jeudi 31 janvier 2019

Egyptomania. Catherine De Buzon.

Ne pas confondre « Egyptomania », « Egyptian Revival », et autre « Nil style » avec la scientifique « Egyptologie », quand la mode à toutes les époques réinvente l’architecture, le mobilier, les ornements, les arts de la table, les bijoux… tout ce qui dans l’Egypte ancienne a fasciné le monde.
Sous le tableau de Vedder : « l’homme qui questionnait le Sphinx », la conférencière, devant les amis du musée de Grenoble, nous a livré quelques éléments qui illustrent le sous-titre de son exposé : « Quand le Sphinx devient loquace » autour de l’exposition : « Servir les dieux d’Egypte » https://blog-de-guy.blogspot.com/2019/01/servir-les-dieux-degypte-au-musee-de.html  .
Par exemple la tapisserie « Moïse sauvé des eaux » à partir d’un carton de Poussin et sa statue énigmatique, son obélisque, ses pyramides, ses palmiers, réunit les marqueurs d’un « merveilleux ailleurs ».
« Madame de Pompadour » au Château de Menars va même être représentée en sphinge (féminin de sphinx).
L’opéra a joué sur ce terrain, Papageno dans la flûte enchantée porte parfois une cage à oiseaux pyramidale et la maquette de décor de l’opéra de Verdi « Aïda », créé lors de l’inauguration du canal de Suez, peut annoncer un spectacle grandiose.
Sur dix plaies, John Martin illustre « La septième plaie d'Egypte », au moment où la grêle se transforme en feu. Ce genre s’intitule : « le terrible sublime ».
La lueur sur les genoux de Marie assise entre les pattes du Sphinx scrutant le ciel, lors du « Repos de la Sainte famille pendant la fuite en Egypte » de Merson, annonce le passage d’une religion à l’autre.
Alors que Kupka pose la question de la place de l’homme sous un ciel grandiose dans « La voie du silence ».
Obélisques et pyramides se sont multipliés à Rome, depuis les premiers contacts 3 siècles avant J.C. Au premier siècle avant J.C., « La mosaïque du Nil » à Palestrina témoigne d’un intérêt manifesté aussi à Pompéi. Les empereurs se rendaient dans des temples dédiés au culte isiaque avant les batailles.
« Antinoüs » amant  d’Hadrien s’est noyé dans le Nil, sa statue a beau porter le némès, coiffe des pharaons, ses « poignées d’amour » ne trompent pas sur l’époque.
Pendant la Renaissance, au plafond des appartements du pape Alexandre VI, Pinturicchio représente la « Résurrection d’Isis » en taureau blanc, tel qu’il figurait sur le blason des Borgia.
Au début du XVIII° siècle, Frédéric-Auguste de Saxe, Ier roi de Pologne dit Auguste II le Fort commande à des orfèvres un autel à Apis. « Obeliscus Augustalis ».
L’« Histoire de l’art de l’Antiquité » (1764) de Winckelmann fera date alors que Piranese décore « Le café anglais de la place d’Espagne » à Rome.
Hubert Robert, amateur de ruines, met en scène des « Jeunes filles dansant autour d'un obélisque ».
A l’emplacement de la Bastille est construit le 10 août 1793 « La Fontaine de la Régénération »:
« O nature reçois l’expression de l’attachement éternel des français pour tes lois ».
L’anglais Thomas Hope multiplie les meubles : fauteuils, « lit », salle égyptienne destinée à recevoir des objets authentiques.
Les francs maçons écossais ont leur « Salle du chapitre ».  
Ce « Médaillier »  est remarquable,
« La console » italienne élégante,
la « Bibliothèque » destinée au rangement de la « Description de l'Egypte » de Denon qui avait accompagné Bonaparte, fonctionnelle.
 « Bonaparte devant le Sphinx »  Gêrome
 Ainsi « l’Expédition d’Égypte (1798 à 1801) sous les ordres de Bonaparte » (Coigniet) laissa de nombreuses traces dans Paris, place des victoires et à la Concorde, en ses hôtels particuliers et autres fontaines.
La manufacture de Sèvres proposait des services divers du style de ce « sucrier ».
Lawrence Alma-Tadema traite du tragique le plus sombre « La Mort du premier né du Pharaon »
 et du plus lumineux « La Découverte de Moïse » au début du XIX°.
Architecture et mobilier à l’ancienne ont connu des moments inspirés dans l’Egypte moderne. « Vestibule de l'hôtel Shepheard »
Alexandre Cabanel peint « Cléopâtre essayant des poisons sur des condamnés à mort » alanguie, « écrasée par le désir assouvi », son suicide sera beaucoup traité par ailleurs.
Mais le spectacle peut continuer ; en 1921 est inauguré le cinéma « Le Louxor » à Barbès, date de la découverte du tombeau de Toutankhamon relançant un engouement jamais calmé dont l’art déco se fera l’écho avec délicatesse.
« Gardez-moi » pour Jovoy Flacons.
Sur chaque place de village, le monument aux morts de la guerre de 14/18 comme celui de « Sainte-Croix-à-Lauze », dresse son obélisque désignant un ciel au dessus des croyances, dans un matériau imitant ceux qui avaient défié le temps déjà depuis quelques millénaires. 
"La forme même des pyramides d'Egypte montre que déjà les ouvriers avaient tendance à en faire de moins en moins." Will Cuppy.

mercredi 30 janvier 2019

Lacs italiens # 8. La maison de d’Annunzio (suite)

Cette maison et ses dépenses ont incombé au peuple par la grâce de Mussolini.
Il  comparait d’Annunzio  à une dent cariée:  « on l’arrache ou on la couvre d’or ».
Il a choisi la 2ème solution pour ce héros populaire qui avait survolé Vienne en la bombardant de … tracts.
- Le poète avait prévu une chambre mortuaire à son usage, avec un lit qui ressemble aussi bien à un lit d’enfant qu’à un lit de mort. Deux dépouilles de guépards recouvrent les quelques marches qui y conduisent.
- Dans toutes les pièces étouffantes et confinées, un bric à brac incroyable à épousseter devait  bien occuper les 7 domestiques attachés à la maison pour l’entretien.
Seule l’immense cuisine échappe à la folie collectionneuse de cet hypocondriaque adepte de la cocaïne, amateur d’objets religieux et orientaux à la mode à cette époque.
La guide nous abandonne dans la partie art déco que d’Annunzio n’a pratiquement pas eu le temps d’habiter, avec des pièces plus spacieuses notamment la chambre où il fut exposé à sa mort (et pas dans la chambre funéraire) dont le lit est encadré par des copies des statues du tombeau des Médicis de Michel- Ange.
Cette partie de la maison s’inspire de l’esthétique des bateaux à travers la présence importante du bois et les fenêtres en forme de hublots. 
Elle dévoile surtout des objets et costumes  militaires, des hélices,  des drapeaux  de Fiume, aujourd’hui ville de Croatie mais dont d’Annunzio fut gouverneur d’une république et dont il voulut toujours le rattachement à l’Italie. La fin de la visite passe par un petit cinéma assez grand pour exposer l’avion qui survola Vienne suspendu dans les airs.
Quel drôle de personnage habita cette endroit, que la guide nous présente plus comme un « anarchique » (anarchiste) qu’un fasciste en rivalité avec Mussolini, dandy et dépensier, semant des dettes de partout (à Arcachon par exemple)  payées par les états, « séparé » de sa femme, non croyant et vivant librement avec une pianiste…. Petit homme d’un mètre cinquante- huit à peine, patriote et « héroïque » !
En sortant, nous nous abreuvons à la fontaine de la cour et partons à l’ascension du prétentieux mausolée circulaire qui domine tout le paysage au-dessus du lac. Comme celui d’un empereur, le catafalque est au sommet, écrasant, avec à ses pieds des statues de chiens assez expressives, couchés, remuant la queue, dans des attitudes vivantes et un style évoquant Giacometti. La vue est splendide.
Nous redescendons en faisant un crochet par le cuirassé mi construit mi reconstitué, impressionnant par sa dimension et son incongruité dans ce jardin.
Nous terminons notre visite par le musée installé sous le théâtre « romain » , (encore utilisé pour des spectacles), où sont exposés  une collection impressionnante de chaussures très fines pour pieds presque féminins, des tenues d’intérieur de dandy, quelques vêtements féminins, 
 
et des flacons magnifiques de parfum, objets ayant tous appartenus à d’Annunzio.
Le bonhomme sut très vite utiliser la « réclame » à son profit en se servant de son nom. Un petit film intéressant  est diffusé sur des écrans, il manque juste quelques sièges pour l’apprécier  car les sous-titres en anglais permettent assez facilement de comprendre les images d’époque qui défilent.
Nous quittons ce site quelque peu délirant vers les 17h 30 et récupérons la Clio que l’olivier ne protège plus du soleil depuis sans doute un bon moment. La caisse de paiement du parking utilise un système de pictogramme optique tout à fait efficace et magique mais c’est quand même avec un léger soulagement que nous franchissons la barrière automatique. 
Nous prenons le chemin du retour avec l’intention de faire une halte à SALO au bord de l’eau. La circulation est beaucoup plus dense de ce côté du lac, la route, plus étroite et plus montagneuse.
Nous bifurquons vers la bourgade célèbre dans l’histoire du fascisme après le film de Pasolini et trouvons une place assez centrale dont le parcmètre nous est gentiment  offert par un couple de nordiques qui part avant l’échéance de son ticket de stationnement. Nous suivons la promenade piétonne du bord de l’eau sur un chemin très urbanisé et agréable, où aucune bouteille ou déchets ne traînent.
Nous remarquons que les amoureux  comme toujours visent les recoins charmants  pas dans le but de se compter fleurette, mais pour consulter chacun son portable. Les petits bateaux à moteur rentrent de leur virée au « large » sans tapage ; pas de bruit agressif ne s’échappe des bars de bon goût qui inévitablement attirent autant pour  se désaltérer que pour profiter de la vue. Nous en choisissons un pour étancher notre soif, Guy se lance dans la découverte d’une boisson à base de cédrat ; plus classiques, les filles optent pour un jus d’orange pour moi, et de citron pour J. et D. malgré la grimace du garçon pour le citron et sa proposition rejetée de le mixer avec de l’orange. Elles en comprennent vite la raison : le jus est pur, sans eau,  tiède et sans sucre : acidité 100 ! La tête et l’expression de J. sont éloquentes D. s’empresse de trouver glace et sucre auprès d’un jeune homme qu’elle imagine volontiers vêtu en page d’une autre époque.
Nous regagnons la voiture vers 19h et comme nous nous sommes trompés de sens, le demi-tour sur la route fréquentée et peu large à 2 voix s’avère périlleux. Le GPS veut absolument nous imposer l’itinéraire de l’aller malgré mon injonction à border le lac et finit par s’y résoudre.  Nous rentrons tranquillement, la lumière rasante du soleil déclinant en plein dans les yeux.
Un bon plat de carottes râpées, quelques tranches de charcuterie ou du fromage blanc nous suffisant amplement avant de nous faufiler assez rapidement dans nos draps.