samedi 30 avril 2011

Petite fille.

Mia est venue au monde le 29 avril 2011
chez Stéphanie Claudin et Julien Chassigneux.

lundi 25 avril 2011

Avatar. James Cameron.

A la télévision, les images sont déjà impressionnantes, alors avec la 3D qu’est ce que ça devait être ! Des restes de snobisme m’avaient conduit à ne pas apporter ma part à la recette de plus de 2 milliards d’Euros générée par cette production qui avait nécessité 10 ans de maturation pour près de 3h de film menées bon train.
Sur la planète Pandora chaque pas génère une auréole phosphorescente et les êtres bleus qui l’habitent harmonieusement ont l’oreille expressive, la tresse branchée; ils sont bien plus humains que les méchants terriens impérialistes qui viennent voler leur énergie. L’humidité qui règne chez eux ne leur cause pas de sinusite malgré l’épaisseur de leur appendice nasal qui heureusement filtre bien une atmosphère fatale aux habitants des vaisseaux colonisateurs.
On ne retient que les images brillantes, les trouvailles visuelles ; l’hybridation des humains et des êtres virtuels est le sujet même du film dont la réalisation est époustouflante dans la lignée des projectionnistes et leur lanterne magique.
« Alien » c’était il ya 24 ans et Sigourney Weaver était déjà là.
Peu importe le schématisme du propos et les personnages caricaturaux, le cinéma ne change pas le monde : ceux qui conduisent les machines implacables de destruction de notre planète n’ont pas levé le pied. Pas du tout : après l’échec de Copenhague, il ne nous reste qu’à réciter quelques mantras et mettre dans la poubelle adéquate les jouets qui devaient mener vers un Eden situé aux confins de nos imaginations.
…………
Je reprends samedi 30 avril les publications sur le blog.

dimanche 24 avril 2011

Le requiem de Fauré. Michel Corboz.

J’ai toujours l’impression de faire mes premiers pas quand je vais à un concert de musique classique et n’avoir que des clichés à ma disposition à la sortie.
Ah, la précision suisse, la retenue ! C’était l’ensemble vocal de Lausanne.
En 1915, Fauré, le fils d’instit ariègeois, pouvait dire: « L'effroyable tempête que nous traversons nous rendra-t-elle à nous-mêmes en nous rendant notre sens commun, c'est-à-dire le goût de la clarté dans la pensée, de la sobriété et de la pureté dans la forme, le dédain du gros effet ! » Il a connu Wagner et n’est pas tombé sous sa coupe.
Je ne sais ce qui fait le phrasé de Fauré goûté par les musiciennes, je sais seulement que sa pavane me transperce à chaque fois, mais je n’ai pas été bouleversé ce soir, même si j’ai aimé l’harmonie des voix et des violons. Par contre j’ai vraiment apprécié Haendel en première partie où il est question aussi d’un « seigneur qui écrasera les rois ». Mon inculture m’avait fait prendre ce morceau fondateur pour un requiem que je trouvais bien gai avec des airs évoquant les Carmina Burana qui me sont plus familières, avec trois siècles d’écart. Mais c’est comme si j’avais pris mon dessert avant le plat de résistance : les délices baroques de l’allemand m’ont assourdi les nuances du français en majestueux ensemble où « les anges te conduisent au paradis »
pour « qu’avec Lazare, jadis si pauvre, tu connaisses le repos éternel. »
Pas de tonitruant jour de colère ( Dies irae), mais une acceptation douce de la mort par le maître de la chapelle qui avait éprouvé le besoin de renouveler la musique religieuse qu’il se devait de jouer à la Madeleine.

samedi 23 avril 2011

La carte et le territoire. Michel Houellebecq.

Ces 400 pages ne sont pas anodines, et c’est tellement bien de s’empoigner pour de la littérature, pourtant je m’aventurerai prudemment dans un commentaire venant après tellement d’avis autorisés.
Les Inrocks ont bien repéré que chaque personnage est en fait l’écrivain : le peintre personnage principal, le commissaire de police, Houellebecq lui-même tient un rôle éminent, mais aussi le chien bichon Michou, voire un chauffe eau en objet signifiant. Qui n’a pas écouté son Chaffoteau ne sait pas ce qu’est la vie, ni la solitude. Même si ce n’est pas tout à fait neuf depuis Flaubert en Madame Bovary. De l’auto fiction, de l’anticipation, une vision acérée de notre époque, de la poésie, de l’ironie, de la mélancolie.
Oui « la carte est plus intéressante que le territoire » : le roman cartographie la réalité.
Beaucoup de critiques ont parlé d’une moins grande âpreté dans cette livraison de l’amer, j’ai remarqué des plages de tendresse, mais le tableau est toujours aussi désespéré.
« La voix des gens ne change jamais pas plus que l’expression de leur regard. Au milieu de l’effondrement physique généralisé à quoi se résume la vieillesse, la voix et le regard apportent le témoignage douloureusement irrécusable de la persistance du caractère, des aspirations, des désirs, de tout ce qui constitue une personnalité humaine. »
Je suis entré dans ce livre en entendant la voix de Lucchini, et mon plaisir en était grandi avec la grandiloquence, l’intensité et l’humour correspondant à celui qui ne cesse de raviver les classiques de préférence désabusés et décapants. La présence de Julien Lepers et d’autres n’est pas artificielle comme dans beaucoup de productions oubliables : j’ai ressenti cette œuvre comme un symptôme de notre temps, un point de vue « moderne » sur notre monde, un exercice jubilatoire d’écriture.
Au pays de Jean Pierre Pernaud, il braque sa frontale sur l’argent roi et la douce fin des territoires dans La France en passe de devenir un musée vidé de toute authenticité. Sa réflexion sur l’art n’est pas académique mais d’une efficacité certaine qui va bien au-delà d’un avis amusant sur Picasso qui alimenta les gazettes mais interroge les valeurs de notre société.
Avec minutie il nous fait relire les notices des appareils photos, les dépliants publicitaires :
« Un sourire vous entraînera du jardin (espèces méditerranéennes) à votre suite, un lieu qui bousculera tous vos sens. Il vous suffira alors de fermer les yeux pour garder en mémoire les senteurs de paradis, les jets d'eau bruissant dans le hammam de marbre blanc pour ne laisser filtrer qu'une évidence : ici, la vie est belle. »
Il nous rend moins benêt pour un temps, mais désespéré, déshérité pour longtemps; pendant trois semaines je n'ai pas ouvert un roman.

vendredi 22 avril 2011

Contre le chômage de masse et la précarité. Crise financière ou crise sociale ?

4‭ ‬618‭ ‬000‭ ‬inscrits‭ ‬à‭ ‬Pôle emploi‭,
Plus de ‬1‭ ‬100‭ ‬000‭ ‬en deux ans. ‬
500‭ ‬000‭ ‬personnes ont été rayées des‭ ‬fi‬chiers et ‬moins de la moitié‭ ‬ont retrouvé‭ ‬un emploi‭.
La plupart sont en‭ ‬fi‭n de droit‭.
« Depuis deux ans, on s’est contenté de déplacer les fauteuils sur le pont du Titanic »
« On a fait une perfusion au malade qui a une hémorragie interne. » Stieglitz
Il y en aura toujours des malins qui savent tout, pour trouver les débats conventionnels, superflus, mais étonné par l’éloignement de la préoccupation de l’emploi de nos écrans, en béotien de l’économie, je suis venu à l’écoute d’un panel qui me semblait intéressant aux états généraux du Renouveau à la MC2.
Pierre Larrouturou, qui a prôné la semaine de 4 jours au PS avant de rejoindre Europe écologie avait bien préparé son exposé et son image de l’iceberg me parle.
« La partie émergée de l'iceberg (les finances, la monnaie) est bien évidemment très commentée, mais le vrai danger nous vient du chômage, des inégalités, et d'une cupidité devenue menaçante pour la prospérité de tous. Le chômage n'est pas seulement une conséquence de la crise, il en est une des causes fondamentales. En bref, nous sommes confrontés à un appauvrissement social terrible, et en Chine, cela pourrait même entraîner de grands désordres politiques et sociaux à court terme. »
Lionel Zinsou, banquier, ancien conseiller de Fabius, d’un optimisme qui m’a semblé surjoué a permis au débat de s’animer en contredisant Paul Jorion qui avait prévu, lui, la crise des subprimes. Le sociologue voit en 2007 comme en 1929 des concentrations de fortunes avec en plus des manipulations de la bourse américaine et des jeux dangereux des spéculateurs sur les matières premières. Jacques Mistral, ancien conseiller de Rocard cherche son modèle plutôt du côté de l’Allemagne et la pauvre Karima Dalli de chez Europe écologie, seule politique en milieu économiste, a paru bien légère malgré une langue de bois bien épaisse.
La dérégulation, les dettes qui explosent datent de Ronald Reagan, et si nous sommes au terme d’une phase de croissance longue, la France est dans une situation financière précaire, le pays vit au dessus de ses moyens, l’écroulement est programmé et aucune mesure n’est prise. On parle de "global collapse".
C’est alors que j’ai arrêté de prendre des notes, les bons du trésor américains me seront toujours intellectuellement inaccessibles bien qu’ils soient dit on déterminants.
L’iceberg se rapproche, et sous la banderole du titre du débat je ne vois plus goutte.
………………
Au premier jour, Dieu créa le soleil. Et le Diable créa les coups de soleil.
Au second jour, Dieu créa le sexe. Et le Diable créa le mariage.
Au troisième jour, Dieu créa un économiste. Le Diable était plutôt ennuyé.
Il réfléchit un moment et créa... un second économiste.

…………
Dans le Canard de cette semaine : La photo du crucifix plongé dans l’urine : « Cette affaire n’a que trop d’urée ».
Même discours, quatre ans après, dans les Ardennes : « L’assassin du pouvoir d’achat revient toujours sur les lieux de ses frimes !»

jeudi 21 avril 2011

Jean Loup Sieff

Ses photos en noir et blanc m’ont parues plus éloignées dans le temps que celles de Cartier Bresson ou Doisneau dont les personnages sont pourtant habillés à la mode d’une époque antérieure. Les prises de vues en studio, saisissent le temps qui passe sur les corps: Reggiani, Rempling, Sagan, Deneuve, Yves Saint Laurent... Photos parfaites de femmes parfaites, aux lumières caressantes avec si peu de dentelles. Très magazine des élégantes, 60 chic, avec parfois sur des pages face à face, des statues funéraires du cimetière du Montparnasse et des modèles aux drapés magnifiques, irréelles. Le grain de peau sous une robe si petite recèle une sensualité explosive et commence bien la série en portant la nostalgie de ces années : « faites comme si je n’étais pas là » disait-il à ses poseuses. Nous ne sommes plus là en 2011.

mercredi 20 avril 2011

Touristes en chine 2007. # J 14. Eaux à Dali.

Lever matinal (4h50) pour prendre l’avion. La pluie n’a pas cessé depuis hier au soir et d’après Yuihu c’est une pluie moyenne, il y aura une petite pluie à Dali.
Vol assez rapide. Par le hublot nous voyons beaucoup de verdure, des cultures, des lacs, de la terre rouge.
Installation et repos d’une heure à l’Asia hôtel après prise en charge par un nouveau chauffeur. Nous sommes au centre de la région du Yunnan dans la ville du marbre (marbre se dit : pierre de Dali) en général blanc veiné de gris comme dans les montagnes dans la brume des peintures classiques.
Dali est la ville de l'ethnie minoritaire Baï, qui signifie blanc. Pour les fêtes le costume des femmes est blanc, les pantalons et hauts sont brodés de roses roses, les coiffes sont très particulières. Pour tous les jours : les vêtements sont bleus, fermés à la chinoise.
Nous nous dirigeons vers le lac Erhai (oreille à cause de sa forme) en longeant des champs par une route en galets. La terre est noire, où poussent des aubergines, salades, maïs, sur des tables sans mauvaises herbes. Nous croisons un très beau ficus chenu aux racines impressionnantes. Quand nous embarquons pour une croisière sur le lac avec un groupe de jeunes chinois, nous voyons une bonne troupe de cormorans attachés destinés à la pêche. Nous visitons l’île Jinsuo Dao où le marché est sur le quai avec ses coquillages, crevettes séchées, civelles, poissons chats, poissons qui se dégustent sur place.
Yuizou nous conduit à un charmant temple de village, de taille et de décorations modestes qui abrite aussi un club du troisième âge. Les vieux tapent le carton, au premier étage les vieilles chantent des soutras répétitifs accompagnées de percussions : 2h le matin, 2h l’après midi. Elles sont installées toutes vêtues de bleu face à face, perpendiculaires à l’autel devant lequel prie une des leurs, le bâton d’encens à la main. Images fortes où l’on retrouve des pratiques magiques qui évoquent le chamanisme. Nous nous promenons dans le village aux demeures authentiques qui s’effondrent.
La vieille ville de Dali est orientée Sud/Nord bien sûr. La porte Sud est d‘une épaisseur conséquente. La grande rue est bordée de saules, trop restaurée, flanquée de boutiques à touristes, les néons cachent trop à notre goût les façades des vieilles maisons plus modestes et différentes de celles de Pingyao.
Restau de poissons, carpes, cèpes et aubergines très épicées.
Visite des trois pagodes SanTa Si : jolis jardins, les trois pagodes ont des airs penchés. Des pétards attirent l’attention de Yuizou, il nous conduit à une fête dans un petit monastère. Fête des enfants, au cours d’un énorme pique-nique. Des offrandes sont disposées devant les autels bourrés d’encens et dans le temple (poulet, papiers écrits par un écrivain destinés à être brûlés dont la fumée s’envolera jusqu’à Bouddha). La salle où les femmes se sont protégées de la pluie est enfumée comme une salle hors sacs. Dans les champs l’on reconnaît des plans de cannabis. Des femmes portent des palanques ; retour dans le centre et découverte du marché. Repas au Yunnan café : rouleaux aux crevettes excellents, retour à pied à l’hôtel.

mardi 19 avril 2011

Bienvenue dans le monde merveilleux de l’informatique. Scott Adams.

Un volume dans la vie du héros Dilbert d’origine américaine dont les tirages se comptent en millions d’exemplaires avec des traductions en 22 langues différentes dans des milliers de journaux.
Charly Brown serait devenu ingénieur informatique et porterait une cravate réticente, Snoopy serait rémunéré en tant que consultant et nous serions dans un humour dans la filiation de Mafalda. En trois cases, le sort en est jeté, et se révèlent les folies, les drôleries, la lucidité.
Dilbert demeure impavide, à peine effleuré par une vie de bureau absurde où le boss est incompétent et abuse du langage managérial.
- Excellent rapport. Il faut juste remplacer à chaque fois le mot « utiliser » par
« exploiter ». Remplacer « aider » par « faciliter » et au lieu de « faire » mettez « entrer dans la phase d’implémentation »
- Hmm…c’est encore un peu trop lisible.
- Je pourrai réduire la taille des caractères et le photocopier sur le fax.

La mondialisation est passée par là, et tous les spécimens humains sont représentés : le sadique, le consciencieux, et même la femme qui n’est pas un archétype
De l’humour connoté, à prendre par petites doses pour en saisir tout l’arôme.

lundi 18 avril 2011

Road to Nowhere. Monte Hellman.

Dernier plan, le cinéaste tient sa caméra alors que la police cerne une maison:
“Lâchez votre arme ! ”.
Pas de quoi s’affoler : il n’y a que des balles à blanc dans ce film qui m’a laissé à distance.
La seule réussite est que les pistes sont si bien brouillées que nous devenons indifférents au scénario qui superpose au cours du tournage d’un film : la réalité, la fiction et les souvenirs.
Depuis les plans lents du début, j’avais pourtant l‘intention d’apprécier cette proposition -comme on dit aujourd'hui- mais je me suis vite lassé et je n’ai pas vu le rapport entre les séquences historiques vues sur ordi et le scénario.
...........
Robert Mitchum est mort. Olivier Babinet
Et le cinéma se sent un peu patraque. Enième road movie dans des voitures volées où Olivier Gourmet en agent peu artistique conduit un autre looser qui passe son temps à dormir vers un festival minable sur le cercle polaire. Là quelques haut-parleurs crachotent sur le parking désert, un pôle encore qui ne fait plus rêver. Triste.

dimanche 17 avril 2011

Thelonious Monk. Antoine Hervé.

Pour clôturer la saison des leçons de jazz à la MC2 Antoine Hervé a fait parler le piano dans un hommage à celui qui fut surnommé « Melodious Thonk ».
Pour dénoncer les donneurs de leçons en politique qui parlent beaucoup sans se mouiller, j’avais retenu l’expression : « ceux qui jouent du piano en se tenant à dix mètres du clavier »
Ce soir, Antoine Hervé a mis les mains dans la musique et nous a servi un beau concert pendant une heure et demie. Je m’étonnais qu’il ne tourne pas les pages de ses partitions c’est qu’il a improvisé en hommage au pianiste inventif qui a influencé des cohortes de musiciens. Je révise ce que le pédagogue et le virtuose m’ont fait découvrir cette année : les phrases musicales qui se répondent, qui varient, des oiseaux au vol imprévisible, des ruptures, des surprises, de l’humour, la recherche d’un horizon qui fuit dès qu’on s’approche. Le charme de cette route est dans ses détours, ses zigs et ses jazz.

XXI. Printemps 2011.

Le trimestriel culte en son numéro 14 est toujours aussi passionnant, varié, une bouffée de fraîcheur dans l’air pollué du temps. 37 pages consacrées à « nos meilleurs vieux » avec des religieuses qui ne veulent pas aller en maison de retraite, un groupe de féministes qui imaginent une maison pour partager du temps et la rencontre de délinquants qui ne sont plus jeunes du tout. Le reportage photographique est consacré aux enfants qui vivent en prison avec leurs mères à Buenos Aires et la bande dessinée décrit la route du kif au Maroc. C’est Jonathan Littell le reporter au Sud Soudan, un pays neuf. Nous partageons la tournée d’un facteur à Kaboul, la vie d’un contrebandier dans le Sinaï et quelques plans sur les riches de Rio qui voient la vie du haut de leur piscine sur les toits. Des portraits hauts en couleurs d’un américain qui fut un compagnon de Mao et du patron d’Emmaüs Défi. Les brèves sont toujours pertinentes. Je n’avais jamais entendu parler d’Isabelle Lambret qui a vécu 9 mois en captivité en Somalie, son récit puissant va à l’essentiel. « J’avais raison d’y croire » dit elle quand elle retrouve la liberté.
Dans le même esprit de reconquête, ils éditent « 6 mois » un bisannuel, 350 pages de photographies sans une virgule de publicité autour de 12 photojournalistes avec un dossier principal consacré à la Chine et des rubriques concernant l’actualité, des entretiens, des récits variés et des univers à partager : à trouver dans ces lieux rares et précieux que sont les librairies.

vendredi 15 avril 2011

La laïque part en vrille.

Je n’ai plus que le sourire daté d’une Marianne dessinée par Jean Effel sur les timbres de la quinzaine de l’école publique pour m’accrocher, quand je vois qui a ramassé le mot « laïque » pour servir à son contraire !
A gauche, nous avions déjà gémi quand le « Roublard Souverain » (appellation Patrick Rambaud) avait cité Jaurès dans des discours écrits par d’autres.
La captation du mot laïque par ses ennemis d’hier vient encore de nos abandons, le vide laissé par la religion catholique finissante nous laisse sans audace.
« Le roi est mort, la religion est morte, et les esprits s’égarent » Emmanuel Todd
Quantitatif :
La fermeture de dizaines de milliers de postes dans l’éducation nationale chaque année devient la jauge dont on s’accommode.
Pour avoir milité jadis avec la CFDT en milieu enseignant, en regardant les massacres d’aujourd’hui, j’ai encore plus le sentiment que nous œuvrions alors dans le feston qualitatif alors que l’urgence est présentement au quantitatif.


Quelques chiffres
vus dans l’hebdomadaire « Le Point »:
- 700 millions d’Euros consacrés à la gratuité de la scolarité des enfants des français à l’étranger alors que les subventions sont à la baisse pour les associations de soutien scolaire.
- Plan de cohésion sociale (réussite éducative) :
411 millions en 2008, 79 millions en 2009
- en 2005 : 62 % de la classe d’âge a eu accès au bac, ce nombre a baissé de 5% en 10 ans.
La moitié des inscrits en fac échouent en premier cycle.
- Compréhension de l’écrit, évolution depuis 2000 :
France : - 9, Allemagne : + 13
- Culture mathématique :
France : - 14, Allemagne : + 10
- Revenus d’un prof en début de carrière en 1990 : 1,6 Smic, en 2010 : 1,5 Smic
- Scolarisation des 3 ans : 35% en 2000, 15% en 2009


Fonctionnaires : Quand j’ai transmis à mes correspondants quelques mots de Michel Serres qui insiste sur les qualités de l’école française, Debra m’a répondu en soulignant l’envie accompagnant le mépris des français en ce qui concerne les fonctionnaires avec en outre les contradictions de notre modèle républicain sans cesse invoqué d’où suintent d’amères marinades. Elle partage le constat de la destruction de l’éducation nationale et s’il est facile d’approuver sa remarque que tous les profs ne sont pas des saints (encore heureux voire bien heureux en terre laïque), j’ai plus de mal à envisager que certains se vengeraient sur les enfants des frustrations générées par le système.
Des fausses poitrines sont proposées à des fillettes par des marchands aux Etats-Unis et des crèmes antirides dans les kits de maquillage pour des écolières de huit ans.
Il va falloir ouvrir une cellule d’aide psychologique pour les vieux instits.
……..
Suggestions du Canard pour les lectures de Frédéric Lefebvre pour prolonger ceux de la semaine dernière : « Ainsi parlait Zara » de Nietzsche, et bien sûr « La princesse Tam Tam de Clèves » de Mme Galerie La Fayette.

jeudi 14 avril 2011

Chagall et l’avant-garde russe.

Le peintre aux petits bonhommes naïfs n’était pas « ma came » comme dirait la femme de « Notre Fugace » (appellation Patrick Rambaud).
Dans l’effervescence du début du XX° siècle, parmi d’autres peintres, il est aisé de comprendre que « l’inclassable, l’original n’est pas né nulle part ».
La formule est de Guy Tosatto lors de sa conférence devant les amis du musée en complément à l’exposition de 150 œuvres des années 1908 à 1930 qui ont déjà attiré beaucoup de monde.
Marc, (Moïse) Chagall a adopté la nationalité française quand notre pays était un phare et non la contrée du « Phosphorescent » (appellation Patrick Rambaud) ; il est né en Biélorussie à Vitebsk et les souvenirs de son enfance là bas, où la communauté juive était très importante, vont habiter son œuvre tout du long.
Paul Gauguin le fauve, venu de l'impressionnisme, enrichi par le symbolisme, théorisera le "synthétisme", il permet au jeune russe de penser un monde où se réconcilient le primitif et le moderne.
Les icones, les gravures de la tradition populaire ont nourri la simplicité du conteur qui va au-delà de l’anecdote.
- Le violoniste sur le toit est une âme qui s’élève au dessus de la rue où un homme est mort de froid.
Ce parcours au musée de Grenoble est l’occasion de connaître Larionov et Gontcharova et leurs peintures néo-primitivistes, de voir des Kandinsky originaux avec une série de paysages aux couleurs séduisantes.
- Improvisations III est un témoignage clef du passage à l’abstraction. Les variations du titre en témoignent : « cavalier au dessus d’un pont » puis « tableau avec mur jaune ».
1912 : A l’écoute des autres et de lui-même. C’est le temps de « La Ruche » avec Soutine, Zadkine, Apollinaire, Cendrars... Les formes se distordent, les couleurs s’exaltent. Il a vu des Van Gogh, précurseur de l’expressionisme.
Dans le foisonnement des écoles qui naissent et meurent chaque année, le cubisme est passé à la postérité, retiendrai-je que l’orphisme en fut une branche ainsi que le rayonnisme ?
Le peintre errant en fera sa farine :
« Seul est mien
Le pays qui se trouve dans mon âme.
J’y entre sans passeport
Comme chez moi… »

1914 : il est contraint par la guerre de rester en Russie où il ne faisait que passer
1915 : Croix noire sur fond blanc, de Malevitch, c’est du suprématisme ; Pougny et sa boule blanche dans un tiroir repeint en vert claque comme une œuvre contemporaine, 100 ans après.
- La route vers le marché aux bestiaux mène vers le cosmos et recèle tous les âges de la vie.
- Blanc et doré, « le double portrait au verre de vin » célèbre le bonheur du couple qu’il a formé toute sa vie avec Bella.
Le futurisme saisit la vitesse, le constructivisme débouche sur l’architecture et veut signer l’avènement d’une humanité nouvelle.
Chagall dirigera une école d’art où il introduit Malevitch qui l’évincera. Ses toiles portent la trace de ces querelles avec cet indéfectible goût pour la poésie et l’expression individuelle.
« J’ai apporté mes objets de Russie et Paris leur a donné la lumière »

mercredi 13 avril 2011

Touristes en chine 2007. # J 13. De Xian à Kunming

Ce matin le rendez-vous avec Amandine est à 9h seulement, petit déj’, check out tranquille. Nous enfournons les bagages dans le minibus.
Xian a été capitale impériale pour 12 dynasties pendant 2000 ans :
de 1000 avant J.C à 1000 après.
La grande pagode de l’oie sauvage.
Explications sur le bouddhisme : histoire de Sakyamuni en jade et pierres précieuses. Sakyamuni = Siddhârta et Bodhisattva = anges
Les trois dieux : Fu = bonheur, Lu = réussite professionnelle, Show = longévité.
Près de la pagode en rénovation, des ouvriers travaillent du bois d’acajou pour les poutres du temple en construction. Les menuisiers venus du sud s’activent. Des manœuvres soulèvent de lourds morceaux d’une stèle couchée et cassée. Nous montons dans la pagode (20Y) avec ses 7 étages par des escaliers en bois. Promenade dans le jardin aux arbres vénérables. Des cerfs-volants flottent au-dessus d’une grande esplanade dallée.
La mosquée et le quartier Hui (minorité musulmane). Ce métissage a eu lieu lors du commerce de la soie. Quelques personnes en ont gardé « le long nez » ou des yeux moins bridés.
La religion du père est conservée par ses descendants.
A la descente du bus, nous traversons le souk, ruelle étroite protégée par des avancées de fortune. L’une des plus grandes mosquées de Chine ressemble en de nombreux points aux temples bouddhiques avec ses cours intérieures, son architecture et son minaret central si bas qu’il ressemble à une tour du tambour ou de la cloche. En tant que non-musulman, nous ne pouvons pénétrer dans la salle de prière dans le dernier bâtiment dont les portes ouvertes nous permettent de voir l’intérieur. La mosquée est orientée selon l’axe ouest /est et non sud/nord.Dans les rues, les femmes ont la tête couverte dans un style Bruegel et les hommes portent un petit bonnet. Dans le quartier, nous voyons les boutiques des boulangers, tripiers, des bouchers. L’hygiène n’est pas une préoccupation évidente. Nous débouchons sur une grande avenue mais nous sommes perdus. Nous essayons de nous renseigner en vain. Repas dans un restau de chinese food où une jeune femme propose son aide. Nous revenons au souk pour quelques achats : cage à criquets, cheval de bronze et coussins, sac, papier de riz.
Xian est une ville coquette derrière ses remparts longs de 14 km, les taxis verts et les bus roulent au gaz, les chauffe-eau sont solaires, les immeubles sont construits dans le style chinois. Amandine avec son efficacité s’occupe de notre enregistrement dans un aéroport moderne. Embarquement à 16h15, repas à 17h.
Kunming à 18h40. Nous trouvons notre nouveau guide Yuizou (prononcer Wizo = poisson dans le bateau), jeune homme énergique, un peu rond, maniant volontiers l’humour. Il pleut mais la température est agréable, nous sommes presque à 2000 m d’altitude. L’Hôtel Dragon comporte 4 étoiles avec des employés en uniforme de Spirou à l’entrée. Les chambres sont confortables avec fruits et eau à disposition. Le change s’effectue en 30 s, nous avons accès à nos mails. L’alcool, cadeau de Diane, ne plait à personne, nous prenons du thé à la place et faisons un repas de fruits.

mardi 12 avril 2011

Livret de phamille. JC Menu.

Jean Christophe Menu, n’est pas qu’un théoricien de la BD, il a créé « l’association » une maison d’édition qui propose des bandes dessinées essayant de renouveler le genre.
Cet épais volume aux petites cases regroupe des planches publiées dans divers fanzines, entre 1991 et 94, reliées par la teneur autobiographique des récits. L’auteur n’y est pas forcément à son avantage, mais sa sincérité est émouvante et si parfois sa femme n'est pas commode, c’est qu’elle doit assurer le quotidien et trois grossesses successives avec un mari qui est encore parfois tellement un môme : c’est qu’il est dans la BD, touchant et infernal. Les tensions entre l’intériorité nécessaire à la créativité et les tâches prosaïques est une bonne source d’humour et quand des auteurs se rencontrent avec leur égo bien reluisant, ils peuvent rappeler des situations vécues par chacun et pas forcément dans les salons ou les colloques. Les filles qui grandissent apportent une fraîcheur bienvenue.

lundi 11 avril 2011

Pina 3D. Wim Wenders.

Par la danse, Pina Bausch, nous avait fait approcher de plus près la beauté, le tragique de notre condition humaine, avec intensité.
Wenders nous emmène au cœur des ballets de la dame de Wuppertal.
La 3 D permet des approches inédites et repousse les voilages qui semblent flotter jusque dans la salle, tout près de nous.
Un artiste au service d’une autre artiste : la mission est accomplie qui consiste à mieux révéler le monde en nous faisant partager le langage des corps, la légèreté et la douleur des hommes et des femmes, leurs solitudes, et nous faire sourire de nos impatiences.
J’avais même l’impression que les sons eux-mêmes avaient une autre dimension, avec les souffles si proches, les éléments eau et terre m’éclaboussant.
C’est plus qu’un hommage revisitant plusieurs chefs d’œuvres. Les rapprochements, les ouvertures nouvelles sur des paysages qui en deviennent magnifiques, nous conduisent au-delà de la danse contemporaine. Les beaux visages des danseurs nous livrent un peu du mystère de ce qui constituait le charisme de Pina. La troupe du Tanztheater en cortège vibrant ouvre et clôt le film, je la suivrais volontiers comme un enfant à la suite d’un joueur de flûte.
Bernard Pivot milite « pour l’augmentation du goût de la vie », la maigrichonne y contribue encore.

dimanche 10 avril 2011

Orphée. Hervieu Montalvo.

J’ai oublié le mythe antique du poète qui s’était retourné malgré l’interdiction après avoir récupéré son Eurydice qui séjournait aux enfers suite à la morsure d’un serpent.
C’est que ce qui était présenté par le couple de chorégraphes dans leur dernière collaboration sur le plateau de la MC2, sur fond de quai de Seine, m’a paru tellement plaisant.
Je n’ai pas vu passer l’heure dix, peuplée de chanteurs et de danseurs à l’énergie communicative. Un acrobate sur des échasses fait virevolter des danseuses à pointes, un musicien joue du théorbe, des musiciens sont danseurs et des danseurs chanteurs, les baskets hip hop s’allient aux chanteurs baroques, des trapus soulèvent des beautés élancées, des éléphants s’assoient sur un banc. Des conteurs africains apportent leur fantaisie, une joie de vivre qui va si bien avec une vision paradisiaque en vidéo où des animaux se côtoient tellement pacifiquement que les images de chairs dévorées paraissent comme des taches de couleur. Les musiques sont variées et s’harmonisent dans ce tourbillon réglé au millimètre : la synchronisation des danseurs avec leurs images est époustouflante. Des personnes courent sous leurs parapluies, des citations picturales s’ajoutent au kaléidoscope. Les seize danseurs sont tous excellents. L’humour vient après la gravité, quand un jeune qui a perdu une jambe réalise une performance inoubliable, il nous soulève au-dessus de nos fatigues.

samedi 9 avril 2011

Pierre Sang Papier ou Cendre. Maïssa Bey.

La reprise des mots D’Eluard au dessus d’une vieille photographie de voiliers dans la baie d’Alger laissait prévoir un ouvrage poétique. Il l’est, mais de façon exaltée, éloignant toute de légèreté. C’est vrai que le sujet traité ne manque pas de gravité. Je prends mes précautions car l’auteure est estimable et appréciée par beaucoup notamment par mes jeunes qui me l’avaient recommandée. Cette fresque de 200 pages vite lues couvre la période de l’occupation de l’Algérie par la France de 1830 à 1962. Elle est peinte à grands traits avec les couleurs tranchées de la passion. Un enfant innocent va être le témoin des destructions de madame Lafrance accompagnée de Laloi qui tente de s’imposer par la terreur et le sang.
Pas d’hésitation, les camps sont bien délimités, mais ce manichéisme dessert le rappel utile des méfaits de la colonisation. Tocqueville qui pensait que « la conservation des colonies est nécessaire à la force et à la grandeur de la France » écrit : « Nous avons rendu la société arabe beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu’elle n’était avant de nous connaître. »
Est-ce que le jeune berger de cette fable, tellement clairvoyant, a grandi ?
Ses voisins écrivent des pages nouvelles, que dit-il présentement ?

vendredi 8 avril 2011

Peur des jeunes, peur des pauvres : l‘ordre social contre la république.

Un français sur dix est pauvre :
de 4 à 6 millions selon que le seuil soit à 50% ou 60% du revenu médian à 1700 €.
150 000 jeunes sortent de l’école sans diplôme ni qualification chaque année.
Le taux d’échec à l’université est de 40%.
La société intégrée des trente glorieuses reflétait un certain ordre, il a été cassé.
L’école, la famille, le travail étaient rigides mais rassurants
avec une lutte qui voyait ouvriers et patrons s’affronter
mais renvoyait les immigrés hors du cadre.
Bien que nous ne nous appauvrissions pas, le revenu social se délite
et si la France protège assez bien, elle exclut.
Les catégories sociales qui avaient une certaine mobilité se figent :
les riches au centre de la cité, les pauvres autour et les classes moyennes au-delà.
Les victimes deviennent les boucs émissaires
alors que les mineurs- auteurs de délits mineurs- devraient être protégés, éduqués, comme le souhaitaient les politiques dans des années portant précaires au sortir de la guerre.
La peur était hier un «thème de campagne», elle est devenue aujourd’hui «un flux continu» avec la création d’un «ennemi intérieur».
Les majeurs aggravent les lois alors qu’ils s’exonèrent de celles-ci :
le découragement finit par nous gagner.
La promesse faite à la jeunesse n’est pas tenue.
L’école ne peut sauver le monde et le système est saboté.
La judiciarisation ne remplace pas l’autorité.
Au forum de Libé, Pierre Joxe que n’avais pas vu depuis belle lurette est toujours aussi tranchant
« On prétend organiser un ordre social aujourd’hui en organisant des lois et des politiques discriminatoires. C’est en fait un ordre social contre la République, contre ses fondements… on assiste aujourd’hui à une politique néo-colonialiste envers certains quartiers délaissés en France où vivent notamment de nombreux immigrés ».
Et même si certaines de ses approches m’ont semblé légèrement datées, la Villeneuve voisine habitait les pensées de la salle bien remplie qui appréciait aussi François Dubet.
Le sociologue entrait plus dans la complexité après avoir évoqué une gauche généreuse évitant les sacrifices mais s’accommodant d’un fonctionnement
« de nos institutions économiques et sociales qui reproduisent mécaniquement la pauvreté »
……
Additif : Sébastien Piétrasanta, Maire socialiste d'Asnières-sur-Seine qui a instauré un couvre-feu après la mort d’un enfant de 15 ans tué à l’arme blanche a écrit dans Libération du lundi 4 avril. Extraits :
« … Les pères sont trop souvent absents de l’éducation des enfants, alors que leur place est primordiale.
… Il faut en finir avec l’enfant roi.
… En même temps qu’on explique leurs droits aux enfants, il faut leur dire leurs devoirs.
… Il faut aussi permettre aux parents d’acquérir des outils pour renforcer la relation à l’enfant dès le plus jeune âge. Plutôt que des émissions de télé-réalité où une «Super Nanny» règle les problèmes des familles, inspirons-nous des services de soutien à la parentalité du Québec où la «coéducation» permet aux parents d’apprendre à investir cette fonction auprès de professionnels. Les parents sont des maillons indispensables de la chaîne éducative. Sans eux, le lien est rompu. »

…….
Dans le Canard cette semaine des suggestions pour Frédéric Lefebvre qui venait d’affirmer que « Zadig et Voltaire » était le livre qui l’avait le plus marqué,
Zadig & Voltaire est une marque de vêtements,
Zadig un conte philosophique,
Lefebvre un secrétaire d’état :
« Alpha Roméo et Juliette » de Shakespeare,
« Du côté de chez Swatch » de Proust,
« Triste Tropicana » de Levi-Strauss,
« Extension du domaine de la Matmut » de Houellebecq…

quant à Victor Hugo Boss ?
Et ce dessin :

jeudi 7 avril 2011

L’art de la caricature politique du XVIII° siècle.

« Caricare » : charger un fusil avec de la poudre.
Cette étymologie me paraissait en accord avec le sujet de la conférence de Gilles Genty aux amis du musée. Elle permet de dépasser un statut d’art mineur en misant sur l’efficacité, la fulgurance, le partage avec le plus grand nombre.
Lebrun avait codifié les divers moyens de représenter les sentiments et les expressions et devant le succès avait prolongé son cours par des tirages destinés à un public plus large.
Mais qui de mieux que Diderot dans son Encyclopédie pour rappeler les fondamentaux ?
" L’art consiste à démêler le vice réel ou d’opinion qui était déjà dans quelque partie, et à le porter par l’expression jusqu’à ce point d’exagération où l’on reconnaît encore la chose, et au-delà duquel on ne la reconnaîtrait plus ; alors la charge est plus forte qu’il soit possible."
L’abbé Grégoire donne envie de mieux connaître son œuvre quand il écrit : « Le législateur qui méconnaitrait l’importance du langage des signes, serait en dessous de sa mission, il ne doit laisser aucune occasion de s’emparer des sens, pour réveiller des idées républicaines ». Il parle d’or quand se réinvestissent tous les symboles y compris pour les moquer voire les mettre à bas.
En ces années révolutionnaires, seule la figure du roi était connue par les pièces de monnaie, il était nécessaire de sous- titrer les dessins à la pointe sèche ou les gravures à l’eau forte rehaussées de couleurs au pochoir. Les colporteurs, les placards sur les murs assurèrent une propagande à ces images qui commençaient leur règne. C’est le passage aussi du privé au public, et si nous furent épargnées les charges les plus crues envers Marie Antoinette, la virilité de Louis Capet, apprenti serrurier, est mise en doute. Le plus souvent c’est l’anonymat qui régnait, même si une gravure de David a pu être tirée à 2000 exemplaires. Au fur et à mesure des tensions, la violence des représentations augmente et mesure l’état de l’opinion.
Les rapports hiérarchiques basculent et les formules passent de« il faut espérer que ce jeu là finira bientôt » à « J' savois ben qu' j’aurions not' tour ! » Ce sont les titres pour signifier que le temps où la noblesse et le clergé chevauchaient le tiers état est révolu, nous en avons vu des versions féminines plus originales que celles qui figurent dans nos livres d’histoire.
J’ai découvert également avec plaisir James Gillray, même si l’anglais se montrait virulent envers la révolution française en n’hésitant pas à représenter les révolutionnaires en anthropophages. John Bull se fait également apporter la flotte française sur un plateau avant de la dévorer. Une gravure de l’assemblée des Capucins ou « l'harmonica des aristocruches » a bien été présentée, mais la verve d’alors m’a semblé avoir perdu de cette énergie qui enflamma ces temps où les sans culotte étaient montrés culs nus.
Napoléon brise ses échasses quand il effectue le grand écart entre Madrid et Moscou.
Nous entrons dans le XIX ° siècle.

mercredi 6 avril 2011

Touristes en Chine 2007. # J 12. Les soldats de terre cuite.

Je suis réveillé à six heures par des compagnons de voyage méfiants, le train arrive bien à 7h45 comme prévu. Une marée humaine sort de la gare. Sur le parvis nous repérons notre contact grâce à son panneau « Tai Yang »: petite dame nommée Amandine (Hui Xia). Il nous faut marcher un moment avant de rejoindre notre mini bus jusqu’à l’Hôtel Dynasty, classieux.
C’est avec plaisir que nous déjeunons avant une bonne douche.
10h : Départ pour la visite des soldats « terra cota », guerriers en terre cuite, à 50km de Xian, site très touristique. Nous nous offrons un taxi électrique pour parcourir la distance parking-site. Trois fosses sont abritées par de modernes bâtiments.
On ne verra pas l'intégralité des huit milles sculptures polychromes grandeur nature, alignées pour l’éternité. Certaines ont été enterrées pour éviter leur dégradation. Elles protégeaient le mausolée de l'empereur Qin, le premier à avoir unifié la Chine, trois siècles avant Jésus-Christ.
L’entrée est saisissante : tous les guerriers sont différents, alignés à 5 m en sous-sol avec des chevaux. Si les premières rangées sont debout, les suivantes permettent de voir l’état du site lors de sa découverte récente en 1974. Au fond, « l’hôpital » où opèrent des archéologues.Dans la deuxième fosse, on aperçoit les ondulations de poutres des toits effondrés avec l’incendie. La cavité est peu déblayée, mais dans des vitrines on peut voir de près un archer à genoux, jusqu’aux détails les plus fins : semelle, coiffure tressée, un officier.
La troisième fosse, plus petite mais la plus proche du tumulus de l’empereur présente des officiers dont les couleurs se sont effacées au contact de l’air (1984)
Dans le musée : une oie et un canard en bronze et surtout deux chariots en bronze : le premier est conduit par un officier sous son parapluie directionnel avec un système astucieux, le deuxième est recouvert d’un toit en forme de carapace de tortue en bronze, or et argent, quelle finesse des détails datant de 200 ans avant J.C : ça vaut vraiment le coup !
Malheureusement nous allons rentrer par un chemin passant par un village de commerces pensé beaucoup trop grand et à moitié vide. De toutes façons les vendeurs préfèrent tenter leur chance dans la rue ou aux portes des bâtiments.
Retour à Xian : le marché médicinal. En chemin aller comme retour, notre guide répond ou devance nos questions avec une maîtrise de la langue française, une culture et une maturité qui nous enchantent. Ex : « si le gouvernement n’avait pas imposé l’enfant unique, il y aurait 400 millions de Chinois de plus. Si l’armée des guerriers avait été retrouvée pendant la révolution culturelle, cela aurait été catastrophique. »Le marché des grossistes est réservé aux pharmaciens et aux médecins : gros sacs de graines, fleurs séchées, scorpions, placentas humains séchés, lézards écartelés, ginseng, gingembre… Amandine cherche à nous expliquer. Nous sommes seuls, les marchands jouent aux échecs ou au mah-jong. Dans le bus, notre guide nous parle de l’équilibre entre le yin et le yang, nous énumère la liste des marchandises que l’on peut trouver dans ce marché.
Parc de la petite pagode de l’oie de 13 étages, 2 se sont effondrés lors d’un tremblement de terre. Dans le jardin, les stèles pour attacher les chevaux sont variées ainsi que les pierres pour en descendre : rondes pour les militaires, avec des marches pour les proprios et les intellectuels. Nous passons par les boutiques : sculptures dans des racines, peintures. Dans le magasin de peintures et de calligraphie nous apprenons que le mot France est traduit : « pays des lois ».
La pluie finit par tomber finement, la chaleur et la moiteur nous ont collés depuis notre arrivée.
Nous dégustons des raviolis fourrés aux formes variées en accord avec leurs contenus, salés ou sucrés. Alcool de riz chaud. Formulaire de satisfaction à la fin, nous ne payons que les bières. Nous sommes presque seuls, il faut dire qu’il n’est pas encore 18h.
Retour à l’hôtel où nous prenons nos quartiers pour une bonne nuit réparatrice

lundi 4 avril 2011

Si tu meurs je te tue. Himer Saleem.

Oui la conquête de la liberté de Golshifte Farahani est sympathique. Et la belle m’a permis de supporter ce film présenté comme « la comédie la plus drôle, la plus vive, la plus intelligente que l'on ait vue depuis longtemps » où je n’ai rien vu de tout cela.
Le personnage principal, sympathique mais absent, accueille un autre paumé comme lui, qui se devait de supprimer un criminel de guerre, mais c’est l’exécuteur présumé qui finit poussière dans un bocal.
Un drame, une comédie, le mélange est toujours difficile, surtout quand des allusions symboliques viennent s’ajouter au portrait de la communauté kurde en milieu parisien traité en burlesque, avec de surcroit la douleur d’un père représentant la tradition vue avec légèreté…
Résolution au révolver mais il n’y pas de balle dans le canon, c’était pour de rire...
Les personnages sont inconsistants et il ne reste pas grand-chose après un titre qui pouvait intriguer mais retourne à l’absurde.

dimanche 3 avril 2011

Noli me tangere. Jean François Sivadier.

Jésus aurait dit à Marie Madeleine : « Ne me touche pas ».
Dans cette pièce, un "ressusciteur " a beau être évoqué, ainsi que " le fils à Joseph qui fait des miracles ", c’est l’histoire de Salomé qui est le prétexte à deux heures et demie de spectacle.
Et comme il est question de contact, une des paroles historiques de notre précédent président me revient : « Ça m'en a touché une sans me secouer l'autre »,
mais c’est pour la blague.
Surtout que j’ai apprécié l’équilibre entre la gravité et la bouffonnerie dans cette création agréable mais un peu vaine.
Quelques échos d’une actualité brulante exprimés dans les notes d’intention affleurent:
« suite de variations oniriques sur la confrontation des tyrans, dans le climat de tension qui précède toute révolution, et les multiples façons dont les hommes se projettent dans le temps, essayant vainement de rendre certain un avenir qui leur échappe. »
Quand Salomé séduit Hérode qui accorde à la danseuse
« demande moi ce que tu veux et je te le donnerai »,
cet épisode n’est pas uniquement burlesque ni déclamatoire.
Elle lui demande la tête de Jean Le Baptiste, cousin dérangeant de Jésus.
Le personnage principal est Ponce Pilate, bien servi par un acteur excellent :
Nicolas Bouchaud en despote dépressif parfois compréhensif mais toujours colonisateur.
L’ange Gabriel commentateur perdu se défroquant de ses « ailes du désir » apporte de la distanciation, et une troupe de théâtre dans le théâtre peut se permettre quelques effets marrants au fumet shakespearien quand le tragique au pouvoir se joue en divertissement.

samedi 2 avril 2011

Le football dans nos sociétés 1914-1998

Ce n’est pas seulement parce que le football est un bon outil pour « comprendre l’espace social » que l’on m’a offert ce numéro de la revue « Autrement », c’est qu’il y a de la reconnaissance amicale d’un goût pour ce sport que je mets un point d’honneur à cultiver parmi des cercles qui auraient tendance à mépriser « les manchots ».
Pourtant ce numéro édité en 2006 m’a paru daté surtout après l’épisode du bus de Knysna, ce mois de juillet. La conclusion du dernier article qui évoque « l’effet coupe du monde (98) a permis de représenter la diversité culturelle comme une vertu positive de la société française » sonne cruellement.
Les 250 pages ne sont pas périmées et bien des réflexions demeurent pertinentes mais les identités nordistes sont bien secouées en ce début de siècle, la disparition des traits distinctifs des clubs corses plutôt une bonne nouvelle, l’identité du FC Sochaux loin de ses origines ainsi que celle de Manchester. Connaître les enjeux politiques autour du Réal Madrid pendant la période franquiste et repérer le rôle politique de la FIFA entre 1945 et 2000 éclairent le présent.
Mais il y aurait un autre numéro à écrire sur les enjeux récents avec l’argent comme valeur essentielle, le chantage comme mode de relation, les agents de joueurs comme personnages clefs dans les bouleversements des mentalités. L’évolution de la sociologie des licenciés. Y a-t-il encore un football des campagnes ?
La « bagatelle la plus sérieuse du monde » sera moins joueuse qu’au XX° siècle qui fut le sien, plus âpre au gain.
L’embellie de la suprématie européenne dans la dernière coupe du monde sera-t-elle durable ?
Et l’hégémonie des clubs va-t-elle démoder l’engouement pour les équipes nationales, de la même façon que les équipes en cyclisme composées par pays dans le tour de France n’ont pas survécu aux sponsors.

vendredi 1 avril 2011

Police contre polis.

Aux états généraux du renouveau à Grenoble Jean Pierre Havrin et Alain Bauer présentaient des réponses différentes à la question : quelle sécurité publique pour demain ? Le débat fut policé entre deux personnes qui se connaissent et se respectent sans abandonner de leurs convictions.
Bauer ancien grand maître du Grand Orient de France après avoir conseillé Chevènement parle maintenant à l’oreille de Notre Teigneux (appellation Patrick Rambaud) et Havrin lui est retourné, après sa présence au cabinet du même Che, sur le terrain à Toulouse où il a été au premier rang de l’agression de l’Egocentrique Monarque (appellation Patrick Rambaud) contre la police de proximité.
Les deux points de vue sont dictés par le lieu d’où ils parlent et sur ce terrain c’est la gauche qui est la moins théorique en mettant l’accent sur la confiance à rétablir entre la police et la population alors que le criminologue, qui dirige aussi une société de sécurité, insiste sur la cohérence territoriale. S’il rappelle un point d’histoire c’est pour mieux préparer une accélération de la privatisation de la sécurité : Pétain a fait apparaître la police d’Etat en 1941.
Il insiste sur la nécessité de regrouper les territoires (une centaine au lieu de 424 circonscriptions) en allant vers une police d’agglomération se spécialisant.
Le chef de la police municipale de la ville rose réaffirme la nécessité d’une police de proximité avec des fonctionnaires attachés à un territoire : « des proximiers » qui remplissent toutes les missions sur leur territoire, alliant prévention et répression. Aller dans le sens d’une distinction nette entre police municipale et la police nationale avec déjà des uniformes bien distincts va à contre courant. D’autre part, dans bien des domaines si la place de l’usager est reconnue, dans les commissariats par ailleurs souvent vétustes, les contrôles sont exercés par l’institution sur elle-même, c’est quelque peu incestueux. L’avis de la population sur le travail des services de police serait préférable aux statistiques qui deviennent le seul but des interventions, sur fond de gesticulations médiatiques et coups de trompettes. Alors que le temps est aussi dans ce domaine un facteur déterminant pour aller à l’encontre du sensationnel, des flatteries des plus bas instincts par le multi récidiviste de la compassion surjouée.
La politique sécuritaire est le mantra de la droite, c’est son plus grand échec : robocops, stigmatisation de la jeunesse, inflation judiciaire et mise en cause d’une justice dont le président est constitutionnellement le gardien de son indépendance. Réduction massive des moyens…
Mais la misère commence à se voir et des syndicats de police se sont montrés solidaires des magistrats car les acteurs se jugent en « insécurité juridique et matérielle ». L’enjeu est fondamental pour une démocratie touchée au cœur.
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le dessin du Canard Enchaîné.