mercredi 30 septembre 2020

Queyras. Pierre Witt. Marianne Boilève.

Ces 144 pages composent bien plus qu’un joli livre de syndicat d’initiative, car le texte n’est pas qu’un accompagnement aux photos en noir et blanc, mais une occasion de réfléchir au progrès, à la tradition.
Le propos n’est pas nostalgique et si la sympathie envers les habitants de haute montagne est évidente, les contradictions sont évoquées, l’entre soi pointé.
Une écriture poétique anime les pierres polies des étables jusqu’aux roches inaccessibles. 
«  Le Queyras, une île frangée d’immenses vagues pétrifiées, infinies… Assauts successifs, écume de neige, obliques de pierre, lancés en tous sens par un vent nerveux. » 
La métaphore de l’île est particulièrement efficace et l’évolution des hommes vis-à-vis de la nature finement exprimée : 
«  … d’alliée nourricière, la nature a été promue attraction de choix dans un cirque de montagnes à la magnificence estampillée. »« Maintenant les forêts peuvent manger le bas des terres arables, le loup peut revenir : les visiteurs apprécient. Les paysans moins, mais qu’importe, il y a en a si peu. »
La couverture un peu terne n’est pas significative des portraits photographiques dynamiques ni des paysages d’ombres noires et de lumière blanche forts, beaux. 
« Et comme on fredonne un refrain réveillé de l’enfance, ils caressent avec nostalgie ces « sept mois d’hiver, cinq mois d’enfer », label livresque accordé au temps passé. »

 

 

mardi 29 septembre 2020

Michel et le grand schisme. Pierre Maurel.

« Tous ces flics et ceux qui les soutiennent, qu’ils soient politiques ou de simples citoyens, qui soutiennent cette violence gratuite, ils ont cassé la mayonnaise. Définitivement. Ils ont déclenché une sécession invisible. »
 
La quatrième de couverture annonce lourdement la couleur : jaune comme les gilets, avec en face parmi les citoyens cités dont je suis, ceux qui ne voient pas seulement la violence policière. 
Pourtant les 80 planchettes aux petits dessins vite expédiés ne sont pas aussi irrévocablement manichéennes.
Michel, qui traine son micro dans les manifs, tient des propos radicaux mais sa naïveté, ses rondeurs et ses maladresses le rendent émouvant. Obligé de faire des petits boulots pour subsister, il doit subir bien des humiliations comme sa copine qui travaille dans la grande distribution. 
A l’imitation de quelques manifestants qu’il avait rencontrés, il va quitter la ville pour vivre à la campagne, pas trop loin quand même d’un restaurant à couscous, d’un marchand de pizzas et des amis. Mais comment a-t-il financé cette maison de rêve à une heure de la capitale ?
Le chroniqueur, un verre à la main, voit les trottinettes accumulées, les Smartphones multipliés, les SDF entassés au pied des grandes affiches des grands magasins où les pères Noël font peur aux enfants. 
Il est édité par «  L’employé du moi ».
Je préférais « Monsieur Jean », le bobo, plus léger, avant que les barrières de toutes tailles et de tous périmètres se dressent :

 

lundi 28 septembre 2020

Dans un jardin qu’on dirait éternel. Tatsushi Ômori.

Avec ce film, l’art de préparer le thé révèle les secrets d’une sagesse permettant d’enrichir une condition humaine exigeante et bienveillante.
Le moindre geste doit être élégant. A force d’être réfléchi il permet à l’âme d’être attentive au monde, aux saisons, à la pluie, aux saveurs, au silence, aux autres.
« Chaque  jour est un bon jour ».  
Un bol pour l’année du chien ne servira que tous les 12 ans.
La maîtresse du thé est l’actrice des « Délices de Tokyo » 
Tant de simplicité permet d’accéder à la complexité en prenant la mesure du temps.
Délicatesse, méditation, attention, poésie, beauté, bonté, respect, sérénité, répétition.
Le titre dit bien : « qu’on dirait éternel », on voit le jardin par les portes coulissantes à franchir en faisant attention. La nature dicte le récit et les femmes mettent de la grâce dans chaque mouvement. « Oui ».  
On en oublie les clameurs du présent et cette œuvre conçue avec l’amour du travail bien fait, en accord avec son sujet, se déguste comme les gâteaux originaux qui se prennent avant la boisson attentivement préparée, accordée aux  circonstances.
Les traditions les plus codées permettent à une jeune fille de ce siècle, de surmonter les obstacles en évitant de tomber dans une zénitude niaise, pour devenir maître de sa vie.

dimanche 27 septembre 2020

Juliette Gréco.

Les mots de Mauriac, exhumés au moment de la disparition de celle qui mis en valeur tant de grands auteurs, rendent bien fade toute autre appréciation :
« Gréco, ce beau poisson maigre et noir, n’a pas besoin de sauce pour passer. Gréco fournit elle-même les câpres ! Noire et blanche, c’est la reine de la nuit. Son personnage est composé avec une science qui ne doit rien au hasard. Qu’elle est belle ! Et peut-être était-elle laide au départ. C’est une statue d’ivoire et de jais. Même les pommettes, on dirait qu’elle les a elle-même modelées. Beaucoup de chanteuses sont interchangeables. Gréco est le chef-d’œuvre unique de Gréco. Elle ne sera jamais prise pour une autre et aucune ne pourra jamais l’imiter. »
Et moi qui croyais qu’on ne voyait que Sartre dans les caves de Saint-Germain-des-Prés, je goûte l’ironie de la conclusion de l’article du « Monde » extrait du Bloc Notes de celui qui fut un pilier du « Figaro ».
Dans notre mémoire, le Saint-Germain-des-Prés d’antan est plus présent que l’actuel et si j’ai connu davantage de prés à vaches que La Rhumerie et autre Magot, j’ai plus de tendresses pour le pont des Arts que pour celui de Catane. La réalité virtuelle avec ses apprêts a bien des attraits, même si comme disait Béart: « Il n’y a plus d’après… ».
Ce quartier chic du 6° arrondissement nous appartient comme Versailles ou « la grande route de Marchiennes à Montsou » * mais je ne sais dire à la manière d’une jeune chroniqueuse télé: « La » Gréco, comme si  elle était une familière de l’artiste et de cette époque. J’avais trouvé ce bref hommage entre deux brèves enjouées aussi prévisible que les RIP (Requiescat In Pace) expéditifs des réseaux sociaux.
La « dame en noir » - il y en avait d’autres- Piaf et Barbara, était suffisamment appliquée, jusqu’à en apparaître mécanique à la manière d’un Montand toujours très professionnel.
Mais l’insistance sur le trac qui l’accompagnait à tout coup parle plus de notre époque burnoutée que de l’angoisse qui accompagne naturellement ceux qui veulent satisfaire leur public, soucieux simplement de bien faire leur boulot.  
Sa liaison avec Miles Davis a été plus commentée que la pérennité d’autres relations, entrant dans les thématiques à la mode, alors qu’elle avait, elle, dérogé courageusement aux usages d’alors. 
On a moins parlé de l’hôtel Lutécia où l'interprète de "Sous le ciel de Paris" donnait ses rendez-vous depuis qu'elle avait retrouvé, là, sa mère et sa sœur après leur libération du camp de Ravensbrück.
Les retours vers le passé n’échappent pas aux effets de l’actualité, aux manières actuelles, aux évolutions de nos sensibilités. 
Si dans ma jeunesse, «  J’arrive »  de Brel ne me plaisait guère, alors que j’adulais le fort en gueule, le rappel que Gréco la chanta, rendent ces paroles adaptées aux circonstances. 
« De chrysanthèmes en chrysanthèmes
Nos amitiés sont en partance
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
La mort potence nos dulcinées
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
Les autres fleurs font ce qu'elles peuvent
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
Les hommes pleurent, les femmes pleuvent
J'arrive, j'arrive
Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé
Encore une fois traîner mes os
Jusqu'au soleil jusqu'à l'été
Jusqu'au printemps, jusqu'à demain
J'arrive, j'arrive
Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé
Encore une fois voir si le fleuve
Est encore fleuve, voir si le port
Est encore port, m'y voir encore
J'arrive, j'arrive
Mais pourquoi moi, pourquoi maintenant
Pourquoi déjà et où aller?
J'arrive bien sûr, j'arrive
N'ai-je jamais rien fait d'autre qu'arriver?
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
A chaque fois plus solitaire
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
A chaque fois surnuméraire
J'arrive, j'arrive
Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé
Encore une fois prendre un amour
Comme on prend le train pour plus être seul
Pour être ailleurs pour être bien
J'arrive, j'arrive
Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé
Encore une fois remplir d'étoiles
Un corps qui tremble et tomber mort
Brûlé d'amour le cœur en cendres
J'arrive, j'arrive
C'est même pas toi qui es en avance
C'est déjà moi qui suis en retard
J'arrive, bien sûr j'arrive
N'ai-je jamais rien fait d'autre qu'arriver? »
………………..
 * au début de Germinal : « Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d'une obscurité et d'une épaisseur d'encre, un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou, dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à travers les champs de betteraves. Devant lui, il ne voyait même pas le sol noir, et il n'avait la sensation de l'immense horizon plat que par les souffles du vent de mars, des rafales larges comme sur une mer, glacées d'avoir balayé des lieues de marais et de terres nues. Aucune ombre d'arbre ne tachait le ciel, le pavé se déroulait avec la rectitude d'une jetée, au milieu de l'embrun aveuglant des ténèbres. »

 

samedi 26 septembre 2020

Anne-Marie la Beauté. Yasmina Reza.

La vieille actrice qui se confie pendant 88 pages a de la gouaille et celle qui la met en scène a toujours la même efficacité 
« …et je me suis mise à pleurer à cause de l’orgue qui te flanque le bourdon, on n’y peut rien, j’ai revu la loge et la clope, et les cheveux, les lettres d’amoureux, la Kikine sur le sofa à fleurs qui était devenue l’autre raidasse avec sa jupe-culotte. » 
Pourtant elle n’est pas du genre à s’apitoyer, quand elle résume ainsi une vie :
«  Tu fais la bédouine et quand tu es veuve tu finis dans un cagibi avec un réchaud et tes breloques empilées » 
Ce monologue est un recueil d’observations banales dont l’humour rehausse la finesse:
« Je ne supportais pas de la voir faire ça et je fais pareil. Il parait que c’est courant. » 
« Moins de bagnoles, moins de laque à cheveux. Quand l’homme s’extermine, la nature va mieux »

vendredi 25 septembre 2020

Le genre : s’enrager ou s’arranger ?

Pour avancer en des eaux quelque peu agitées du « genre », je livre sans vergogne quelques éléments biographiques pour m’autoriser à écrire : élevé dans les années où le mot « sauvagine » était inclus dans « l’éducation sentimentale » de Le Forestier, l’éducation de mes enfants fut paparitaire ; grand papa, j’assure toujours aux casseroles et à l’aspirateur.
Je modère bien volontiers ma position de jadis, concernant les cours  de récré « non-genrées » censées remettre en cause la domination masculine en témoignant, oublieux journalistes, que la réflexion est entamée depuis un moment 
Puisque l’influence des caïds des bacs à sable a besoin d’être contenue, la question de l’espace dévolu à chacun mérite d’être posée, le football au féminin ne semblant pas forcément une activité pour toutes.
Mâle parmi les maîtresses, j’appréciais, dans le rituel des parties que disputaient les petits frères de Zizou, une occasion de valorisation de quelques bancals du calcul mental.Y aura-t-il de la place pour les imitateurs de Mbappé, avec cages et filets et pas forcément des parcours fléchés?
Personne ne verra d’inconvénients à davantage de jardins, plus d’ombre et des sentiers pour les amis.
Et pourquoi pas des coins tranquilles, puisqu’à côté des principes de précaution paralysants, l’autonomie reprendrait vraisemblablement du poil de la bête. 
Au-delà d’une végétalisation forcément cosmétique dans des lieux encastrés dans le béton, quand le goudron aura sauté, prévoir des chaussons pour le retour en classe où comme à la mosquée on pénètrera dans le temple du savoir en laissant la poussière dehors.
Les garçons ont plus de mal que leurs sœurs dans leur scolarité, les images masculines se faisant rares dans les familles monoparentales et dans les écoles où une pincée d’hommes pourrait équilibrer les effectifs des personnels d’encadrement : vive l’école paternelle !
Si quelques traces libertaires subsistent dans mes appréciations ci-dessus, en ce qui concerne les « crops tops » ci-dessous, je ne vois aucun inconvénient à ce que la décence soit la règle dans les établissements scolaires.
Je peux aimer la saison des robes légères et comprendre l’interdiction de tenues distrayantes à l’école, autant pour celles qui les portent que pour ceux qui sont portés à les voir.
Il doit y avoir une place pour une décence élégante loin du voile, miroir d’une érotisation de tous les instants avec une tenue, on dit tenue, différente pour assister à un cours de grammaire ou à une rave party.
Des féministes demandent aux hommes de changer de regard vis-à-vis d’elles.
Pour avoir trop souvent minimisé la responsabilité des violeurs face à leur victime, faut-il imaginer de demander aux passants de ne plus voir les filles, voire les considérer par exemple comme de quelconques chèvres, quitte à être démenti par quelque légionnaire ?
Que deviendront les printemps si un jeune homme mime l’indifférence aux suggestions de l’une ou de l’un découvrant leur « lune » ? L’expression désuète est plus seyante que «  montrer son cul » et vise à insister qu’il ne suffit pas de se nourrir pour vivre, mais entre affranchi(e)s il s'agit de cultiver le plaisir, le désir, même si ce fond de gastronomie d’antan parait réchauffé.
Quand un ministre parle de  « tenues normales » certains font les étonnés. Ceux là ont du mal avec les  des propositions subordonnées dans une définition, arrêtant celle de la liberté à : faire ce que je veux…et ferme ta gueule ! Les louches de goudron se multiplient dans la marmite des réseaux sociaux où les simplistes agressifs s’agglutinent aux menteurs croyant en leurs mensonges
Et la liste des postures inquiétantes s’allonge avec le « woke » jouant du racisme anti-blancs, avec « safe spaces » pour communautés sourdes à d’autres opinions que les leurs. Et gare à la « cancel culture » mettant à l’index les impudents qui auraient pu «  s’approprier » une autre culture que la leur.
D’accord une hollandaise en dreadlocks c’est pas terrible, mais pourquoi faut-il être Palestinien pour avoir le droit de porter un keffieh ? 
Un sourire conviendrait mieux qu’une colère, pourtant tant d’aveuglement venu des campus américains nourrit Trump et fait froid dans le dos.
Allez, tout n’est pas perdu, avec une réflexion bien de chez nous :« Que Charlie Hebdo continue d'écrire, de dessiner, d'user de son art et surtout de vivre […] Dans notre pays, seule la loi fixe les limites. » Hafiz Chems-eddine Recteur de la Grande Mosquée de Paris.

jeudi 24 septembre 2020

L’art du sport. Centre du graphisme Echirolles.

L’exposition à Echirolles jusqu’au 31 décembre dément l’à priori d’un journaliste présentant l’évènement :« le sport et l’art ne sont pas forcément des domaines que l’on associerait ».
Quelques mots de Nicolas de Staël adressés à René Char permettent la contradiction que ses toiles ont porté à l’incandescence :« Entre ciel et terre sur l'herbe rouge ou bleue, une tonne de muscles voltige en plein oubli de soi avec toute la présence que cela requiert en toute invraisemblance.
Quelle joie ! René, quelle joie ! Alors j'ai mis en chantier toute l'équipe de France, de Suède et cela commence à se mouvoir un temps soit peu, si je trouvais un local grand comme la rue Gauchet, je mettrai 200 petits tableaux en route pour que la couleur sonne comme les affiches sur la nationale au départ de Paris... »
A l’heure des installations, des performances, il n’est pas besoin de remonter au discobole de Myron pour faire valoir la beauté des corps.
Quelques pas dans le sous-bois s’inscrivent dans le Land Art alors qu’une volte de Maradona a valu bien plus qu’un pas de deux à l’Opéra.
Mais celui que j’aurais volontiers renvoyé à la rubrique des petites annonces balançait son propos en reconnaissant les liens qu’entretiennent terrain de jeux et galeries.
Une salle réservée au Mondial de 82 en Espagne met côte à côte Miro et Tàpies et je choisirai Antonio Saura pour illustrer le paragraphe puisque sa noirceur était prémonitoire d’un drame: Séville est le lieu où Battiston fut agressé par Schumacher.

Les tragédies sont en jeu comme au théâtre, mais l’ironie de Phil Galloway pastichant les tableaux du ténébreux Caravage souligne l’humour peut être plus souvent présent dans les tribunes
que sous les cimaises où l’esprit de sérieux
des professionnels de la critique étouffe bien souvent les amateurs de nouveauté.
La puissance du foot redonne de la joie à des joueurs de Sierra Léone qui ont été 10 000 à être amputés durant la guerre civile qui débuta en 1991 et dura 10 ans.
Les collages d’un graphiste mexicain associant des demi-dieux du ballon rond avec les icônes de l’art sont peut être faciles mais elles sont efficaces et vraiment dans le thème.
J’ai appris à l’occasion de la mise en valeur de la revue « Desport » à la typographie soignée  que celle-ci avait cessé de paraître, alors qu’« Entorse » consacrée au basket se lance. 
http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/05/desports-numero-1.html
J’essaye de réserver mes partis pris au royaume des manchots en appréciant davantage l’élégance de l’identité visuelle de la Juventus de Turin que le logo du PSG.
« La petite reine » est présente avec un hommage à Raymond Poulidor et au Tour de France.
Les jeux olympiques d’hiver donnent l’occasion de réviser une part de l’histoire de l’art.
A l’occasion du tournoi de Roland Garros, les champions de l’affiche se succèdent : Aleschinski, Adami, Follon, Arman… Ernest Pignon Ernest me séduit plus facilement au fusain qu’en couleurs, pourtant une main qui met en jeu ouvre vers tous les possibles : «  la lutte contre la pesanteur et le dépassement de soi. »  Je saisis plutôt la balle au bond de l’énergique Fabienne Verdier.

 

mercredi 23 septembre 2020

Le plateau des Glières.

Lieu chargé d’histoire dont le souvenir, a été réactivé, sous forme de querelle, quand Nicolas Sarkozy voulut en faire sa roche de Solutré.
Le site difficile d’accès et éloigné de grands sommets, était favorable aux parachutages d'armes à destination de la résistance locale dirigée par Tom Morel.
Lors de l’attaque de la Milice et de la Wehrmacht  en mars 44, 129 maquisards et 20 habitants y ont perdu la vie.
La nécropole et le musée de la résistance sont situés à la Balme de Thuis à Thônes.
Là haut, le monument de Gilioli auteur également du mémorial de Voreppe, exprime l’engagement des combattants dont la devise était «  vivre libre ou mourir ».
L’alpage dont l’appellation serait antérieure même au mot Alpes est magnifique, les vaches majoritairement de race tarine n’ont que des fleurs à brouter : le reblochon aux fruitières voisines n’a pas besoin de publicités particulières pour garantir la qualité de son lait d’origine.
Depuis le parking du monument à la Résistance, les itinéraires de randonnées varient de 1h 30 à 4h 30. Parmi les nombreuses propositions de restaurants, nous avons choisi celui de «  Notre Dame des neiges » à proximité de la chapelle du même nom accessible seulement à pied.
La tartine aux champignons n’en est que meilleure, bien que la gnôle appréciable pour conclure après un plateau de fromages à disposition ne soit pas le plus efficace des produits dopants.
Notre guide qui avait fait le même circuit en raquettes un soir de pleine lune en conservait un souvenir émerveillé. Nous n’avons pas suivi une ligne directe pour rejoindre le chalet, les sentiers étant balisés pour préserver les tourbières.
En ce mois de juillet,  alors qu’il faisait bon se baigner au lac d’Annecy voisin, les doudounes furent appréciées à 1435 m d’altitude.

 

mardi 22 septembre 2020

L’amour du maillot. Hélène Georges Frédéric Rasera.

La collection «  Sociorama » aborde souvent des sujets intéressants 
mais laisse parfois un sentiment de déception que ne viennent pas apaiser des dessins sommaires.
Le suivi d’un jeune joueur professionnel dans le club de Tourval en national 2 n’apprend pas grand-chose à ceux qui savent ce qu’est « Le Mercato » et qui se régalent à composer leur équipe de rêve. 
Nous sommes loin de Barcelone mais les contraintes et les espoirs sont forts.
Les entrainements succèdent aux parties de jeux vidéos et les relations sont ambiguës quand il faut concilier l’esprit d’équipe et gagner sa place pour le match de fin de semaine. 
Les rapports sociaux sont superficiels et convenus les propos d’entraineur :  
«  on donne tout, je veux voir des guerriers ».
Ce parcours de tout jeune adulte qui a quitté sa famille depuis le centre de formation est fléché jusqu’à ce que se rompent les « croisés » comme cela arrive à un de ses coéquipiers.
« L’amour du maillot » sonne creux. Que restera-t-il de la passion initiale du jeune guyanais pour un jeu disparaissant sous les enjeux des contrats, les humeurs des dirigeants ?
Les carrières sont courtes et exacerbé le déterminisme de la chance, multiples les embuches, criant l’ennui.
Si loin de l’épopée de l’équipe de Clamecy imaginée par Raymond Poïvet et Jean Ollivier en 1949 dans le journal Vaillant, préfigurant le destin de l’AJ Auxerre, où le héros en « Rouge et Or », Jean-Pierre Gary, premier du genre, reste pour moi, le meilleur. C'était de la fiction.

 

lundi 21 septembre 2020

La Femme des steppes, le Flic et l’Œuf. Wang Quan’an.

Une pomme est un cadeau dans l'infini de la plaine mongole où la vie est rude.
Poétique, simple et profond, ce film traite de la place de la femme, du rapport aux animaux en termes éloignés des niaiseries de chez nous qui parlent de chienne « enceinte » et d’ « assassinat » de coq.
Nous mesurons le petit bonheur d’une cigarette et l’immensité des paysages sous un ciel qui occupe tout l’écran. Derrière une intrigue policière traitée à la légère, les belles images évoquent la mort, la naissance,  la beauté du monde, la vitalité de ses habitants avec humour .
"Urga", du nom de la perche-lasso plantée dans la steppe, titrait l’œuvre de Nikita Mikhalkov, il y a trente ans. L’horizon mongol avait été inspirant pour le russe, il l’est pour le chinois, qui ouvre des perspectives humanistes d’une façon originale.

 

dimanche 20 septembre 2020

Béart(s).

Les paragraphes sont moins fournis dans l’encyclopédie de la chanson française à la lettre « B » où Brel, Brassens, Barbara, des « balaises », tenaient toute la place, que pour les mélodies de Guy Béart.
Celles-ci remises au goût du jour se redécouvrent opportunément, et bien des morceaux exhumés reviennent agréablement à nos mémoires.
L’amour d’un père à la naissance d’Emmanuelle avec « L’eau vive » charma notre enfance qui a appris depuis la fatalité des séparations.
« Entre vos doigts l’eau vive s’envolera » 
Les ruptures, les éloignements, les incompréhensions, ne manquent pas : 
« Allo tu m’entends» interprété par les Brigitte manque pourtant de force alors que l’original est pathétique : 
« Je ne t’ai presque rien dit encore » 
Carla Bruni, que j’avais répudiée, est touchante dans «  C’est après que ça se passe » 
et la reprise de « Plus jamais »  par l’actrice de Manon des sources va au-delà d’une désunion amoureuse :  
« Quelle est cette nuit dans le jour ? »  
La « Poste restante » comme les cabines téléphoniques a disparu pourtant :  
« Au rendez-vous des apprentis 
Au rendez-vous des sans logis 
que sont les amours débutantes »  
est bien charmante.
Et bien vachard «Frantz »  en duo avec Julien Clerc :  
« Encore un’ danse
Je rejoindrai mon vieux mari après »
Et je trouve bien entendu tout à fait à leur place
Vincent Delerm : « Bal chez Temporel »
Laurent Voulzy : « Il fait toujours beau quelque part », 
Maxime le Forestier : « De la lune qui se souvient ? »
Alain Souchon : « Seine, va »,
et Catherine Ringer « Les Souliers (… dans la neige) ».
Je découvre Clara Luciani dans l’émouvante « Chanson pour ma vieille »
Angélique Kidjo : « Les Couleurs du temps » 
et Ismaël Lô « Couleurs vous êtes des larmes »  
Avec Akhenaton 
« Qui suis-je
 Qui puis-je
 Dans ce monde en litige» 
 s’éloigne tellement de l’original.
Et si en duo Thomas Dutronc et la comédienne de fille substituent : 
« Qu’on est bien dans les bras d’une personne du sexe opposé » par ceux d’une personne « du sexe désiré » ou du genre « qui nous va » cette mise dans la conformité du jour pour être opportune, en est également opportuniste.
De toutes façons comme le chante Vianney :  
« Il n'y a plus d'après 
 A Saint-Germain-des-Prés 
 Plus d'après-demain 
Plus d'après-midi
 Il n'y a qu'aujourd'hui
 Quand je te reverrai 
A Saint-Germain-des-Prés 
Ce n'sera plus toi 
Ce n'sera plus moi 
Il n'y a plus d'autrefois »

samedi 19 septembre 2020

La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Joël Dicker.

Un best seller de 2012 avec d’un côté des lecteurs ravis et de l’autre des critiques critiques.
J’ai vécu dans le désordre ces deux états, trouvant sans intérêt le début où un écrivain à succès est confronté à sa page blanche et puis la tension montant, je suis devenu impatient d’arriver au bout des 670 pages pour savoir de quoi il retourne, après avoir été baladé par l’auteur qui se laisse quand même un peu trop aller à des ricochets succédant à des rebondissements.
Tous les dialogues n’ont pas la saveur de ceux d’une mère envahissante comme il se doit : 
« Markie chéri, écoute, je dois te demander : es-tu amoureux de ce Harry ? Fais-tu de l’homosexualité avec lui ? » 
Est-ce parce que ce livre policier traite aussi de la création littéraire considérée comme le noble art : la boxe, qu’il a été honoré à la fois par l’Académie Française et par le Goncourt des lycéens ?   
« Je veux divertir le public. Lui donner envie de lire des livres. Les gens achètent de moins en moins de livres, sauf lorsqu’on y trouve des histoires épouvantables qui les relient à leur propres infâmes pulsions. » 
La révision de thèmes déjà abordés par tant de romanciers: la passion amoureuse, la solitude, les stéréotypes… peut convenir aux oublieux et à tous ceux qui aiment les mises en abyme, les constructions habiles et une écriture limpide.
«  Il y eut des cris d’effroi dans la foule ; les mères de famille ramenèrent leurs enfants à la maison  et s’y barricadèrent, tandis que les pères ressortirent leurs vieux fusils et s’organisèrent en milices citoyennes pour surveiller les quartiers. » Nous sommes aux Etats-Unis.
Et même si les modes d’emploi sont parfois convenus, y a ben du vrai :
« Apprenez à aimer vos échecs, Marcus, car ce sont eux qui vous bâtiront. Ce sont vos échecs qui donneront toute leur saveur à vos victoires. »

vendredi 18 septembre 2020

L’heur.

Quand « Faire le malheur » ou « faire un malheur » sont aux antipodes, l’article est déterminant.
Ainsi vont bien des choses quand tout et son contraire ne cessent de se compléter.
Les effarouchés par le mot « ensauvagement » euphémisent et ne voient dans des crimes que des incivilités, alors qu’ils se sont délectés avec Despentes qui avait tant aimé les assassins de Charlie et lorsqu’elle récidive régulièrement dans la fureur à longueur de colonnes complaisantes.
Un croche-patte de flic indignera plus certains qu’une voiture fonçant sur un représentant de la loi.
La violence met en péril le « vivre ensemble » quand des potences ont été dressées à quelques carrefours et que des tombereaux d’injures sont déversés en travers des voix dès qu’une opinion s’aventure en dehors de sa chapelle.
« Il prêche l’amour avec haine » Gorki.
Le mot peur est sorti des bois où il se tenait depuis les contes à dents de loup : entre hypocondriaques et inconscients, les redoutants déroutés s’ils ne craignent souvent rien du Covid aiment suspecter toutes les intentions, se rassurant dans un climat anxiogène. Le principe de précaution mis à toutes les sauces appelle toutes les imprudences en miroir: les funambules au bord du vide ne portent pas le moindre casque qu’appelle la plus lente des trottinettes.
Les effarouchés perpétuels « pètent les boulons » et les adeptes de la lutte des races repeignent leurs chaînes, déboulonnent statues et statuts, englués dans un présent sans pardon qu’ils renoncent à penser en voulant purifier le passé.
Tous ces comptables indomptables passent toute leur énergie dans la contestation, sans projet, ils ne savent plus que « cocher les cases ». Et ce ne sont pas les médias anciens à la remorque des nouveaux, regrettant souvent la méfiance des français tout en l’alimentant, qui vont aller contre le vent. 
« C’était un homme vide, qui prônait la suprématie tactique du vide. » 
Antonio Scurati parle de Mussolini. 
« En cela il représente l’archétype du populiste jusqu’à nos jours. Il crée un nouveau type de leadership qui ne guide pas les masses en les précédant mais en les suivant, en les reniflant avec un instinct animal, guettant leurs angoisses, leurs peurs, leurs frustrations. » 
La fraternité est pour les lointains pendant que liberté et égalité se contrarient à nos portes. 
Jadis, les conflits se régulaient, me semble-t-il, dans le respect des interlocuteurs, ce n’est plus forcément le cas ; ressentiment et fuite en avant mettent en doute nos valeurs communes.
La « bête immonde » n’apparaitra pas par surprise sur les écrans à la prochaine présidentielle, elle métastase déjà parmi nous, en nous.
Ayant délégué à des robots le soin d’enlever la poussière de nos tapis, avec serviteurs assurant « drive » et soins aux enfants, nous accroissons les distances entre les citoyens d’un même espace, d’une même espèce.
Sans rouvrir les confessionnaux, comment faire s’évaporer nos restes de culpabilité ?
En tapant sur l’état et ses représentants, ceux-ci feront l’affaire comme boucs émissaires.
Nous avons de plus en plus les mains propres, et  bien du mal à « gérer » les contrariétés, les contraintes, les pleurs et les couches pleines, le travail et le temps. Quand pendant notre vie nous avons tant cliqué, la mort ne deviendrait-elle qu’un bug ?
Pour n’avoir pas grand-chose à dissimuler, je ne comprends pas toujours les paranoïaques braillant à la moindre innovation, bien qu’il soit tout à fait vrai que les territoires de l’intimité se sont réduits. L’ouverture permise par les réseaux sociaux a viré en son contraire lorsqu’ils se sont démultipliés aboutissant à la fermeture communautaire.
« Communautaire » qui va avec « repli » comme la rousseur à la servante anglaise, compte comme synonyme : collectif et fédérateur.  
« Le malheur n'entre jamais que par la porte qu'on lui a ouverte. » dit un proverbe chinois

 

jeudi 17 septembre 2020

Musée de la révolution. Vizille.

Bien que la peinture d’histoire fut pendant des siècles le plus prestigieux des genres, la rubrique « Beaux arts » de ce blog me semblait un peu étroite tant le passé imprègne les épaisses murailles.
Le parc attenant vaudrait à lui seul une page au chapitre « Voyage » quand « les cerfs altérés brament ».
Il n’y a pas d’exposition temporaire pour l’instant mais une révision des collections permanentes valait le détour. http://blog-de-guy.blogspot.com/2009/04/dessiner-la-revolution.html 
Les sculptures sont vigoureuses, les tableaux majestueux, les objets d’art décoratifs émouvants, les mises en valeur pédagogiques ni austères ni sommaires.
Des salles sont dans leur jus, telles la bibliothèque des Perier propriétaire des lieux au moment de la révolution ou une salle art déco destinée aux présidents de la République dont le château construit par Lesdiguières était la résidence d’été. Les transitions avec une muséographie plus contemporaine sont habilement dosées.
Les œuvres sont suffisamment explicites pour une lecture chronologique et les enjeux des commémorations qui ont suivi les riches heures de 89 sont tout aussi stimulants, lorsque par exemple Louis Philippe a passé commande de deux tableaux, l’un dénonçant le pouvoir absolu du roi et l’autre incitant à résister aux foules séditieuses.
« Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud »
Les propos sont équilibrés entre la geste révolutionnaire héroïque et ses symboles s’inspirant surtout de l’antique pour les peintres français, alors que les anglais qui avaient recueilli les  nobles immigrés  travailleront plutôt l’émotion avec des accents rappelant les représentations des martyrs chrétiens.
Si l’"escalier de la Liberté" mène de "la salle de l’été 89" à la "salle de la République" ne pas manquer le petit salon de musique pas anodin du tout.