par la lumière à la sortie des enfers, et nous sommes éblouis.
Le noir corbeau depuis Apollon qui le teinta ainsi à cause de son manque de vigilance, se retrouve auprès de Noé, s’attaquant à la charogne, et dans l’ultime champ de blé de Van Gogh.
« Nul autre peintre n'aura su trouver comme lui, pour peindre ses corbeaux, ce noir de truffes, ce noir de gueuleton riche, et en même temps comme excrémentiel. » Artaud
Dans la querelle de la couleur et du noir le bénédictin Suger pense que le Créateur est lui-même à l’intérieur d’un monde chatoyant alors que pour le cistercien Bernard de Clairvaux il n’y a place que pour la contrition et la mort.
Les premiers portraits tels que celui d’un condottière balafré mais raffiné par Antonello da Messine tiennent du « selfie », tant sa situation précaire devait s’affirmer face aux établis.
La beauté du monde se révèle avec ses contrastes : La « jeune fille » de Petrus Christus au front épilé, au teint diaphane porte une ravissante coiffe noire, et « La belle Ferronnière » en réalité Lucrezia Crivelli maîtresse de Ludovic Sforza le maure ainsi que Cecilia Gallerani, « la dame à l’hermine (patibulaire)» peintes par Léonard de Vinci sont si belles sur fond sombre.
Le magicien de l’éclairage, Le Caravage, peint Béatrice Cenci  qui avait été condamnée injustement à mort en  « Sainte Catherine d'Alexandrie », un enfant des rues représente l’amour et lui-même est à la fois David et Goliath : le sang coule sur le noir.
La lune d’Aristote est tachée, elle n’est plus la frontière entre un monde cristallin et un monde putride: Galilée est dans le mouv’.
Le noir est élégant : la dame au voile d’Alexandre Roslin est coquine, celle à la mantille de Goya est inquiète derrière sa pose assurée.
Van Gogh dessinait : « On dirait qu'il y a de l'âme et de la vie dans cette craie de montagne, qu'elle comprend ce qu'on attend d'elle, qu'elle y met du sien. Je voudrais la baptiser craie tsigane. »
« De l’humilité des sols aux lumières de Soulages » tel était l’intitulé de la conférence : nous avons fait le tour du pot au noir, en concluant avec notre contemporain reconnu en premier par le musée de Grenoble. Le nonagénaire marqué par l’art pariétal, laissa les images derrière lui. A Conques ses vitraux doivent se voir le soir quand ils restituent les ors du jour. Celui-ci, brûle tant de ses œuvres qu’il possède un incinérateur. Mais notre syntaxe a pu se régénérer pour « aller au-delà du voile de l’image » quand la lumière accroche sur la matité des matières rythmées.
« Le noir est subtil et sait surprendre en rugissant derrière son apparent silence »

mercredi 24 septembre 2014

Iran 2014. Le matin à Shiraz.

Nuit courte mais reconstituante grâce à une bonne température. Nous partons à pied vers le centre, les « welcome » et les « where are you come from ? », nous accompagnent lancés par des hommes ou des femmes souriants sans intentions mercantiles. Nos photographes fous se défoulent, le mot « axe »  signifiant « photographie » servant de Sésame, sans aucun refus à leurs demandes ou répondant aux sollicitations d’une population amusée et curieuse.
Sur un marché des poussins sont colorés en rouge ou orange, par contre les garçons croisés dans la rue restent sobres : pas de teinture platine ou de coupe footballistique. Haleh  notre guide a pris en charge un groupe de filles asiatiques logeant dans notre hôtel et se dirigeant comme nous vers la mosquée Nasir-ul Mulk. Mais nous trainons trop à leur goût et elles nous distancent assez vite. Nous cheminons à travers les rues aux maisons de briques très simples, risquant de tomber dans des caniveaux de belle taille à la moindre distraction. Nous sommes frappés par la propreté de rues, quelques tags, pour nous illisibles, proposent des publicités. Les dessins des mosquées ou mausolées figurent sur les murs accompagnés d’une flèche indicative. Traverser la rue se révèle  parfois périlleux : aucun des feux ou stop ne régule la circulation, chacun se faufile au mieux et pour tous, c’est « Chiraz les murs » d’après le mot d’un auteur qui n’a pas demandé de droits.
Au cours de notre déplacement, Haleh nous montre un palais reconverti en café restaurant où il aurait fait bon prendre une boisson dans le jardin face au bassin rafraîchissant si ce n’était fermé pour cause de ramadan. Nous atteignons en flânant la mosquée Nasir-al-Molk, le seul endroit où nos croisons quelques touristes, d’origine asiatique, qui ne constituent pas cependant une horde déferlante, tout aussi appliqués que nous à respecter les coutumes locales notamment l’habillement excessif par ces chaleurs et le port du voile.
Le bâtiment qâdjâr du XIX° siècle est recouvert de faïences représentant surtout des roses, d'où son surnom/ la mosquée rose.
Un bassin rectangulaire avec des poissons rouges  marque le centre d’une cour, deux salles de prières se font face : l’une hivernale, l’autre estivale. Nous enlevons nos chaussures pour pénétrer dans la plus travaillée des deux, celle de l’été qui sous ses tapis rouge cache un sol turquoise. La lumière filtrée par des vitraux colorés est douce et chatoyante, deux rangées parallèles de six colonnes la séparent et sur les tapis rouges attendent des pierres de prières posées sur de rubans verts. Ces pièces en terre cuite permettent à ceux qui ne peuvent pas se prosterner de se frapper le front.
Les plafonds sont travaillés en alvéoles multi facettes( muqarnas) comme les deux côtés (N et S) de la cour. La salle de prières hivernales, plus sobre, abrite un puits et un couloir enterré destiné à tenir l’eau au frais. Nous passons ensuite au mausolée des enfants des imams dans une jolie courette mitoyenne ombragée par un oranger aux fruits amers. La salle plus petite offre un sol en albâtre recouvert de tapis. Au centre une cage de verre recueille les tombeaux et les billets de banque tenant le rôle d’ex-voto.
A la sortie de la mosquée, nous rejoignons la citadelle de Karim Khan en passant par le marché couvert du même nom. Nous sommes accostés  toujours sans insistance mais avec gentillesse, soit pour nous proposer de l’aide, soit pour nous faire goûter quelque spécialité locale et exotique. Il fait presque frais dans les galeries marchandes.
Haleh attire notre attention sur les heurtoirs de lourdes portes en bois massif qui apparaissent toujours par deux, aux formes suggestives et correspondent aux visiteurs hommes ou femmes.
Nous débouchons sur la forteresse du XVIII° rénovée, qui comme le célèbre monument de Pise, possède une tour curieusement oblique suite au sol qui a bougé. Le soleil tape et se réfléchit sur la pierre et la brique de la couleur des collines alentour. Sur le chemin du retour, vers l’hôtel, nous changeons de l’argent et essayons de comprendre la monnaie : 4000 Tomans= 1€ environ ; il faut distinguer les Tomans des Rials : il suffit d’enlever un zéro aux Rials pour parler en Tomans.

mardi 23 septembre 2014

Rural ! Etienne Davodeau.

BD bio et Confédération Paysanne : l’auteur du remarquable album « Les mauvaises gens » se met en scène avec trois agriculteurs d’un GAEC (Groupement Agricole d'Exploitation en Commun) du Maine et Loire ; c’est instructif, tonique et honnête. La préface est signée  José Bové :
«Ces paysans ne sont pas des illuminés nostalgiques des belles campagnes d’autrefois. Ils ont les pieds sur terre, citoyens de la Terre, dans le plus noble sens civique que leur pratique quotidienne ne galvaude pas.»
Il est question d’une autoroute zigzaguant parmi les intérêts des plus puissants, il ampute l’exploitation laitière des dynamiques travailleurs de la terre mais ne les conduit pas à se morfondre. Leur mise en œuvre d’une certaine éthique est passionnante quand humour et pragmatisme  se rencontrent.
Une vache était morte sur le quai de traite; quelques coups  de masse furent nécessaires pour pratiquer une ouverture dans le mur et faire sortir la bête, la porte était trop étroite.
Sous titré « chronique d’une collision politique » l’épaisseur humaine des protagonistes donne de la crédibilité à un combat qui ne s’en tient pas à la théorie ou à la préservation de son coin de jardin (NIMBY : Not In My Back Yard). La finesse de l’auteur décrite sur ce blog  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/05/quelques-jours-avec-un-menteur-etienne.html le rend efficace et cette production datant déjà de 2001 laisse espérer du fort bon en 2015  avec « Cher pays de notre enfance » traitant des coulisses de la Ve République dans les années 70.

lundi 22 septembre 2014

Jimmy’s hall. Ken Loach.

En ces temps où bien des valeurs de gauche sont mises à mal, le film de ce bon vieux Ken le rouge est salutaire. Même si c’est autour des années 30 qu’il faut aller chercher les raisons de se retrouver dans un combat évident de la jeunesse contre les rassis, des petits contre les riches, de la liberté contre l’église, quoique ici et maintenant les obscurantistes, les fascistes envahissent notre présent et annoncent des futurs sombres pareils à ceux qui préparaient une guerre de plus.
Le souci de ne pas caricaturer les personnages les rend crédibles d’autant plus que cette histoire est vraie. Dans le dancing à Jimmy arrive un gramophone, on y danse, on y dessine, on y boxe, on discute de poésie et des liens se tissent qui empêchent une expulsion, les mots se trouvent pour convaincre et avancer en humanité. Le décor Irlandais inspire de belles lumières et tout militant de l’éducation populaire peut retrouver ses enthousiasmes nés dans des maisons de jeunes qui ne délivraient pas alors des services à des clients passifs mais construisaient à partir des loisirs les conditions pour se cultiver.

dimanche 21 septembre 2014

Défilé de la biennale de la danse 2014. Lyon.

J’ai regretté de ne pas avoir assisté au final du défilé place Bellecour parce que les images vues sur internet sont impressionnantes.
Le défilé de cette année dont j’avais vu pas mal de versions préalables http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/09/le-defile-ouvre-la-biennale-de-la-danse.html  jusqu’à ce dixième anniversaire, était encore très fort.
La formule anniversaire ne pousse en principe guère vers la nouveauté mais plutôt vers l’évocation à connotation nostalgique, pourtant l’assortiment d’images familières et de nouveautés a bien convenu à mes sens blasés pour cette dixième édition.
Certes l’inspiration brésilienne est  fondatrice mais les sons hip hop et électro ont colonisé toutes les troupes venues de la région Rhônes Alpes.
300 turinois sont venus renforcer les MJ lyonnaises autour de marionnettes, pièces identitaires par ici, bien accordées à l’évocation d’ « honorables délégations » gratinées.
Il parait que c’est  devenu également une spécialité lyonnaise d’associer d’une façon aussi massive amateurs et professionnels  autour de la danse.
Et pour jouer avec les costumes, les rythmes parmi quinze groupes qui mélangent toujours vieilles et jeunes, maigres et gros : quand on a dix ans, l’esprit d’enfance est là bien sûr, et le charivari coloré joyeux va de soi.  
Mais derrière un globe terrestre aux couleurs chatoyantes, j’ai perçu quelque gravité avec certaines évocations. Sous les fumées qui appartiennent de plus en plus  aux  spectacles, des voiles recouvrent quelques visages, et si les masques de la mort sont encore ludiques, Chaplin lui-même pointe sa canne vers «  nos faiblesses et nos illusions ».

samedi 20 septembre 2014

Opération Sweet Tooth. Ian McEwan.

et malgré le genre espionnage qui aurait pu me rebuter, j’ai eu beaucoup de plaisir à lire son douzième roman.
Nous revenons dans les années 70 entre Brithon et Londres quand la littérature avait son rôle à jouer au temps de la guerre froide. Au-delà des sinuosités du M15, le service d’espionnage  britannique, l’habile construction du roman, ses personnages principaux, l’intrigue qui tourne autour du mensonge et de la divulgation, tout renvoie à une réflexion sur l’écriture, son économie, sa puissance et ses impuissances.
« Quatre quatrains aux vers brefs. Un train marque un arrêt inhabituel dans une petite gare perdue, personne ne monte ni ne descend, quelqu’un tousse, un oiseau chante, il fait chaud, il y a des fleurs et des arbres, du foin qui sèche, et encore des oiseaux. C’était tout. « 
 Quelques lignes plus loin, plus qu’une explication de texte, la vie prend plus de saveur :
« … le caractère arbitraire de cet arrêt, la sensation de l’existence à l’état pur, d’être suspendu dans l’espace et le temps, juste avant une guerre cataclysmique. »
Je tournai la tête vers lui et ses lèvres effleurèrent les miennes. « Ce poème ne parle pas de la guerre » dis-je très doucement. »
En 436 pages aux dialogues ciselés, nous sommes en empathie avec Serena la jolie espionne en apprentissage et suivons ses évolutions.
« Voilà le luxe de l’homme bien nourri : railler tout espoir de progrès pour le reste de l’humanité. T.H. Halley (c’est le nom de l’écrivain que Serena doit appâter) ne devait rien au monde qui l’avait élevé avec bienveillance, instruit gratuitement et avec tolérance, lui avait épargné la guerre, l’avait amené à l’âge adulte sans rituels effrayants ni famines, ni dieux vengeurs à redouter, et le gratifiait avant la trentaine d’une allocation généreuse, mais ne limitait en rien sa liberté d’expression. Il s’agissait d’un nihilisme facile qui ne doutait jamais de la nullité  de ce que nous avions produit, ne proposait jamais de solutions de rechange, ne trouvait jamais dans l’amitié, l’amour, la liberté des échanges, l’industrie, la technologie, le commerce, tous les arts et les sciences, la moindre raison d’espérer. »
Nous nous laissons manipuler par le narrateur entre fiction et banalité, inspiré par son propre métier, il boucle brillamment son roman : des protagonistes oubliés réapparaissent, nous avons pu apprécier des nouvelles et leurs critiques qu’il insère dans quelques tiroirs, et toujours l’humour nous accompagne.

vendredi 19 septembre 2014

Dire Non. Edwy Plenel.

L’amie qui m’avait prêté le livre écrit par le directeur de Médiapart avait souligné la moitié des 175 pages, tant les paroles sont fortes rappelant en ces temps accablés quelques fondamentaux.
J’avais tardé à me plonger dans les mots de celui qui a créé le phénomène politique le plus novateur de ces dernières années, redressant la bannière d’un journalisme flapi et soumis aux airs du temps. Je craignais la rigidité de l’imprécateur dont le titre de cet essai annonçait un positionnement toujours contredisant, chicanant , négatif qui a tendance à lasser à mon âge.
Il n’en est rien, le propos chaleureux se place dans la trajectoire d’un père « breton d’outre-mer » qui fut engagé. Cette fidélité à des valeurs impressionne lorsque quelques paresseux accommodements reviennent nous déranger.
Prophétique en 83, il écrivait : « …que révèle M. Le Pen de l’état de la France, de l’ampleur de sa crise, du délitement de son corps social ? » Nous n’avons pas avancé.
Il revient sur à la triade issue de lumières : « liberté, égalité, fraternité », à laquelle s’opposent « hiérarchie, égoïsme et force », les marqueurs de ceux qui entendent déterminer et immobiliser les femmes et les hommes, les asservir sous la fatalité.
Ses références à Gramsci, Jaurès, Glissant… ne sont pas des postures, mais au service d’une pensée cohérente, où la critique des institutions de la V° république ne touchent pas à la forme mais à l’origine de toutes les dérives de tous les archaïsmes de notre vie politique.
Il cite Paul Alliès jugeant la Ve République anachronique, exotique et adémocratique.
« Anachronique, elle l’est de par les conditions de sa naissance, quand la France était encore un empire colonial et méconnaissait la communauté européenne. Elle a conservé la nécessité d’un homme fort à sa tête, reproduisant les traits du bonapartisme dans l’effondrement d’un régime d’assemblée. Et elle est aujourd’hui en complète rupture avec la société de la connaissance, de l’horizontalité des réseaux sociaux, de l’interactivité des groupes et des individus ; si bien que la figure du président devient improbable que ce soit dans son hystérisation ou sa banalisation. Exotique, elle l’est tout autant puisque la France est le seul régime en Europe à pratiquer un tel présidentialisme où «l’absence de morale, le climat de complaisance ou de complicité, de résignation est au principe de ce régime où les institutions sont confisquées par un souverain unipersonnel et sa bureaucratie» (Pierre Mendès France, 1974).
Adémocratique elle le reste tellement elle repose sur l’irresponsabilité générale, politique et pénale d’un chef de l’Etat qui gouverne sans avoir à rendre des comptes et qui contamine ainsi tous les niveaux jusqu’à la périphérie, celle des exécutifs locaux.
Son développement concernant le passé colonial de la France, ne revient pas sur l’excuse trop facile du mal développement des anciens pays asservis, mais ce qu’il induit de notre rapport au monde et il rappelle :
« Je dis souvent que notre France est d'origine étrangère... Je m'explique ! Savez-vous qu'au 31 juillet 1943, sur l'ensemble des Forces Françaises Libres - je parle donc de la deuxième guerre - on comptait 66% de soldats coloniaux, 16% de légionnaires - la plupart étrangers - et seulement 18% de Français de souche ? (selon les termes de l'époque qui font hélas retour !). »  
………….
Dans le Canard de cette semaine : « L’assemblée a voté en doute confiance » ce dessin :

jeudi 18 septembre 2014

Kurar à la galerie Nunc.

Les choix de la galerie au 7 de la rue de Génissieu à Grenoble ont trouvé leur public : il y avait du monde au vernissage de l’exposition qui se tiendra jusqu’au 25 octobre.
Moins cérébral que bien des lieux consacrés à l’art contemporain, si les termes du projet de « la gallery » n’échappent pas à l’anglais langage, « la monstration » actuelle ne manque pas de charme comme la vive directrice des lieux qui a l'oeil.
L’artiste dit Kurar est french mais les titres  sont écrits dans le dialecte de Banksy auquel il est bien difficile de ne pas penser. Les pochoirs amusants de l’insaisissable maître du street art http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/03/banksy-humour-et-murs-gilbert-croue.html  se renouvellent sans cesse. Ici le report sur toile de thèmes percutants lorsqu’ils sont délivrés en direct des murs, affadit leur message.
L’enfance innocente représentée face aux armes,  face à la nocive société de consommation et ses robots, ses écrans : on a déjà vu ça quelque part.
Le rendu est agréable, et j’aime souvent les photos en noir et blanc d'où émergent quelques couleurs , mais il se trouve que la joliesse entrave parfois l’intention contestataire : ainsi les images du visage du Che lui-même  ont dérivé en produits.

mercredi 17 septembre 2014

Iran 2014. J1. Lyon-Istanbul-Shiraz.

Partis à 8h 30 de Grenoble, ce dimanche 20 juillet, nous arrivons suffisamment tôt pour éviter la queue au comptoir de la Turkish Airways à Satolas. Comme il faut un certain temps pour régler les formalités, nous prenons rapidement un café et pouvons embarquer dans l’avion à 11h30.  Et il faudra plus d’une heure encore avant qu’on s’élance dans les airs, à regarder la pluie tambouriner sur le tarmac. Nous survolons Turin, l’Adriatique, la Croatie après avoir laissé la mer de nuages derrière nous.
Nous arrivons à 17h à l’aéroport d’Istanbul regorgeant de boutiques en duty free, où une foule cosmopolite circule en tous sens et en toutes tenues : du short à « la boite aux lettres ».  Premiers contacts chaleureux dans la zone d’attente avec deux iraniennes qui nous abordent l’une après l’autre en anglais avec beaucoup de courtoisie et de bienveillance.
Nous quittons Istanbul à 21h 40. Les avions décollent à la chaîne et nous découvrons la mégapole stambouliote dans son immensité : la nuit est féérique.
Les écrans de l’avion annoncent un décalage horaire en Iran de 1h 30 avec la Turquie (2h 30 avec la France).  Désormais plus aucun alcool n’est servi.Peu de touristes ont pris place dans ce vol, les autochtones repoussent le moment de se recouvrir du voile.
Nous débarquons à Shiraz vers les 2h 30, heure locale, avec notre foulard, nous nous soumettons aux formalités douanières, récupérons nos bagages. C. ouvre son sac pour que les autorités vérifient avec bonhommie que sa gourde ne comporte aucun liquide illicite. Nous repérons facilement dans ce petit aéroport provincial, une grande femme qui tient un panneau Tamera : ce sera notre guide, Haleh.
Dehors la température chaude reste néanmoins supportable et nous trainons nos sacs jusqu’au mini bus dans lequel nous attend Ali, notre chauffeur pour ce séjour. Malgré l’heure tardive, les gens circulent, prennent le frais, des estancos attendent le client nocturne qui se restaure en ces temps de ramadan. Nous stoppons au Tahar Hôtel, prenons possession de nos chambres climatisées où une flèche au plafond indique la direction de la Mecque, un Coran est posé sur la table de nuit.