dimanche 29 juin 2014

Un oiseau s’est posé. Manset.

17 morceaux en 2 CD pour la vingtième livraison de celui qui « voyage en solitaire » et appelle l’expression  « chanteur- culte » http://blog-de-guy.blogspot.fr/2010/10/manset.html
grâce à sa renommée proportionnelle à sa rareté : pas de concert, pas de photos, mais de solides collaborations et un univers singulier.
Il termine cet album de reprises par où tout avait commencé : « Animal on est mal »
« On a le dos couvert d’écailles
On sent la paille »
Passé le moment d’étonnement de retrouver « Entrez dans le rêve » bien rythmé, je remis la galette dans la bouche à musique, alors que le souvenir des atmosphères planantes me convenait davantage :
« Découper le monde à coup de rasoir
Pour voir au cœur du fruit le noyau noir »
J’ai redécouvert des morceaux troublants, saisissants:
« Mais où sont passées les lumières
Qui nous guidaient ?
Peut-être étions-nous trop fiers
Pour baisser la tête.
Le monde a tourné sans nous,
Sans nous attendre.
Les ténèbres sont partout
Couvertes de cendres. »
Et trouvé le seul inédit  bien dans la lignée des précédents textes mystérieux, prophétiques, mélancoliques :
« Un oiseau s’est posé
Il tenait dans son bec
Comme un papier plié
Un message mais ne savait rien
De l’endroit qui t’a vue partir »
A l’autre bout du monde, le chagrin :
« On est tous pareils, on n'a rien d'autre à faire
Que d'écrire sur un bout d'papier
La vie qu'on mène à l'autre bout d'la terre
Pendant qu'on voit les bombes tomber
Mais, de l'autre côté de le rivière,
T'as des hommes qui mangent des chiens,
Des femmes qu'ont peur de la lumière,
Qu'ont plus de lait dans les seins. »
Comme ici :
« C’est toi qui traînes la valise
Des années que tu y as mises
Le temps sur toi n’a plus de prise »
………..
J’interromps mes publications sur ce blog en juillet août et reprends en septembre.

samedi 28 juin 2014

La boussole. N°1.


Sur le créneau des « mook »(magazine+book) voilà les cathos qui débarquent avec des articles aérés, un dossier de photos d’afghans à belles gueules et l’inévitable bande dessinée à propos de Notre Dame de Paris à la mode Esméralda.
Le dossier principal promettait, puisqu’il concerne « l’autorité » mais comme l’édito, tout cela est un peu fade, les quizz un peu convenus : « 224 pages pour avancer dans la vie » dont les paroles bonnes gagneraient en force avec un brin d’humour et de fantaisie.
Par contre je n’avais jamais entendu parler dans mes journaux habituels d’un établissement scolaire à Montfermeil où les élèves assurent le ménage et la vaisselle, se rassemblent  en fin de journée pour entendre les avis, avec chaque vendredi promenade en forêt. Des points feront bondir quelques pédagogues comme la montée des couleurs, pourtant des  pistes concrètes sont proposées pour sortir du marasme des élèves qui… travaillent, dans cet établissement hors contrat.
Chez les chefs cuisiniers et leurs apprentis la rigueur est  aussi de mise.
Si le reportage au sein de la brigade des mineurs est classique, la progression de parents qui veulent rétablir le lien et des cadres pour leurs ados au cours de groupes de paroles est positive. L’autorité dans le couple est examinée : « quand on aime quelqu’un,  on cherche à l’augmenter » ; mais dans le cas de l’inceste l’autorité peut se fait perverse: le récit est bouleversant quand le conformisme de la famille étouffe toute parole.
Les politiques ne sont pas oubliés : « d’Alexandre Le Grand à Steve Jobs », puis plus précisément les présidents de la V° république :
«  A toutes les époques, sous tous les régimes et sous toutes le latitudes, c’est en fabriquant un grand dessein collectif que nos héros ont construit leur autorité et parfois leur légende. »
Il est question aussi des papes : Jean Paul II « de la cène à la scène » et retour sur le bonhomme Jean XXIII dont le discours d’ouverture du concile fut  écrit « avec la farine de son propre sac ».
L’article sur « l’autorité en état de siège » est plaisant : il est question de trône et de chaire, quand les députés restent sur le banc. De belles photos accompagnent un article sur les bidons-villes à Rio, ou sur les champs de bataille autour de Verdun.

vendredi 27 juin 2014

Quelques contradictions en terrain contracté.

Classique : ceux qui réclament des subventions veulent aussi des baisses d’impôts.
Facile : le ministre chargé de combattre la fraude, a fraudé.
Il ne passe décidément pas, Cahuzac, ce cas qui nous a usés.
La loi : les plus gueulards contre le laxisme de la justice, sont ceux qui respectent le moins les limitations de vitesse.
Mutant : combien en appellent au changement mais surtout ni pour eux, ni leur statut ?
Dans notre vieux continent, les votes à droite se multiplient, alors quelques camarades en appellent… à plus de gauche.
Le premier ministre parle d’une possible « mort de la gauche » pour essayer de convaincre des députés, mais celle-ci est enterrée depuis un moment dans nos terres, sans fleurs. Quelques gémissements : « c’est la faute des autres »
Le Vals martial tranche parmi une foule de résignés, mais en dehors des postures que fait-il pour la ranimer ? S’il a tant besoin de se dire de « gauche » c’est que cela ne va pas de soi.
Non, je ne reviendrai pas sur une de mes antiennes :
« Quand on parle tellement de civisme, c’est qu’il a disparu … »
Si.
Formats : devant nos écrans de télévision bientôt plus grands que les écrans de certaines salles du cinéma la Nef, nous tenons au creux de nos mains des images de plus en plus petites sur nos élégants phones.
Pays natal: «  c’est la maison suspendue. Au loin. Celle que je visite toutes les nuits, et dont je n’arrive pas à éteindre la lumière » Leïla Sebbar.
Papier journal : J’avais conservé le petit bout de citation ci dessus du journal Libération qui met  tant de belles photos sur mauvais papier, et il y a crise du papier, pas que.
Notes : La société est devenue de plus en plus cassante, impitoyable, l’accès à l’emploi de plus en plus difficile, alors revient le débat éternel pour plus de bienveillance à l’égard des élèves en difficulté et que ça passerait par la disparition des notes déjà amorcée : félicitations pour tous, bac pour tous … et tous chômeurs sauf pour ceux qui ont les réseaux.
La France est le meilleur pays formateur… en football (Slate), quant à son école tout court, elle coule.
Pétition : les épreuves de maths étaient trop difficiles d’après des élèves : une exigence de façade en décalage avec la réalité du terrain. Pas de souci : les notes seront réévaluées comme d’habitude. Au brevet une année, il fut demandé de placer les océans sur une carte, alors qu’en CE2 il est question de la femme de Clovis ou de Proudhon en CM2.
La date du bac détermine le début des vacances pour l’éducation nationale avec la complicité de certains parents qui avaient peut être apprécié « le travailler plus», et pensaient  pourtant que la journée des élèves était trop chargée. Ils mettent leurs petits en congé d’autant plus que les locations sont moins chères… après avoir maugréé contre l’absentéisme des profs.  Par ailleurs c’est difficile de trouver un plombier mais « ce n’est pas un métier pour le mien », pas plus que médecin généraliste, prof ou policier : alors footballeur intermittent ?
Suburbain : « On n’y flâne plus, on y affronte un vide intense. La construction y prolifère mais l’habitat disparait. » Philippe Garnier parlant d’un livre de Bruce Bégout (Suburbia)
Urbain : « en concentrant les hommes, la ville exacerbe leurs passions. L’énergie de leur rencontre se double d’un immense désir d’évitement. Ces tensions contradictoires et invivables, d’abord anesthésiées par le spectacle et la marchandise, le sont désormais par la circulation infinie. Entre le vide originel de l’être-ensemble et la domestication absolue, l’immense nappe urbaine déploie ses audaces et ses leurres. » Philippe Garnier.
……………….
Dans le « Canard » de cette semaine :

jeudi 26 juin 2014

Le corps sublimé : de l’amour charnel à l’amour divin.

Serge Legat a introduit la dernière conférence de son cycle devant les amis du musée consacrée au corps, par une photographie, une sculpture, et une fresque.
Dans «  Le baiser de l’hôtel de ville » les couples qui  avaient cru se reconnaitre et avaient demandé à Doisneau de les indemniser, ont été déboutés par la justice : il s’agissait d’une scène posée.

Puissance d’un autre baiser,  celui de Cupidon fait revenir à la vie, la mortelle Psyché, comme Canova les sculpta. Ce mythe antique entre en résonnance avec le cycle de l’âme humaine passant par des épreuves et renaissant de l’enfer grâce à sa dignité : c’est aussi la Belle au bois dormant ou Blanche Neige. 
Giotto humanise les thèmes religieux dans sa représentation de « La rencontre à la porte dorée » de Joachim et Saint Anne, les sentiments apparaissent, et la main dans les cheveux, le rapprochement des visages sont d’une sensualité très moderne.
La peinture devient un instrument du récit et les exemples arrivent à foison, mais foin de toison.
A la suite de Zeus alias Jupiter, en personne,  nous pouvons embrasser la variété des formes amoureuses avec Le Corrège qui peint le Dieu amoureux impénitent, en nuage enserrant Io la belle fille de sa papatte, ou en aigle enlevant Ganymède, beau garçon.
Avec François Lemoine avant son élève François Boucher, Omphale domine Hercule un (bel) esclave qu’elle vient d’acheter, elle le tient par les épaules et lui avec sa quenouille la regarde d’un air amouraché, elle a revêtu la dépouille du lion de Némée qu’il avait jadis vaincu : les stéréotypes sont inversés. La mythologie servit souvent de prétexte pour représenter par ailleurs quelques baisers goulus.
Plus allégorique est « La leçon de musique » de Vermeer où le jeune homme va jouer de la basse de viole pour accompagner celle qui est en face du virginal, autre nom du clavecin.
« La fiancée juive » de Rembrandt réunit les amants au moment d’une naissance annoncée, leurs mains se croisent magnifiquement, leurs regards sont perdus. Dans « La parabole du fils prodigue », l’autoportrait de Rembrandt est plein d’allégresse quand il se trouve en compagnie de son premier amour qui mourra jeune. La deuxième qu’il aima, au bain ou à sa fenêtre, exprime la force de l’amour qu’il lui porta.
Et une et deux : la première épouse de Rubens surprise dans sa lecture est  parfumée de délicatesse. Après la disparition de l’aimée qui le désola, il fut pris d’une passion torride et multiplia les portraits de la jeune Hélène, animale sous sa « Pelisse », à voir à Vienne.
Renoir peignit des amis qui s’aimaient : les Sisley, et dans « Le déjeuner des canotiers » son amante figure avec son petit chien ; dans la danse à Bougival, c’est Suzanne Valadon qui servit de modèle.
Pour ce qui est de la peinture de l’être aimé, Picasso était incontournable. Depuis sa première muse Fernande Olivier qui le rassura, puis Eva Gruel qui comprit sa modernité, à sa première femme Olga danseuse des ballets russes, il passa ainsi du modèle, à l’amour caché, à l’épouse. Puis Marie Thérèse Walter rêveuse, « La femme qui dort », sensuelle, précéda l’intellectuelle Dora Maar aux ongles rouges, « La femme qui pleure ». Françoise Gillot le quitta après lui avoir donné deux enfants, et il épousa Jacqueline.
Toulouse Lautrec donnait rendez-vous au bordel à tous les journalistes bien pensants et ce familier des prostituées a pu saisir « Au lit » des couples de lesbiennes : « les deux amies » « L’abandon » avec tendresse.
Du côté de Vienne, Klimt inspiré par les mosaïques byzantines fait émerger un baiser sur fond doré au milieu de formes géométriques, Schille coupe les corps mais rend leur chaleur. Son « Cardinal et sa nonne »  se serrant bien forts, sont provocateurs et invitent à une transition évidente vers l’amour sacré.
Le refus du contact, de la part du Christ qui vient de ressusciter, à l’égard de Marie Madeleine dans le « Noli me tangere » de Fra Angelico est chargé d’émotion, et la nativité de Giotto à Assise chez  Saint François qui institua « la crèche », met en lumière l’amour maternel. Les bergers respectent l’enfant d’où vient la lumière chez Georges De La tour ou Le Tintoret. 
La vierge de Botticelli  serre contre elle un vrai bébé et celui du Caravage lors de la fuite en Egypte est lové dans les bras, tendrement. L’attachement maternel chez madame Vigée Lebrun annonce nos enfants chéris.  
Cette étourdissante suite de chefs d’œuvre, se conclut bien sûr avec « La transverbération de sainte Thérèse » du Bernin  qui sous ses ors, ses marbres et ses dorures parle de l’amour divin dans lequel on peut voir des extases bien charnelles, comme le disait le libertin De Brosses: « si c’est ici de l’amour divin, je le connais ».
« La nativité » de Georges De la tour, intitulée « Le nouveau né » va-t-elle vers plus d’universalité ? Ses  magnifiques Marie Madeleine éclairées par de moins en moins de chandelle ont traversé les siècles, renonçant aux bijoux, aux miroirs, la beauté s’efface devant l’éternité.
Quand la servante de Vermeer apporte une lettre à sa maitresse annonce-t-elle le bonheur ou la rupture ? Mais on ne badine pas avec l’amour :« Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. » Musset

mercredi 25 juin 2014

Turin en trois jours. # J 2.

Dans la ville de la Fiat, nous ne sommes pas allés sur le site industriel de Mirafiori mais au Lingotto, usine reconvertie en centre de congrès, bureaux, centre commercial surmonté par la Bolla de Renzo Piano, structure de verre qui caractérise désormais l’ensemble gigantesque.

Au cinquième étage la piste d’essai de 900 m recevait les voitures à l’issue de leur fabrication.
Dans ces lieux, La Pinacothèque de la fondation Agnelli, « la boite à bijoux », vaut le détour avec ses Canaletto et Belloto d’une précision, d’une taille et d’une lumière qui ne peuvent être rendues par les reproductions, deux statues de Canova et quelques œuvres de peintres majeurs: Manet, Matisse, Renoir, Picasso…
A la sortie un tour chez Eataly  s’impose surtout aux alentours de midi. A l’emplacement de l’ancienne fabrique de vermouth Carpano, cette grande surface consacrée à la gastronomie italienne allie les charmes des marchés traditionnels au confort et à l’élégance des dispositifs contemporains en mettant en pratique la philosophie du « slow food » ( « qui va piano va sano ») : huit petits restaurants thématiques, deux cafés, un stand de gelati, des bières et des vins. Dans les caves mûrissent des jambons et des fromages.
Quoi de mieux après une pizza que d’aller au musée du cinéma installé dans la Mole Antonelliana, symbole de la ville avec ses 165 m de haut ?
Depuis la terrasse étroite du sommet nous avons une belle vue sur la ville et ses montagnes à l’arrière plan, après une montée express par l’ascenseur de verre. Au premier niveau des lanternes magiques, théâtre d’ombres et autres chambres noires qui furent l’archéologie du cinéma. Des espaces au second niveau détaillent les genres : fantastique, western, comédies musicales … au troisième les étapes de la fabrication : story board et costumes. Une bonne révision de nos émotions en salles obscures avec d’innombrables affiches au quatrième. Dans l’escalier hélicoïdal des photographies de stars à oscars étaient exposées temporairement.
Sous la vaste nef, allongés  sur des chaises longues confortables nous pouvons nous laisser bercer par les images, nous avons vu un manuscrit de Fellini  et son écharpe et l’ombre de Marilyn…
Pour parachever la journée, la trattoria Carmen est tout à fait recommandable, commander à l’avance

mardi 24 juin 2014

Literary Life. Posy Simmonds.

Scènes de la vie littéraire, sur 100 pages, depuis l’auteur plutôt vieux, forcément gonflé de son importance jusqu’au non lecteur plutôt jeune. Mais au delà nous traversons notre époque nostalgique et insatiable bien que ces chroniques aient été livrées il y a près d’une dizaine d’années pour le « Gardian Review ».
L’humour est anglais, fin, surprenant, la dessinatrice qui a réalisé les romans graphiques Gemma Bovery et Tamara Drewe  porté à l’écran http://blog-de-guy.blogspot.fr/2010/12/tamara-drewe-stephen-frears.html est à la hauteur de sa réputation.
Le milieu de l’édition est gentiment croqué : éditeurs peu intègres, critiques impitoyables, attachés de presse ambitieux. 
Les formes varient : un seul dessin peut suffire parfois, alors que des parodies avec un docteur et sa charmante assistante qui soignent les écrivains tourmentés, essayent de les guérir des clichés, ou bien un agent littéraire aux allures d’agent secret très spécial règle les affaires habilement. Jalousies, écrits anciens exhumés, dédicaces, Jane Austen ne souhaiterait pas revenir avec les animateurs d’aujourd’hui …
« Jusqu’où diriez-vous que votre écriture est un substitut au sexe ? »
L’évolution de la littérature jeunesse est bien vue.
« Le lapin et le sage hibou restèrent assis sombrement près du feu, déplorant la perte de l’innocence chez les jeunes leur avidité et leur manque de respect… Et dans leur chambre, les jeunes lapins s’installèrent pour jouer à Roadkill. »
A travers la vie d’une librairie indépendante nous sourions de la distance entre rêves et réalité, comme lors des moments d’écriture quand au bord de la piscine dans son fauteuil un auteur inscrit sur son ordinateur : « les bourrasques estompaient les chars en flammes, recouvrant les mourants et les morts dans leur tenues souillées de sang congelé… »

lundi 23 juin 2014

Bird people. Pascale Ferrand.

Suivre les pas d’une femme de ménage dans un grand hôtel ne mène pas fatalement où l’on pense. Nous sommes conviés sur des hauteurs poétiques cocasses et naïves au rythme d’un moineau rarement personnage central de film.
Par ailleurs dans ce Hilton à Roissy, un ingénieur américain est en instance de rupture avec sa vie antérieure, gérant par Skype sa séparation avec sa femme et  s’arrangeant par téléphone avec ses collaborateurs, tout en asséchant le mini bar de sa chambre et en fumant force cigarettes.
Film au point de vue original portant sur des enjeux nous concernant intimement mais qui peut en laisser quelques uns au bord de la piste.

dimanche 22 juin 2014

Ici-bas, ici même. Miossec.

Sur la pochette de son dernier CD, la tête du breton aux yeux fermés affleure la surface d’une eau qui ressemble à un film plastique.
Cette image recouvre mon appréciation de ce dernier album bien reçu par la critique.
« La vie elle a passé
Et on l'a comme pas bien vue
Les années ont filé
Beaucoup plus vite que prévu
C'est pas fini !
On vient à peine de commencer
C'est pas fini ! »
L’écorché à l’alcool s’est mis à l’eau, et si ses dispositions vertueuses ne peuvent que réjouir la raison, sa voix en perdant de son âpreté est moins émouvante.
« On veut le velours, on veut la soie
Etre moins lourd et perdre un peu de poids »
Les musiques d’Albin de la Simone que j’apprécie beaucoup quand il joue pour son propre compte nappent les paroles du citoyen de Locmaria-Plouzané d’un trop élégant emballage.
Le cœur :
 « Il ne fera plus le salaud,
 Il ne fera plus le crétin,
Il a jamais cru aux cieux
Mais aujourd'hui il aimerait bien
Croire encore en quelque chose
Croire encore en quelqu'un,
Depuis hier après-midi
Il bat toujours en vain. »
Sa collaboration avec Sophie calle est fructueuse:
« Avez vous des enfants
Et si non pourquoi ?
Pleurez vous souvent
Et si non pourquoi ?
Êtes vous différent
Et si non pourquoi ?
Goûtez vous les tourments
Et si non pourquoi ?
Aimez vous tuer le temps
Et si non pourquoi ?
Serez vous là à temps
Et si non pourquoi ?
Et si tu m'aimes encore
Dis moi au moins pourquoi
Si ce n'est plus le cas
J'veux pas savoir pourquoi »
Depuis le haut de la falaise qui domine la mer d’Iroise, il n’est pas tout seul, Eicher est aussi passé là bas.
« Je ne suis pas qu'un drôle d'oiseau
Un animal que l'on fouette
J'veux juste sortir du troupeau
J'veux enfin pouvoir être
Bête comme j'étais avant
Quand j'étais ton amant
Tous les jours c'était la fête
Samedi dimanche en tête »

samedi 21 juin 2014

Pulp #1. Féminin masculin.

Séduit par une parodie de journal people qui traite du look de Napoléon et de la crise entre Van Gogh et Gauguin comme l’aurait commis Closer ou Voici, j’ai acheté en librairie ce nouveau trimestriel, puisque désormais les nouveautés éditoriales apparaissent à ce rythme.
Le thème du « genre » traité en 120 pages est d’actualité et la mise en page séduisante avec l’ambition de décrypter les images. Mais l’impression dominante révèle un manque de saveur et une allure quelque peu scolaire.
Certes, les Femen, « seins contre saints » actualisent le look de la publication aux colorations essentiellement sixties avec une compilation des pubs machistes comme on n’en fait plus, et encore la femme Tupperware, le prince Renier III, Marlène Dietrich en pantalon, Belmondo et Anna Karina. Et malgré Plonk et Replonk avec un portrait de groupe frappé par « la terrible épidémie de moustache de 1890 » qui apportent une touche d’humour, celui-ci me parait assez parcimonieux.
Si le projet est tourné vers les adolescents, la Joconde(LHOOQ) affublée d’une moustache par Duchamp a toute sa place, mais pour les kroumirs de mon acabit, nourris aux parodies d’Actuel, les surprises sont rares même si je ne connaissais pas le Brancusi « femme se regardant dans le miroir » tellement polie qu’elle figure un god évident. Il est intéressant de savoir qu’en 1907 les garçons de café s’étaient mis en grève en particulier pour obtenir le droit de porter la moustache.  
« Nous voulons notre rang d’hommes comme tous les travailleurs, et ne pas être astreint à singer les femmes par la suppression de la moustache »
Les cafés s’efforçaient alors de ressembler aux maisons bourgeoises dont les serviteurs avaient aussi interdiction de montrer leurs poils. 
Il n’est pas inutile non plus de rappeler « les femmes doivent-elles être nues pour entrer au Métropolitan muséum ? » puisque « 5% des artistes exposées sont des femmes alors que 85% des nus sont des femmes.»
Agréable à feuilleter, la présentation des travaux de l’iranienne Shadi Ghadirian ne manque pas de punch,  mais les textes n’apportent pas grand-chose, par contre l’homme  couché dans un drapeau français en guise de hamac décrivant aussi bien « La France des assistés »  du Figaro magazine, aurait pu exprimer «  La France du bien être », comme une même image peut illustrer « le spectre islamiste » ou « le printemps arabe » …

vendredi 20 juin 2014

Pourquoi les riches ont gagné. J.L. Servan Schreiber.

La citation reprise de partout  d’un Warren Buffet, 200 fois plus riche que Bernard Tapie, quoique bien plus digne, ouvre les 150 pages de ce livre rapide:
« Il y a une lutte des classes aux Etats-Unis, évidemment, mais c'est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner. »
Victoire financière, politique et idéologique.
Même au forum économique mondial de Davos,  ils peuvent se permettre de mettre la montée des inégalités à l’ordre du  jour : « les 85 personnes les plus fortunées du monde possèdent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population. »
Il y a 2 millions de millionnaires sur la planète, et 500 000 en France, mais au delà d’une compilation assez plate de chiffres qui donnent le tournis sur l’accroissement des inégalités dans un monde qui globalement s’enrichit, la mise en évidence par la pyramide de Maslow des besoins humains n’est pas inutile quand le futile gagne :
Nécessités physiologiques : manger
de sécurité : maison
d'appartenance : famille
d'estime de soi : miroir
d’accomplissement de soi : mon œuvre
qui dépassent l’image du gros capitaliste du XIX°.
D’autre part quand le créateur de « L’expansion » et de « Psychologie magazine » met le doigt sur le devenir des enfants de riches exposés à la contamination de l’argent, l’interrogation peut porter sur tous nos enfants de notre société tellement riche en regard du reste du monde.
En concluant sur le beau mot de « fraternité », je ne peux m’empêcher de trouver cette vision à ce point optimiste que je ne peux la croire :
« ce siècle accouchera de nouveaux idéaux civilisateurs et humanistes, sous peine de voir le cynisme financier et matérialiste dominant entraîner, au minimum une amertume sociale, au pire de nouveaux conflits meurtriers. »
Le monde est à eux et le pouvoir d’informer entre leurs mains, les pauvres sont leur bouclier et la Chine championne des inégalités : à partir de ces constats il y avait matière à un essai plus percutant.
………..
Sur  le site de Slate :

jeudi 19 juin 2014

Le corps souffrant. Serge Legat.

Au cours du cycle « le corps dans tous ses états », Serge Legat a apporté devant les amis du musée, toutes les pièces contredisant l’idée reçue qui verrait l’art contemporain se complaire à la représentation de la laideur opposée à une beauté ayant régné jadis sans partage.
Le conférencier commence cette galerie des portraits aux disgrâces infligées par la nature par "  Le Portement de Croix » de  Jérôme Bosch. Celui qui va subir le supplice  est apaisé ainsi que Sainte Véronique au milieu d’une foule féroce dont la violence est assortie à la laideur.
La correspondance des traits du visage liés à un caractère est élevée au rang de science : la physiognomonie connait quelques succès au XVII° siècle, au moment où Charles Lebrun lance les conférences à l’Académie royale de peinture. La tête était au sommet de la hiérarchie d’un corps dont les mystères reliés aux passions sont explorés ; les dérives les plus terrifiantes de cette théorie arriveront jusqu’à notre époque dans les wagons plombés des thèses racistes.
Léonard de Vinci  avait recherché avec ses têtes grotesques, hors normes, la diversité de la création, tout en poursuivant ses études de rapports de proportion harmonieux.
Le visage très marqué de l’homme âgé de Ghirlandaio, au nez  atteint d’une rhinophyma, en face d’un enfant  lumineux est transcendé par la douceur des regards,  pendant que les traits lourds  de Robert de Masmines peint par Robert Campin, né à Valenciennes, le « Maître de Flémalle », annoncent les maîtres flamands.
Les italiens continueront  plus longtemps à idéaliser le corps humain, à l’instant où les écoles du Nord traitent vigoureusement de la vérité du corps humain en allant chercher vers les ténèbres, le désordre, l’étrange.
L’école allemande dépasse le réalisme au moment de la vieillesse: le portrait de la mère de Dürer par son acuité annonce l’expressionisme et Otto Dix n’épargne guère la sèche journaliste Sylvia Von Harden, jusqu’au pli de ses bas. Le maître de la gravure dans sa représentation du péché d’avarice a insisté sur le corps dégradé d’une femme aux seins flétris, 
« L’affreuse duchesse » de Quentin Metsys qui ne se rend pas compte du ridicule de ne pas accepter son âge. Les décolletés chez Goya sont horrifiques et à la question du miroir : « que tal ? »(comment ça va ?) Le spectateur répond « très mal ». Le temps représenté derrière les deux coquettes va déblayer d’un coup de balai « l’âge d’or » en mousseline.
Les hommes ridés, plissés, sont mieux traités: Saint Jérôme du Caravage est un sage investi d’une mission.  Par contre, « la maturité de la femme est la marque de l'inflation de sa folie », bien que la Marie Madeleine de Donatello sanctifiée par les privations, les souffrances, conserve intactes ses mains en prière alors que tout son corps est appelé vers le bas.
Les beautés étaient opulentes avec Rubens, et  le Ganymède enlevé par un aigle de Rembrandt n’a pas sa perfection mythologique habituelle : le bébé braillard est obèse.
« Le corps idéal peut céder la place aux difformités de la nature » tandis que les nains à la cour d’Espagne sont au côté des princes, ils n’ont pas figure grotesque pas plus qu’ils ne tiennent un rôle de bouffon, ils sont dignes d’être représentés seuls, par Vélasquez ou Ribera dont l’enfant au « pied bot » porte sa béquille à l’épaule et accepte son sort dans un sourire.
Au moment de la naissance de la médecine aliéniste, Géricault produit une série de tableaux saisissants avec des monomaniaques des décorations militaires, du jeu, de l’envie, du vol...
Quand vient la mort, même la vierge chez  Le Caravage, est un cadavre qui n’entre ni en dormition, ni en assomption.
Sardanapale, peint par Delacroix, au sommet de son bucher entraine ses femmes dans la mort : une s’abandonne, une se pend, une autre est poignardée. Au premier plan de « La liberté conduisant le peuple », la mort a frappé  à égalité les adversaires des journées révolutionnaires de 1830.
Dans cette vallée de rides, de souffrances, de mort, l’absurde permet de réagir :
« rien n'est plus drôle que le malheur... c'est la chose la plus comique au monde. » dit Beckett.
Comme Michel Ange se représentant dans la peau arrachée de Saint Christophe dans le jugement dernier, Cranach a mis sa tête coupée sur le plateau d’Holopherne ou de Salomé et le Caravage s’est peint en Goliath vaincu ou en Méduse hurlant. Lucien Freud ou Bacon se sont tendu des miroirs impitoyables. L’irlandais  qui déclarait « Je crois que l’homme aujourd’hui réalise qu’il est un accident, que son existence est futile et qu’il a à jouer un jeu insensé. »
fait se télescoper  les représentations du pape Innocent X de Vélasquez et le bœuf écorché de Rembrandt : son cri est terrifiant.



mercredi 18 juin 2014

Turin en trois jours. # J 1.

A trois heures de Grenoble par le tunnel du Fréjus, nous nous rendons dans la capitale du Piémont dont la taille est comparable à Lyon avec ses 1 700 000 habitants. Nous n’aurons pas le temps de vérifier si le slogan « toujours en mouvement, always on the move »» qui est attribué à la quatrième ville d’Italie, n’est valable que dans les guides touristiques.
Depuis l’hôtel à 80 € la chambre, bien situé place Carducci, nous allons prendre notre carte « gold Torino+Piemonte card » à 30 € qui nous ouvrira la porte de tous les musées et nous permettra de nous déplacer en bus ou par le métro inauguré pour les jeux olympiques d’hiver de 2006.
Nous n’irons pas voir le Saint suaire, ni le musée Egizio qui accueille la plus grande collection d’art égyptien après celle du Caire.
Nous nous rendons à notre premier musée d’art contemporain : au GAM. Signalé par un arbre en bronze de Penone, le lieu est depuis 1863 dédié à l’art moderne. Aujourd’hui jusque dans ses expositions temporaires, il juxtapose avec cohérence des œuvres anciennes et des contemporaines, les unes réveillant les autres, les autres validant les unes, toutes se valorisant. «L’Arte povera » est bien représenté avec  Pistoletto, Michelangelo de son prénom, mais on y voit aussi Dix, Picasso, Léger, Modigliani, De Chirico … Il y avait même un Caravage.
Nous déambulons dans le centre ville sous les arcades qui abritent ainsi élégamment les passants sur 24 km, et nous entrons dans l’église San Lorenzo, qui servait à la maison royale sur la Piazza Castello à côté du Palazzo Reale. Si l’extérieur n’a rien de rare, la construction baroque de forme octogonale, sans nef, sous sa coupole lumineuse, est remarquable.
Une exposition itinérante venant de la Tate galerie, consacrée à l’école préraphaélite  s’est arrêtée au Palais Chiablese. Retour aux sources avec Dante Gabriel Rossetti qui possédait la double nationalité italienne et anglaise, membre éminent d’un mouvement qui connut son apogée à l’époque victorienne. Les préraphaélites reviennent sur des thèmes mythologiques ou moyenâgeux parés de couleurs vives, aux lumières vibrantes, aux femmes sensuelles. L’affiche avec Ophélie flottant à la surface de l’eau de John Everett Millais nous y avait conviés.
Après nous être régalés d’un jus de fruits, dit « frullati » de préférence à « smoophie », pourtant issu d’un mixer fatigué, nous allons au restaurant des « Tre galline » où nous goutons à la cuisine piémontaise. Les gressins délicieux ne nous ont pas coupé l’appétit. J’ai opté pour « La finanziera » plat de tripes diverses dont des crêtes de coq avec des champignons. Mes camarades de voyage en  sont restés aux pâtes fondamentales, cette fois des agnolotti au ragoût, après un pré antipasti, une citation de vitel' tonné qui allie viande de veau et thon sous une câpre de bonne taille, et un « bollito misto » où la viande et les légumes se trempent dans une sauce aux anchois. Comme nous renoncions au dessert, on nous servit quelques réduits délicieux.

mardi 17 juin 2014

Où sont passés les grands jours ? Jim&Alex Tefenkgi.

Séduit par le titre et les couleurs, je suis ressorti déçu de ce premier album qui sans le recours à un second volume à venir, reste lacunaire avec un scénario aux personnages immatures  ne ménageant pas beaucoup de surprises.
La fin de l’adolescence est souvent traitée en BD, mais avec plus de profondeur, d’empathie pour les protagonistes de quarante ans. Un de leurs copains, dont la disparition se matérialise dans le carnet d’adresse d’un téléphone portable, vient de se suicider. Ils sont passifs, et les cadeaux qu’ils ont reçus en héritage du défunt ne leur conviennent pas,  de surcroit nous ne saurons que peu de choses de chacun.  
Le vide peut être fort, là il est paresseux alors quand le « héros » menteur et lâche se fait virer : c’est le seul bon moment. 
Assis sur le toit de sa voiture, en fumant une clope, celui-ci a  laissé sa copine désherber la tombe de son père au cimetière. Les situations sont  surlignées ou artificielles, avec par exemple des dessins de footing en décalage avec le tempo de la conversation, ressemblant à ceux d’une poursuite échevelée style manga.
Il y a tant de BD bien que c’est dommage de dépenser pour celle-ci.

lundi 16 juin 2014

The Homesman. Tommy Lee Jones.

Maintenant que les westerns se font rares, dégustons celui là  avec une femme qui tient les rênes et une dimension religieuse forte. La description de la fin des pionniers a déjà été traitée mais l’interrogation sur la perte de sens de nos existences est toujours d’actualité. Le réalisateur  a une gueule et joue le rôle de l’accompagnateur bougon qui réserve des surprises, d’autant plus appréciables qu’il y a une jubilation à réviser les fondamentaux du genre : chariot à barreaux pour les trois folles à conduire des terres arides vers les salons charitables de l’Est, colts et duels, corde au cou, incendies, chevaux, indiens peu conventionnels, ciels magnifiques au dessus des plaines, rivières à franchir, whisky, attrait de l’ailleurs, « Rédemption » en tant que nom de mule, l’argent …

dimanche 15 juin 2014

Kodaly Rachmaninov Poulenc.

Sous la coupole de l’église Saint Jean dont De Gaulle passant sur les grands boulevards en 68 s’était demandé : « Qu’est-ce que c’est que ce machin ?» l’Orchestre Symphonique de Grenoble avec la chorale « A cœur joie » et l’ensemble vocal de Meylan donnaient concert.
L’ampleur des chœurs et de l’orchestre ont donné une force aux œuvres qui dépeignent pour le hongrois, la douleur de David dans le psaume op 13 :
«  Seigneur dieu, je t’implore,
Tourne tes yeux vers moi,
Dans ce grand besoin
Ne m’abandonne pas
Car d’une grande tristesse
Est dévoré mon cœur »
ou dans le Stabat Mater du français :
« Elle vit son enfant bien-aimé
Mourant abandonné
Pendant qu’il rendait l’esprit »
Quand l’éternelle douleur est rendue avec tant d’harmonie, de précision, de conviction, nous pourrions nous consoler des cruautés humaines en croisant ces sublimes cris.
J’avais de Kodaly l’idée d’une méthode prônée par un professeur passionné et caractériel à l’EN de Grenoble, mais je ne connaissais pas sa musique qui m’a parue éclatante et nuancée.
Le chef Patrick Souillot avait mis aux pianos deux enfants de neuf et dix ans pour interpréter Rachmaninov et Poulenc : ce fut un moment de grâce où le sens du phrasé transcende l’apprentissage. Ces petits dont l’un jouait à « chat » à la sortie donnaient toute leur valeur aux notes ténues qu’ils délivraient depuis leurs monumentaux instruments laqués.

samedi 14 juin 2014

Le plus beau but était une passe. J. C. Michéa.

La phrase est prononcée par Cantona dans le film de Ken Loach « Looking for Eric », soulignant que ce sport est d’essence collective, voire socialiste comme aime le rappeler  le philosophe http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/09/les-mysteres-de-la-gauche-jean-claude.html .
Cet essai est une reprise d’articles pertinents au sujet du foot et des intellectuels, mais certains arguments sont redondants, l’éditeur n’ayant pas été très vigilant: à quelques pages d’intervalle nous avons droit à la même anecdote concernant un écrivain envahi par une tristesse inconnue causée en réalité par la défaite de  l’équipe argentine de Peñarol.  
Si le rappel de Camus dans ce livre de moins de 150 pages est un passage obligé comme l’image de Maradona en couverture, le rappel de la notion de jeu est salutaire face à ceux qui distribuent l’épithète « fasciste » bien trop facilement jusqu’à banaliser le terme :
« On sait que l’art  de « savoir perdre » et de se « montrer beau joueur » a toujours figuré parmi les vertus les plus inconditionnellement célébrées par les premiers théoriciens du jeu et de l’activité sportive. »
 Alors que tant de jeunes perdent le sommeil dans des jeux, que la politique, les relations sont des territoires ravagés par le divertissement et la rigolade, quand la lecture régresse face aux distractions, il n’est  pourtant pas superflu de rappeler la gratuité de certaines activités parce que ce mot là devient une incongruité.
Je partage aussi complètement cette précision qui n’est pas inutile quand des professeurs ne savent plus la différence entre animation et enseignement:
«Un des ressorts fondamentaux de toute pédagogie - c'est-à-dire de l’aptitude de se mettre en permanence, non pas au niveau des élèves, mais, ce qui est bien différent, à leur portée - »
 Aujourd'hui  quand des sommes incroyables sont dévolues à quelques stars qui cassent  la « glorieuse incertitude  du sport », et  que le Barça dépositaire du beau jeu arrive en fin de cycle, il manque une actualisation à ses réflexions qui en restent trop souvent à la nostalgie des années « Miroir du Football ». Nous voilà, désarmés, accablés, sans passion pour savoir qui sera troisième derrière le QSG et le paradis fiscal monégasque aux tribunes vides. Mais on va bien jeter un coup d’œil sur le Mondial qui déroule ses tapis vers l’enfance, même si Neymar déjà éventé n’est pas Garrincha que nous avions à inventer, c’est que notre innocence a perdu aussi ses joues roses.

vendredi 13 juin 2014

A quoi ça rythme (scolaire) ?

La longue polémique sur un sujet qui peut sembler secondaire http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/10/arythmie-scolaire.html donne pourtant quelques indications sur une société qui a tant de mal à se réformer, bien qu’un consensus apparut  à un moment.
Si cette évolution a tant de mal à voir le jour, c’est que rien n’est simple et bien peu des commentateurs obnubilés par la situation particulière de Paris n’ont su voir la complexité : les experts avaient parlé, les rubricards pouvaient tartiner paresseusement.
Leur lancinant argument d’une « école qui fatigue les enfants » est ravageur, mais qui plus est faux à mes yeux. Au cours des 27 heures, dans les temps préhistoriques où j’officiais, nous avions le goût, la liberté de doser les activités, et  par exemple l’éducation sportive dispensée à l’intérieur des 6h quotidiennes par des personnels compétents, permettait au maître, entre autres bénéfices, un regard distancié sur ses élèves, une meilleure connaissance, une complémentarité, une cohérence.
Dans quel état de confusion sommes nous entrés pour confondre activités périscolaires et l’école elle-même ? Il y a péril en la demeure. L’éducation artistique, le sport, la musique sont au cœur des fonctions de l’école, et un film, une pièce de théâtre peuvent entrer par exemple dans un projet pédagogique, mais les enlever à la responsabilité des professeurs est dramatique. Au niveau du primaire aucune matière n’est une fin en soi mais seulement une brique dans la construction qui nécessite un maître d’œuvre. Il permet de distinguer information et apprentissage, et s’il n’est pas omniscient, face aux machines, faut il que nous soyons  tellement en perte de sens pour être amené à plaider ainsi pour l’instruction publique ?
Il est vrai que le ludique, les loisirs préparent des temps de cerveau disponibles.
« Le travail, de plus en plus dévalorisé, devient secondaire dans l'empire de la distraction et du fun. L'important, c'est le temps libre, les week-ends, les ponts, les vacances, les sorties, les chaînes câblées, les présentatrices dénudées (et pas que dans la télé de Berlusconi), les jeux vidéo, les émissions people, les écrans partout. Le divertissement scande chaque moment de la vie, rythme le calendrier jusque chez soi, où la télévision, la console de jeu et l'ordinateur occupent une place centrale. Le divertissement remplit tout l'espace, reformate les villes historiques, quadrille les lieux naturels, construit des hôtels géants et des centres commerciaux le long des plus belles plages, crée des villages touristiques dans les plus infâmes dictatures. »
Raffaele Simone
Le « Trépidant Tyranneau » qui ramena la semaine de classe à quatre jours avait saisi la préférence de familles décomposées à l’égard de cette option, fut-il en contradiction avec le « travailler plus » qui nous amusa un temps. Et l’enfant roi fatigué par ses écrans avec un matin de moins à se lever de bonne heure était d’accord. Les corporatistes de la corporation ne l’avouaient pas forcément, mais la formule les arrangeait eux aussi.
Les communes prennent du pouvoir au détriment du ministère et elles sont tellement diverses.  Et les modifications d'Hamon (en aval) n'arrangent rien! Déceler un tel dessaisissement par le ministère lui-même ne peut venir que d’un ringard jacobin -c’est quoi jacobin ? Dans un monde qui fuit les contraintes tout en  se blottissant dans des idéologies les plus raides, on peut imaginer une façon de gouverner qui pour l’efficacité de ses propositions sache distinguer  les besoins d’une petite princesse en route vers sa première année de maternelle et le gaillard de CM2 véloce et plein d’appétit. Tout en évitant comme le fit France inter de traiter d’adolescent un enfant de 12 ans. Mais comme pour la réforme des régions, un redécoupage qui ne serait qu’un équilibre des masses économiques est voué à l’échec, si la culture est ignorée : la Creuse n’est pas le Rhône. On  ne vous l’a pas dit à l’école ?
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Dans le "Canard" de cette semaine: