samedi 30 décembre 2017

L’almanach dauphinois 2018.

Il fait bon parfois cultiver les rites pour faire semblant de ne pas voir que l’ancien monde a passé « l’arme à gauche » et pour 6,40 € feuilleter le numéro 52 de la publication annuelle jusqu’à la publicité en dernière page pour les cloches Paccard, fondeurs depuis 7 générations.
Revue de détail comme il est désormais d’usage sur ce blog :
Une place non imprimée est toujours réservée parmi les 136 pages pour noter les évènements personnels et la date du premier chant du merle.
- Les quatre temps existent aux quatre saisons : au printemps les 21, 22, 23 février.
- Se rappeler en janvier de « mettre à la portée des abeilles de l’eau légèrement salée dans une petite auge remplie de pierres et placée au soleil. Lors d’une journée ensoleillée et calme, alimenter en candi les colonies nécessiteuses. »
- Les dictons se renouvellent:
« On ne peut voir les étoiles que lorsqu’il fait suffisamment sombre »
- Le rappel des évènements dans l’Isère entre les médaillés sportifs et les lauréats d’émissions culinaires est scandé par les disparitions : Yvrai, Gozzi… et les incidents climatiques.
- Il est question bien sûr de commémorations : 68 qui dura jusqu’en 71 quand Match titrait «  Grenoble, le campus de la peur ». Ce fut le premier campus construit en France dans la ville qui passa de 100 000 habitants en 1945 à 160 000 au moment des JO dont on va fêter également les 50 ans.
 - L’indestructible Fafois interroge le maire de sa commune :
-        Je n’ai donc pas le droit de vivre avec deux femmes ?
-        Bien sûr que non.
-        Eh bien tu vois, dit Fafois à sa femme : ta mère ne peut pas venir habiter chez nous !
- Rencontre des donatiens à Saint Donat-sur- L’herbasse dans la Drôme des collines dont les maisons anciennes sont construites en molasse extraite des coteaux environnants, formant des cavités nommées « balmes » ou « baumes ». A cette occasion les déclinaisons autour de « Merdaret » pour désigner des ruisseaux, signifient bien qu’il s’agissait d’égouts à ciel ouvert. Le village de 4000 habitants a connu des marchés aux bestiaux florissants et l’industrie de la chaussure de la ville de Romans y avait implanté des usines ; les asperges furent réputées mais aujourd’hui ce sont les trufficulteurs qui aspirent à une notoriété égale à celle du Tricastin. Les connaisseurs savent que « la donatienne », une variété de pogne, en vente chez Ronjat vaut le détour. Certains clients y apportent leurs ingrédients, beurre, sucre et œufs et ne payent que la façon.
- Petite chanson :
« L’air des monts est si frais,
Tout là haut sur l’alpage
Que sans le faire exprès,
On se met à l’ouvrage, »
- Une fleur est décrite : la pervenche, dont la résistance lui a valu son nom dérivé de vincere(vaincre), l’animal de cette année est le cygne, le fruit : la quetsche.
D’avantage de place est consacrée au dernier connétable de France, Lesdiguières, qu’à Henri de Bellesciste natif de Satolas qui mit au point la modulation de fréquence, mais il est toujours plaisant de découvrir des personnages ou des événements comme ces courses de chevaux se déroulant en pleine ville à Romans en 1887.
Les mots du patois varient : « les bésous » à Chabeuil forment « ina père » dans les Terres Froides : des jumeaux. Arrivés à Paris les natifs du Goubet ont trouvé :
«  Tou la gin couran , couran, sa pas où arravan tou. Ben me siou pinsa, si couran coume aco toulo jô, y davan pas ben fare de trava. »
« Tous les gens couraient, couraient, je ne sais pas où ils allaient tous. J’ai pensé  que s’ils couraient comme ça tous les jours, ils ne devaient pas beaucoup travailler. »
Le conte «  Le moineau du docteur » est quelque peu naïf, mais je le préfère de loin à une histoire pour les petits d’Eléna Ferrante recommandée par Télérama qui cultive tellement les peurs enfantines que je ne suis pas allé au bout de ce livre édité chez Gallimard jeunesse : « La Plage dans la nuit ».   

vendredi 29 décembre 2017

Pouvoirs.

Comment se débrouiller du mot « pouvoir », tellement repoussant qu’il fut nié, dans les années lointaines quand déjà un vieux monde courait derrière nous?
Nous avions toutes les ambitions: la santé c’était l’affaire de tous, et l’éducation et la planète.
Les traitements furent pris à dose homéopathique, l’enfant devint roi, et chacun cultiva son jardin sur une planète foutue. Tout ça a viré « corporate », les  fraternités ont fini en carnets d’adresses.
Tempêter contre Trump à chaque fois ne fera pas frémir la moindre aile de papillon alors que le plus restreint tweet du dément nous impacte : la nuisance a du pouvoir.
Le grotesque Donald-l’embrouille n'a rien d'un chef d'orchestre surtout pas clandestin. Alors qu’il y a encore peu, les politiques ne cachaient plus leur impuissance, on peut s'interroger si  c'est parce qu’il va dans le sens du capitalisme le plus arrogant qu’il est, lui, si puissant.
Pour revenir à des niveaux plus tangibles où les choix s’opèreraient : le maire à qui l’on touche la main peut faire croire qu’il a du pouvoir, alors que tout se passe dans les intercommunalités.
Le président de la république française, lui, a bien saisi que c’est au niveau européen que se joue notre avenir à défaut d’un présent brouillé par des médias pressés.
Plutôt que de gémir contre des décisions prises soit disant ailleurs, il assume et tient son rang.
Un Ruffin député se dispense de travailler en commissions mais pas d’élaborer des gags quand les caméras attendent un bout de chemise qui dépasse. Les réseaux asociaux se repaissent.
Quand toutes ces images s’éteignent, notre schizophrénie se retrouve à poil : le réel  devient introuvable.
Pour avoir cru tellement à la démocratie participative, version abâtardie de l’autogestion, je suis devenu extrêmement réservé sur bien des formes de concertations qui reprennent les mots de la citoyenneté et au bout n’en font qu’à leur tête. Le déchaînement des égoïsmes les plus étroits quand s’élève le moindre des bâtiments ne contribue guère à persister à croire à l’expertise des riverains. Si ce n’avait été décidé au niveau des technocrates européens, quel financement auraient pu obtenir les astronomes qui observent le ciel depuis le désert de l’Atacama ?
Les vigilants veilleurs de nuit jamais couchés, si bienveillants, imaginent-ils que parfois certaines personnes s’autorisent à ne pas penser comme elles ? Au moment des choix décisifs, ils se sont abstenus et depuis rouspètent. Ils avaient eu du mal à reconnaître qu’il y avait trois candidats qui avaient obtenu plus de voix au premier tour de la présidentielle que leur conducator.
Pour ce qui est du pouvoir sur nos propres actes, je me suis bricolé une philosophie portative dont un condensé pourrait figurer sur quelque assiette, au dessus des portemanteaux de l’entrée de ma maison : « Nous avons conjoints, enfants, parents, présidents que nous méritons ».
La décantation serait longue qui permettrait de repérer les fils qui immanquablement me mènent à revenir sans cesse à l’école et aux paysans.
Mes origines en milieu terreux, taiseux, je les exorcise et les excite , « en même temps », comme toute vérité.
« Le paysan meurt de faim, et son maître de gourmandise. » Proverbe polonais.
Jadis parmi les idées reçues, on précisait après bon sens : « paysan ». Les pagus sont devenus exploitants, mais ils savent bien eux que la forêt dont la diminution est dramatique au niveau de la planète est le marqueur d’une déprise agricole dans nos contrées montagneuses. Petits acrobranchés, les arbres du parc Paul Mistral n’étaient pas ceux de l’Amazonie.
« Le lettré précède le paysan, mais que le riz vienne à manquer, et c'est le paysan qui précède le lettré. » Proverbe vietnamien.
Face à l’accablante répétition des études pointant l’aggravation de la performance de nos élèves en lecture, il y aurait simplement à multiplier les occasions de lecture - c’est en lisant qu’on devient lecteur- avant même de revenir à dictées et grammaire pourtant utilement rappelés. Là est une racine du pouvoir, celui de choisir pour soi, voire plus si affinités.  
« Chaque lecture est un acte de résistance. Une lecture bien menée sauve de tout, y compris de soi-même. » Daniel Pennac
……………..
 Les dessins sont découpés dans « Le Point » et « Le Canard ».

jeudi 28 décembre 2017

Philippe de Champaigne. Fabrice Conan.

Le peintre du Cardinal de Richelieu et des jansénistes (1602-1674) figure entre Vouet et Le Brun parmi les peintres du Grand siècle présentés devant les amis du musée de Grenoble. Portrait de l'artiste, musée de Grenoble.
Natif de Bruxelles, passionné d’Italie, il s’arrête en chemin à Paris où il partage un logement  avec Poussin revenant d’un premier séjour à Florence.
Il épouse Charlotte Duchesne, la fille de son professeur. Ce portrait au regard vif, met  en évidence une formation de miniaturiste qui lui permet de rendre finement la délicatesse des tissus. Il aura trois enfants dont il va assurer l’éducation après le décès de son épouse, ceux-ci mourront également avant lui.
Dans Adam & Eve pleurant la mort d'Abel, le paysage, genre familier au brabançon, fait entièrement partie de la composition avec la lumière venant ponctuer la perspective atmosphérique. Le dessin est important, la composition pleine de mesure et de grâce, les personnages communiquent.
Les angelots sont turbulents dans l’Adoration des bergers où l’éloquence chromatique éclate loin des drames caravagesques.
La présentation au temple a gagné en monumentalité (5,60 m X 3 m), en efficacité grâce à une composition où les têtes sont sur une même ligne. Le classicisme s’amorce avec gravité et retenue.
Le carmel du faubourg Saint Antoine qu’il a décoré pour Marie de Médicis, la reine mère, a été détruit lors de la Révolution française et plusieurs tableaux se sont retrouvés à Grenoble dont cette Résurrection de Lazare dont les individus dans la foule sont expressifs, sans dramatisation excessive.
La Sainte face, de format modeste, au regard intense, n’a pas encore rencontré le voile de Véronique où s’estompaient les traits de l’homme. Ecce homo (Voici l’homme).
Les couleurs se réduisent pour Saint Arsène devenu ermite destiné au maître autel de Notre Dame en remerciement  de la protection de la vierge au moment où les espagnols sont repoussés par les armées de Louis XIII. La touche épaisse rappelle Rubens.
Parmi les treize versions de l’Assomption, le culte marial était alors intense, celle-ci est aussi à Grenoble. Nous sommes en position inférieure par rapport au niveau céleste tout en stabilité et dynamisme : entre ceux qui regardent vers le ciel et d’autres vers la terre, le rai de lumière produit un effet de continuité.
Lorsque il représente La vierge à l’enfant, celle-ci est douce et pensive. Dans son cadrage serré tout en intériorité et densité, la spontanéité n’a pas disparu.
Par contre la vierge passe au second plan pour une annonce à venir lors du Songe de Joseph. L’intensité lumineuse et l’originalité des couleurs sont remarquables dans cette Annonciation visible à Montrésor, village parmi les plus beaux de France.
Parmi quelques liens sur ce blog concernant Philippe de Champaigne
ne figurait pas cette Vanité réunissant végétal, animal et minéral, dans laquelle rien ne vient distraire de la méditation. En fonction des lieux et des sujets le peintre se renouvelle et « signe dans la lumière ».
Sobre et silencieux, l’Ex voto offert à Port Royal en remerciement de la guérison de Catherine sa fille religieuse.
Le souffle du verbe est sensible avec le prophète en empathie, Moïse présentant les tables de la loi posées sur un parapet qui sépare et en même temps permet le passage.
Louis-Isaac Lemaistre de Sacy a l’esprit pétillant alors que
L’Abbé de Saint- Cyran appliquait sûrement avec zèle la doctrine « le moi est haïssable »
Le sommeil d’Elie, effleuré par un ange de douceur réunit le monde visible et l’immatériel.    

mercredi 27 décembre 2017

Château de l'Arthaudière. Saint Bonnet de Chavagne.

Du côté de Saint Marcellin, pas loin de la médiévale Abbaye de Saint Antoine, est une maison forte qui porte trace de tous les siècles traversés depuis sa création au XIII° siècle.
Résidence seigneuriale, « monument historique », elle a connu des destructions pendant les guerres de religions, mais les  apports des propriétaires successifs témoignent du passage des temps guerriers à une recherche d’aisance et de prestige.
Une galerie renaissance est remarquable, par contre le rehaussement assez récent d’une tour est plus contestable.
Les travaux de restauration pas encore achevés laissent subsister quelques vestiges romantiques, mais permettent d’accueillir des expositions dans ses anciennes écuries et autres remises à véhicules hippomobiles.
Le jardin à l’italienne, depuis les terrasses ouvrant sur les paysages de la vallée de l’Isère, valorise une mare, tout en offrant une grande variété d’hibiscus et nous a -t- on dit de sauges.
Une exposition permanente « L'Arthaudière, une seigneurie rurale » apporte toutes les précisions sur l’histoire des lieux et des familles dont celle des De La Porte qui « jamais ne se laisse défoncer »  https://www.chateau-arthaudiere.com
Ce pays antonin dans le Grésivaudan du Sud, avec le Vercors en fond d’écran, est bien connu pour ses noix qui contribuent à  la notoriété de la capitale du Dauphiné. La densité des plantations insoupçonnées depuis les grands axes parcourus à toute vitesse est favorisée par un réseau d’irrigation impressionnant. Et ce n’est pas le moindre attrait pour le citadin de pouvoir découvrir des lieux patrimoniaux tout en mettant à jour son appréhension de la campagne  environnante qui n’en est pas restée au moyen-âge.

mardi 26 décembre 2017

50 nuances de grecs. Jul & Charles Pépin.

Jubilatoire rencontre des Dieux  et autres mortels de la Grèce antique, rivés à leur portable comme Narcisse ou Poseïdon et Zeus, se débarrassant d’Athéna venue leur proposer deux places de théâtre, pour finir de regarder un porno sur Bacchanale plus.
Les planches dessinées alternent avec des commentaires qui apportent une dimension philosophique aux spectaculaires péripéties de ces vies compliquées.
A propos des métamorphoses si fréquentes en ces lieux mythologiques :
« Rappelons qu’une « personne » vient du mot latin persona qui signifie «  masque de théâtre ». N’ayons donc pas peur de nous métamorphoser un peu : c’est souvent un assez bon chemin pour parvenir à soi. »
Quand l’avocate qui vient d’énumérer la liste des 23 enfants que Zeus a générés avec quelques créatures de rêve annonce qu’il doit se préparer à payer une très grosse pension alimentaire, l’assembleur de nuages pouvait s’y attendre.
Déméter s’occupe des saisons et lorsqu’elle reçoit les paysans, leur répond en fine politique:
«  Je crois que j’ai entendu vos revendications légitimes » mais les renvoie aux Titans pour les problèmes d’irrigation. 
Héraclès se présente à Acropôle emploi et ne pourra effectuer ses douze travaux pour lesquels est rappelé que « le triomphe de l’ordre sur le désordre est toujours provisoire ».
Pan : «  qui aime tant déclencher la panique, le mot vient de lui » a été relaxé dans l’affaire du Sofitel Mykonos mais devra s’expliquer de ses liens avec Dionysos-la Saumure.
C’est comme ça tout au long des 82 pages ; seul ou à deux le dessinateur et le philosophe  sont toujours délicieux.
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/09/merci-pour-ce-mammouth-jul.html

lundi 25 décembre 2017

Faire le sapin.

Quand Noël en saison revient, il convient d’aller chercher quelque conifère en devenir sur les parkings périphériques et d’empaqueter le résineux afin que la maisonnée sente le sapin.
Le rite est devenu si commun que nous en perdons le sens et lui quelques aiguilles.
Une occasion pour les enfants de se relier, se rallier aux ancêtres qui agirent pareillement.
Les gônes participent à leur tour à l’habillage de la maison, à sa conversation, au roman familial.
Un peu de chlorophylle surnuméraire arrive devant le canapé avec un brin d’histoire.
« Quand par l'hiver, bois et guérets
Sont dépouillés de leurs attraits
Mon beau sapin,
Roi des forêts
Tu gardes ta parure. »
La poésie n’est pas condamnée aux pompes funèbres et ce beau sapin mérite d’être chanté. Encore vert le bougre dans cette nuit d’hiver qui commence à rapetisser.
La répétition annuelle n’est pas fatalement sciante et les petits ne connaissent pas forcément la chanson, alors les vieux peuvent tenir leur place de transmetteur au moment où chacun quitte sa tablette pour se mettre à table.
La plus value Coca Cola est indéniable pour le bonhomme Nicolas Noël dont le succès planétaire ne tient pas seulement aux sortilèges capitalistes. Une même mécanique est à l’œuvre  qui a vu une religion nouvelle se nourrir de la précédente, une chapelle s’installant près d’une source fréquentée par d’archaïques fées. Le pansu a pris la relève de l’enfant qui n’est plus roi en sa crèche.
Derrière ces vitrines bien éclairées, quand réel et imaginaire se combinent, nous pouvons réviser quelques leçons et saisir l’occasion pour soulever le film recouvrant les apparences.  
Avant que tous ces papiers-cadeaux soient déchirés, se posent quelques questions, dont celle qui met sommairement les religions au niveau des croyances enfantines sans épuiser toutefois notre besoin de croire en un monde plus juste, plus fraternel.
« Pour préparer un arbre de Noël, il faut trois choses, outre les ornements et l’arbre, la foi dans les beaux jours à venir. » Zahrad, poète arménien.

dimanche 24 décembre 2017

Minuit. Yoann Bourgeois.

Perturbés par une arrivée en retard (une heure et demie pour traverser la ville) bien gérée par le personnel de la MC2 qui nous a fait discrètement prendre place, nous avons eu le sentiment de ne pas perdre seulement un moment, mais à défaut d’entrer en douceur dans l’univers singulier de Yoann Bourgeois, d’être un peu des intrus.
Le sous-titre «  tentatives d’approches d’un point de suspension » est illustré en séquences où l’humour alterne avec la poésie : légèreté d’un instant menacée par des matériaux hostiles qui tombent des cintres ou se cassent, mais l’ahuri rebondit, trouve la grâce et une femme s’accommode bien de survoler le plateau accrochée à un lourd instrument à contrepoids qui permet pourtant de croire en sa légèreté.  
Il n’est pas aisé de s’exprimer depuis un micro placé au dessus d’un plateau instable : le temps de dire « voilà » après une laborieuse installation et voilà par terre le théoricien obstiné. La verticalité souvent soumise à la question dans le champ pédagogique ou politique est quand même le contraire d’allongé.
Les chutes peuvent avoir de belles allures, être utiles quand elles propulsent en haut des marches, mais la poésie semble parfois effarouchée et la balance reste incertaine entre silence et musique, immobilité, lenteur et vitalité.
Bien des séquences m’ont enchanté, même la plus didactique avec deux pancartes « croire » et « douter » bien sûr instables, ou ces gestes entre un homme et une femme autour d’une table qui rendent compte des rapports de force d’un couple avec dynamisme et originalité.
Une harpe assortie de samples sort de ses atours habituellement apprêtés sans perdre de ses connotations planantes.
Un ballet de tubes métalliques menaçants et harmonieux joue d’une façon élémentaire avec les notions d’équilibre, de rapport de force qui sont au cœur du travail du chorégraphe circassien.   http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/04/celui-qui-tombe-yoann-bourgeois.html
Je pensais aux dessins  datés de Folon, mais ce spectacle délicat là dit bien notre époque fluctuante ou la précarité est la loi, même si les rires sollicités ne me semblaient pas de mise dans cette galaxie. Poésie et humour voilà encore un dosage délicat. Depuis mon pays ringard, je devrais savoir que sur « La piste aux étoiles » se produisaient aussi des clowns.  
  

samedi 23 décembre 2017

Les menteurs. Marc Lambron.

Une universitaire, une journaliste de mode, un attaché culturel qui se sont connus en khâgne à Lyon croisent leurs regards acérés à propos de leurs années passées entre 1975 et 2004.
«Nos parents avaient le monopole des souffrances de la guerre, nos grands frères avaient le monopole de Mai 68, nos petits frères le monopole de l'esprit d'entreprise et les gens encore plus jeunes le monopole du trash. Moi, je n'ai le monopole de rien.»
Les formules sont bien tournées, les 317 pages jubilatoires, même si les personnages se retrouvent un peu artificiellement toujours au bon endroit au bon moment :
à Madrid pour « La movida », à Berkeley au moment de l’essor de Silicon Valley, sans avoir oublié de lointaines racines prolétaires mais dignes, avec des parents qui ont connu les parents de Bernard Canta, tout en découvrant des blues inconnus, en fréquentant des traiders,  après avoir dansé au Palace, dîné avec Messié, suivi les cours de Lacan, bien connu toutes les figures de l’amour...
Nous avons tous vécu ça, dans les livres et les magazines.
«  Il serait aisé de dire que j’ai confondu très tôt les livres et la vie. C’est une forme de bovarysme, mais aussi une façon de se confronter à la noblesse du monde, à l’exigence de ceux qui l’on vu comme un paradis embelli par les mots. »
Quelques débats sont vivement réactivés :
«  J'ai assisté, au milieu de la société française, aisée, omniscolarisée, enracinée dans des siècles d'exigence, à une destruction d'intelligence qui humiliait, et parfois détruisait sans remède, quelques-uns de ses meilleurs esprits. »
«  Pour ne rien dire de mes camarades du laboratoire de sociologie qui, à force d’animer les chiffres comme un ventriloque sa marionnette, parvenaient à faire coïncider les lèvres du mannequin avec des postulats acrimonieux et revanchards dont il eut été aisé de démontrer en utilisant leurs propres armes, qu’ils correspondaient exactement à leur position de classe. »
« Paradoxalement, dans une société de la passion égalitaire, les privilèges du mérite sont plus rudement ressentis que ceux de la nature. »
Des motifs enfouis sont remis à la surface, ainsi du milieu de la mode :
« J’adore cet univers, non seulement parce qu’il étouffe sous les dentelles ces mœurs de jungle qui rendent toute vie difficile à traverser, mais parce qu’il avoue jusqu’au nerf la part florentine, baroque et meurtrière de notre existence. »
Nous nous réveillons car ça finit par se savoir :
« La généralisation d’une vulgate psychanalytique ayant pour effet de rejeter sur la génération supérieure la responsabilité des maux qui encombrent toute vie adulte ; le traitement consécutif du malaise par l’Etat-providence, dont le maternage aura contribué à faire de la France le premier pays du monde pour la consommation d’anti dépresseurs par tête d’habitant »
Au bout de ces récits sincères qui ont pris bien du recul, une formule qui mimerait la sagesse populaire :
« Il n’y a pas de bonne version, seulement des interprétations »
ou d’un façon plus littéraire :
 « Lorsque tous les leurres ont brûlé sur le bûcher des phrases, les cendres avouent ce qui a vraiment été »

vendredi 22 décembre 2017

Le Postillon. Décembre 2017/Janvier 2018.

Bien que l’invitation à offrir le bimestriel pour les fêtes soit écrite sur un ton de bon aloi , ce numéro à 3 € n’est pas très festif.
« Cinquantenaire des J.O. de Grenoble : pourquoi rallumer la flamme ? »
La réponse à la question de la demi-une est maigrichonne hormis un extrait du « Mythe blessé » de Pierre Frappat (1979) cité d’ailleurs dans un autre article.
Les journalistes anonymes pointent les revirements des « Verts » à ce sujet ou celui concernant la démolition du 20 de la galerie de l’Arlequin. Mais leurs vertueuses réprimandes seraient plus efficaces si quelques éléments ayant amené à des évolutions étaient exposés, sans se cantonner à des variations sur l’air de la trahison.
L’autre demi-une est bien pâlichonne : « Pour animer vos soirées afterwork : MC Licium » qui affiche l’indéfectible méfiance envers la modernité de ces proches de l’association « Pièces et Main d’œuvre ». Plusieurs articles approfondis repèrent les contradictions des chercheurs qui développent des systèmes toujours plus intrusifs tout en tenant des discours humanistes, avec « les transhumanistes qui n’assument pas », des « égologistes » chercheurs de sponsors tels que les promoteurs d’un « Educologiste tour » reprenant les mots à la mode.
Et lorsque la pollution devient bonne pour le business, les start-up sont dans les starting blocks: « Chacun son capteur, chacun sa tumeur ». Pourtant à mon avis : mieux vaut proposer que de rester goguenard derrière son clavier.
Ils sont aussi sur le campus pour assister là encore à « un protocole en cours de finalisation » : la fermeture de bibliothèques. Et ils se montrent critiques à propos des « poubelles intelligentes ».
Les contributeurs au journal du bassinet grenoblois sont à leur meilleur quand ils traquent la novlangue et l’attribution de leur noix connectée est bien vue. Le gagnangnan  du numéro 43 est : le « Gre Civic lab » visant à accompagner la ville de demain, la smart city. 
« Grenoble ville de demain, ce serait pas mal d’être une ville d’aujourd’hui pour commencer ».

Par contre leur seule objection concernant l’incendie de la gendarmerie de Meylan porte sur le jargon utilisé par ceux qui ont ciblé : «  les personnes et non l’uniforme ». Cela me semble gravement insuffisant. Il serait malheureusement d’actualité d’étudier ce groupe qui n’a pas seulement déversé toute une diatribe technophobe, mais a mis le feu à la Casemate.
Le suivi d’un sujet traité précédemment à propos d' une famille atteinte par la pollution d’un centre de compostage est intéressant, comme l’interview d’une écrivaine locale Marion Messina après son livre « Faux départ ».
Le rappel de l’histoire de Général Electric, l’ancien Neyrpic, est éclairant. L’usine, qui comportait près de 4000 ouvriers et n’en compte bientôt plus que 50 sur les 800 employés, fabriquait des turbines pour la Chine, le Brésil, l’Egypte. Ils rappellent que les patrons  sont maintenant plus proches des actionnaires que de leurs salariés : «  Après avoir profité de la mondialisation pendant des années, ils se plaignent maintenant de la concurrence chinoise ». Mais Mélenchon  en visite n’a pas dû turbiner beaucoup pour évoquer lors de sa venue, des « centaines de milliers de turbines » à venir : ça a pu plaire.
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Les illustrations ci-dessus viennent du Postillon, ci-dessous de Marianne


jeudi 21 décembre 2017

Mandala en piécettes.

Il m’arrive de fréquenter des lieux où l’art contemporain s’expose avec bien des installations qui ne valent pas, à tous égards, le travail réalisé récemment par Hubert Dal Mollin à la seule intention de ses voisins.
J’avais déjà fait partager mon admiration pour ses travaux de sculpteur ou de concepteur de mandalas: http://blog-de-guy.blogspot.fr/2010/09/hubert-mon-voisin-est-sculpteur.html
Quand il est amené à fouiner dans les poubelles à la recherche de bouchons en plastique pour l’association « Bouchons d’amour », il met en évidence bien des absurdités de notre société, mais cela n’entame pas son jovial humanisme.
Ses recherches spirituelles esthétiques et ésotériques l’amènent  parfois vers des concepts tel que « le nombre d’or » se traduisant par des maquettes soignées ou des structures lumineuses.
Cette fois une variante de ses accumulations avec des pièces de 1 centime fait naître un sourire de connivence qui s’additionne au plaisir de variations aux couleurs cuivrées.
Il ne se lasse pas d’interpeller les commerçants qui affichent des prix à 9,99 € et cette oeuvre aussitôt réalisée aussitôt détruite est une façon de mettre aussi en lumière tant de dérisoires manipulations des consommateurs.

mercredi 20 décembre 2017

En train vers l’Italie.

Quand mis sur les rails, les retards, associés trop souvent à l’entreprise des chemins de fer français, ne sont plus des problèmes, c’est que les vacances sont là.
Nous retrouvons la bienveillance qui parfois nous abandonne pour juger la voix nous invitant à rejoindre le bar, plus convaincante dans les trains italiens que les annonces désinvoltes par notre compagnie nationale, désormais sans wagons-lits.
Il fait bon se laisser conduire parmi champs et forêts floutés par la vitesse, sans hésiter sur l’image élémentaire.
Aux arrêts, les hargneux de chez Montaigne ont d’avantage griffé les murs que les cocasses de chez Boccace.
Sur les quais, des silhouettes fondues dans des souvenirs de cinéma retrouvent leurs enfants ; un homme porte dans ses bras une peluche démesurée.
Les grandes villes déroulent leurs stations modernisées, les petites gares sont envahies par les herbes et les signataires sur ruines.
Les fils électriques scandent le ciel lisse d’un juillet qui glisse et n’a pas encore saisi toutes les peaux.
Bien sûr, à pied, en vélo, se prennent les mesures du monde et en avion, quelle jouissance de  se sentir puissant au dessus d’un monde lumineux ! Et passent à l’as, kérozène et CO2, dans un souffle. Qui ne s’est pas émerveillé de s’endormir à Francfort pour se réveiller à Panama ?  
De tarmacs en tarmacs, le temps est chamboulé, nos atlas révisés, nos histoires révolutionnées.
Mais cette fois, en trois trains pour aller à Venise, nous prenons le temps qui si souvent galope hors contrôle.
Nous retrouvons livres et carnets, et des fenêtres par lesquelles apercevoir nos semblables avec dans un coin, notre reflet.
«… prairies condensées en effluves humides, velouté vert des sous-bois, humus, mousses, bords d'eau croupissants, goudron des routes exhalant en vapeur nocturne les vestiges de la chaleur du jour que vous humez encore tandis qu'un train d'autrefois vous emporte dans la nuit où des mondes endormis, muets et clos roulent à rebours de sa fuite, leur lumière venant poindre jusque contre les parois du compartiment obscur, y étirant un vitrail vacillant et momentané qui luit encore après qu'ils ont disparu du pan de ciel noir qu'encadre la fenêtre : embrasements au passage des gares désertes que l'on brûle, étoiles filantes, traits qui cinglent, galopent…» 
 Anne F. Garréta.
En jouant des mots avec entrain, sans s’épargner le train-train des banalités, je suis enclin à jouer sur ce terrain, l’antienne « en même temps » : si bien des tortillards ont été conservés pour les touristes, entre deux pôles urbains, où Grenoble n’a plus l’intention de jouer, il est utile qu’aillent comme le vent, des TGV. La priorité qui leur fut accordée ne devrait plus affecter la ponctualité et la fiabilité des trains de banlieue mais le « en même temps » n’est pas toujours jouable.
On m’a dit le plus grand bien des cars Macron, pas chers et peinards.

mardi 19 décembre 2017

La revue dessinée. Hiver 2017.

Les sujets de ce numéro 18, centrés surtout sur la nature, auraient pu appeler essentiellement à la déploration lorsque les journalistes en images dessinées reviennent par exemple sur le récit du déclin de la pêche à la morue.
Mais un sursaut face à l’urgence écologique en provenance de la finance peinte en vert est présenté d’une façon claire malgré sa complexité. Par un système de compensations type «  crédit carbone », certains biologistes se mettent à parler de «  capital naturel » ou de « marché de la bio diversité ».
La radioactivité des parafoudres installés par Orange, l’appétit immobilier des hypermarchés impactent l’environnement. Une incursion dans ces systèmes qui tiennent par le silence et la rapacité est toujours éclairante.
Nous retrouvons avec plaisir des respirations dans la rubrique sportive : les fléchettes, Laurel et Hardy au cinéma, et  à la buvette de l’assemblée nationale lors d’une enquête sur les lieux de pouvoir. « La sémantique est élastique » certes, mais aussi quelque peu excessive, en qualifiant de « grammar nazis » les maniaques de l’orthographe et de la grammaire sur Internet, mais ces pages apportent une dose d’humour absente de la précédente livraison.
Quant à la chronique musicale même bien dessinée, je n’ai rien retenu de ce Jonathan Richman tellement face B que j’en suis resté à l’état bêta. 
Ne se contentant pas de dénoncer, des alternatives sont présentées :
- Le récit de « La folle échappée » de Fernand Oury, un des pères de la psychiatrie institutionnelle dans les années 50 mesure le chemin parcouru.
- Des moments de la vie d’une école maternelle s’inspirant de Montessori à Montreuil  ne sont pas idylliques mais ramènent la possibilité de recherches pédagogiques au sein de l’école publique.
Et il n’est pas inutile de comprendre ce qui a mis en branle avec une certaine efficacité les troupes de « La manif pour tous ». 

lundi 18 décembre 2017

La villa. Guédigian.

Difficile devant la quasi unanimité critique de se placer à contre sens. Je saisirai l’excuse d’être dans le ton du film : les films de Guédigian, « c’était mieux avant », comme l’atteste un extrait enjoué d’il y a 32 ans inclus dans celui-ci.
Deux frères et leur sœur sont appelés près du père devenu grabataire dans une maison dont la vue donne sur une calanque de rêve du côté de Marseille. Nous retrouvons des acteurs familiers pour une cousinade, comme m’avait dit une amie.
Je ne suis ni inconditionnel ni allergique à notre Ken Loach méditerranéen et à l’instar de sa filmographie, lors de ces dernières retrouvailles, j’ai goûté cette fois certaines séquences et d’autres moins
Beaucoup de spectateurs ont ressenti la nostalgie, l’humanisme ; j’ai été sensible à des thématiques, qui m’ont semblé stimulantes, telles que les effets pervers générés par ceux qui veulent faire du bien. Les moments de tension sont plus forts, à mon avis, que les rencontres amoureuses ou les scènes lacrymales. J’ai préféré comme souvent les images d’hiver au bleu imperturbable des étés qui n’en finissent pas. A dater des films en fonction de la présence de cigarettes, dans ce lieu des rêves enfuis, on ne serait pas étonné de voir débouler Raimu, clope au bec lui aussi.
Il y a trop de sujets abordés : repartir dans la vie en restant sur place ? Restau pas cher ou grand chef ? La jeunesse la nôtre et celle d’aujourd’hui ? Quel avenir avec un jeunôt, une jeunette ? La classe ouvrière, la fin de vie, le sacrifice, le deuil, la transmission, les réfugiés, l’entretien des sentiers, le théâtre, écrire, le pardon, la vie, la mort, l’amour… J’ai aimé l’humour vachard du personnage de Daroussin, sa jeune compagne plus complexe et la scène de l’écho sous le viaduc. Mais le docte de chez 68 est pénible: maudit miroir !
Je sais bien qu’il s’agit d’un conte, genre délicat à manier, mais une heure trois quarts pour résoudre presque toutes les blessures de la famille et au-delà, forcément il a fallu expédier les raccourcis. Et puis quel besoin de tout expliquer? Même quand les personnages sont tout seuls, ils causent. Voilà de la matière pour discuter avec mes vieux potes.

dimanche 17 décembre 2017

Blockbuster. Collectif mensuel.

Venu du vocabulaire militaire, le mot «  blockbuster (bombe de gros calibre à faire exploser le quartier) » signifie «  film à gros budget » comme l’explique le journal de salle de la MC2. L’utilisation de ce mot qui claque entre en contradiction avec le texte se déroulant à la fin du film bruité par une dynamique troupe belge. Le propos dénonçait, entre autres, l’appauvrissement de notre langue par les mots de l’ordre néo capitaliste, tels que « merchandising, marketing, jogging ».
Cette confusion n’est pas la moindre des difficultés de ce spectacle qui aux yeux de certains est apparu comme « le spectacle de l’année ».
Il est bien difficile de contenter un public savourant toute critique acerbe envers de cyniques fauteurs d’injustices et ceux qui pourraient apprécier tous les clins d’œil à une cinématographie exclusivement américaine. Le manichéisme anarchiste, dont les dialogues se plaquent sur des images hollywoodiennes de 180 films, en épouse en miroir le ridicule simplisme.
Est-ce du théâtre ? Ce film en mode « mashup » détourne des images comme l’avaient fait les situationnistes en 1973 avec « La dialectique peut casser des briques » qui exposait des thèses révolutionnaires sur des images de Kung-fu.
Nous voyons sur le plateau des comédiens, excellents, prêter leur voix à Sylvester Stalone, Julia Roberts, Michaël Douglas, Brad Pitt, etc,  bruiter poursuites en voiture, portes qui claquent et accompagner en musique des transitions didactiques très « Nuit debout ».
Au début du spectacle, le public est invité à scander : « tous ensemble, tous ensemble, houai !» afin d’alimenter la bande son du spectacle.  Mais après avoir craint un conditionnement lourdingue, j’ai adhéré au dispositif car l’humour était au rendez-vous. Nous avons été amenés à démêler les différents degrés entre ce qui est dérision ou apocalyptiques prophéties. L’exercice peut être stimulant quand les caricatures esquissées ne sont pas si loin de la réalité.
Dans tous ces programmes, non pas ceux du théâtre où flamboient les belles paroles, mais avec ceux des politiques, les constats peuvent être partagés mais les moyens envisagés sont parfois très contestables et les solutions peu crédibles. Reste à ne pas oublier dans ces soirées promettant le grand soir, depuis la nuit des temps, que chaque matin acuche* des nouvelles des défaites de la planète. Alors : « Que faire ? » comme disait Lénine.
* Acucher du patois dauphinois : mettre en tas (en cuchons).
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 Le dessin est  du journal "Le Point "

samedi 16 décembre 2017

Augustin, berger du Grand Veymont. Bernard Freydier.

Ce roman historique apprendra aux lecteurs des aspects spécifiques de la vie à la fin du XIX° siècle à Gresse - en - Vercors, mais ces 250 pages ne concernent pas seulement les habitants de ce village situé au pied de la montagne qui sauront distinguer les êtres de fiction et leurs ancêtres au moment où ils passaient de la bougie à l’électricité.
Pour être indéfectiblement un instituteur, j'ai le goût de repérer chez les autres quelques maladresses d’enseignant cherchant à être toujours exhaustif, en toute confraternité.
Pour l’auteur, un mulet est à deux reprises « docile et fidèle », forcément :
« Augustin est enfin installé dans une grande salle de l’Hôtel Dieu de Marseille, sis dans le quartier du Panier, coeur historique de la ville où s’est développée la colonie grecque de Massalia en 600 av. J.C., cet hôpital a été rénové entre 1860 et 1866, par l’architecte Félix Blanchet, et inauguré par Napoléon III, empereur déchu, le 15 novembre 1866. »
Au-delà de la vie quotidienne jamais décrite de façon misérabiliste, l’empathie avec tous les personnages est palpable et les faits sont documentés :
«  Les propriétaires de troupeau que l’on appelle déjà des capitalistes - le terme cheptel vient de capital - recrutent la main d’oeuvre parmi les gens de la montagne. »
Il est question de la vie municipale avec les contraintes d’un climat rude et d’une terre ingrate, les progrès pour sortir du désenclavement avec la gestion de l’eau et des chemins, l’école, le courrier, la compagnie de pompiers à monter pour lutter contre les incendies, la solidarité, mais aussi les intérêts divergents des forestiers et des bergers.
Il fallait bien être à trois : le curé, le maître d’école et un maquignon, pour rédiger une adresse à Napoléon III  en visite à Grenoble afin de retrouver un droit à un libre parcours pour les troupeaux de « bêtes à laine » contesté par l’administration des forêts :
«  Nous croyons pouvoir vous dire que nous sommes persuadés et convaincus que ce n’est pas le plaisir de voyager qui vous a conduit parmi nous et nous procure l’avantage inexprimable de vous posséder une journée entière au chef-lieu de notre département. Mais bien au contraire, comme nous l’a très bien dit Monsieur le préfet, parce que vous désirez étudier et connaître par vous-même les besoins et les nécessités les plus pressantes des populations dont vous êtes le digne chef et le sauveur »
Nous suivons l’apprentissage d’Augustin qui très jeune monte à l’estive, assistons à son mariage et à ses prises de responsabilités dans la vie du village.  
L’économie rurale se transforme avec la création d’une fruitière et le tressage de paille, maigre revenu d’appoint, devenu un réseau dynamique de fabrication de chapeaux puis de cabas. Les premiers skieurs arrivent, des échos parviennent de la ville lumière où « cette tour Eiffel est devenue le Grand Veymont des parisiens ».
Le premier président de la république fut Louis-Napoléon Bonaparte, pas si loin de nous :
 « Je songeais à cet aménagement brusque, à cette étiquette essayée, à ce mélange de bourgeois, de républicain et d’impérial, à cette surface d’une chose profonde qu’on appelle aujourd’hui : le président de la République » Victor Hugo

vendredi 15 décembre 2017

Distinction.

Quand Johnny s’en fut, il y en eut pour trouver l’hommage excessif et bien que nous pataugions dans la bienveillance, les tenants de la buzz attitude ont aimé rompre les consensus.
Pour avoir goûté l’esprit de contradiction jusqu’à satiété, j’ai préféré en la circonstance respecter la peine des nostalgiques de l’interprète de « Dadouronron ».
Le théâtral Insoumetteur en chef  drapé dans une rhétorique parfois universaliste peut-il comprendre que des émotions puissent porter au-delà des réunions entre cousins ?
Le président ayant ressenti l’émoi populaire est légitime pour participer à l’hommage comme il le fit pour la disparition de d’Ormesson dans un autre genre.
Je n’ai lu aucun roman de l’ancien éditorialiste du Figaro ni collectionné les vinyles du supporter de Sarko en dehors d’un « Gabrielle » dont les battements me « donnaient la patate ».
Mes coups de vieux rebaptisés échéances historiques sont survenus plutôt quand Rocard ou Maire sont morts, mais je ne dénie pas aux autres leur chagrin. Mon père aurait su pourquoi la disparition de Kopa me faisait quelque chose mais je n’aurai demandé à personne de sortir son mouchoir en papier.
C’est bien le rôle d’un chef de l’état de réconforter, honorer son peuple dans toute sa diversité quand l’occasion se présente: « Je vous ai compris ! »
Que le chef de l’état travaille à réunir le pays ne condamne pas à ingurgiter une tisane tiède mais pourrait amener plus de dialogues respectueux où les désaccords s’exprimeraient et les propositions s’élaboreraient. Que n’auraient dit les familiers de l’abstention s’il s’était abstenu ?
Le titre de cet article joue lui même à la distinction en reprenant un titre de Bourdieu mais aussi un mot de ma mère qui désignait toujours les gens « distingués » comme ceux d’une classe classieuse loin de la nôtre. Savoir les classes sociales et se tenir par les épaules, des fois.
Finkielkrault soulignant la réalité de la non unanimité de l’émotion nationale en inventant un « non souchien » malheureux n’a pas été à la hauteur ; il prétend aimer le temps long et pêche souvent par précipitation.
Par contre pendant ce temps, Régis Debray participait à l’hommage à Julien Gracq. Il est bien plus fécond en pointant l’institutionnalisation du show-biz avec notre Jojo en camélion qui fit tant de bien à tant de jeunes gens :
«  Si les corps doivent désormais être de la partie pour que l’esprit y soit, les conversations d’outre-tombe nous seront bientôt interdites. » Qui empêche de lire les auteurs morts ?
Il est vrai comme il le rappelle dans cet article du Monde au titre bien choisi : « Une journée particulière », parlant de notre ère : « celle qui voit plonger inexorablement les compétences de lecture des écoliers, brûler soixante-dix bibliothèques entre 1996 et 2013, les autres se reconvertir en vidéothèques par prudence. » Les chorales chanteront : «  Toute la musique que j’aime… »
C’est bien parce qu’il est de pacotille, à notre hauteur, que le rocker intelligible, le cow-boy camarguais fut si populaire. Dans les flots de paroles qui l’ont suivi en cortège, nous savions tous de qui nous parlions, ce que nous partagions : notre jeunesse.
« Est-ce la main de Dieu,
Est-ce la main de Diable
Qui a mis cette rose
Au jardin que voilà ?
Pour quel ardent amour,
Pour quelle noble dame
La rose de velours
Au jardin que voilà ?
Et ces prunes éclatées,
Et tous ces lilas blancs,
Et ces groseilles rouges,
Et ces rires d'enfants,
Et Christine si belle
Sous ses jupons blancs,
Avec, au beau milieu,
L'éclat de ses vingt ans ? »
Barbara
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Dessins  de « L’express » de Neuchatel pour «  Courrier International » qui joue à « Charlie » et du « Canard ».