lundi 30 avril 2012

"I Wish". Hirokazu Kore-Eda.

Dans le bruit et la minceur de l’actualité, ce film japonais offre un bon moment d’évasion vers les territoires de l’enfance et leurs rêves.
Se déroulant dans un contexte tout à fait contemporain : TGV et parents séparés, à l’heure des téléphones portables, deux frères combinent pour se retrouver.
Le réalisateur saisit la poésie des origines sans mièvrerie et si le film aurait mérité d’être plus resserré, sa gentillesse ne nous lasse pas.
 Est-il situé seulement dans nos premières années ce lieu où l’on pense par l’intensité de notre souhait combattre la mort, accéder au bonheur, se réaliser ?
Les adultes sont parfois insuffisants, d’autres bienveillants, et bien que se soit une fable il n’y a pas de caricature.
Retrouver les saveurs de l’enfance nous sauve des broyeurs d’espérance, le temps d’un sourire.

dimanche 29 avril 2012

« Sale guerre pour Marcel ». Abdou Elaïdi.

La compagnie « Antidote » joue également à domicile. Madey, une des actrices nous avait invités à Voiron avec une bonne trentaine de personnes dans une maison en présence du metteur en scène.
Celui-ci en décrivant la genèse de ce projet a ajouté de la valeur à la soirée.
Marcel est « un bras cassé » inoffensif envers les sangliers familiers des campagnes d’Auvergne, biberonnant du rouge à longueur de journées.
C’est qu’il a perdu sa jeunesse dans les Aurès en allant occuper un pays plus pauvre encore que celui où il est né.
En ces terres taiseuses, à la faveur d’un soir d’orage, des paroles longtemps enfouies vont resurgir.
 Le sujet de la guerre en Algérie, que plus personne ne nomme « évènements », a pu toucher des spectateurs qui ont vécu dans un camp ou l’autre.
Le thème est toujours sensible, si bien qu’un titre nouveau « Ce qu'il était beau ton pays Djamila » peut convenir aux propos de l’auteur des « Champs de couscous ne donnent plus de blé » lorsqu’il essaye de dépasser les passions partisanes, les haines recuites pour comprendre et apporter sa part à la cicatrisation des plaies.
Le dosage entre réalisme et nécessité de faire évoluer les personnages est une affaire subtile; les acteurs amateurs très impliqués méritent les applaudissements.
Vous trouverez de plus amples informations sur le site de la compagnie : http://lesantidotes.free.fr

samedi 28 avril 2012

XXI. Printemps 2012.

Des plumes prestigieuses et des sujets majeurs pour le trimestriel en vente en  librairies:  
Emmanuel Carrère en reportage au forum de Davos où le patron de Total impressionne,
et Jonathan Littell chroniqueur à Ciudad Juarez ville frontière au Mexique, un enfer pas seulement pour le nombre de cadavres mais là bas toute humanité est chassée.
Alors bien sûr un portrait de Drucker parait bien anodin après tant de douleur, de violence.
Les châteaux en Espagne de nos cousins d’une ville nouvelle de la banlieue de Madrid où la spéculation a produit bien des dégâts constituent un versant européen désespérant
alors que les entrepreneurs du Bade Wurtemberg en cultivent la face positive.
Petites victoires au quotidien pour les femmes au Yémen en BD,
terres agricoles vendue aux spéculateurs en Ethiopie,
une île en Sibérie où face à un ours il faut lui montrer que vous n’êtes pas un phoque en l’effrayant par un bruit artificiel, un sifflet, mais ne pas crier ni courir,
l’histoire de deux adolescents suivis pendant un an depuis leur lycée dans le Jura nous repose avec leurs émotions qui rosissent leurs joues, leur joie de vivre, leur assiduité au travail qui nous sortent des clichés à propos de la jeunesse.
L’interview de Jean Christophe Victor le fils de Paul Emile et d’Eliane révèle une personnalité impressionnante d’érudition et de liberté ; c’est celui qui présente « Le dessous des cartes » sur Arte. Désormais appelée « La voie noire » qui mène d’Afghanistan en Angleterre, c'était la route des hippies occidentaux dans les années soixante, empruntée en sens inverse depuis les terres pachtounes, le périple dure des mois, et la violence tout au long est inouïe.

vendredi 27 avril 2012

Comment décider face à la diversité des convictions ?

Dans ce débat organisé par l’association « Le pacte civique » au forum de Libé de janvier 2012, ce vaste sujet avait pu accrocher le badaud incertain que je suis.
C’est de laïcité dont il a été essentiellement question ; moteur tout à fait essentiel de la cohésion nationale, sujet devenu à la fois incontournable et pris avec des pincettes par la gauche alors que c’était un de ses marqueurs .
« Pas besoin d’être de la même religion que le roi pour être sujet du roi ». 
La laïcité dépasse une vision bipolaire qui opposerait la modernité à l’Islam et ouvre les perspectives d’objectifs communs à atteindre. La violence du décalage entre grands mots et pratique génère un surinvestissement religieux. Islamistes et islamophobes se nourrissent mutuellement.
Dounia Bouzard, anthropologue, insiste sur « la transpiration humaine » façon renouvelée de revitaliser l’expression « le vivre ensemble » et sur le recours à la loi pour dépasser les divergences et les états d’âme. Elle rappelle la séparation de l’état et des cultes, sauf dans le cas des prisonniers et des soldats qui peuvent s’adresser à des aumôniers fonctionnaires.
Combien nous avons du mal à ne pas penser à la place des autres, alors que c’est déjà bien difficile de penser pour soi !
Des portes sont plus larges depuis que les architectes ont intégré la présence des handicapés dans leurs projets.
La construction d’un nouveau « Nous » peut aller vers une évolution du terme Fraternité.
Cela est préférable à des évolutions générées par les rapports de force où syndicats et management sont des complices taiseux.
La réciprocité, la neutralité permettent d’élargir les normes, les portes.
Edwin Hatton, chef de projet des luttes contre les discriminations pour la municipalité de Grenoble nous fait part de son expérience de groupes ressources qui apportent des clarifications aux professionnels confrontés aux exigences de menus hallal, de prêts de salle à des associations religieuses...
Et si la tendance de la religion à déterminer les individus s’inversait ?
Quand un individu redéfinit sa relation à la religion alors « les dieux sont désarmés » suivant l’expression du pacifiste Jean Marie Muller.
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Dessin de Cabu :

jeudi 26 avril 2012

Barcelone d'hier et d'aujourd'hui. # 4. Picasso, Miro

Dans Barcelone au passage du XIX° au XX°, les questions identitaires se posent alors que la crise sociale révèle de grandes disparités économiques.
Les grands bourgeois financent Gaudi pendant que la misère engendre la violence.
Des attentats anarchistes se déroulent en 1893 au théâtre et l’été1909 connaît une semaine tragique.
Les artistes sont concernés et deux clans s’affrontent.
Le noucentisme, renouveau catalan, mouvement éthique et esthétique dans le domaine de la peinture allie « le classicisme, le méditerranéisme cézannien, le baroquisme autochtone et le popularisme ironique ». L’Avenc en est la revue principale. Une grande effervescence intellectuelle règne, les cercles de peinture sont des lieux de partage. Les réunions se multiplient, les tavernes exposent.  
Picasso accroche ses toiles en 99 aux « 4 Gats ». A Paris le natif de Malaga participe à des revues artistiques et littéraires comme « La Revue Blanche ». Ses toiles ont les mêmes sujets d'inspiration qu'un Renoir ou un Manet. Les artistes catalans de Paris sont aidés par Pétrus Manach, pendant l'exposition universelle de 1900 par exemple. Entre période bleue et période rose, Picasso réussit, il est très bien intégré au marché parisien jusqu'en 1906. Après avoir vu l'expo, il change complètement (ex : les demoiselles d'Avignon) : son style se renouvelle, devient hétérogène ; il provoque : la révolution fauve l'a transformé. Miro a lui aussi un ancrage catalan et participe à des revues artistiques et littéraires à Paris (Nord Sud de Reverdy). Proche du dadaïsme et du surréalisme, il est très peu compris à l'époque. Son tableau, « La ferme », aimé par Desnos est acheté par Hemingway. Miro bascule vers le surréalisme par chocs visuels. La matière picturale, comme chez Tapies prend toute son importance. Le pavillon de l'Espagne, à l'expo de 1937 montre un programme changé, politique : Guernica, photos, témoignages …
D’après les notes de Dany à la conférence de Gilles Legat pour les amis du musée de Grenoble.

mercredi 25 avril 2012

« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 8

La vue à la sortie des murailles est bien jolie vers le Volkhov et le pont menant au marché, mais nous rebroussons chemin vers le Mercedes et nous prenons la direction du monastère St Georges (Yourev). Nous n’en verrons pas grand chose, sinon l’extérieur. Nous n’entrons même pas dans l’église centrale toute blanche, comme l’ensemble des bâtiments, mais nous visitons la « cathédrale » moderne de l’Exaltation de la croix sans grand intérêt à part le fait d’être coiffée de cinq bulbes bleus à étoiles. La température n’est pas clémente ; pourtant une dame au visage doux n’hésite pas à tremper ses mains dans une bassine d’eau pour procéder au nettoyage du lieu saint. Nous quittons l’enceinte carrée du monastère tous assez peu passionnés par les commentaires et la visite de Tatiana. Le chemin du retour passe à proximité d’autres édifices religieux, certains en bois au milieu des arbres, et à proximité du lac Illmen gelé, car peu profond (seulement 4 m pour ce lac artificiel destiné à la pêche à la carpe).
Tatiana nous abandonne dans un restaurant où elle a passé commande : 1er plat : salade russe avec petits bouts de porc, 2ème plat : gratiné avec petits bouts de porc et champignons ; 3ème plat : soupe bien chaude légumes et petits bouts de porc ; 4ème plat : plat de résistance : côte de porc au goût de jambon et purée en forme de nems Dessert : croissant fourré Ouf ! Très bon et nourrissant ! Dehors, les flocons de neige s’épaississent et se déversent généreusement pour céder la place au moment du dessert à un ciel bleu et un soleil éclatants. Nous n’attendons pas la fin des agapes, nous avons repéré une adorable ruelle bordée d’isbas très photogéniques que nous voulons imprimer dans nos appareils photos. Les conditions sont idéales. Tatiana nous propose ensuite une promenade au marché. Du marché endommagé par la guerre, il ne reste qu’une arcade blanche au bord du fleuve. Mais dans les parages s’élèvent sept églises blanches (sauf une) à bulbes, toutes différentes mais toutes dévastées à l’intérieur. Quelle beauté ! Sous l’habillage de la neige, nous devinons les espaces verts, les lilas. Ces églises furent édifiées par les guildes commerçantes du moyen âge, par corps de métiers et régions d’origine, comme lieux de protection.
Pendant notre promenade, une sirène de police insistante devance l’apparition d’une procession de véhicules, celui de la police puis de quatre chasse-neige dotés d’un récipient sur leur remorque, sans doute le sable (couleur brune) et des produits chimiques (en bonbonnes). Nous découvrons l’artisanat local tout à côté, joli magasin assez original sans une trace de poussière puis nous quittons Tatiana et prenons avec Igor le chemin du retour. Les éclairages sont extraordinaires avec le soleil couchant et le temps changeant. Nous rencontrons des problèmes de circulation dès Moskovski Prospekt, St Pet’ s’ouvrant au capitalisme devra apporter une solution assez vite pour y remédier ! Deux d’entre nous se dévouent pour aller faire quelques courses de victuailles à l’épicerie et nous nous réunissons au 429 afin de déterminer le programme des 2 jours restants avec vodka et amuse-gosier.

mardi 24 avril 2012

Notre mère la guerre. Maël &Kris.

Pendant que les hommes se tuent allègrement en 14, des femmes sont trouvées mortes dans les tranchées. Un officier de gendarmerie enquête. Nous le suivons depuis l’arrière où nous nous trouvons jusqu’en première ligne.
Le procédé est éprouvé pour nous faire partager l’absurdité de cette guerre : il est question de lettres envoyées depuis le front, passage obligé, comme les mots de Péguy et Hugo qui viennent poétiser une rude réalité noyée de pluie.
L’aquarelle qui a pris des teintes dans la craie de Champagne convient bien au récit bien mené mais ne tranchant pas avec les productions habituelles retraçant un épisode ouvrant le XX° siècle.
« Ah çui-là, j’te jure !...On en fera un soldat le jour où les généraux auront un cerveau…L‘a rien à faire ici ! Il serait une souris qu’il serait capable d’aller pioncer dans la gamelle d’un chat !"
 J’ai compris avec retard l’étonnement d’un de mes amis devant le titre que j’avais reproduit à l’intension de mes élèves : « la grande guerre ».
Elle n’avait bien sûr rien de grandiose cette boucherie colossale : 10 millions de morts.

lundi 23 avril 2012

38 témoins. Lucas Belvaux.

Ce film interpelle sur la fragilité de nos témoignages, le poids de nos lâchetés, la culpabilité, la tranquillité, les silences.
Il est question aussi de la défausse banale : « je ne veux pas juger » qui ouvre la porte à tous les renoncements et fertilise un monde où n’existe plus ni bien ni mal.
Même si certaines scènes peuvent paraître artificielles, et si parfois moins d’exaltation aurait mieux convenu à l’atmosphère du film, des sujets essentiels sont abordés à la fois personnels et politiques.
Je n’ai pas boudé non plus mon plaisir esthétique où l’océan, le port du Havre, la rue sont davantage qu’un décor.
Quand on entend Apathie, symbole de ces médias donneurs de leçons et ordonnateurs des émotions collectives, nous sommes au cœur de nos quotidiens.
La recherche du coupable du crime est reléguée au second plan, c’est notre position de « voyeur » permanent qui est interrogée alors que les témoins qui n’ont rien entendu sont sous les feux.
Les films que nous consommons à la pelle, ne sont-ils pas des variantes des reconstitutions policières ?
Si j’ai compris après coup les agacements que peuvent susciter le personnage féminin, proclamant son amour mais ne parvenant pas à aider son fiancé, cela n’avait pas perturbé mon intérêt.
La « non assistance » va bien au-delà de celle qui s’est fait poignarder.
J’ai pu approfondir « le syndrome de Kitty Genovese » apparu lors du fait divers qui avait inspiré le livre de Didier Decoin et le film :
plus il y a de témoins, plus la responsabilité se dissout, et moins chaque individu prend ses responsabilités.

dimanche 22 avril 2012

« L’histoire à nous, s’il vous plaît ». Erri de Luca Gianmaria Testa.

L’Italie que l’on voit plutôt en beauté depuis que le Cavalière n’est plus en selle, ce soir à la MC 2, avait l’allure d’un bras tendu à travers la Méditerranée avec la Sicile comme foulard.
Le chanteur et l’écrivain ont parfois échangé leurs rôles pour nous délivrer une heure et demie de complicité chaleureuse sous des airs de guitare jazzy.
Les deux compères nous ont rappelé les flux migratoires et la fraternité avec les gueux déplacés :
ils s’y connaissent en voyages, les ritals.
Depuis une poète russe évoquant la force d’attraction céleste qui pousse les arbres à aller à l’encontre des pesanteurs,
à leur ami yougoslave Izet Sarajlic qui a perdu son frère sous les balles des chemises noires et qui aimait l’Italie,
 ils évoquent aussi Hikmet le turc.
Et la chanson du déserteur de Vian que je croyais désuète a été remise au goût du jour quand De Luca retrouve à Belgrade le son des sirènes d’alarme qui avaient hanté sa mère depuis les bombardements de Naples.
Le récit de la correspondance entre deux analphabètes révèle des inventions touchantes.
C’était bien du vin rouge et non de l’eau en bouteilles plastique que les deux complices sirotaient entre un texte et une chanson.
Ils ont évoqué Quichotte
« Ce n’est pas celui qui gagne toujours qui est invincible, mais celui qui jamais ne se laisse mettre en déroute par les chutes, qui jamais ne renonce à se battre encore » 
Ils ont repris un éloge des pieds, d’un amour absolu, et la figure du Che pour lequel il n’était nul besoin de poétiser la vengeance d’une femme qui a tué le tueur de Guevara.
Ils n’ont pas chanté cette chanson, mais un ami l’attendait :
« Les semeurs de blé 
Ils sont arrivés,
 il faisait jour, 
hommes et femmes à l’altiplano 
avec le pas lent, silencieux,
 prudent des semeurs de blé 
et ils ont cherché ce qui n’existait pas
 entre la décharge et la voie ferrée 
et ils ont cherché ce qui n’existait pas
 derrière les jumelles de la police 
et ils ont plié les mains et les yeux sous le vent 
avant de s’en aller jusqu’à la route 
et avec la nuit à l’entour 
ils sont arrivés de l’altiplano 
hommes et femmes avec l’air pensif des semeurs de blé 
et ils ont laissé ce qui n’existait pas à la décharge 
et à la voie ferrée et ils ont laissé 
ce qui n’existait pas aux yeux transparents de la police 
et ils ont tendu les mains contre le vent qui les emportait. »

samedi 21 avril 2012

07 et autres récits. Jean Jacques Salgon.

Bien qu’elle soit exigeante avec le langage, l’Ardéchoise qui m’a prêté ce livre m’a bien averti que l’auteur abuse parfois du subjonctif.
Depuis la sortie en 1993 de ce livre qui plaira à tous ceux qui ont été élevé à la Burle et à la crème de marrons, l’auteur s’est sûrement allégé.
 Il s’agit d’un premier recueil parfois un peu empesé:
« …notre exaltation n’était pas loin d’atteindre celle d’Howard Carter et de lord Carnarvon entrant pour la première fois dans le tombeau de Tout-Ankh- Amon. »… 
« Une de ces banastes qui, dans la cave recueillait les plus opimes dépouilles et sur laquelle on aurait du graver ces mots : « aux petites choses cassées, l’humanité reconnaissante. »» 
Mais qui n’a pas péché, quand des années de complexe de classe vous amènent, nouveau riche, à vous pousser du col (de l’Escrinet) ?
Moi, régulièrement, obstinément, je faute.
Le goût de la précision chez ce fils d’instit Freinet à la main pourtant leste convient parfaitement à l’évocation de la machine à coudre :
« Je ne sais pourquoi, lorsque ma mère se mettait à l'ouvrage sur sa machine à coudre, j’attendais avec une telle impatience le moment où elle aurait à « faire les canettes ». Cette opération qui consistait à regarnir les canettes de leur provision de fil se pratiquait sur la machine ; la canette placée sur un pivot qui l'entraînait en rotation se rechargeait automatiquement, le fil oscillant de haut en bas et régulant ainsi de lui-même. La bobine sur laquelle le fil était prélevé sa propre répartition tournait à toute vitesse, effectuant des petits sauts sur son axe, comme pour protester d'être si brutalement dépouillée. » 
Ces 100 pages exploitent le registre abondamment garni des souvenirs d’enfance enrobés de nostalgie, avec « Chèques Chic », Dinky toys, buvards, et terreurs enfantines quand s’explorent les sous terrains et les jardins de derrière la maison.
Mais il sait dire aussi quand les greniers ne sont pas toujours débordants de trésors, ils peuvent ne contenir que de la poussière et les dimanches après midi être saturés d’ennui.
« Les bouches des Chambord et des Cheverny nous paraissaient outrageusement maquillées, mais elles souriaient. C’est quand les DS noires du gaullisme ont commencé à sillonner nos campagnes que les voitures ont cessé de sourire »

vendredi 20 avril 2012

Morne campagne : tant mieux !

Sondeurs journaliers et journaleux songeurs disent que la campagne des présidentielles est ennuyeuse alors qu’ils ont leur part dans l’insipide.
Dès qu’un mot dépasse, les tweets maniés par les pourvoyeurs de bla bla, bêlent. En territoire grossier qu’ils épaississent à pleines louches, ils jouent les effarouchés.
Sur le fond, Libé énonçait les dossiers occultés ces dernières semaines :
la santé, la dépendance, l’environnement, la justice, la grande pauvreté…
auxquels peut s’ajouter la dette subliminale.
En 2011, les opéras Bastille de Mélenchon, en plein air sur les places et les plages ont attiré l’œil, mais les rouges images ont-elles imprimé ?
Oui un président « normal », peut redonner dignité à la politique, ce ne sera pas du luxe.
Qu’il n’y ait pas eu déchaînement de promesses, qui s’en plaindrait ?
Dans les mots apparus lors de la présidentielle précédente, il y a cinq ans, une éternité, celui de la « démocratie participative » m’avait réencaustiqué quelque vieille utopie et puis nous étions passés à d’autres choses, le « pacte écologique » avait duré lui ce que durent les modes et chacun était reparti chez son automobile.
Avec d’autres équipes qui vont se mettre en place, ce sont d’autres exemples qui doivent apparaître à une société qui ne s’aime plus, où l’acculturation à l’œuvre pose des mines qui éclateront dans les jambes de nos enfants.
Les stratèges du court terme qui ont fait crisser leurs pneus finissent sur la jante, il va falloir réapprendre le temps long, lire.
Lorsque la gauche s’approche du pouvoir, ils ont osé ressortir les chars sur les champs Elysées, alors relire  Jean Richepin et non Victor Hugo comme je l'avais hâtivement noté, ainsi me l'a fait remarquer une lectrice attentive :
« Les bourgeois sont troublés 
De voir passer les gueux »
(Le texte intitulé  "Les oiseaux de passage" mis en musique et chanté pour une partie par Brassens est chanté aujourd'hui dans son intégralité par Rémo Gary me précise -t- elle).
Comme jadis, j’aime aller à l’encontre de cette illégitimité, qui nous valut tant de bonheur en 81.
Allez François, on remet ça !
Petite dame aprçue à La Concorde qui mettait ton pouce en bas pour désigner la place de la gauche, fais toi peur !
Je fis profession de professeur et je sais l’agacement que suscite la gauche donneuse de leçons, nous sommes inaudibles chez les inquiets des fondamentalismes qui n’ont gardé de leur baptême qu’un croisillon pour exorciser d’autres obscurs et ont oublié toute générosité.
Même si les incertitudes économiques nous brouillent la vision, je préfèrerai encore des velléités de justice aux calculs qui jouent avec des peurs bien peu catholiques.
...
Dessin de Willem:

jeudi 19 avril 2012

Espagne Pays Bas au XVII° dans les collections du musée de Grenoble.

Conférence de Valérie Lagier.
En ces temps l'art est lié au sacré.
Si la France a connu la contre réforme avec retard, l’Espagne en est la championne avec quelques saints notoires : Ignace de Loyola, jésuite, Thérèse, carmélite, et Jean de la croix.
 Le monde s'agrandit à cette époque et en ses nouvelles terres , il doit être converti et se couvrir de monastères.
 En Europe, les Habsbourg ont perdu leur influence dans les provinces unies protestantes, alors que les Pays-Bas espagnols et la Flandre sont restés fidèles aux très catholiques rois d’Espagne.
 A Grenoble, quatre toiles peintes par Zurbaran données par le général de Beylié forment un ensemble exceptionnel de peintures espagnoles en France, elles faisaient partie d’un retable gigantesque destiné à la Chartreuse de Jerez, pour lequel avaient œuvré un architecte et un sculpteur:
Marie assez jeune figure dans l'annonciation, sa gestuelle est codée: la main gauche sur le cœur en signe de réflexion, la droite ouverte accepte.
Une jeune paysanne regarde le spectateur et crée le lien dans l’adoration des bergers.
Une autre adoration celle des mages marque le caractère universel de la révélation et permet de présenter des tissus variés.
La circoncision préfigure les souffrances du Christ, cette fois la vierge est absente.
Les artistes voyagent.
Ribera, « l’Espagnolet », a vécu en Italie, la mère des arts. Il revient influencé par Le Caravage qui touchera aussi Zurbaran. Parmi ses nombreuses représentations de martyrs, Saint Christophe est tout près d’être écorché. Dans chaque tableau un soin particulier est apporté à la représentation des objets chargés de valeurs symboliques, l’agneau du sacrifice est magnifique, mais c’est surtout en Hollande que« les scènes de genre, paysages et natures mortes nous montrent comment une forte dimension morale imprègne toute la production artistique en pays protestant ». Catholiques et protestants se distinguent : luxe ou austérité, lieu public ou pièces à vivre, personnages religieux identifiables ou natures mortes chargées de symboles . Rubens, avait une activité diplomatique importante, il travaillait en équipe, 1400 œuvres sont sorties de ses ateliers. Son Grégoire le pape d’alors, entouré de sainte Domitille, saint Maurice, et saint Papien, a beaucoup voyagé, refusé par ses commanditaires, il est le plus imposant du musée. Ses lumières sont remarquables mais le vernis brillait trop dans l‘église où le tableau était prévu, l’original va être placé dans la chapelle où repose la mère du prolifique peintre officiel à Anvers. II sera découpé en 9 morceaux pour permettre le transport et sera restauré 4 fois.
Beert Osias présente ses fleurs, fruits, vases et autres objets d’une façon individualisée. Des tulipes symbolisent la vanité : des fortunes se sont évanouies avec des paris sur la couleur probable qui sortirait de l’oignon.  
Van Schrieck a collé de vrais papillons sur ses toiles parmi lézards et feuilles. Moderne.

mercredi 18 avril 2012

« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 7

Une fois le plein fait dans une station d’essence flambant neuve nous sortons de la ville. Nous parcourons environ 200 km en 3 heures à travers la campagne russe ; c’est une longue plaine plantée de bouleaux et sapins, parfois défrichée avec des isbas le long de la route : pauvres petites isbas modestes alignées, colorées mais pour certaines bien bancales ! Le chauffeur maîtrise bien la conduite sur une route qui ressemble parfois à de la latérite à cause du sablage. La neige joue à « je tombe, je tombe pas ». La monotonie du paysage, la chaleur du véhicule, le bercement nous entraînent pour quelques-uns uns dans une douce somnolence. Les éveillés aperçoivent un renard.
A l’entrée de la ville, Novgorod n’est pas très séduisante même sous la neige. Notre chauffeur hésite un peu, demande puis s’arrête devant un hôtel classieux gigantesque et vide. C’est là notre point de rendez-vous avec Tatiana, notre guide fourni par Bolshoï Tourism. Elle a vraiment le visage qui correspond à son prénom, blonde, la figure ronde et les pommettes prononcées ; quelques rides et un peu d’embonpoint indiquent les marques du temps.
Elle commence sa prestation de manière très académique et monocorde, récitant son commentaire dans le micro inefficace du Mercedes. Ça s’arrange un peu au Kremlin, la forteresse moyen âgeuse de Novgorod. Le rouge des briques de la muraille du 14e (la citadelle au départ se protégeait derrière des remparts en bois) ressort merveilleusement sous la blancheur neigeuse. Nous sommes surpris que le fleuve Volkhov coule et ne soit pas pris dans les glaces, comme la Neva. Mais l’histoire raconte que tant de sang des boyards tués par Ivan le terrible fut versé dans l’eau que celle-ci en fut réchauffée (et ça dure encore) ! Tatiana nous conduit tout d’abord devant la statue au millénaire de la Russie, trônant au centre du Kremlin. Ce monument reproduit sous forme de saynètes statufiées toute l’histoire de la ville de Novgorod (ou ville nouvelle), depuis STO jusqu’à la fin du 19e : STO signifiant l’an 862 puisqu’à cette époque, les tribus varèques qui fondèrent la ville ignoraient les chiffres arabes. Le soleil fait des tentatives sympathiques pendant cet exposé à l’extérieur pour percer entre les nuages. Nous nous intéressons ensuite au « plat de résistance » : la cathédrale Sainte Sophie, la plus vieille église de Russie encore debout puisqu’elle date du 12e siècle. L’extérieur fait preuve de sobriété car ses murs sont entièrement blancs, sans décor pictural ni frise ni stuc, seul un reste de fresque se protège sous un auvent peut-être pas d’époque. Elle est surmontée de six bulbes dont un seul est doré, les autres sont revêtus de zinc qui remplace le plomb trop lourd. Nous tournons autour, admirons la porte en bronze à l’ouest promise à une autre destination et arrivée là on ne sait ni pourquoi ni comment (800 kg quand même) Si nous pouvons encore l’admirer ici, c’est parce que les habitants l’ont protégée et cachée des Allemands lors de la guerre. Nous pénétrons dans la cathédrale par une autre porte, celle-ci est réservée à l’archevêque les jours de fête. L’intérieur dévoile une architecture très différente (car tellement plus ancienne) de tout ce que nous avons visité jusqu’à présent. C’est une forêt de piliers peints de fresques face à un iconostase très riche de cinq rangées. A droite de l’autel et protégée sous une vitrine, une très vieille icône est l’objet de la déférence des fidèles.
Elle date du 12e, elle ressemble à force de « décati » à une peinture impressionniste. Un 2ème iconostase plus petit mais plus éclairé par une fenêtre latérale, met en évidence le travail de l’école d’artistes de Novgorod, réputée pour son rouge chaleureux. Les icônes s’appuient sur du bronze doré ou argenté et la petite porte de même matière laisse filtrer la lumière et les couleurs de la pièce de derrière par les interstices volontaires de l’encadrement. Il reste aussi le trône d’Ivan le terrible. Nous pouvons voir encore une partie de l’église en fouilles et une fresque très ancienne protégée derrière un écran de verre de Constantin et sa mère Hélène. Dommage tout de même ces deux chapelles modernes avec leur iconostase en contre plaqué et leurs icônes de pacotille ! Comme dans toutes les églises ouvertes au culte, il règne ici une odeur d’encens agréable attachée au passé. Nous sortons et nous dirigeons vers le beffroi que nous ne visiterons pas. D’énormes cloches sans battant attendent encore de retrouver leur place ; elles aussi furent protégées et cachées par les habitants de la convoitise allemande

mardi 17 avril 2012

Dolor. Catel. Paringaux.

Vaut surtout par l’évocation du destin d’une actrice, Mireille Balin, d’une grande beauté qui joua les femmes fatales.
Elle eut Jean Gabin et Tino Rossi comme amants mais aussi un officier de la Wehrmacht.
Cette liaison la précipita vers l’anonymat et la pauvreté.
 Ce destin tragique était suffisamment fort pour que les auteurs n’aient pas besoin de rajouter du romanesque de pacotille pour relater cette histoire. J’aurai du me méfier avec « Dolor » comme nom de la belle fille conductrice ; la subtilité ne serait pas au rendez-vous.
Bien que les décors de la Côte d’Azur soient plaisants, le procédé narratif est daté, le père disparu insupportable avec ses confidences suicidaires.
Et toutes ces vies dévastées à partir d’un bisou à un gosse à la porte d’un palace, s’accommodent trop vite de destins taillés à la hache.

lundi 16 avril 2012

El chino. Sebastián Borensztein.

Le surréalisme a beau être consubstantiel à la littérature sud américaine, il faut savoir que la vache qui tombe du ciel en ouverture du film, c’est du vrai.
Par la suite, la rencontre d’un chinois et d’un quincailler maniaque sera plus paisible, même si le caractère de l’Argentin ne le conduit pas d’emblée aux effusions fraternelles.
Le titre « le quincailler argentin » aurait mieux convenu tant le chinois se fait le plus discret possible.
Parmi les difficultés de vivre peuvent naître des rires, l’absurde va aussi avec le joyeux hasard, la solitude cloutée avec l’amour le plus confiant. Le plus buté des hommes peut se montrer compatissant à l’égard de son frère.
Depuis notre pays dit des droits de l’homme où un Guéant faisait la loi, la démonstration qui emprunte les voies de l’humour est encore plus efficace avec ce film sympathique venu d’ailleurs.

dimanche 15 avril 2012

Les Fatals Picards. Coming out Tour.

La bande des quatre a la pêche, mais heureusement que je connaissais les paroles de certaines chansons, car sous le fracas de la batterie, à l’"Hexagone", il m’était difficile d’avoir accès aux jeux des mots qui font pour moi le charme du groupe.
Je n’ai plus l’âge d’aller danser devant la scène comme l’on fait bien des jeunes attirés par l’énergie de la musique, dérogeant gentiment aux usages du théâtre. Cependant je ne suis pas sûr que les meylanais bien nés sachent tous ce qu’étaient les comités de soldats, ni la classe ouvrière dont les lascars drôles parlent toujours avec tendresse et humour.
 Rock, reggae, punk sous des lumières punchies, la soirée fut électrique et je suis retourné sur l’ordi pour goûter les paroles. Avec leur humour tout passe, et je trouve qu’ils font œuvre de salut civique et de stimulant d’une gauche qui n’oublierait pas ses racines populaires, ni ses profs.
Ils passent joyeusement à la moulinette les bonnes consciences qui s’étalent aux « Enfoirés », chez les bobos de retour à la campagne, et gentiment avec l’homme le plus populaire de France : Yannick Noah…
Après un coming out :
« Ta mère a su, mine de rien 
Ne faire qu'une demi-crise cardiaque » 
Pour ceux qui oublient toute responsabilité en découvrant qu’on aurait mis quelque chose dans leur verre :
« 40 ans chez les scouts 
Pour en arriver là 
Et finir sur facebook » 
Souvent rudes :
« Moi je vis chez Amélie Poulain 
Le pays où tout va bien 
Chez Amélie Poulain 
Le pays où on ne meurt qu’après le générique de fin »
 Ils sont justes et même si leur son est fort, ils sont forts.

samedi 14 avril 2012

Qui peut battre Sarkozy ?

J’ai découpé quelques phrases dans les journaux qui s’étaient accumulés pendant la parenthèse enchantée où j’ai accompagné une classe de mer en Bretagne.
- « Mon prochain statut sera ancien président, et celui-là durera très longtemps. Alors je ferai comme Bill(Clinton) ou comme Tony (Blair) : je ferai des conférences et là, je me bourrerai ! » 
 Le futur ancien président se confiait à un ancien directeur du « Monde ».
- Elisabeth II :  
« Comment se fait-il que vous autres économistes n’ayez ni prévu ni anticipé cette grave crise économique ? » 
- A propos de Raymond Aubrac, Demorand :  
« Alors qu’ils vieillissent et disparaissent, ces hommes et ces femmes nous enseignent, comme le disait le philosophe Jacques Derrida, qu’il est possible d’hériter sans jamais devenir conservateur. » 
-Manifestation d’athées à Washington :  
«Seuls les moutons ont besoin de bergers » 
« Tant de chrétiens, si peu de lions » 
Pour avoir éprouvé la vanité des ambitions à persuader mon monde de l’évidence de la gauche pour vivre dans une société harmonieuse, je ne vais pas prétendre délivrer des consignes.
Simplement à l’encontre de ceux qui cultivent comme jadis dans les taiseuses campagnes, les silences hypocrites de leurs intentions en politique, je claironne face au bastringue qui nous a assourdis cinq ans :
 « qu’ils s’en aillent ! » 
J’ai beau aimer Victor Hugo dont je lis avec bonheur « L’art d’être grand père », je ne marche pas derrière les incantations lyriques qui invitent à reprendre des Bastilles, sempiternellement.
Qui peut battre le sortant ?

vendredi 13 avril 2012

L’individualisme a-t-il tué la solidarité ?

Emmaüs participait à ce débat de Libé à Grenoble début 2012 avec le Secours Catholique.
Ces associations qui servent d’amortisseur à la crise suivant les mots d’Etienne Pinte, député UMP, également à la tribune, n’étaient pas forcément les mieux placées pour évaluer une perte d’énergie solidaire. En effet ces groupes bien connus reposent sur les bénévoles dont le nombre augmente.
La réflexion générale a été mise en retrait au bénéfice de questions plus urgentes.
Au pays du luxe, le nombre de pauvres progresse et dépasse les 7 millions, la nécessité de l’aide s’accroit avec la crise.
 Le bénévole n’est pas un travailleur social et si avec lui les rapports humains peuvent être dépourvus d’enjeux administratifs, son rôle est à redéfinir sans cesse pour que la médiation se fasse avec efficacité. L’écoute permettra d’amorcer une réconciliation avec elle-même de celle qui s’estime « une mauvaise mère », mais elle ne saura résoudre un phénomène massif qui voit un tiers des familles monoparentales en dessous du seuil de pauvreté.
 La pauvreté engendre la solitude.
 L’information sera-t-elle suffisante pour que le tiers des éligibles au RSA qui n’en bénéficient pas, puissent accéder à leur droit ?
C’était avant la proposition d’un référendum déjà oublié du "Protecteur des Grandes Fortunes".

La chanson du dimanche et les blablas halal par Europe1fr
 ...
Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 12 avril 2012

Sarah Caron à Mougins.

Le village où les galeries de tableaux se touchent est déjà un musée à lui tout seul où derrière la charmante fontaine rouillée sont exposées les toiles du garde champêtre Maurice Gottlob.
Au musée de la photographie du village perché, Sarah Caron rappelle les tumultes du monde quand on se serait volontiers laissé aller à la flânerie avec décorative vue panoramique.
Ses veuves indiennes aux visages réparés après avoir été aspergés d’acide m’ont fait crier.
Ses vues d’Afghanistan, du Pakistan prises au cœur des conflits les plus rudes, pour nous être familières, n’en sont pas moins fortes.
Un film nous présente l’artiste dans tous ses voyages et ajoute à l’intensité des images fixes proposées où alternent les flous, les bien éclairées, les arrachées et les composées.
Des bars au Chili avec femmes découvertes, des visages à terre à Cuba, au Cameroun, des visages voilés, une tête coupée en Thaïlande…
La quadra court de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis à Gaza, d’Haïti à New York, en Indonésie, en Birmanie…
Les plus grands la publient : Libé, Le Monde, Newsweek, The New York Times, Géo …
Elle reste là où il n’y a pas grand monde mais où bout l’actualité.
« Je pense en général d’abord à faire mes photos avant de bavasser. Quand je commence à avoir l’impression d’avoir déjà fait 15 000 fois la même image, alors seulement je commence à discuter. »

mercredi 11 avril 2012

« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 6

Un minibus collectif nous transporte ensuite à Pavlovsk, palais de Paul 1er, fils unique et mal aimé de Catherine II (la grande) et son royal époux. La forme du bâtiment est en arc de cercle jaune et blanc. Il est l’œuvre de Cameron, commandé par Catherine pour son fils à la naissance de son petit-fils Alexandre 1er. Ce palais est tout à fait différent de celui de Tsarkoïe, plus petit, plus intime, usant plus du trompe l’œil. Cameron joue sur un décor en plâtre finement amélioré peu coûteux mais raffiné. Irina nous commente en 1er lieu le vestibule égyptien.
Nous visitons d’abord les salles d’apparat du 1er étage. Elles contrastent avec le palais de Catherine par leurs dimensions plus réduites et dévoilent beaucoup des goûts du couple, de leurs découvertes et des objets amassés lors de leur voyages de noces en Italie et en France (Gobelins, vaisselle offerte par XVI et Marie-Antoinette, statues antiques romaines) A noter encore le trompe l’œil et l’acoustique dans la salle d’apparat à l’origine salle du trône mais où on a dressé une table garnie d’une fastueuse vaisselle ; l’originalité de meuble en acier, spécialité de Tula ; la chambre d’apparat qui n’a jamais servi, le salon de guerre et le salon de paix, les colonnes d’un péristyle en faux marbre ou fausse malachite… Le rez-de-chaussée propose des pièces à vivre plus intimes, avec des portraits de famille ; il constitue la partie occupée par Maria Feodorovna, même après l’assassinat de son mari. N’oublions pas la chapelle, rénovée par l’état et utilisée par l’église orthodoxe. Elle n’affiche aucune icône mais des tableaux religieux pour la simple raison que Paul était chevalier de malte, d’obédience catholique. D’ailleurs ce choix religieux est certainement l’un des prétextes à son assassinat. La croix de Malte apparaît peinte sur le plafond de la galerie des tableaux précédant la chapelle. Une fois encore, dans ce palais, nos n’éprouvons ni déception ni lassitude à errer dans ces lieux d’histoire. Irina se montre cultivée, en meubles notamment, vive, efficace. Dehors, les troïkas proposent des promenades dans le parc féerique mi domestiqué mi sauvage. Vous pouvez si vous le souhaitez prendre une photo en compagnie d’un couple en costume d’époque. La neige continue à tomber, ajoutant une touche supplémentaire correspondant à nos représentations sur la Russie. Nous hélons un minibus presque immédiatement et regagnons le centre ville puis le métro jusqu’à Nevski où nous quittons Irina, très satisfaits de ses services et de son sourire. Nous savons grâce à elle que la rue aux dimensions classiques et symétriques s ‘appelle rue Rossi et se cache derrière le théâtre Alexandra. Bof. C’est un peu raide malgré ses édifices symétriques jaunes de 220 m espacés d’une rue de 22 m. S’ensuit un moment d ‘hésitations pour organiser la suite du programme. Que faire de notre temps ? Les avis sont partagés et sans cesse modifiés. Finalement, nous dirigeons nos pas vers la place des beaux-arts, jetant un œil et un pied enneigé dans le hall de l’hôtel Europa. Quel étonnement de voir des vendeurs de glaces dans les parcs ! Bien sûr, les boîtes n’attendent pas dans la voiturette réfrigérée mais sur le plateau extérieur. Nous nous engageons, en entrant par la sortie, dans le Musée russe. L’un d’entre nous doit abandonner son laguiole au contrôle électronique. Ce musée russe montre la volonté de s’opposer aux collections royales de l’art occidental et propose d’exposer peintures et artisanat russes tout aussi dignes d’être exhibés. Nous choisissons les salles d’art moderne bien que la pièce consacrée au 20e le plus récent soit…closed ! Mais c’est intéressant, nous apprécions particulièrement l’artisanat (bois, ivoire, tissus, broderies, poteries, jouets, décors extérieurs de maisons en bois sans doute peints à l’origine).
Certains tableaux attirent notre attention : images des soldats napoléoniens, réalisme socialiste, peintures proches de Braque ou de Picasso mais aussi Malevitch, peintures naïves… Nous ne disposons pas assez de temps, mais tant pis,
la curiosité s‘émoustille quand même devant des choses inattendues. A 5h45, les gardiennes nous indiquent gentiment mais impérativement la direction du cloak room, c’est l’exode vers la sortie, sans espoir de récupérer le laguiole. Nous partons en quête d’un restaurant dans le quartier, comme conseillé par Irina. Nous atterrissons dans un self de Nevski Prospekt où nous optons pour des plats russes toujours tièdes bien que réchauffés au micro-ondes. Nous ne sommes pas loin de l’hôtel, nous échangeons de l’argent au fond d’un magasin de musique (CD et K7) et rentrons piétinant dans une mélasse débordante surtout en bordure de trottoir. Soirée vodka au 429 pour faire les comptes et échanger quelques propos. Fin des chocolats

mardi 10 avril 2012

Le tour de valse. Pellejero Lapière.

J’ai choisi une des rares images de bonheur dans une histoire tragique dont le dessin élégant permet de traiter le sujet de la tyrannie soviétique en laissant deviner les ambitions du communisme alors triomphant tout en montrant sa monstruosité. Le scénario est habile et limpide : une femme Kalia part à la recherche de son mari qui a cessé de lui écrire depuis la Sibérie où il est prisonnier car dénoncé comme « Zek », un ennemi du peuple, au retour d’une guerre où les hommes avaient perdu toute humanité. Elle a eu deux enfants, qu’elle laisse, pour découvrir sur place les conditions effroyables de détention au goulag et aussi ce qu’était ce « tour de valse », elle leur écrit.
Extrait d'un dialogue:
 « - En revenant, j’ai vu l’âne du vieux Pizkariev écrasé par un train. 
- En voilà un qui a de la chance ! 
- De perdre son âne ? A son âge, qui va porter son bois ? 
- Une bête aussi têtue…n’avait qu ’des soucis avec… maintenant, l’a de la viande pour quelques mois, s’il s’y prend bien. 
- Je ne sais pas ce qu’il pourra récupérer le train ne s’est même pas arrêté ... 
- Ah c’était ce genre de train… » 
Une belle locomotive noire avec l’étoile rouge.

lundi 9 avril 2012

La terre outragée. Michale Boganim.

Tchernobyl signifie « absinthe »:
« Le troisième ange sonna de la trompette. Et il tomba du ciel une grande étoile ardente comme un flambeau ; et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources des eaux. Le nom de cette étoile est Absinthe ; et le tiers des eaux fut changé en absinthe, et beaucoup d’hommes moururent par les eaux, parce qu’elles étaient devenues amères » L’Apocalypse selon St Jean.
L’absinthe signifie aussi « herbe de l’oubli ».
La belle Anya est guide dans la zone contaminée, elle rappelle la catastrophe qui fit de 14 000 à 850 000 victimes selon les sources embrouillées par une censure encore puissante.
A travers son histoire incertaine, celle d’un ingénieur et de son fils, le scénario passe d’une période heureuse en 1986 quand allait s’ouvrir un parc d’attraction, à celle d’aujourd’hui où les êtres apparaissent comme dépossédés d’eux-mêmes, hors sol.
Dans combien de films de l’Est y a-t-il de grandes roues ?
 La belle n’est-elle pas trop belle ?
Moi qui apprécie tant les peintures écaillées quand je photographie, et les statues de Lénine, j’ai aimé ces lieux abandonnés. La pluie omniprésente peut rendre palpable le déluge mortifère mais quand elle brouille les paysages derrière les carreaux de la serre, elle est belle aussi, comme les fêtes où s’étourdir.

dimanche 8 avril 2012

François Morel. Chanteur.

Le bougre qui pour moi représente l’esprit français dans toute son audace, sa fragilité, a plusieurs cordes réjouissantes à son arc dont j’ai parfois fait écho sur ce blog.
Depuis un moment je voulais faire partager mon plaisir à l’écoute de ses chansons mises en musique par Wagner (Reinhardt), Juliette ou Delerm.
Il dit l’essentiel, en nous faisant marrer :
« Tu veux des gondoles à Venise 
Tu as ta mobylette à Berck 
Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? 
Faut faire avec, faut faire avec 
On croit toujours qu'on a le temps 
Et c'est le temps, le temps qui nous a » 
Décapant :
« Je suis un cas sociaux 
Puisque l’exemple vient d’en haut 
J’ai bien peur, mon poteau, 
Qu’on se prépare pour bientôt 
 Beaucoup de cas sociaux. » 
Petites chroniques savoureuses comme les pages de ce livre d’or :
«J'ai baisé comme un fou» signé Alain Decaux 
L'écriture est gracieuse mais c'est hélas un faux 
«Nous ferons, croyez-le, souvent votre réclame 
Merci», tiens, c'est signé "Jean-Paul II et Madame" 
C'est sur le livre d'or de l'Hôtel Beau Rivage 
Qu'un enfant, sagement, gribouille des nuages » 
Il y en a ainsi pour des heures de plaisir dans deux CD :
« Le soir les lions » et « Faut faire avec ».

samedi 7 avril 2012

Veuf. Jean Louis Fournier.

Bof !
J’avais aimé « Où on va papa ? » de l’ancien complice de Desproges, et dans notre cercle de lecteurs celle qui a présenté le livre avait choisi ce que j’ai trouvé de meilleur en 150 pages très aérées.
L’auteur prolifique reproduit un extrait d’un ouvrage qui s’intitule « Sortir du deuil » où figure un tableau :
 « 100 points pour le décès d'un conjoint, 73 pour un divorce, 63 pour un séjour en prison, 11 pour une contravention… Celui qui a eu 10 contraventions, ça lui fait 110 points, donc il est plus malheureux que s'il avait perdu sa femme.»
Il tire à la ligne, se répète et quand il regarde à l’intérieur des chapeaux de l’absente, il cherche s’il ne reste pas une petite pensée pour lui.
Il aligne les formules obsèques genre « le bonheur on le reconnaît au bruit qu’il fait en partant », « le silence qui suit Mozart, c’est encore du Mozart ».
Il est plus émouvant quand il reconnaît ses faiblesses, des maladresses au moment du décès ; quand finalement les formules toutes prêtes peuvent aider.
La vie qui continue semble obscène, le courrier, le téléphone, les lunettes retrouvées ... Elle nous sauve.
Cette  espèce de brochure ressemble à ces livres qui veulent inciter les enfants à la lecture en proposant des guides pratiques romancés: « Mes parents divorcent », « Je viens d’avoir une petite sœur ».
Sur le créneau, « Veuve » aurait eu plus de lectrices.
A regarder sur Internet l’unanimité des lecteurs qui ont apprécié cet humour, et cette complaisance à l’égard de soi même, je me trouve bien sévère quand je pense que désormais le conformisme face à la mort se porte plus volontiers vers la dérision élégante que vers la profondeur : quelle chance de partir en premier !

vendredi 6 avril 2012

Comment reconstruire l’égalité ?

« La crise que nous traversons n’est pas seulement économique ; elle est aussi symbolique et politique. Elle nous impose, au beau milieu de la tempête, de repenser et de refonder notre démocratie en vertu de valeurs plus justes. » F. Hollande
« Une société des égaux doit faire de l’idée des constructions des singularités une sorte d’utopie positive. » P. Rosanvallon
L’auteur du nourrissant livre « La société des égaux » rencontrait le candidat socialiste lors du forum de Libération en cette fin novembre.
Il y avait du monde et de l’attente avant ces échanges sur le thème identitaire de la gauche, avec au bout une déception inévitable bien que des paroles incontestables aient été prononcées : «Tout ce qui a été décidé ces dernières années n’a pas été considéré comme « juste » par la population, c’est ce qui crée cette colère froide, cette frustration, cette volonté de changement. Si la gauche ne joue pas son rôle et ne rassemble pas, alors il y aura un risque terrible d’éclatement. »
Mais des vents froids soufflent au sortir de la belle salle de l’Hôtel de ville : la crise.
8 millions de pauvres et les rémunérations les plus élevées ont flambé.
Les fractures générationnelles et spatiales se sont aggravées, le pacte civique est menacé.
L’égalité, principe matriciel de la révolution, connaît aujourd’hui des reculs.
Les discours parlent d’inégalités pas de l’égalité alors que l’ingénierie politique éclairée par cette grande idée doit œuvrer dans l’école, la protection sociale, la redistribution fiscale.
La redistribution sans principe de réciprocité s’essouffle, il convient d’agir en amont par une politique ambitieuse de la petite enfance, avec de l’accompagnement personnel dans les systèmes sociaux, reconstruire la confiance pour permettre les mutations.
Pas une politique qui écarte mais qui unit.
Après tout, lors de la Seconde Guerre mondiale, il fallait « que les dollars meurent pour la patrie » c’était dit aux Etats-Unis.
L’impôt peut être consenti.
A Rome une loi limitait le nombre de personnes admises dans un banquet.
Quand l’indigence côtoie l’indécence au XXI° siècle, il conviendra d’aller vers une plus grande frugalité.
Il arrive même que pour certains la démocratie n’aille plus de soi : l’heure est grave.
Il est temps que vienne le temps de la mesure et des mesures.
Alors la peur de la réforme pourra s’effacer quand s’éloigneront la connivence et l’absence de moralité publique ; la confiance est à reconstruire.
Ce n’est pas la première fois que ces deux hommes se rencontraient :
un dialogue intéressant figure sur le site de Philo magazine sous le titre
« y a-t-il des idées pour sauver la gauche ? »
 http://www.philomag.com/article,dossier,y-a-t-il-des-idees-pour-sauver-la-gauche,1621.php

jeudi 5 avril 2012

Gaudi à Barcelone.

Serge Legat a entretenu les amis du musée de Grenoble de l’essor de Barcelone autour de 1900 et de Gaudi.
Barcelone en 1900 regarde vers Paris, tout en revendiquant une culture à la forte identité, son « art nouveau » rayonnera à l’étranger, alors les réalisations vont se multiplier sur place.
 A l’endroit de la citadelle que les catalans ne portaient pas dans leur cœur va se tenir une exposition universelle dont subsiste un parc de 30 hectares et un institut de zoologie à l’architecture remarquable.
 Le plan d’expansion de la ville par Cerda, même s’il n’est pas entièrement mis en œuvre, marque le développement d’une agglomération qui, à côté de ses quartiers gothiques, développe une urbanisation à la géométrie ambitieuse.
Concernant l’immense Gaudi, il est question aussi de Le Corbusier, « l’architecte de la caisse à savon » d’après ses propres paroles, qui a admiré les réalisations d’un de ses maîtres ayant lui-même étudié Viollet Le Duc.
Le conférencier s’interroge : les mosaïques qui recouvrent la salamandre emblématique créée d’ailleurs par Jujol ne réduisent elles pas l’image du si inventif artiste?
La polychromie, le baroque, l’ornemental sont certes ses marqueurs mais le fonctionnaliste exhibe aussi les éléments structurants de l’architecture.
Le parc du mécène Güell au départ n’était qu’un des éléments d’une cité utopique, communautaire, lieu de culture, de foi, de commerce où celui qui a été inspiré par la nature dans toutes ses réalisations a pu donner sa pleine mesure avec par exemple des colonnes qui se confondent avec des palmiers.
La casa Batllo, un ami de Güell, marchand de tissus, avec espace de vente au rez de chaussée et appartements de rapport au dessus du logement du propriétaire a des ondulations qui adoptent des formes animales. Les formes organiques de l’habitation surnommée la « maison des os » sont venues habiller une construction dont le permis de démolir avait été refusé.
La casa Vicens porte en façade une vision d’un historicisme qui sera dépassé, avec des influences mauresques; elle devait montrer le savoir faire du propriétaire marchand de carreaux de céramique, le jardin qui l’entourait théâtralisait la maison.
Le palais Güell aux cheminées insolites puits de lumière et aérations comporte des entrées originales et des espaces intérieurs grandioses.
La casa Mila ou « la pédrera » (la carrière) avec ses trois façades dans la continuité est aussi intéressante à observer en maquette avec sa structure alvéolaire. Le fer forgé est privilégié et quelques grilles dragonesques sont spectaculaires. L’architecte tenait à maitriser les techniques artisanales concernant le verre, le fer, la céramique, le bois.
La construction de La Sagrada familia devrait se terminer en 2026 pour le centenaire de la mort de celui qui est enterré dans la crypte du bâtiment le plus visité d’Espagne. Tout à son engagement religieux, il va consacrer les quinze dernières années de sa vie à cette œuvre gigantesque.
Domenech y Montaner va réaliser un palais de la musique catalane, somptueux, luxuriant avec ses Walkyries, ses colonnettes de verre.
Et son hôpital de la Santa Creu avec ses 46 pavillons qui tiennent 9 blocs du plan Cerda vaut sûrement le détour.

mercredi 4 avril 2012

« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 5

Larissa notre guide n’est pas au rendez-vous, sa fille est malade, mais elle nous a envoyé Irina.
 Avec elle, nous découvrons le métro où les photos sont interdites par peur des attentats.
La station construite en 1955 dégage une impression de luxe avec ses lustres en bronze et ses murs de marbre, elle expose des richesses à la mesure de la ville ! L’escalator en bois descend profond et raide à cause du terrain marécageux il doit passer aussi sous les canaux et la Neva (80m environ). Bien que datant de 1955, le style adopté est « modern style » pour la décoration. Dans les stations les plus modernes, des portes automatiques donnant accès directement aux wagons empêchent ceux qui auraient abusé de la vodka de tomber sur la voie.
Nous quittons le métro et ses passagers endormis au bout de trois stations, et nous nous engouffrons dans un minibus collectif. Le transport coûte le même prix qu’avec les vieux bus publics, délabrés, sur les mêmes trajets. Nous passons le monument dédié aux morts de la 2ème guerre, grandiose, puis nous découvrons la campagne blanche.
La neige commence à tomber, ce qui indique d’après certains membres du groupe bien informés en météo et conditions climatiques une température clémente ! Mmh….Nous passons sans la voir l’ancienne ligne de front puis nous apercevons les premières habitations de Tsarkoïe selo. Le minibus bien embué s’arrête à la demande, Tsarkoïe selo porte aussi le nom de Pouchkine, à cause du collège impérial qui abrita le poète pendant ses études. Nous marchons un peu sous la neige jusqu’au palais bleu or (en peinture mate) et blanc de Catherine la grande. Comme Irina a retenu les billets à l’avance hier, nous entrons vite, enfilons des « babouches » en plastique bleu sur nos bottes pour protéger les planchers. Nous croyions avoir vu le nec plus ultra hier à l’Ermitage, mais là alors ! Nous commençons par la découverte du salon de bal, construit dans l’imitation de la galerie des glaces de Versailles ; murs blancs, avec anges, décors et porte chandelles dorés à la feuille d’or, parquets en marqueterie et immense tableau peint au plafond ; C’est saisissant. Puis nous nous engageons dans une enfilade de pièces avec des portes identiques, à l’image du salon de bal : ce sont des salles d’apparat, des salles à manger avec vaisselle assortie et faux poêles en faïence de Delft ( dans une datcha, maison secondaire d’été, il n’y a pas besoin en principe de chauffer). Et parmi ces pièces, nous tombons sur le célèbre cabinet d’ambre, reconstitué et inauguré en 2003 ; il en émane une lumière inhabituelle et chaude due à ce patchwork d’ambres de la Baltique de couleurs différentes qui tapissent les panneaux muraux. Quatre mosaïques figuratives s’intègrent dans l’ensemble, dont l’une retrouvée en Allemagne par un journaliste de « Der Spiegel » chez un antiquaire de mauvaise foi. Vraiment, c’est quelque chose d’unique. Peu à peu, les pièces se transforment selon les modes et les époques, nous traversons un salon japonais, un salon aux murs tendus de soie lyonnaise, des pièces de style empire, d’autres d’inspiration égyptienne. Ce palais aujourd’hui rénové avec soin fut occupé par les Allemands, pillé et dévasté comme en témoignent nombre de photos exposées dans les pièces reconstituées ; avant, après. Seulement une quarantaine de pièces sur mille sont aujourd’hui restaurées mais avec goût et sans lésiner sur la qualité. Certaines pièces de mobilier sont l’œuvre encore de recherche de par le monde.
Le parc ne manque pas de charme sous la neige qui tombe, ambiance ouatée et assourdie ; nous laissons avec satisfaction attendre la foule agglutinée à l’entrée du château pour profiter presque seuls des jardins. Un pauvre bougre (moujik) parvient à nous y vendre ses cartes postales à force de ténacité. Après un petit détour vers la galerie Cameron (nom de l’architecte) à côté du pavillon d’agate nous déambulons en direction du pavillon de l’Ermitage dans lequel Catherine recevait ses intimes à dîner (le plancher « ascenseur » pour monter ou descendre la table du repas garantissait leur tranquillité ). Dans le parc, des caissons de bois fermés d’un verrou protègent les statues de la dureté du climat hivernal. Le parc cède la place au parc sauvage à l’anglaise jusqu’aux grilles du domaine.

mardi 3 avril 2012

La légende de Robin des bois. Manu Larcenet.

Du bon, du marrant avec Robin en forêt de Rambouillet atteint de la maladie d’Alzheimer que soigne à coup de gourdins, Petit Jean, son compagnon impavide.
 Les textes sont suaves quand d’emblée « les champignons dardent leurs corolles sombres aux premiers rayons du soleil et les passereaux fanfaronnent leurs dernières odes à la saison qui s’achève ». 
Naturellement il essaye de voler les riches, mais il a peur de ne savoir à qui destiner ses rapines.
Toujours pourchassé par un shérif qui ressemble à John Wayne, il se retrouve face à Tarzan, autre habitant des bois, qui a pris un genre spécial: les parodies sont délirantes à point.
Le temps a passé : frère Tuck est devenu pape et belle Marianne en sa tour enfermée a été oubliée.
Messire Robin envahi de réminiscences de Carlos et Annie Cordy, va se remettre à la recherche de la belle dans une ville Nottingham désormais urbanisée.
Vraiment un bon moment de BD avec des clins d’œil, le jeu des anachronismes et toujours un brin de mélancolie chez Larcenet avec laquelle il fait si bon sourire.

lundi 2 avril 2012

Bovines. Emmanuel Gras.

Des vaches dans les prés.
Nous prenons le temps avec elles de l’aube à la pleine lune, sous la pluie normande, du vêlage en plein champ, à la séparation quand le camion qui mène à l’abattoir emporte une compagne de pacage.
Les moniteurs qui encadraient des enfants d’un institut médico éducatif avaient choisi ce documentaire plutôt que Pirates des Caraïbes 4, ils ont eu raison, à mon avis, de leur faire partager des émotions élémentaires dans une atmosphère paisible qui pouvait réduire un instant leurs cris incontrôlés.
Les images sont magnifiques sans être apprêtées et un sac plastique qui vole peut prendre des allures poétiques quand il est bien filmé.
Pour avoir gardé quelque troupeau sans souvenirs excessivement romantiques sinon de me racheter une fierté d’être né « pagu », je savais la malice d’une charolaise quand il y a une pomme à choper dans l’arbre, mais j’ai goûté l’ironie qui depuis Cannes me ramenait près de leur cuir entretenu à coups de langues énergiques.
 De Libé : « Bouse, meurs et ressuscite »

dimanche 1 avril 2012

Les bonnes. Jacques Vincey. Jean Genet.

Les servantes jouent à la maîtresse et ça se finit mal.
Je m’attendais à une pièce plus politique mais les raisons de sa réputation n’étaient pas de cet ordre, maintenant que l’œuvre théâtrale la plus jouée dans le monde est au programme des lycées.
La cruauté, la haine, les semblants qui rattrapent le réel, sont joués avec vigueur par trois actrices excellentes. Un acteur, nu bien sûr, en gants Mappa vient d’emblée apporter la distance en expliquant comment doit être jouée la tragi comédie : « Un conte… Il faut à la fois y croire et refuser d’y croire. ». Sa présence discrète mais constante ne m’a pas dérangé, contrairement à beaucoup de critiques, elle me semble de nature à respecter les indications de l’auteur culte qui s’est toujours défendu de s’être inspiré du meurtre des sœurs Papin :
 « Je vais au théâtre afin de me voir, sur la scène (restitué en un seul personnage ou à l’aide d’un personnage multiple et sous forme de conte) tel que je ne saurais - ou n’oserais - me voir ou me rêver, et tel pourtant que je me sais être. » 
La notoriété de cette pièce de 1947 va bien au-delà de la notion omniprésente qui souligne une des difficultés de la création : « d’après des faits réels ».
L’exploitation, les frustrations, les fleurs qui étouffent, les fausses familiarités, les objets qui pèsent, « Madame est trop bonne » inévitable, mais « elles déconnent ».
Le décor mécanique au service d’une mise en scène qui varie les jeux, modernise un texte qui aurait pu connaître des longueurs.