vendredi 31 décembre 2010

Les meilleurs voeux de Nicolas Sarkozy 2011


Vu sur Rue 89, c'est une réalisation du Parti Communiste français.

Lutte contre les discriminations, la république est-elle encore crédible ?

Il a fallu, dans le public de ce débat au forum de Libération, qu’une femme couverte d’un foulard suggère que l’on parle de l’homosexualité à l’école pour que l’on sorte des paroles convenues et des pieux vœux.
Pourtant à la table, ce n’est pas un hasard, sur le sujet, deux femmes, et c’est rare (15 femmes pour 102 hommes intervenants au forum de libé) : Najat Vallaud-Belkacem, adjointe au maire de Lyon, et Jeannette Bougrab, alors présidente de la Halde.
J’aggrave mon cas, camarades féministes, en voyant l’une en charmant renard des sables et l’autre en lionne voire en lion mais n’a-t-elle pas dit elle même qu’elle se battrait « comme une tigresse » ; reste que je n’avais pas décrit Minc en fouine !
La Halde (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité) est en sursis, sa présidente, en apparence déterminée, s’aplatit devant le président siphon du FN; elle s’est surtout fait remarquer par un management déplorable de son institution où elle vient d’entrer en commençant par augmenter ses indemnités, par contre son silence sur les roms a été retentissant. Bougrab, dont j’avais apprécié pourtant la détermination à donner raison à la crèche associative qui voulait se séparer d’une employée voilée : « il n’y a pas de raison que la laïcité soit moins bien protégée que la liberté religieuse», refusait toute étiquette politique au moment du débat, elle est depuis au gouvernement ; quand les lions vont boire.
Elle peut bien écrire : « la République n’a pas seulement à être crédible dans la lutte contre les discriminations. Elle se doit de faire sans relâche la preuve de son efficacité. » Nos regards s’attardent au plafond de la belle salle de l’Hôtel de ville.
Je suis plus enclin à croire l’adjointe à Gégé (Colomb), Vallaud Belkacem, quand elle pointe le recul des valeurs de la République, le manque de perspectives. Quant à « renouer avec les idéaux d’une République laïque, sociale, émancipatrice, égalitaire et progressiste », à c’t’heure où les résistants pour ne pas tout perdre en prennent plein les dents, ça fait beaucoup et loin.
….
D’après une brève du « Canard » de Noël : Dans une filiale d’Alcatel la direction a refusé de verser une prime à ses salariés en CDD. Les salariés en CDI, ont décidé de reverser la prime à laquelle ils avaient droit à leurs copains précaires.
Et le dessin du même palmipède :

jeudi 30 décembre 2010

Afrique(s). Raymond Depardon

Je me permets sans vergogne de me sentir à proximité de l’immense photographe parce qu’il sait de quoi il parle quand il aime « la lumière dorée de la fin des jours d’été, au moment des foins, quand les jours sont si longs ». Il peut être trop bavard dans ses prudences et tellement modeste, ostensiblement.
Il trimballe son identité de paysan de Saône et Loire depuis le Cap jusqu’à Marseille avec de nouvelles photos et un texte inédit sur les traces d’un film « L’Afrique, comment ça va avec la douleur ? » qui avait été une source de divergence familiale, historique.
Les sourires éclatants et les lits de souffrance, les foules génocidaires et les amoureux d’Alexandrie, la violence et l’élégance.
« Les maladies sont : la dysenterie, les diarrhées sanglantes, les amibes, la bilharziose, l’onchocercose (cécité des rivières), la maladie du sommeil, la leishmaniose, la tuberculose, la lèpre, la gale, la méningite, la rougeole et le paludisme. »
Je le suis pas à pas avec cette édition chez le Point Seuil dans cette Afrique ( Tchad, Angola, Ethiopie, Egypte, Mozambique… ) tragique et pudique.

mercredi 29 décembre 2010

New York, I love you.

Film à sketchs mais on ne le dirait pas, les séquences des onze réalisateurs sont habilement emmêlées, mais au fait: quel était le propos ? Tout s’évapore dès que le générique bien garni a fini de défiler. Nous pouvons aimer une ville pour la retrouver telle qu’on l’imaginait, et celle-ci le cinéma ne l’a pas manquée, donc accepter les clichés, mais cette fois pas d’humour ni d’ énergie, daté, et je ne vois pas l’utilité de s’y mettre à plusieurs pour remplir si mollement une morne heure et demie. Oui, des rencontres sont possibles quand on s’en vient fumer sur le trottoir devant le restaurant, mais pas de quoi être renversé.

mardi 28 décembre 2010

Les Bidochons internautes.

Si eux aussi se mettent à internet, c’est que :« En ce moment précis, nous venons d’entrer de plain pied dans le modernisme. On est comme les autres. »
Et nous sommes comme eux, à essayer de suivre le voisin qui explique en expert, à faire lire les notices par sa compagne, et à s’adonner à des jeux de mots calamiteux autour de la hot Line. Quitte à poser le débat du virtuel et du lourdement réel, les spams viennent s’inviter sur le canapé et c’est une bonne idée. Comme la morale de l’histoire : Raymonde, que Robert avait prise de haut, se débrouille finalement au mieux pour s’acheter une robe à pois après avoir utilisé le comparateur de prix. Malgré cette mise au goût du jour, ces personnages patrimoniaux d’une France au béret disparu, vieillissent, avec un trait avachi, des cases grises et un humour quand même bien conventionnel. Vite lu.

lundi 27 décembre 2010

Tamara Drewe. Stephen Frears.

Comédie bucolique. Des vaches regardent des écrivains en résidence qui n’ont pas besoin d’aller bien loin pour trouver l’inspiration. D’après un roman illustré de Posy Simmons dont j’avais beaucoup aimé Gemma Bovery, parodie du chef d’œuvre de Flaubert. D’ailleurs à qui j’ai bien pu passer cette BD ? Stephen Frears a gardé les qualités du 9° art : efficacité dans l’exposition des personnages, humour qui n’épargne personne. Ni les adolescentes à baffer, ni les hommes veules, ni les femmes ballottées. En dehors de l’affiche et du titre qui sont insipides, ce drame drolatique dans la campagne anglaise est vraiment réussi. Le film est fidèle à la bande dessinée où ressort avec plus d’évidence la condition des femmes aujourd’hui : de la liberté de Tamara, à l’application de la maîtresse de maison, à la fausse désinvolture des ados, voire à la situation des femmes en terre d’Islam.

dimanche 26 décembre 2010

Suivront mille ans de bonheur. Preljocaj.

En attendant, que ça se calme après les révolutions humaines voire l’Apocalypse, c’est une heure et demie d’intensité que nous offre Angelin Prejlocaj qui a réuni son ballet à celui du Bolchoï avec une scénographie de Sudho Gupta plasticien en vogue et des costumes d’Igor Chapurin qui habilla quelques miss Univers. La musique est de Laurent Garnier que j’ai eu le mauvais goût de confondre avec David Guetta, autre Disc Jockey qui œuvre dans l’électro; par contre j’ai reconnu « le chant des canuts » en version quasi subliminale.
Cette équipe va accroitre la réputation du chorégraphe dont la notoriété devient bien sûr inversement proportionnelle à l’estime que lui vouent les critiques spécialisés.
Je ne me suis pas attaché à des références du livre de l’Apocalypse que je ne connais pas, mais mon regard de néophyte a été capturé par les mouvements : l’harmonie est au rendez-vous de chaque seconde du spectacle, même quand les gestes ne sont pas les mêmes.
On redemande ce bruit et cette fureur sous ces beaux éclairages où une goutte de lumière scintille sur un plateau argenté, où des chaines tombant des cintres vous font bondir avant que les danseurs s’en emparent pour un des moments les plus forts. Les corps emballés dans du plastique sont beaux, et chaud le duo amoureux. Et je ne rechigne pas à la symbolique des livres qui obturent les bouches : autant ils sont émancipateurs en ribambelle autant « Le » livre oppresse au singulier. Les danseurs se jouent des parois, et il n’y a pas que les angelots qui peuvent décoller, nous élever au dessus des trottoirs verglacés. Les groupes se fondent dans de puissantes allégories et deux agneaux aux pattes frêles arrivent sur le plateau après une esthétique lessive des drapeaux. Un ami m’a appris que le pouvoir russe n’avait pas souhaité que leur drapeau figurât parmi les tissus bien rincés.

samedi 25 décembre 2010

Memo.

Ce nouveau magazine mensuel affiche en évidence en première page : «L’histoire éclaire le présent », l’histoire éclair : lecture rapide, variée, agréable. Le gai savoir. Même si l’alibi d’une exploitation pédagogique n’est plus valable en ce qui me concerne, je fonce toujours volontiers sur les nouveautés chez les marchands de journaux. Entre révision et découverte j’ai été séduit par ce premier numéro du groupe de presse : « ça m’intéresse ». Du genre « Voici » au temps de Louis XV (Bruni et Pompadour) avec des informations qui approfondissent, relativisent notre brouet informatif quotidien par des articles prolongeant, signalant des livres parus dans la période, des expositions, des émissions de télévision, voire un jeu vidéo qui permet d’examiner sur papier Colt et Winchester. Fouquet par Lorant Deutsch, les « cols rouges » de l’hôtel Drouot, Joséphine Baker espionne, et les réflexions sur l’éducation depuis l’antiquité avec les silences de De La Salle, les druides respectés, la rhétorique comme mère de la démocratie… les people et la Mafia, quelques jeunes prodiges… Je serai moins ignorant du Docteur House, héros de série à succès puisqu’il semble un concentré de Grèce antique : Oedipe, Cassandre et Diogène. Comment les Papous ont vu leurs premiers blancs, et cet instit qui retrouve l’histoire enfouie de ce camp de concentration de tziganes du côté de Saumur.
Du léger et du grave, des brèves concernant des objets de nos greniers où l’origine d’expressions.
Episode garanti véridique après l’attentat du Petit-Clamart visant le général De gaulle en 62 :
Charles : « Cette fois c’était tangent. Ces gens là tirent comme des cochons. »
Yvonne : « Et les poulets, ils n‘ont rien ? »
Un policier : « Non madame, les policiers qui suivaient sont… »
Yvonne : « Je parle des poulets, de la volaille qui était dans le coffre. »

vendredi 24 décembre 2010

Kärcher

Les branches mortes de l’année 2010 se recouvrent de blanc.
Les rétrospectives s’apprêtent, les bêtisiers vont envahir les écrans et tiendront lieu de mémoire, forcément.
Ce n’était pas pour « la caméra cachée » quand des stagiaires de l’éducation nationale en mal de formation ont dû assister à une conférence tenue par… des officiers de l’armée.
Cette petite nouvelle est consternante, elle vient parmi un fagot d’informations décourageantes, entre une pétition pour la défense de l’hôpital public et les silences à propos de la défaite des retraites.
Des échos anecdotiques à la pelle s’installent dans une cohérence toxique pour ceux qui ont cru à un état irréprochable, à des responsables respectables.
Les automobilistes fautifs récupéreront leurs points plus vite grâce aux députés qui ne mégotent pas sur leurs propres avantages et travaillent à l’opacité sur leur situation personnelle.
Les rares remises en cause des niches fiscales visent des dispositions allant dans le sens des économies d’énergie : Grenelle à la poubelle.
Hortefeux ministre soutient des policiers qui avaient fait de faux témoignages, ministre par ailleurs condamné par la justice.
Les déclarations du président en matière de politique étrangère sont inappropriées.
Il appelait lui-même Kouchner et sa compagne : les Thénardier, c’est dire le cynisme qui règne en ces hauteurs où s’est tellement humilié l’ancien Médecin Sans Frontières et d’autres. L’image de la France est bien détériorée et ce n’est pas un mannequin qui contrariera l’affaiblissement de nos représentations, de notre langue. Elle a juste permis d’ouvrir nos yeux sur les connivences des cercles où valsent Snobservateurs et ces gars là.
Dati et Yade cherchent la lumière des spots qui grillent si vite et Woerth les fuit, il ne pourra se réfugier dans un paradis fiscal puisqu’ils ont disparu, a-t-on dit.
Il aurait pu au moins prétendre à la prime que vont toucher les recteurs les plus efficaces à casser l’éducation nationale, car le ministre dénieur a été quand même un grand artisan de la déchéance de la morale publique.
Le Kärcher qui fut un produit phare il y a quelques années ne crachote plus qu’une eau brune, il a dévasté la morale, nos morals.
Nous avons beau panser nos plaies à l’humour noir, je n’arrive plus à soulever mes commissures et ne vois plus qu’une société désolée, aux valeurs fracassées, sombre.
Dessin de Politis :

jeudi 23 décembre 2010

20 ans du mois du graphisme à Echirolles

Quand la finesse, l’humour sur papier s’exercent dans le domaine culturel ou à l’occasion de commandes publiques, saisissons l’occasion de belles rétrospectives d’affiches et de travaux préparatoires jusqu’au 30 janvier 2011.
La newyorkaise Carin Goldberg au musée Géo Charles joue sur les catalogues rétro et leur redonne une seconde jeunesse.
Mitsuo Katsui, le japonais, illumine de ses couleurs psychédéliques les moulins de Villancourt où sont mis en valeur également des artistes amateurs américains qui œuvrent essentiellement dans le domaine musical. Un retour vers Woodstock est permis en révisant des photographies d’Elliott Landy.
Yuri Gulitov, le russe, a travaillé de nouveaux alphabets en cyrillique et c’est à la Rampe que l’on peut suivre ses recherches qui adoptent des démarches très contemporaines. Elles révèlent comme pour les artistes américains leurs racines historiques pop art et contre culture, chez lui c’est une filiation constructiviste.
Les moyens techniques d’aujourd’hui démultiplient les potentialités, mais retrouver les traits de la lithographie chez les uns, des manières de Malevitch chez l’autre, a une saveur rétro délicieuse

mercredi 22 décembre 2010

Central Park & Paris-NY / NY-Paris en BD.

Espérant retrouver des images d’un séjour récent à New York, j’ai ramassé à la bibliothèque du quartier deux albums qui promettaient de belles images.
L’une Central Park de Jean-Luc Cornette et Christian Durieux s’essaye au fantastique mais déjà à voir le nom des protagonistes Johan Crevette et Yasmina Polaire, les deux touristes belges qui rencontrent un ours polaire parlant, on peut pressentir le fiasco, heureusement c’est lu en dix minutes. De la pacotille.
L’autre Paris-New York, New York-Paris de Drommelschlager a une autre ambition puisque le héros s’appelle lui Gaspard de Saint Amand un puissant boss, qui s’annonçait tout aussi schématique, et le jour de son 40° anniversaire son médecin lui annonce qu’il n’a plus que quelques mois à vivre. Il va essayer de faire revenir un amour perdu par frère interposé, l’album est découpé en trois parties aux colorations différentes pour montrer les divers points de vues des héros froids et raides comme les buildings qui les environnent. Malgré un graphisme qui a parfois du charme, je ne suis pas allé au bout de cette accumulation de clichés.

mardi 21 décembre 2010

Le Montespan. J. Teulé, P.Bertrand

Le livre de Jean Teulé,sans images, concernant le mari de la dame , a eu un certain succès et je me suis dit qu’une B.D. sur le sujet serait plaisante, sans passer trop de temps non plus, sur les détails des amours Capétiennes. Le trait géométrique de Philippe Bertrand, disparu récemment, dont j’avais adoré « les petits riens » destiné aux enfants et enchantant les grands, ne convient pas forcément à cette affaire de cocu magnifique. J’aurai préféré plus de sensualité dans ce récit porté bientôt à l’écran et qui comporte tous les ingrédients pour tenir en haleine le spectateur. Aventures trépidantes, dialogues savoureux, passion, courage et arrivisme, la fange et le luxe, les barbaresques, l’amour... L’angle choisi de mettre au premier plan Louis Henri Grondin de Pardaillan, marquis de Montespan est intéressant. Son carrosse orné de cornes de cerf, et l’enterrement de sa passion célébré en pleine terre, ont le panache de celui qui n’a pas renoncé face au roi soleil, alors que sa femme favorite de XIV aurait pu lui procurer bien de bénéfices.

lundi 20 décembre 2010

Armadillo. Janus Metz

Documentaire efficace qui met sous nos yeux la connerie de la guerre, son absolue absurdité.
Dans la longue liste des films en uniformes, un regard aigu et renouvelé sur la vie d’un groupe de soldats danois en Afghanistan. Pendant les pauses entre deux sorties dans un réel échappant à leur compréhension, pour quelques arpents autour d’un fortin, des mômes blonds jouent à la guerre virtuelle. Dans leurs carapaces, ils avancent au milieu d’enfants à peine moins âgés qui jouent et viennent grappiller des aliments que les soldats n’ont pas aimés et que ceux-ci distribuent du bout des gants. Cette guerre comme toutes les guerres est perdue ; et les dédommagements pour une vache tuée ne résolvent rien. Dérisoire, ridicule, à pleurer. Tout ce fric perdu, cette technologie vaine, ces vies bousillées, ces intelligences dévoyées. La caméra nous transporte au cœur des combats quand après le staccato des mitrailles, des jeunesses finissent leur vie dans le fossé. L’échauffourée passée, les mecs bandent au ressassement de leur survie et devant quelques pauvres chattes sur écrans d’ordinateur

dimanche 19 décembre 2010

2-3…grammes. Bernard Falconnet.

Deux-trois grammes d’alcool dans le sang : c’est la dose que s’autorise la mère avant une nuit d’insomnie. Alcoolique, elle délivre à son monde ses vérités, elle nous fait honte de rire de ses audaces vaines et des hypocrisies passées au révélateur qui « gnaque » fabriqué en Charentes.
Une seule comédienne est en scène, Line Wiblé, qui fait penser à Yolande Moreau pour son talent à interpréter des gens du peuple. Elle joue donc une mère, ses trois filles et le père, sans trop appuyer, avec ce qu’il faut d’empathie et de distance pour passer de l’une à l’autre.
Pas de dispositif encombrant, la représentation déambulera dans toute l’Isère, elle passera au Pin, mon village d’enfance. Et bien des spectateurs pourront reconnaître cette ménagère qui aime à s’occuper de tout, cette prof qui revient de Paris, cette dépressive, ce père qui s’applique dans ses discours avec Verlaine comme assistant et des astuces de mots croisés pour quadriller l’ennui. Familier, drôle et émouvant.
Si l’alcool est un vecteur comique efficace, il est, particulièrement en milieu rural, une cause de surmortalité des jeunes pris dans les tôles de samedis soirs sans lendemains. Tiens, des études concordantes viennent de s’apercevoir de situations dramatiques en zones rurbaines et rurales.

samedi 18 décembre 2010

Une âme perdue. Giovanni Arpino.

Du temps perdu. Roman oppressant de l’auteur de « Parfum de femme », où j’ai pu reconnaître une belle écriture, au service de la révélation de secrets de famille auxquels je suis resté étranger. J’ai dû insister pour aller au bout de ce court roman de 135 pages. Certaines scènes semblent interminables comme celle du jeu. Le personnage principal passe de l’angoisse à l’indifférence, en décalage avec ce qu’il décrit. Pourtant il y avait de quoi être inspiré par Leopardi dont une phrase est à commenter par le jeune narrateur qui passe son bac :
« ce lieu commun que la vie est une pièce de théâtre se vérifie surtout en ceci que les hommes s’évertuent sans cesse à parler d’une façon et agir d’une autre… »

vendredi 17 décembre 2010

Journaux : des piles neuves ?

La Sarkosie étend un peu plus son emprise sur les médias : le directeur du Nouvel Obs passe à la direction des journaux Lagardère : fin d’un faux semblant.
Mais le bal ne fait que commencer : Fottorino révoqué ne suscite pas sur le site Le Monde.fr, d’interrogations majeures de la part de lecteurs qu’on pourrait voir plus mobilisés au-delà des nostalgies et des réflexes attendus.
Même si l’on n’est pas contraint à s’user les nerfs avec les laquais de France télévision, la petite musique de l’illégitimité à gouverner de la gauche-DSK mis à part-revient aux oreilles avec des airs d’avant 81 qui ne nous rajeunissent pas.
Si par ailleurs vous avez vu une analyse de l’échec de la mobilisation sur les retraites, faites en profiter les copains ou si vous avez lu à ce propos, juste le mot « échec » ; la gauche autruche.
Marianne traite le président de voyou une semaine, et peut mettre à la une, tape à l’œil, peu de temps après : « pourquoi il peut être réélu ? ». Mais les protestations contre la rigueur qui étreint l’Europe passent dans la rubrique faits divers et nos appareils politiques moulinent pour eux mêmes : les paroles de Besset, Rocard, Yade se mélangent dans le tourbillon.
Même Schneidermann qui chaque matin réveille notre esprit critique connaît, il me semble, un coup de mou, Libé doublé sur WeakiLeaks patine.
Conseillé par un camarade Grève Générale, je suis allé voir chez Bakchich, que j’ai trouvé bien falot, surpris d’y retrouver Dominique Jamet dans « L’éternel retour », et si je me suis régalé pour une fois des indiscrétions de Paul Wermus j’aurais pu les lire dans France Soir ; je ne m’attendais pas non plus à tomber sur Jean François Probst ancien conseiller de Jacques Chirac. J’ai bien voté une fois pour son patron, mais je ne vais guère m’enrichir de ses réflexions concernant Sarkoko, sobriquet quelque peu insignifiant.
L’article qui m’a le plus accroché concerne Augustin Legrand des Enfants de Don Quichotte sous la rubrique tristement significative : « Le pipole de la semaine ». Mais le récit de sa banalisation générée par son passage au conseil régional dans les rangs d’Europe Ecologie peut décourager plus qu’un jeunot qui s’engagerait en politique pour défendre un idéal.
Comme je n’ai même pas trouvé dans mon Canard de la semaine un dessin à retenir, je soumets celui-ci, d’Aurel dans un numéro spécial de Politis : « 2010 horribilis » qui n’est pas mal du tout pour 5.50€.

jeudi 16 décembre 2010

Fête des lumières à Lyon.

Peindre avec la lumière. Les rues sont plus sombres que d’habitude pour que les couleurs dans la nuit soient plus éclatantes. Je n’ai pas tout vu, car nous sommes dans une métropole et les lieux de créations sont très nombreux (75).
J’ai beaucoup apprécié la mise en évidence de l’architecture du théâtre des Célestins et l’allégresse de l’éclairage en musique qui faisait s’animer la façade au son de la voix de personnes du public qui se succédaient au micro. De grandes lampes d’architecte mettent une touche d’humour rue de la République. Sur le fronton de l’église Saint Nizier, poussent des racines et la fontaine de la place des Terreaux prend des airs de souvenir de vacances coloré. Mais ce que j’ai préféré, c’est dans le parc de la Tête d’or, les installations de la compagnie Carabosse qui redonnent de la magie à la nuit avec une multitude de pot de fleurs où brûlent des flammes élémentaires. Une barque passe sur le plan d’eau trainant une myriade de points lumineux. De la fumée a envahi les frondaisons des arbres si urbains le jour, quelque peu mystérieux la nuit. Des braséros bien utiles en ces heures glaciales ponctuent le parcours. Des « marcels » enveloppant des bougies prennent des airs poétiques. Pas facile d’étonner le badaud de 2010, eh bien, ici, l’originalité alliée à l’évocation d’une histoire des profondeurs emporte les suffrages !
Lyon se doit d’être exemplaire dans le domaine de l’éclairage urbain au-delà de la créativité qui s’exprime pendant ces nuits. La notoriété mondiale de cette fête l’oblige. Même pendant ces journées, la consommation d’électricité est bien moindre qu’auparavant. Et Paul Ariès, un des chantres de la décroissance n’avait rien à en redire l’autre jour à France Inter où à travers les façons de danser, il décrivait d’une façon convaincante l’évolution de nos mœurs, passant de la participation collective, au couple jusqu’à l’expression solitaire de maintenant.

mercredi 15 décembre 2010

The king of New York. A. Ferrara

Heureusement que sur la boite du DVD - le film est sorti en 90 - ils précisent que « l’impitoyable Franck White nourrit aussi le rêve de construire un hôpital pour les plus démunis » parce que les préoccupations humanitaires ne semblent pas au premier rang des priorités du gangster passant de la prison à une suite au Plazza ; et ses sbires ne ressemblent vraiment pas à des fonctionnaires appointés par des mutuelles agissant dans le social. Leur carburant est poudreux et leurs moyens de convaincre expéditifs. « Le brouillage des frontières entre le bien et le mal » revient comme une expression convenue et le film noir pour décrire New York a fini par devenir conformiste. La nuit, le métro, les ponts métalliques et leurs dessous, autos tamponneuses, flaques, et sang sur les murs. Christopher Walken a le regard hagard et sa coiffure n’est pas la seule à être en pétard. Les nanas sont là pour la décoration et les flics démunis sont amenés à user des mêmes méthodes que leurs compagnons de pan pan doum doum !

mardi 14 décembre 2010

Le Roi Banal.

Finalement c’est loin d’être insolite de faire naître la fantaisie depuis un pavillon de banlieue.
Le contraste peut ouvrir des facilités dans lesquelles ne sombre pas ce un papy inventant un royaume intitulé Georgetta en souvenir de sa défunte épouse. Le trait soigné de Kyung-Eun se rapproche de Lapointe, très intelligible, il contribue au charme de cette B.D.
Ce qui est original c’est que les personnages ne sont pas linéaires et la famille de sa fille qui vivote sur des bases un peu dépressives ne va pas virer au noir. Le scénario clair de Ozanam qui joue entre fantasme et réalité ne tombe pas dans le délire, juste de la poésie, de la gentillesse. Les personnages se cherchent et nous trouvent ravis.

lundi 13 décembre 2010

Mardi, après Noël. Radu Montean

Une première scène où les deux amants s’abandonnent à leur plaisir ne constitue pas une situation vraiment originale, comme l’histoire d’une séparation entre un homme et une femme dans un milieu aisé en Roumanie; et pourtant la sympathie du réalisateur pour ses personnages, l’authenticité des portraits participent à la grâce de ce film. Je me suis laissé porter par les longs plans séquence que j’aurais encore volontiers étirés tant chaque personnage est vrai dans ses culpabilités, ses maladresses, ses audaces, ses tendresses.
Un film délicat et juste, grave et léger, à cœur.

dimanche 12 décembre 2010

Un tramway.

Eh oui ! D’ « après » « Un tramway nommé désir », ce grand rendez-vous de la saison à la MC2 a eu pour moi un léger air de déception malgré la prestation d’Isabelle Huppert « incandescente », à la hauteur des attentes vis-à-vis d’une star. Je n’avais pas choisi ce spectacle, au moment de la prise des abonnements, échaudé par « La nuit de l’iguane » de l’an dernier avec Tchéky Karyo qui me faisait douter des vedettes; un billet offert m’a permis d’assister à la représentation de 2h1/2 qui s’évertue à compliquer une intrigue se suffisant pourtant à elle-même. J’ai peut être trop coutume de penser surtout en politique : « on nous prend pour des billes » pour regretter que sur ce coup, on nous prend pour des profs de lettres ayant réussi leur thèse sur Tennessee Williams, familier de culture grecque et par ailleurs anglophones maitrisant l’espagnol. Comme dans beaucoup de reprises de grandes œuvres, les concepteurs d’une nouvelle version se défendent de penser à l’original, alors que nombre de spectateurs viendront parce qu’ils en ont au moins entendu parler. Sur Internet, les critiques sont souvent féroces. J’ai apprécié le décor, le bowling, la passerelle, Blanche derrière la vitre, la musique, les acteurs, la chanteuse, les costumes, la mise en scène où la vidéo convient bien et offre de belles images, les micros HF, mais pas l’intertextualité. « Remodelant le texte de Tennessee Williams, il (Warlikowski) y rajoute des extraits qui vont de la Correspondance de Flaubert à Œdipe à Colone, de Sophocle, en passant par la Dame aux camélias, un sketch de Coluche, un extrait du Banquet de Platon ou le combat de Tancrède et de Clorinde tel que raconté dans la Jérusalem délivrée de Torquato Tasso. » Merci Libé de m’avoir renseigné mais à trop me consacrer jadis à San Antonio, c’est Branlon Mado qui me vient sous la langue avant même le sex symbol qui fit face à Vivien Leigh. Là, Blanche tient toute la place.

samedi 11 décembre 2010

Nos cœurs vaillants. Jean Baptiste Harang.

Roman léger aux mots choisis, qui feint la désinvolture et nous amène vers plus d’attention au monde. L’ancien journaliste à Libération s’empare d’un prétexte original, une lettre anonyme envoyée par un lecteur, pour se lancer dans un récit de souvenirs de colos où se joue l’éternelle question de la fiction. Un regard tendre, sans mièvrerie, avec des souvenirs ni embellis ni méprisés, appliquant sans en avoir l’air ses réflexions sur le temps qui passe, la fidélité.
« La vie est une porte qu’on nous claque lentement au nez, et lorsque l’ouverture se réduit à une fine fente de lumière, nous tâchons de nous souvenir de ce merveilleux paysage qu’elle nous offrait jadis, grand ouvert, le panorama d’un souvenir sans fin ; cet avenir meurt ce jour même où je me souviens. »
Son souffle nous épargne, pour un temps, les graves, les pontifiants, les menteurs.
« Qui c’est ? »lui demandait-on, à travers la porte, quand il apportait des colis.
« C’est Le Printemps ». Oui.
Description d’un jeu chez les « Cœurs Vaillants », espèces de scouts :
« La « vie » est un petit foulard que l’on porte dans le dos, engagé dans son pantalon, il dépasse un peu, et l’on doit, dans un corps à corps vigoureux et sans se faire prendre la sienne, retirer la vie à l’envoyé du camp d’en face… »

vendredi 10 décembre 2010

Ecole décriée.

Dès le petit déjeuner (de plus en plus gras et sucré), l’école est au menu.
« La présence des parents pendant les publicités ne modifie pas le comportement des enfants » d’après Que Choisir ?
Avec une assiduité devant le téléviseur qui a tendance à s’amenuiser au bénéfice d’autres écrans, la parole des parents s’est elle dématérialisée ?
« D’après l’OCDE, les disparités parmi les élèves de 15 ans sont plus grandes en France qu’ailleurs, le poids du milieu social plus lourd. »
Et le ministre qui a su préserver au moins un emploi dans l’éducation nationale, le sien, de se féliciter de l’aide personnalisée. Il a pourtant fait diminuer, entre autres, la scolarisation avant trois ans qui était essentielle à la réussite des plus défavorisés.
Une dévastation sans précédent de l’éducation nationale où les valeurs morales sont mises à terre, les moyens drastiquement amputés, et ce sourire!
Des mesures se prennent et se déprennent. Entre deux week-end : semaine de quatre jours, un jour valable, un autre à jeter.
Des programmes à fondre et à refondre; les minutes consacrées au français diminuent et « c’est pourquoi votre fille est muette »(Le malade imaginaire)… ou plutôt votre garçon…
Ce flot de communications relayé en interne par des cadres new look récitant le catéchisme de l’instant, mine les personnels et fournit des alibis à leur flemme aux porteurs de portables sans cartable, ados et adulescents.
Alors que la droite appelle à la responsabilité des individus, la clameur de tous côtés vocifère : « c’est la faute de l’école ! »
C’est ce bruit qui nuit à l’école. J’avais rêvé du temps de Savary qui avait mis en place les ZEP et des consultations ; il y avait encore une foi dans l’éducation.
« Allègre m’a tuer ».
Désormais l’ironie a dégagé la plaine, le marché a planté ses panneaux, sottises et sornettes ont la voie libre, et le refus d’apprendre s’étale sans vergogne.
L’autre jour, j’accompagnais un groupe de jeunes élèves à la découverte de la ville. Un parent en tête de rang demande à un enfant de ne pas le dépasser ; c’est alors qu’un jeune attablé à une terrasse de claironner « tu es arabe, tu as raison de ne pas obéir ». Le petit en est resté coi. Je n’ai vu sur le moment qu’un jeu où la régression peut avoir des côtés attendrissants, mais fourvoyer ainsi une identité falsifiée dans le refus, accroit mon pessimisme.
Ma mère, 88ans, me demande :
« tu as vu, dans le journal, ce gosse qui s’est jeté au Rhône, à 11 ans ? »
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Un dessin du Canard:

jeudi 9 décembre 2010

La couleur dans l'art contemporain

C’est bien parce que la couleur ne me semblait pas un enjeu majeur de l’art contemporain que je suis allé trainer mon pliant devant quelques toiles du musée de Grenoble à la suite de la conférencière Lorelana Gritti autour de ce thème.
La couleur confronte la science et ses spectres face au sensible et ses humeurs météorologiques, la physique et la force émotionnelle.
Au moyen âge la couleur est symbolique après les particules qui s’entrechoquaient dans les visions de l’antique Platon. L’objet est plus important que la teinte. Celle-ci deviendra éclatante mais les protestants y virent là une dépravation. Le marron, couleur de la terre où nous retournerons, arriva. La Florence du dessin affronte Venise des couleurs. Bien que les œuvres aient pris de la profondeur, les formes enserrent les couleurs, on peut dire « couleur locale ».
A l’époque des impressionnistes, c’est l’atmosphère qui irradie. La couleur devient motrice, la pâte picturale va exercer sa séduction. Matisse sature la toile avec ses rouges comme il a exagéré la décoration. L’espace se construit par la couleur chez Cézanne, et avec De Staël la couleur devient frontale.
Kandinsky troublé par une meule de paille de Monnet, donnera toute sa puissance à la palette, discréditant les objets ; le couleur accède à la légitimité, seule.
Olivier Debré calé dans la nature, simplifiera le geste, cherchant l’essence dans l’huile.
Sam Francis a quitté un lit de douleur par la peinture, avec moins de théâtralité que Pollock, le vide devient le sujet principal du tableau dont ressortent les limites. « Dieu ne peut pas voir sans l’artiste. »
Morris Louis, lui retourne aux teinturiers, il n’a plus recours aux pinceaux, ses coloris déversés, il éprouve les différents degrés d’absorption de la toile et les effets de la gravité. Sortie de son atelier exigu, la toile déployée se découvre alors.

mercredi 8 décembre 2010

L’empire du milieu du sud. J. Perrin.

J’aime trop la littérature, avec le « trop » qui vient de l’Afrique de l’Ouest dans sa nuance ironique, et la poésie, pour ne pas m’interdire de trouver que dans ce documentaire un lyrisme excessif amoindrit la force des mots. Un sous titrage aurait déjà permis de contextualiser les nombreux textes qui arrivent à faire perdre de la force aux images. Souvent inédits les extraits de film sont intéressants mais les métaphores les diminuent.
«L’oppression nous vient de la France, mais l’esprit de libération aussi.»
Le Viet Nam, son histoire, sont passionnants et nous concernent, et Duras et d’autres sont de grands écrivains, mais pourquoi se refuser à toute pédagogie ?
« J’envoie mon cerveau à votre centre de recherches pour qu’on trouve ce qui nous fit lutter. J’envoie mes yeux à votre président pour qu’il les regarde en face. J’envoie mes dents à vos généraux, elles ont mordu plus de fusils que de pain car la faim fut ma compagne. Mon corps, je le laisse au Mékong. » Testament d'un combattant vietnamien.

mardi 7 décembre 2010

La vie d'Augustine # 5

La boucherie se trouvait rue Pasteur à Loos qui touche Lille. Il y avait un couple de jeune mariés et les parents ( ?). Le père était énorme, sa femme petite et boulotte. Mais le jeune couple était sympathique. Ils m’ont attribué une toute petite chambre et le lendemain on m’a mise au courant de mon travail.
D’abord je devais faire la tournée pour porter la viande aux clients par tous les temps, le matin. Il fallait appuyer sur les pédales et aller bien loin parfois.
Une fois mon panier vide je devais retourner le remplir à la boucherie avec les nouvelles commandes et pédaler jusqu’à midi.
Le soir j’allais chercher les commandes chez les particuliers. Mais entre-temps, il fallait nettoyer la boucherie, récurer les billots, ensuite le local où se faisait la charcuterie. Les outils, je n’aimais pas les nettoyer car c’était tout gras. Le soir j’étais éreintée aussi je dormais bien.
Je gagnais 150 francs par mois. J’envoyais 100 francs à mon père et je gardais le reste pour m’acheter des chaussures et des pulls car l’hiver était dur : je rentrais souvent trempée jusqu’aux os !
Heureusement je mangeais de bons steaks. Je n’avais pas le droit de sortir le dimanche aussi j’allais voir des gens de la rue car je sympathisais avec tout le monde surtout les petits vieux.
Je commençais à prendre tournure. Je n’étais pas trop mal de ma personne avec mes cheveux tout blonds. J’ai commencé à faire quelques ravages dans le coin et pendant mes tournées.
J’avais mon grand panier sur le porte-bagages avant. Quelque fois on me faisait des croche-pattes et je faisais de belles bûches ! Cela était le fait de ceux qui ne me plaisaient pas et qui se vengeaient de cette façon. J’aurais pu faire des courses cyclistes car pour la pédale j’étais rodée.

lundi 6 décembre 2010

Le nom des gens. Michel Leclerc

Il fait bon rire, quand Sarah Forestier sort en larmes de l’isoloir après avoir voté Chirac.
Même si elle traduit une attitude très répandue chez mes amis, avec lesquels je suis en désaccord, quand ils regrettent encore aujourd’hui d’avoir voté pour le roi de frais de bouche.
C’est qu’elle se réclame de la gauche, telle la liberté guidant le peuple de Delacroix, la jeune fille aux seins à l’air et même plus dans les couloirs du métro, voire face à « une boîte aux lettres ». Des situations familières à la famille de gauche définie essentiellement autour du thème de l’identité nationale. Gamblin, joue un personnage qui s'appelle Arthur Martin, rigolo,non? est très bien comme d’habitude dans ce divertissement où l’esprit optimiste de 68 revient, quand le principe de précaution ne s’imposait pas et que la devise « faire l’amour pas la guerre » se lisait au premier degré.
Oui c’est dans ce film que Jospin dit : "un jospiniste aujourd'hui, c'est aussi rare qu'un canard mandarin sur l'île de Ré", rigolo, non? Il paraît même que c'est l'austère qui rit qui l'a écrit.
Entre le moment où j’ai vu ce film à Cannes et aujourd’hui, j’apprécierais peut être moins cette légèreté vis-à-vis de la politique, tant son spectacle depuis quelques mois prête difficilement à sourire.

dimanche 5 décembre 2010

Leçon de jazz #1 : Oscar Peterson.

Pour montrer la virtuosité d’Oscar Peterson, Antoine Hervé exprime tous ses talents dans un concert commenté à la MC2. En fond de scène est projetée l'image du clavier filmé de dessus; alors comme un magicien qui explique ses tours, il nous paraît encore plus magique. Il m’arrive de regretter de ne pas jouer d’un instrument et bien des termes musicaux me sont étrangers, mais avec ce pédagogue enthousiaste, j’ai eu l’impression d’avancer un peu dans la compréhension de la musique, tout en restant impressionné par le travail. Le canadien Peterson, élevé dans une exigence extrême, deviendra une figure majeure de l’histoire du jazz désormais paré de la majesté du classique. L’improvisation, une des caractéristiques de cette musique destinée au départ à la danse, n’était pas une pratique étrangère à des musiques plus savantes, et les re créations autour des airs populaires ont valu de tous temps, de même que la transcription d’un orchestre entier pour un seul clavier. Mais il faut aller très vite, avoir de grandes mains et du génie. Les mélodies architecturées comme des montagnes ont des airs de récits de griots. Le colosse avait des épaules mesurant quatre octaves, il est mort en 2007 à 82 ans. Ce siècle achevé, lorsqu’il lui arrivait de swinguer, n’avait pas oublié la richesse, les ruptures, les surprises, l’amplitude de cet interprète exceptionnel.

samedi 4 décembre 2010

Le président des riches.

La lutte des classes est de retour, mais celle qui se claquemure dans des ghettos et pratique une solidarité efficace n’est pas l’ouvrière mais celle des patrons, des nantis. Nous avons été bien enfumés, dire « patron » faisait ringard, « entrepreneur »convenait mieux. Les entrepreneurs, il n’y en a plus guère, le capitalisme est devenu essentiellement financier, alors merci Liliane (Bettancourt) de nous avoir dessillés, bien que dès l’épisode du Fouquet’s un nouveau degré dans le cynisme se révélait : dons et contre dons s’annonçaient. Le livre des Pinçon Charlot nous rappelle ces évidences et replace dans la durée toutes les dispositions qui nous accablent jour après jour et en montre la cohérence funeste. Quelques titres pour une chronique politique où le terme oligarchie n’est plus réservé à quelque gouvernement exotique ainsi que népotisme : « Transparence des principes et opacité des pratiques », « les paradis fiscaux c’est ter-mi-né ! », « banques renflouées, peuple floué » …
« Bouclier, niches et paradis fiscaux, parachutes dorés et retraites chapeaux : guerrière et enfantine, cette énumération évoque les champs de bataille, les jeux d’enfants, Adam et Ève avant leur expulsion. L’hermétisme des anglicismes et plus encore des sigles cabalistiques, LBO, CDS, CDO, font des marchés financiers des sectes ésotériques. Ces langages codés contribuent à exclure la majorité des Français de la planète finance, qui est pourtant aussi la leur. Ces marchés dits libres, où l’on vend du vent au vent, invisibles et mystérieux, manipulent les milliards comme Dieu l’univers ».
Leur travail de toute une carrière de sociologues fut d’étudier les classes dominantes et leurs connaissances sont de première main : « La position de l’oligarchie est d’autant plus assurée qu’elle n’a pas besoin, au contraire de la classe ouvrière, de faire la théorie de sa position pour se défendre en tant que classe. Ses membres peuvent vivre et agir quasi instinctivement dans la mesure où leur représentation du monde est adaptée à leur position : le libéralisme et son adoration pour la concurrence et la lutte de tous contre tous est une idéologie plus pratique que théorique. En se comportant comme ses dispositions intériorisées le portent à le faire, grâce à une éducation conforme, l’oligarque agira « spontanément » en fonction de ses intérêts de classe. Nicolas Sarkozy revendique le pragmatisme. Le monde étant un monde où la classe dominante domine, il ne reste aux dominants qu’à être ce qu’ils sont pour que ça dure, dans le secret et la discrétion. »
Le « que faire ? » qui vient conclure ces 220 pages est moins convaincant, en regard de la diversité de la foule qui avait rempli la salle de la librairie du Square recevant le couple de retraités du CNRS. D’accord sur le diagnostic mais entre Cantona et DSK, « que faire ? », l’interrogation est reprise de Lénine.

vendredi 3 décembre 2010

La gauche en Europe est-elle une planète menacée ?

La brochette à la tribune d’un des forums de Libé était belle : un grec, une belge, un allemand, une française. Parmi eux une majorité d’élus européens qui n’échappent pas à un optimisme qui les tient debout, mais parait parfois surjoué.
Bien des réflexions sont pertinentes : « …mise en place d’une taxe sur les transactions financières et lutte contre les paradis fiscaux… les services publics sont la clé d’une croissance équitable plutôt que la cause de la dette de l’Europe… » Stravos Lambrinis.
Mais le responsable de la fondation Friedrich-Ebert, Ernst Hillebrand n’est pas un élu, il est le plus stimulant: « double déception de l’électorat de la gauche à l’égard de ces partis : une déception socio économique et une déception socioculturelle ». En pointant que « l’opinion publiée est différente de l’opinion publique », rejoint-il les impatiences de Véronique De Keyser qui se lasse des débats interminables et regrette la lenteur des mises en action ?
En tous cas, parmi les domaines à repenser pour inverser la dynamique des défaites qui ont vu la social démocratie suédoise rendue à son étiage de 1914, il met au premier rang « des formes de démocraties plus participatives pour répondre aux demandes d’une population toujours plus éduquée, informée et interconnectée. » La social démocratie est victime de ses succès (en 2003 : 13 état sur 15) et les victoires de la troisième voie n’ont pas été interrogées, « ils avaient raison puisqu’ils avaient gagné »: funeste paresse quand les modèles ne sont plus évidents.
L’homme n’est pas qu’un animal économique comme le soulignera Catherine Trautmann et l’Europe sociale est un processus à ne pas lâcher dans un contexte où les replis identitaires s’enkystent où les inégalités montent. La jeune génération décroche du travail politique et les réponses paraissent décalées face aux incertitudes. Les projets sont en crise et pourtant il faudra passer de la correction au sein de la sphère économique à une répartition repensée, de même que les mécanismes de la solidarité devront être revus avec un état plus actif.
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Le dessin du Canard

jeudi 2 décembre 2010

Art et pouvoir

Sujet bateau, mais bon prétexte pour une déambulation dans le musée de Grenoble sous la conduite de Céline Carrier, charmante guide.
Nous débutons, avec Louis XIV et les dignitaires de l’ordre au cordon bleu par Philippe de Champaigne sous les ailes lumineuses de la colombe du Saint Esprit. Ceux-ci semblent se désintéresser de l’intronisation du duc d'Anjou, c’est qu’il valait mieux faire apparaitre de profil l’un d’eux qui était borgne. Mais leurs regards, tournés en diverses directions, surveillent. L’évènement de 1654 fut peint en 1665.
Van der Meulen, « peintre ordinaire de l’histoire » du même roi : « Sire vous faites le tableau, je le peins », représente 2000 personnes de la vie parisienne autour du pont Neuf. Le service d’ordre est important, quand le roi se rend au parlement pour un lit de justice. Un rayon de lumière vient souligner sa majesté sous le regard du premier statufié de l’histoire de France, Henri IV. Sa présence au centre du colossal tableau le situe à la rencontre du domaine céleste et du terrestre. Louis, « l’état c’est moi », est dans la filiation.
Le titre d’un tableau de Jouvenet, témoin d’un plafond détruit, « Le Triomphe de la Justice » s’intitula d’abord « Le Triomphe de la Religion ». Les symboles des vertus foisonnent : la sagesse qui est placée du bon côté du miroir, la renommée, la paix, la prudence, l’éloquence, l’abondance et la force. Sous la lumière de la vérité, ils triomphent contre les vices : ignorance, meurtre, impudicité, avarice, discorde, dissimulation. Les principes de Cesare Ripa dans Iconologia, encyclopédie des allégories et de leurs attributs, ont été respectés.
Louis Philippe acheta le tableau de Scheffer, « l’arrestation de Charlotte Corday » car celle qui assassina Marat était à la mode en 1830. Son forfait perpétré, elle semble indifférente à ceux qui l’empoignent.
Nous passons de cet assassinat fameux, aux cauchemars de la crise consécutive à la boucherie de 1914 avec une scène de la vie berlinoise de Grosz. Ce pilier de La Nouvelle Objectivité représente des fantômes errants dans un marché. L’holocauste à venir s’annonçait avec la dénonciation de ces artistes « dégénérés » mis à l’index par ceux qui firent la loi, un temps.
Dans sa familiarité le portrait de Jackie Kennedy par Warhol peut paraître apaisant, mais cette image participant à la médiatisation du pouvoir n’est qu’une « vanité » de plus comme ces crânes dans les natures mortes.

mercredi 1 décembre 2010

Edward Hopper

Hopper, le plus américain des peintres, était exposé à l’Hermitage sur les hauteurs de Lausanne. C’est toujours instructif de découvrir des travaux inconnus d’un artiste qui annoncent les œuvres emblématiques, ainsi des gravures aux cadrages originaux, aux contrastes vigoureux. Des croquis préparatoires nous font mieux approcher son travail. Le peintre des solitudes a gardé son quant à soi au moment où Picasso et d’autres secouaient la figuration. Après sa venue à Paris il éclaircira sa palette à la lumière des impressionnistes. Dès 1914, les personnages de son « Soir bleu » nous regardent en face. Il y a bien une section consacrée à l’érotisme mais je trouve ses nudités peu sensuelles sous le soleil. Le silence habite ses toiles qui réconcilient les amateurs de réalisme, les rêveurs surréalistes et les cérébraux qui goûtent l’abstraction. "Si vous pouviez le dire avec des mots, il n'y aurait aucune raison de le peindre" a-t-il laissé échapper. Son seul projet était de « peindre un rayon de soleil sur le pan de mur d'une maison". Ses paysages sont des décors où nous pouvons « faire notre cinéma », leur simplicité permet notre subjectivité. Les extérieurs sont balisés de phares, de pompes à essence ; l’architecture est maîtresse en campagne, et en ville nous plongeons dans les intérieurs. Le mystère des mortels habite ses grandes toiles et alors la mélancolie nous fige.