dimanche 28 juin 2015

On achève bien les anges. Zingaro.

Chaque semaine, j’essaye de partager des moments de musique, de théâtre, mais les spectacles de Bartabas me semblent appartenir à des lieux situés au-delà. 
Ils posent la question de notre humanité, de notre animalité, à chaque fois, magnifiquement.
Depuis le temps que je le retrouve, mon inconditionnalité envers l’homme en colère ne fait que s’affermir.
Pourtant aux yeux des amis qui m’ont signalé que sa troupe passait dans les parages, ce spectacle manquait de cohérence, de liant.
Alors que j’y ai vu, comme dans la vie, la juxtaposition des traditions du cirque et d’un projet poétique grandiose, entre burlesque et tragédie, tellement politique, quand il est question de liberté et de dressage, avec Bach et Tom Waits sous le chapiteau.
Un cheval aux couleurs de lune galope seul, débarrassé de son licol, et un ange pathétique essaye de générer de pauvres nuages. La sincérité et l’engagement, un sourire, la vitalité.
« Elégies » précise le titre : ce sont des poèmes autour de la mort. J’en ignorai le sens, soumis au mouvement d’une culture qui perd tant de plumes.
Nous ne pleurons pas le prix de nos billets : une soixantaine de personnes nous ont offert une fête magnifique et chaleureuse, réglée au millimètre, qui avait planté ses tentes et garé ses roulottes dans le parc de Parilly à Bron.
Des anges aux ailes froissées, voltigent au dessus des croupes sublimes, arrachent aux dindons un glougloutement unanime, soulèvent un poney trottinant devant un chariot volubile. Ils ont rencontré des fantômes inquiétants et beaux sur leurs raides échasses, fragiles, toujours sur un fil ; nous les aimons. Etourdissants dans les cavalcades, tendus et forts quand les chevaux se couchent, légers quand ils dansent parmi les fumées, les bulles, la fausse neige et la vraie poésie. 
Ils nous amusent, ce sont des rêves. Un cheval aux puissants paturons passe pour égaliser le sable de la piste.
Me revient un adage de mon grand père :
« Balzane un : cheval de huns, balzane deux : cheval de gueux, balzane trois : cheval de roi, balzane quatre : cheval à abattre »
J’ai vu un magnifique cheval avec le  bas de ses quatre pattes blanc, nullement abattu et tant d’autres superbes, une mule blanche et un âne et un grand gars en long manteau, unique, pour lequel je me précipiterai lors d’une prochaine création.
……….
Je reprends mes chroniques le lundi 31 août. Bons juillet /août.

samedi 27 juin 2015

La France périphérique. Christophe Guilluy.

Rien que le sous titre : «  comment on a sacrifié les classes populaires » a pu soulever des polémiques : le terme populaire sentant désormais le soufre !
Après l’exode rural qui s’est déroulé au début de l’autre siècle,  un mouvement inverse s’est opéré comme un exil urbain. Le mot «  rural » a laissé place à «  commune isolée hors influence des pôles ».
Au moment où le mille feuilles administratif semblait bien bourratif, pour 34.000 communes (sur 36.000), soit 60% de la population française, l’échelon départemental semble le plus en mesure de défendre cette France périphérique contre les grandes métropoles.
 Si les électeurs imposent la ligne politique des partis plutôt que l’inverse, ceux-ci  continuent à «  parler  républicain », mais «  l’ensemble des partis politiques a en réalité intégré la question ethnoculturelle à son marketing »
Là où  paradoxalement «la critique de l’État-providence ne sera plus portée par en haut mais par ceux-là mêmes qui en ont le plus besoin.  »
C’est que « Imprégnés d’idéologie mouvementiste, les classes dirigeantes qui ne perçoivent le monde qu’à partir des métropoles hyper mobiles n‘ont pas encore pris la mesure du changement culturel qui s’opère dans les périphéries de l’ensemble des pays développés. Car le monde de la sédentarisation qui vient est aussi celui de la relocalisation… »
Parmi tant de questions soulevées sans périphrases, d’angles nouveaux, d’observations pertinentes, d’outils statistiques qui se cherchent, en un ouvrage de 185 pages nerveuses :
 « N’est-il pas temps d'accepter que la question du village soit au cœur des préoccupations des catégories populaires ici et ailleurs ? Des montagnes de Kabylie aux grandes villes chinoises, la question universelle du village raconte, à l'heure de la mondialisation, la nécessité pour les plus modestes de préserver un capital social et culturel à l'heure où l'Etat ne protège plus. »
En ne se plaçant surtout pas en donneur de leçons, Guilly dépasse l’opinion qui se raréfie mais qui a fait du mal, de considérer les classes populaires comme des mal élevés.
Dans la diversité de ceux qui se penchent sur le mal être français, qui agacent les dents de la gauche-Clémentine, je vais aggraver mon incorrection politique, en me précipitant sur le livre de Le Goff «  La fin du village » qui me semble prometteur.
.................
Ces jours les illustrations sont de  Dan Perjovschi en ce moment au Magasin.

vendredi 26 juin 2015

Nous sommes Charlie.

Le livre de poche a invité soixante écrivains à écrire :
d’Attali, convenu, à Voltaire, incontournable.
Quelques citations :
 «  Il n’y a qu’un seul Dieu, et il n’existe pas » Laurent Binet.
 « Dès qu’on bouge un coude, ça fait le jeu du front national, mais il n'y a jamais rien qui fait le jeu de la gauche ! » Catherine Dufour.
Sous le titre «  Je suis Charlie, mais un peu tard », Philippe Claudel fait remonter le « Munich de la pensée » à 2006 lors de la publication des caricatures de Mahomet.
Dominique Fernandez, était à Florence, et décrit bien la force du symbole d’un ruban noir au bras du David de Michel Ange.
Nicolas d’Estienne d’Orves revient aussi à l’histoire, à la culture :
« nous voici aux temps médiévaux du Nom de la rose, lorsqu’un vieux moine fanatique tue ses camarades de cloître qui osent dire que le christ était gai. Comme si le rire était le premier pas vers un abîme inimaginable aux yeux des imprécateurs : celui de la lucidité. »
Marc Lambron rappelant les morts de toute origine :
« avec des balles meurtrières, les assassins ont fait surgir l’autoportrait d’un pays »
Caroline Fourest dans la foule du 11 janvier:
« Abbas et Netanyahu dans la même marche, quand même ça avait de la gueule.
Un peu côté Plantu, mais quand même, ça avait de la gueule »
Philippe Grimbert :
« Et quand ils surent que le seul Dieu auquel ils se soumettaient ne s’appelait pas Allah mais Tthanatos, qu’il siégeait non pas sur un trône de nuages mais au plus profond d’eux-mêmes et qu’aucune des cents vierges promises par son frère Eros ne les attendait au paradis, ils ne pouvaient plus savoir. »
Vincent Brocvielle et François Reynaert, qui aiment les nuances, reprennent le mot « islamophobie » de leur livre « Kit du XXI° siècle » :
« il faut savoir que le mot est contesté car il est ambigu. Etre raciste, c’est reprocher à autrui d’être ce qu’il est : personne n’a demandé d’être blanc, noir ou jaune, c’est un fait de nature. Etre islamophobe, au sens strict, c’est en vouloir non pas à un individu mais à une croyance. Ce n’est pas du même ordre. Dans une démocratie, on a parfaitement le droit de critiquer une religion, quelle qu’elle soit, cela ressort de la liberté de pensée… » 

jeudi 25 juin 2015

Dan Perjovschi. Magasin Grenoble.

Dans un des temples en général assez désert de l’art contemporain que je fréquentais avec constance malgré la régularité de mes déceptions
un dessinateur, personnage presque incongru dans ces lieux, un dessinateur roumain branché sur le monde et ses folies, est visible jusqu’au 27 juillet 2015.
Il joue sur les mots et les traits, acerbe, allègre, politique, différent des  figures tutélaires subsistant dans nos quotidiens ou illustrateurs d’hebdo.
L’expo s’intitule : «  Pression, liberté, expression », l’artiste y ajoute quelques points d’exclamation, à la craie ou au feutre dans l’ancienne halle Bouchayer Viallet, après avoir eu les honneurs du Moma et de la Tate.
Un accrochage plus traditionnel eût mieux convenu, les graphies sur des plaques de verre recto verso se brouillent entre elles et la somme en quelques livres des productions antérieures pourrait décourager le visiteur par sa profusion, mais l’universalité des messages emporte la mise.
Il suffit de quelques fulgurances pour se dire que ce lieu est fréquentable pour le commun des préoccupés de l’humour, des soucieux des lettres et des tracassés de l’état de la planète.
Une promenade agréable dans un beau lieu à côté de La Belle Electrique à l’esplanade avenante.

mercredi 24 juin 2015

Mots d’enfants.

Depuis longtemps, quand s’approchent les vacances, je livre quelques mots d’enfants :
Titouan notre pourvoyeur depuis des années regarde Papy tartiner des toasts au roquefort:
"il est périmé ton fromage!"
Lilou est dans son bain, se lave la tête et dit: 
"mamie, maman m'a acheté un démêlant à la diarrhée"... (au tiaré).
Copié sur une page Facebook d’une de mes anciennes élèves qui assure de l’accueil péri scolaire :
- Je t'ai gardé une papillote
- Oh merci bichette.
- Moi aussi quand j'aurais des papillotes je t'en donnerai !
- Merci mon bichou c'est gentil
- Et moi je te donnerai des bonbons !!!
- Bah dit donc vous me gâtez !!!
- Et ben moi ... je te donnerai de la viande
- Heu ... merci ... C'est gentil.
Maintenant je puise quelques mots dans le lexique de ma petite fille recueilli par son papa :
De l’historique : « Pipapo »( aspirateur) au « Tifiss »( dentifrice) en passant par  le « Tatipiss » (feu d'artifice) dans sa première année.
A deux ans, il convenait de fêter l’anniversaire : « Joineuhieuh vertaiheuuuuu »
mais il faut bien : « Tu me t'aides, je veux c'est papa qui t'aide (aide moi) »
Elle a découvert le bon parfum du savon liquide : « Je sens la chèvrefeuille »
 A trois ans c’est le temps des bottes en « cailloudechou »
des grandes questions : « Quelle heure et demie ? »   
des inventions : « Raisinsier» (vigne)  
de « Rentrer à poings fermés » 
après avoir « Jeté un clin d'œil » 
et de toutes façons : « Le point c'est tout »

mardi 23 juin 2015

Si Dieu existe. Joann Sfar.


« … je sais pas à quoi il sert ».
Le dessinateur qui a travaillé à Charlie hebdo, nous livre un riche carnet de dessins et de textes après le 11 janvier.
Et comme le disait Sartre : « c'est l'antisémitisme qui crée le juif », l’auteur du « Chat du rabbin » s’interroge sur sa condition et rapporte cette blague :
«  de ne pas manger casher est excellent pour la santé parce que ça évite de prendre une balle ».
 Avec sincérité, auto dérision, il revoit sa place d’homme après le départ de sa femme, la mort de ses parents, d’humain dans un monde où la barbarie progresse.
Si l’éclectisme du réalisateur impressionne, 
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/09/le-chat-du-rabbin-joann-sfar.html 
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/02/jeangot-1-renard-manouche-joann-sfar.html 
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/01/le-petit-prince-joann-sfar-saint.html
son omniprésence dans les médias peut agacer, pourtant c’est bien parce que je l’ai entendu à la radio que j’ai choisi d’acheter ce recueil de 220 pages, et je ne me suis pas trompé.
Comme Shneiderman chez Finkielkrault l’autre samedi, il vacille. Mais les traces fines de sa plume comme celles d’un sismographe sont élégantes, ses mots tracés à la main font partager une sensibilité toujours teintée d’un humour léger pour ne rien asséner. Son corbeau se pose sur notre épaule et  nous adressons des caresses à son chat qui ne l’a pas abandonné mais se montre sans complaisance, ses interrogations deviennent les nôtres,  et ses traits bien à lui nous font du bien.


lundi 22 juin 2015

Mustang. Deniz Gamze Erguven.

Cinq jeunes sœurs se laissent aller à la joie des vacances. Elles ne retourneront pas à l’école, la grand-mère qui les garde finit par subir et imposer la loi de l’Islam, réglant la vie de toutes les filles jusqu’à l’intérieur d’une maison autour de laquelle seront érigées des barrières de plus en plus hautes pour les empêcher de s’évader.
Mariages forcés et vêtements aux couleurs «  de merde » : l’une d’entre elles se suicide, les deux plus jeunes finissent par s’échapper vers Istanbul.
Une énergie, une fraicheur face au conformisme des plus glauques  donnent des motifs d’espérer même sous les éteignoirs des plus rétrogrades.
Des scènes excellentes : la tante  dégomme un transformateur,  la petite  casse une chaise parce qu’ « elle a touché son trou du cul » et plongeon sur un matelas alors que la mer leur est retirée. Quand elles vont dans un stade où les femmes sont les seules autorisées à suivre un match, l’épisode est véridique et délicieux.
Ce film est essentiel, poétique et fort quand l’obsession de réprimer le sexe exacerbe les tensions les plus brutales. Cette maison devenue une prison va leur permettre de fuir.
Dans Slate j’ai lu : « Au cours de l'année 2014, 294 femmes turques ont été tuées. »

dimanche 21 juin 2015

La maladie de la mort-Aurélia Steiner. Marguerite Duras, Moïse Touré.

J’avais envie de retrouver l’écriture de Duras. 
«Ecriture presque distraite, qui court, qui est plus pressée d'attraper des choses que de les dire ».
Dans le petit théâtre de la MC2, la tentative de transporter « l’exilée en Afrique », en mêlant la danse à la lecture, recélait des promesses de dimensions nouvelles à partir d’une personnalité mythique de notre littérature.  
Le metteur en scène dit : « à l’image de Duras, la femme africaine est synonyme de résistance ; elle est un barrage contre les démons de l’existence ». Oui ce sont bien ces femmes qui tiennent ce continent debout, l’eau, le manioc, les enfants, la danse, les Mercédès Benz ... Mais en dehors d’évocations « du fleuve », je n’ai pas partagé les intentions du fondateur de la compagnie « Les Inachevés » de La Villeneuve.
L’accès aux pages fiévreuses simples et énigmatiques de l’auteure de l’Amant n’est pas facilité : je me suis  retrouvé dans ma nature de garçon mono-tâche, perturbé par la superposition de mouvements venant à côté des mots, alors qu’on peut croire que la danse suit en principe la musique. Pourtant le rythme de Marguerite obsédant, répétitif, elliptique, en recherche, nous eût suivis parfois comme rengaines.
Les danseurs traduisent un malaise, avec intensité, mais les belles séquences où ils se rencontrent sont trop rares
Et je suis également lassé des danses sans musique, de beaux gestes trop vite interrompus qui tournent au Parkinson. L’utilisation d’une vidéo malingre m’a semblé superfétatoire et certains dispositifs compliquent plus qu’ils n’éclairent : les mannequins de vitrines disséminés  sur la scène représentent la femme objet comme celle évoquée dans le texte, pour laquelle l’espoir et le désespoir n’apparaissent pas avec tellement d’évidence.
« Elle vous demande la couleur de la mer.
Vous dîtes : Noire.
Elle répond que la mer n'est jamais noire que vous devez vous tromper.
Vous lui demandez si elle croit que l'on peut vous aimer.
Elle dit qu'en aucun cas on ne le peut. Vous lui demandez : A cause de la mort ? Elle dit : Oui, à cause de cette fadeur, de cette immobilité de votre sentiment, à cause de ce mensonge de dire que la mer est noire. »

samedi 20 juin 2015

Le mal de mer. Marie Darrieussecq.

Bien consulter la quatrième de couverture, sinon ces 126 pages seront encore plus difficiles à lire. 
Les sentiments de la mère dépressive partie, comme ça, au bord de la mer avec sa fille, de la petite, de la grand-mère se succèdent avec toujours un moment d’accommodement nécessaire au lecteur pour savoir qui s’exprime. 
Volontairement obscur avec une attention aux lumières et aux paysages hors saison qui permettent quand même de respirer.
« Le bruit de la mer monte, comble ces trous de l’espace où ne sonnent plus ni oiseaux ni insectes. Pourtant ce qu’elle entend est comme une exagération du silence, un silence liquide, matériel. »
Mais cette littérature ne semble pas écrite pour quelqu’un, il s’agit d’une recherche personnelle et à trop insister sur le sable et l’eau, les personnages disparaissent.
 « Ce moment où l’espace s’est fendu par le milieu, a bondi sur les côtés et s’est liquéfié en cette masse noire, repoussant les bords du ciel en les fondant, les buvant, et respirant, par millions de fentes rouges s’ouvrant et se fermant sur la masse noire immobile, par milliers de petites bouches sur l’énorme bouche noire close où persiste une lueur pâle à l’endroit où le soleil a joué de la langue. »
Nous sommes à Biarritz.
Bien des impressions sont tellement exacerbées, quelques êtres fantastiques et effrayants tellement conventionnels, que nous restons indifférents. Vice rédhibitoire pour moi : le cartable  de l’écolière qui a du suivre sa mère est resté dans  la voiture qu’elle a vendue : alors l’empathie n’est pas gagnée pour cette mère qui a oublié aussi  à boire pour le pique-nique. 
Par ailleurs des pensées d’adulte prêtées à un enfant m’indisposent toujours autant. 

vendredi 19 juin 2015

Dans quel état t’es tu mis ?

En des temps soixantanars, l’état était honni, me voilà rendu à le défendre maintenant qu’il est loin d’être omnipotent, ce pelé, ce gaulois :
produit  naturel d’une société avec ses compromis,
produit durable des contradictions d’une histoire.
Un « bloc » disait Clémenceau de la révolution française.
Mais le char de l’état est malmené par l’inconduite des gouvernants, ses blindages sont rongés par l’air corrosif des temps capitalistes qui portent la guerre comme la nuée porte l’orage, ainsi disait Jaurès ou plus exactement:
 « Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme la nuée dormante porte l’orage. »
Il faut aller chercher les mots dans un autre siècle, ceux d’à présent ne servent plus à rêver mais à tromper : 
« Licencier plus facilement pour mieux embaucher », «latin pour tous, pour mieux le supprimer »…
Quand  Vals exhorte la gauche et les intellectuels avant de les insulter, sans arrêter de  tomber à droite à tous coups, quand les mots de solidarité sont utilisés alors que la France refuse la proposition de l’Europe de répartir les réfugiés, notre foi a de quoi se faire de la bile.
Pour des mots qui me touchent de près, ceux de l’éducation nationale me taraudent : ridicules mais loin d’être anodins, avec le mammouth sous moumoute qui travaille à rendre les enseignants à vocation d’animation aussi incompréhensibles que des banquiers, des notaires.
La mutation du rôle de l’école en arrive à un stade accablant : on renonce à la transmission pour gagner une tranquillité illusoire.
Dans la réforme du collège fut choisi le camp des parents contre les profs, à rapprocher de la préférence du MEDEF plutôt que des syndicats en d’autres légiférations,  mais les amadoués n’ont guère de reconnaissance.
« Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre ».
Churchill est sans doute trop grand pour appliquer ses mots à une réalité de l’école assoupie. Mais par ailleurs, là sur nos trottoirs, que fuient Soudanais, Erythréens, sinon la guerre ?
Plus nos gouvernants font les malins, plus la réalité les dément. L’état ne fait plus la loi dans certains quartiers, on le sait.  Et on n’ose voir le poids financier des organisations criminelles auprès desquelles, si on leur adjoint les malhonnêtes, il ne restera même plus un quelconque trésorier de Sou des écoles à pouvoir se promener la tête haute.
Tiens, le Sou des écoles de Saint Egrève risque de mettre la clef sous la porte.
………….
Dans "Le journal du jeudi" à Ouagadougou repris par "Courrier international", une vision peu flatteuse de la France :

jeudi 18 juin 2015

De Picasso à Warhol - Une décennie d'acquisitions.

Visite guidée par Etienne Brunet au musée de Grenoble.
Plaisir de la révision des dernières expositions avec quelques regrets d’en avoir manqué quelques unes, avec à chaque fois, la chance d’apprendre sous la houlette d’un passeur qui aime partager ses connaissances, tout en rappelant des réflexions de ses élèves pour ajuster son propos et le rendre palpitant.
L’exposition qui se tiendra jusqu’au 30 août  2015 est installée pour nous permettre de mieux comprendre la cohérence de l’institution muséale où l’entregent des conservateurs joue aussi son rôle.
La réactivité permise lors d’acquisitions par « Les Amis du Musée » vient compléter, dons et mécénat, sous l’œil confiant, jusque là, de la Ville, de la Région, de l’Etat et leurs engagements.
Depuis sa fondation en 1798, le musée a acquis une notoriété certaine ; il s’agit là des emplettes les plus récentes.
Parmi 150 peintures, photographies, sculptures, des dessins par exemple témoignent d’œuvres en devenir, et assurent des liens avec un ensemble déjà riche auquel Le Louvre ou Beaubourg, maintenant décentralisés, ne peuvent plus guère apporter de compléments.
Contemporaines, modernes ou anciennes, les œuvres bougent, correspondent entre elles.
Dans la première salle, peut on s’arrêter devant le travail de Van Dongen, peintre en milieu mondain  quand il utilise les réserves comme le fit Matisse ? Un modèle de Camoin saute aux yeux. 
Bonnard en nommant sa toile «  Nature morte jaune et rouge » annonce que les moyens plastiques l’emporteront sur le sujet.
Nous traversons les écoles : « Support et surface », « Arte povera », « Nouveau réalisme » et la question du choix revient : pourquoi accrocher cette toile? Pourquoi l’acheter ?
Et si le musée ne pourra jamais se payer un Duchamp, le fantôme du pape de la modernité traverse les murs et nous tire par les pieds :
« S'ils savaient que l'art n'est déjà plus la peinture ! »
Le « Verre » de Picasso, achat récent,  avec une épingle  plantée dans son collage marque une fois de plus l’histoire, après les étapes du cubisme cézanien, analytique, et synthétique.
Picabia saisit un mouvement mais la couleur n’entre pas dans ses lignes.
Plus loin Chaissac, le fatigué, peut dialoguer avec Dubuffet et l’art brut, Arthaud bouillonne sous des traits stoïques.
Derrière « Jackie » du bleu de la mélancolie, d’Andy Warhol, se devine le profil de John Kennedy d’un siècle « pop art » enfui, il y a plus de 50 ans.
Arman dans une des ses « colères » accumule les guitares, Villeglé prélève des affiches quand Spoerri appelle une archéologie nouvelle pour découvrir son « déjeuner sous l’herbe ».
Ryman et sa surface blanche interroge : l’idée l’emporte sur la production. Le contexte sacralisé fait l’œuvre, qu’est ce qu’une œuvre d’art, une image ? Suffira-t-il d’apercevoir  notre reflet sur un escalier en laque noire pour nous sentir en ascension ?
C’est de l’art minimaliste, un miroir est installé tel quel.
Muñoz lui pose un personnage qui n’arrive pas à se voir devant son miroir, il a les yeux fermés et nous pouvons réfléchir.
Penone présenté récemment place Lavalette est encore dans nos mémoires
Parmi d’autres invités de ces dernières années, Wolfgang Laib et ses pollens avait frappé les esprits.  Ainsi que Thomas Schütte se moquant des catégories avec des têtes monumentales en poterie émaillée,  
David Tremlett, peintre voyageur, avait retenu les œuvres fugaces d’Inde et magnifié le détail d’une précieuse feuille d’arbre tombée sur une place africaine.
Une vidéo de Bruce Nauman fut acquise avant la vogue de cette forme d’expression.
Spoil : une souris va passer dans le champ d’une caméra braquée sur un bureau pendant une heure, genre première caméra de surveillance, verdâtre.
Merz met la main, « Cinq doigts », comme un rappel des empreintes contre les parois préhistoriques avec des matières très présentes dans un expressionisme impressionnant.
Et une « origine du monde » en fin de parcours sculptée dans le bois telle une Fanny de jeu de boules, répond à la prostituée de Camoin  en début de visite : qu’est ce qu’un modèle ?
Je guetterai si Favier est dans les parages car ce que j’ai aperçu titille les curiosités.

mercredi 17 juin 2015

Pour toi Grenoble. Red Kaos 94.

Le plus actif club de supporters du GF 38, RK 94, a rédigé un ouvrage collectif consacré à un siècle de football grenoblois et même un peu plus, puisqu’ils datent de 1892 la naissance de l’ « association athlétique du Lycée » Champollion, club omnisport comportant une section « football association » pour le distinguer alors du  « football rugby ».
La rédaction de ces 217 pages n’est pas le fait de professionnels et comporte des maladresses qui en font le charme pour le lecteur bienveillant, malgré un manque de synthèses percutantes. Depuis une bannière « red » on peut attendre une lecture plus politique du foot à Grenoble, y compris avec une prise de recul sur le phénomène supporter qui aime rappeler l’histoire et parle « gône » à Lyon et « minot » à Marseille. L’iconographie est également  un peu répétitive à base d’image de fumigènes ou de « bâches » pour reprendre une expression d’une culture « ultra » qui combat le racisme en ce qui concerne la branche grenobloise arborant volontiers l’effigie du « Che ». Ils ont animé la tribune Finet à Lesdiguières avant les grandes heures, trop brèves, au stade des Alpes.
Le club dirigé longtemps par Pierre Behr  avait été tenté par le professionnalisme en 1942, abandonné sous Pétain qui voyait d’un mauvais œil « la perversion par l’argent et la spécialisation qui nuit au développement harmonieux du corps » et à nouveau essayé dans les années 50. La variété des dénominations du club atteste sa fragilité  pour ne retenir dans l’histoire récente, utile à rappeler : l’OGI (Olympique Grenoble Isère), la fusion avec FC La Capuche, le FC Jojo, Norcap. Série en cours.
Roger Garcin, administrateur au club depuis 53 ans reconnaît « qu'en ayant connu 24 présidents, trois dépôts de bilan et un redressement judiciaire, le club ne s'est jamais stabilisé et qu'il faut à chaque fois recommencer à zéro ».
L’équipe dont la devise est « Ensemble, gagnons les sommets » a longtemps été assidue de la deuxième division avec deux titres dans les années 60. Sa dernière présence en ligue 1 a valu au groupe entrainé alors par Baždarević, le record à l’échelle européenne de 12 défaites en 12 journées, et pourtant cette année là, en 2010, les équipiers de Ljuboja ont infligé un 4/0 au PSG.
Le livre a été écrit avant la victoire de cette année contre l’OM où  figuraient Romao, Dja Djedje, Thauvin, anciens de la rue de Valmy (adresse du SDA stade des Alpes).
Mais j’ai retrouvé le compte rendu de la rencontre contre le Reims de Kopa et Piantoni qui  rassembla 22 334 personnes, record d’affluence qui tient encore. C’était le 11 novembre 1960 et les commémorations de l’armistice en avaient été perturbées : il manquait 22 musiciens sur les 35 de la fanfare. J’y étais et j’étais triste car l’équipe rémoise ma favorite avait perdu.
Alors entrainée par Albert Batteux, le prestigieux tacticien viendra plus tard dans les Alpes où il laissera le souvenir d’un homme exceptionnel qui face aux retards de paye du club le plus fauché de l’hexagone « assurait le salaire de quelques joueurs sur ses propres deniers ».
Les temps changent.

mardi 16 juin 2015

Etat de veille. Davide Reviati.

350 pages de dessins dynamiques pour la chronique d’une cité ouvrière construite au bord d’une usine pétrochimique italienne où les parties de football scandent le quotidien d’enfants qui vont vieillir. Sévéso et Cabrini.
Ils savent :
« Pisse de chat : Acétylène.
Punaise écrasée : Ammoniaque.
Gomme et sucre brûlés : Phénol. »
La réalité économique d’où sourdent les émanations les plus délétères constitue un arrière plan  spécifique face à l’insouciance de l’enfance fondatrice de souvenirs pour adultes environnés de morts. Monde clôs et vie dehors.
« Je me suis mis là et j'ai écrit, j'ai dessiné. J'ai parlé. Mais là non. Je ne peux pas. Je voudrais, crois-moi. Je voudrais tant te parler de tout cela. Je voudrais te dire la vérité. Mais la vérité ne tient pas aux faits, Ettore. Ni même aux histoires. La vérité, c'est autre chose et je ne sais pas l'interpréter. »
Au-delà de ce territoire, de cette époque, une recherche vibrante où les rêves sont confrontés à la vérité la plus nauséabonde. Le titre est trompeur l’état est plutôt rêveur bien que là bas les ouvriers doivent veiller

lundi 15 juin 2015

La loi du marché. Stéphane Brizé.

Bien que la séquence initiale soit remarquable et en annonce d’autres également fortes, j’ai craint que Lindon ne délivre trop de leçons comme il en adresse d'emblée une à l’employé de pôle emploi. Eh bien pas du tout ! Il encaisse beaucoup et sa résistance à la violence qui accompagne tout son parcours n’en est que plus remarquable, jusqu’à l’issue ouverte.
Si tant de commentaires louent l’interprétation retenue, j’ai surtout apprécié les dialogues, et les plans séquences qui laissent de la place au spectateur pour compatir et s’indigner.
Une fois encore le vocabulaire a tout son poids : celui employé par un chef d’établissement scolaire tellement policé maquille la vérité. Implacables, sont les mots de la banquière qui essaie de placer ses produits et à l’occasion d’un pot de retraite, dérisoires. Lors d’un entretien simulé, les critiques d’autres demandeurs d’emploi sont impitoyables.
Pour un enterrement, la musique suffit.
J’ai bien aimé que ce film ne soit pas convaincant : il n’y a pas de vainqueur dans la discussion avec les syndicalistes de son ancienne boite, juste la complexité de la réalité.
J’ai bien aimé aussi que certaines scènes prennent leur temps pour une négociation pour le prix du mobil home dont le couple doit se séparer : il faut ça.
Ou pour une leçon de danse qui débouchera sur un moment d’émotion avec le fils handicapé.
 « Et puis la foule s'est mise à marcher
Au pas de loi du marché
Et c'est la CAC qu'a commandé
C'est le CAC qu'a cadencé »
Souchon
Quelle est l’issue ? Les vigiles nous rassurent, mais quand tant de voyous se gobergent, l’injustice à punir une caissière pour quelques points fidélité indument grappillés nous révolte.
Et parmi tant d’arrogance des filous, cette brève qui n’est pas du cinéma: un ouvrier de Peugeot vient d’être menacé de licenciement pour des gants de travail retrouvés dans son sac.  

dimanche 14 juin 2015

D’après une histoire vraie. Christian Rizzo.

Les hommes arrivent les uns après les autres sur la scène et se mettent à danser au sol, s’accordant parfaitement dès leur entrée. Ils sont huit.  Après un moment de silence attentif, les deux batteurs se mettent à jouer doucement, puis la scène s’anime.
Combinaisons à deux, trois, quatre, cinq ou six ou sept ou huit.
Je n’y avais pas pensé pendant le spectacle : les gestes évoquent les danses folkloriques de Turquie, de Grèce, mais de les voir chacun avec leur personnalité et leurs accords parfaits en jean et manches courtes, j’avais oublié l’idée de départ. L’histoire vraie : c’est une danse très brève, intense aperçue en Turquie qui avait impressionné le chorégraphe, il a fait un malheur à Avignon : du bonheur. Une heure dix.
Lier, transporter, battre, prendre par les épaules, par la main, rejeter la tête en arrière, frapper, enchainer, tomber, virevolter, rejoindre, se redresser, reprendre, se souvenir, marteler, se surpasser, ensemble, seul, tricoter, jouer.
J’ai pensé à des danses enfantines, des rondes, « enfilons les aiguilles, les aiguilles ».
Les batteurs sont des dingues, ding ding , doum doum.
Simple et sophistiqué avec l’évidence de pulsations primales et la jubilation des découvertes.
Il fallait bien que ça s’arrête, trop intense !
Clac, noir.


samedi 13 juin 2015

Que sont tes rêves devenus ? Alain Rémond.

Avec une telle promesse dans le titre et arriver à « mais honnêtement, tu ne sais pas trop ce qu’il faudrait faire pour arriver à s’en sortir alors que tout semble empirer, aller de plus en plus mal. » : la déception est au rendez-vous du comptoir du commerce.
Bien sûr il y a l’honnêteté du chroniqueur et de l’écrivain que j’apprécie
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/06/tout-ce-qui-reste-de-nos-vies-alain.html  
mais j’attendais plus de souffle, d’originalité chez celui qui fut à Télérama,  aux Nouvelles Littéraires, à Marianne, journaux qu’il quitta à chaque fois pour ne garder que son billet à La Croix.
Souvenirs de soixante huitard, de la deuxième gauche : il y a de quoi partager, bien que n’ayant pas « fait le séminaire », ni rencontré Bob Dylan.
Mais la rédemption de Mitterrand, parce qu’il parle de cinéma lors d’un de ses ultimes discours, me semble un peu facile.
Et même si le tutoiement qui court tout au long des 185 pages faciles, trop faciles à lire, n’ajoute pas à la connivence ; que nous étions candides !
« Tu le voyais comment ce monde meilleur, ce monde parfait ? La paix, l'amour, la fraternité, tous frères, tous unis dans le refus de la haine, de la violence, dans le respect des droits. »
Il n’en devient pas cynique comme tant de baby boomer que nous fûmes, mais sans guère d’illusions : les rêves sont tombés par terre c’est la faute à …

vendredi 12 juin 2015

Passion.

Un camarade voisin m’a transmis une vidéo de Didier Porte
http://la-bas.org/la-bas-magazine/videos/didier-porte-parlons-passion
où l’indigné permanent ridiculise une vidéo de la CASDEN (banque de l’éducation nationale) qui était sensée susciter des vocations pour le métier d’enseignant. Visiblement sans succès.
Le ridicule des témoignages se suffit à lui-même pour mettre en évidence le vide des propositions des communicants, la naïveté de certains collègues, la dégringolade de nos valeurs. Mais par effet de symétrie, je ne peux me résoudre au ricanement permanent, au cynisme désabusé, aux paroles tonitruantes tout le temps dénigrantes.
Oui des conditions de travail sont indignes, mais ce doit être encore possible de faire grandir des élèves, leur faire découvrir les algorithmes de la table du 9, l’héroïsme de Gavroche, inventer une nouvelle planète pour Le Petit Prince, voir un Y.E. B. écarter les bras en « King of the world » à la proue du canot pneumatique dans l’estuaire du Belon…
Il y eut des classes à 30 chaleureuses, rieuses, travaillant. Il y a des élèves qui toujours ont faim de savoir et rencontrent des enseignants qui ont la passion de leur métier. Pourvu que tous les donneurs de leçons ayant déserté les classes ne les accablent pas trop de circulaires, de consignes de réformes et de méformes http://ednat.canalblog.com/archives/2015/04/18/31912522.html et que leurs instructions cessent de miner l’instruction.
Les gnangnans m’insupportent, les toujours niant également :
 «Je suis l'esprit qui toujours nie!
Et c'est avec justice; car tout ce qui naît
Est digne de périr;
Il serait donc mieux que rien ne naisse,
Ainsi, tout ce que vous nommez péché,
Destruction, bref, ce qu'on entend par mal,
Voilà mon élément propre.» «Faust» de Goethe.
Oui je vais chercher dans les siècles morts, des mots, et Hugo Victor en  grand père me rassure, en 2015, je connais une petite fille qui fait bouquet de la moindre pâquerette, ébauche un rêve avec un morceau de tissu en tant que diadème, et ne rencontre personne pour médire de sa fierté de tracer au pinceau les trois lettres de son prénom.
Dans le square en bordure du revêtement sécurisé, les enfants creusent le sol caillouteux, il n’y a plus de bac à sable : trop dangereux, les chiens y chiaient, les toxs y laissaient des seringues. Il faut voir aux belles heures du petit matin quand la ville s’apprête, tout ce travail pour suppléer nos négligences.
Barde barbant, je me mets à la lyre : tous ces papiers laissés, ces mots usés, obstruent nos regards, empâtent nos océans, portent le doute sur notre bien le plus précieux dont Danton disait :
« Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple.»
Le pain fait grossir, et les bacs plus douze ne vont pas se lever à point d’heure pour voir la pâte à pain lever !
…………..
Pas  besoin de dessin cette semaine, les hommes de pouvoir se caricaturent eux-mêmes.

jeudi 11 juin 2015

Jean Siméon Chardin (1699-1779) : "la peinture silencieuse".

Conférence de François Conan.
Le peintre a connu une carrière au succès public retentissant. Son style est nouveau, naturaliste, son goût du détail, sa technique, son travail sur les couleurs en couches appliquées les unes sur les autres pour créer le relief font de cet homme modeste, lent, pas très bon dessinateur, un artiste apprécié par les plus grands de son temps, de Catherine II de Russie à La Pompadour et à Diderot...
Né dans une famille d'artisans, son père, maitre menuisier, spécialisé dans la construction de billards avait le culte de l'objet bien construit, il est d'abord l'élève de Pierre Jacques Cazes dont l'atelier propose peu de renouvellement : les thèmes mythologiques sont cependant parfois abandonnés au profit des nouveautés plus « champêtres ».
D'abord « faiseur d'enseignes », il se lance dans les natures mortes chez son nouveau maitre, Antoine Coypel. En 1724 il rentre à l'Académie de Saint Luc. Il a son atelier, peint peu de portraits  car il a des difficultés avec la perspective d'où ses fonds rapprochés, produit des « singeries flamandes » très à la mode, des « alimentations ». Ses textures sont sobres, il utilise la peinture « avec probité » disait-il.
En juin 1728 « La grande raie »coup d'éclat à la flamande (fenêtre et lumière,
raie choquante car très réaliste.) lui ouvre en septembre les portes de l 'Académie
Royale où l'on crée pour lui un genre spécifique de « peintre de cuisines, de légumes et
de batteries de cuisine » ! Il produit beaucoup, devient très célèbre, pour le rendu de ses
couleurs la précision de ses observations, sa rigueur, sa sobriété. Il est rapidement
collectionné par les peintres et la haute société. Il domine l'art de la nature morte et
reprend les modèles mis en place dans plusieurs toiles.


1731 « Menu de maigre » et « Menu de gras » développent la réflexion autour
du carême.
Il aborde de nouveaux thèmes : attributs des arts et des lettres, des sciences ; scènes de
genre : après les objets, il peint leurs utilisateurs : 1734 « La bulle de savon » (plusieurs versions), « Femme à la fontaine »...
« Fontaine de cuisine », grand camaïeu de bruns avec des taches de blanc est
l'icône de Chardin.
Après 1735 (mort de sa femme à 25 ans) il produit moins, très affecté. 
Des portraits d'enfants, de nombreuses reprises.
1738 « Le toton ». « Le bénédicité » de 1740 est acheté dès 44 pour les collections royales.
Remarié en 44 il est plus serein, peint des scènes d’intérieur familiales,
« La serinette » de1750 (plusieurs versions) et revient à la nature morte après la mort d'Oudry, le grand spécialiste. 1756 « Le bocal d’abricots »; Le « Bocal d’olives » enthousiasme Diderot.
En 1760, « Vase de fleurs » est une réflexion sur les coloris et la lumière.
En 1761 le « Panier de fraises des bois » a un grand retentissement.
Il est pensionné et logé par le roi. Il est associé à des projets d'envergure : dessus de portes pour châteaux, en France, pour Catherine II, pour le frère du roi de Suède ...
Sa vue baisse, sa palette s'assombrit. A partir de 71, à 70 ans, il se lance dans le portrait au pastel (couleurs établies plus faciles à utiliser et travail plus rapide). 
Entre autres, plusieurs « Autoportraits » sans concessions, le dernier datant de 1779, quelques semaines avant sa mort.
Il a toujours refusé d'avoir des aides et n'a pas fondé d'école.
«Avec la peinture on se sert de couleurs mais on travaille avec le sentiment »
Ce compte rendu a été rédigé par Dany Besset.