samedi 28 mars 2020

« J’euh »

Je remonte sur mon canasson numérique rejoignant la cohorte des sages jugeant les autres juges insupportables tant ils sont avides de voir des têtes tomber. Toujours en recherche de boucs émissaires ceux-ci préfèrent la punition à l’action. Qui avait vu venir le cataclysme ?
Un tout petit truc a mis à terre les géants sur les épaules desquels nous chantions.
Ces complotistes qui m’agacent sont mes frères, voire fils du complotiste infecté que je suis devenu en train de découvrir le mot « extimité ». Le lien fraternel qui devrait nous tenir à l’intérieur d’une même nation, dont la notion vient d’être redécouverte, ne peut être vrai que si les porteurs d’idées convenues et simplistes savent reconnaître que la situation présente est quand même inédite et complexe. 
A la mesure des dramatiques évènements planétaires, qui pourrait souhaiter que tout redevienne comme avant ? La vie est polluante et la  blanche lumière vient du noir charbon.
Le chemin sera cependant long avec chacun dans son couloir, méprisant toute idée d’unité nationale. Martinez appelle à la grève dans une France à l’arrêt : celle là  a toutes les chances d’être suivie. Le végan nous avait bien dit de ne pas bouffer du pangolin.
L’humilité n’est guère durable pour ceux qui accusaient l’exécutif d’autoritarisme alors qu’ils lui reprochent sa prudence, aujourd’hui.
N’avons-nous pas appris que nous étions ignorants ? En ce qui me concerne, je n’étais pas accoutumé à savoir que les virus habitent bêtes et  gens depuis toujours et pourtant « les virus couvent sous la cendre des forêts » https://www.courrierinternational.com/article/coronavirus-la-destruction-des-ecosystemes-par-lhumain-favorise-lemergence-depidemies
et toujours dans Courrier International un chroniqueur québécois rappelle que « L’Amérique est le fait d’une suite d’épidémies destructrices » https://www.courrierinternational.com/article/histoire-vu-du-canada-lamerique-est-le-fait-dune-suite-depidemies-destructrices
Nous vivons, coqs  sans stock, dans un temps présent qui se distend et nous en appelons à ces flux tendus qui nous ont mis en difficulté : vite vite des masques made de n’importe où !
Les acouphènes de nos machines s’atténuent sous le chant des merles moqueurs de l’autre côté de nos vitres. Nous révisons que nos autonomies dépendent de la coopération d’ici et là bas. La mondialisation était-elle responsable de la peste noire (1347-1352) ?
Notre toute puissance prend un coup de mou quand la peur devient bonne conseillère et la mort familière. Nous la cachions et maintenant que les enterrements se font en catimini, ses rites nous paraissent indispensables.
Nous avions des idées bien arrêtées quant aux enfants-rois que nos majestés avaient élevées. Nous voilà nus, à supporter, à affronter, nos fragilités. Après les « allez-vous en ! » qui ne s’adressaient pas qu’à des réfugiés à nos frontières vite réhabilitées, mais à tous les responsables politiques, à nos voisins que nous fuyions pour en inventer d’autres sous d’autres cieux, nous sommes invités avec Valérie Rouzeau à « allez en vous », à hésiter : « j’euh »…

lundi 23 mars 2020

Pause.

J'avais envisagé de continuer à publier sur ce blog, aujourd'hui à propos d'une bande dessinée et demain sur les voyages... Et puis je préfère me taire, me terrer, pour le moment.
Écrire le récit d'un confinement de plus, n'aurait guère d'intérêt, pas plus que je ne veux rajouter des commentaires aux commentaires de tant d'experts en logistique ou en remède miracle.
Les distractions ne manquent pas. Je vais préparer un article sur une anthologie de la poésie.
A bientôt.
Baudelaire:
" Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir."

Choper la crève.

En ce moment, les chinois nous importent d’autant plus qu’ils exportent des masques.
La mondialisation, dont nous voudrions nous éloigner, nous renseigne sur leur faculté à surmonter une crise majeure qui nous oblige à leur égard, nous rapproche.
Dans la recension des paradoxes, il n’est pas hors sujet de se souvenir que l’universalisme masque du colonialisme a permis la fin de l’esclavage. Hồ Chí Minh, avait fait ses études en France. L’internationalisation avait permis à l’échelle mondiale de diminuer la pauvreté, et va ruiner nos économies.
Global et local sont au bal et échangent des baisers humides.
Bien des valeurs se rééchelonnent et se renverse l’idée des privilèges territoriaux : il fait meilleur à la campagne qu’à la ville.
Il y a peu, le gouvernement se réjouissait de la reprise du trafic des trains et du métro, ces jours il s’applique à mettre en place leur raréfaction.
Les éternels rêveurs de grève générale, « tous ensemble », se retrouvent avec un pays à l’arrêt, chacun chez soi. Les mots se manipulent aussi avec des pincettes, si « rêve général » pouvait encore se jouer sur les plateaux de théâtre, de substituer un « C » au « G » de grève je ne l’ose,  surtout accolé à général, tant nous sommes près de la mort et peu prêt.
Virus sans frontière : c’était affaire de Wuhan, maintenant de Mulhouse. Il fait si beau, les gosses jouent au ping-pong, le printemps est insolent (bis).
Mes bibelots, dont je viens de « faire la poussière » seront à qui les veut parmi mes héritiers. Pour avoir essayé dans mes recherches pédagogiques à poursuivre la notion de non-directivité : mon dernier acte estampillé « libertaire » évitera de charger tel masque baoulé d’une poussière paternelle et me dispensera de tout testament dont l’éventualité vient de me revenir à l’esprit. Pourtant parmi les conseils fournis au temps du confinement, rien n’a été dit à ce sujet entre un gag vidéo et une prophétie à postériori, c’est que la méditation pendant le ménage permet de mettre de l’ordre dans ses affaires.
Les français, dont je suis un spécimen dans le genre intermittent des leçons à donner, tiennent à leur étiquette de rétifs aux ordres, mais en demandent par ailleurs, des ordres. Ils chérissent la liberté mais appellent des directives.
Ils aiment débattre, réclament des décisions rapides et lorsqu’elles adviennent regimbent.
Il faut croire qu’ils aiment les chefs pour pouvoir leur couper le chef.
Nos machines nous consolent dans le même temps qu’elles nous ont tant isolés.
A présent, elles maintiennent ou favorisent le lien social. Vecteur de la tragédie que nous vivons, elles supportent nos romans, nos passions, nos inventions, et au royaume des fake-news, ces tablettes magiques que nous effleurons peuvent être au fond outil de vérité.
......
 Le dessin est de Pierre Kroll dans "Le Soir" de Bruxelles, mais je n'ai pu charger une version plus complète.

dimanche 22 mars 2020

Illusions perdues. Balzac. Pauline Bayle.

Pour être passé de la salle des fêtes de mon village à quelques défaites au chef lieu, voilà un titre susceptible d’attirer celui qui aime se recoiffer en se regardant dans le rétroviseur, envisageant deux heures et demie de délectation morose par théâtre interposé.
Le combat de l’idéalisme et du réalisme peut occuper toute une vie.  
De surcroit l’annonce « D’après  Balzac » réalise un retour digest vers un phare de la littérature française laissé de côté depuis «  Le colonel Chabert » dont j’avais préféré d’ailleurs le film de1994 qui en était tiré.
 Mais après avoir lu un avis de Télérama, je craignais une mise au goût du jour conventionnelle:
« forte de l’effronterie de la jeunesse qui envoie au tapis, décors, costumes, orthodoxie de la représentation, bref tout ce qui assoupit le théâtre ».
Eh bien pas du tout ! C’est du théâtre dans toute sa pureté, avec une mise en scène élémentaire efficace et novatrice qui n’a pas besoin de faire appel à des dispositifs tape-à-l’œil, des acteurs jouant plusieurs rôles avec virtuosité et conviction.
L’adaptation de textes littéraires est périlleuse qui accentue souvent une tendance à la déclamation présente trop souvent à mon goût sur les plateaux : ici les dialogues sont vifs, le théâtre dans le théâtre pas surligné, pourtant l’histoire se situe en milieu journalistique dans le domaine culturel.
Les conformismes, les jeux de pouvoir, les compromissions, l’hypocrisie, les ambitions, le goût pour l’argent et la gloire, du début du XIX° valent toujours au XXI° siècle.
« … pour faire fortune en littérature, blessez tout le monde surtout vos amis.
Visez les amours-propres, attaquez les, mordez-les et le monde vous caressera »  
La metteuse en scène par ailleurs excellente comédienne   
réussit à faire partager sa façon de voir : « Dans le roman, il y a la tentation de la jouissance qui contredit l’exigence de créer une œuvre qui soit plus grande que soi. »
Ce beau travail personnel élague dans le roman de 700 pages avec 70 personnages, tout en montrant des individus et pas des idées désincarnées qui n’accèderaient pas à la contradiction.
La distanciation ne nous fait jamais oublier que nous sommes au théâtre et nous offre de beaux moments quand les protagonistes scandent une danse secouant la poussière du plateau ou lorsque le jeune Lucien de Rubempré né Chardon joué par une fille séduisante  et charismatique, passe d’Angoulême à Paris.

samedi 21 mars 2020

Le déjeuner du coroner. Colin Cotterill.

Voyage dans l’espace et le temps : Laos années 70. Le seul coroner du pays malgré des moyens matériels très limités est bien placé pour savoir si ses cadavres sont morts de mort naturelle. L’érudit désabusé joue au détective avec des talents de sorcier.
Sous le régime du Pathet Lao, les énigmes en milieu tropical se dénouent grâce à l’intervention d’esprits qui ne manquent pas d’humour. L’exotisme près de chez nous.
«  Dans la cité de Vientiane, les tâches d’intérêt général n’étaient pas une punition, mais une récompense accordée aux citoyens méritants. C’était le cadeau des autorités au peuple. Pas un homme, pas une femme, pas un enfant ne devait être frustré de la fierté  qu’on éprouve à regoudronner une route ou à draguer un cours d’eau. »
Les coffres et les rêves sont universels :
« C’était comme si elle avait ouvert un coffre renfermant tous ses rêves de petite fille, des rêves de justice, de bonheur et de rationalité - pour n’y trouver que des débris ratatinés. »
Toute ressemblance…
« Ils n’avaient ni livres ni crayons, et les tableaux noirs étaient l’envers de vieux panneaux d’affichage royalistes. On n’y apprenait pas grand chose, mais l’ambiance était bon enfant. »

vendredi 20 mars 2020

Les quatre jeudis.

« La semaine des quatre jeudis » voulait signifier « jamais » du temps où l’école s’interrompait ce jour là. Nous y sommes : l’impossible est devenu fatal.
Cultivant le goût des expressions désuètes, je titre ainsi mon billet hebdomadaire avant d’envisager ce qui va se fabriquer après cette parenthèse. Quand se réintègre rien moins que l’idée de la mort dans nos vies, nous voilà face à nous-mêmes et pas seulement en commentateur assis au comptoir.
Histoire et géographie : nous passons notre temps à l’intérieur et nous n’avons jamais été aussi attentifs à l’oiseau qui chante dehors en ce printemps insolent.
Nous sommes en vacances dans la vacance avec des tas de voisins rendus à la même condition de retraité que moi, alors que d’autres sont au boulot à 200 %.
De belles formules reviennent : « apprendre à vivre avec l’incertitude », autre façon de dire que l’intelligence se mesure à nos capacités d’adaptation.
Comme les écoliers à leur premier jour de congé supplémentaire, la phase actuelle a les attraits de la nouveauté et les sourires sous la mitraille nous réjouissent. La révélation de la fragilité de nos destins nous empêche de voir loin, sinon en exacerbant nos préjugés de toujours : bienveillance ou brutalité? 
Face à la béance économique où la politique disparaît, sommes-nous dans le film :
« On arrête tout, on réfléchit, et c'est pas triste » de Gébé dans Charlie des années 70 ? La tristesse en plus.
Camus est là plus que jamais : « Ce que l'on apprend au milieu des fléaux, c'est qu'il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser. »
Je n’arrive pas à entamer de gros livres promis à la lecture pour un jour de jambe dans le plâtre, genre Proust ou Musil avec lesquels tenir pour l’éternité. Je picore dans la poésie.
Alors pour éviter de passer tout mon temps à lire des brèves de clavier, je persiste dans l’écriture pour exprimer avec tout le monde mon admiration pour le personnel médical, mais aussi pour la caissière dans la cohue et les responsables politiques qui se montrent responsables … donc pas Buzyn, ni Royal.
Pas facile de s’extraire des réactions immédiates appelées par les réseaux sociaux, mais je prends sur moi pour essayer de me garder de donner des leçons aux donneurs de leçons, de me montrer plus malin que les malins qui savent  toujours après ce qu’il aurait fallu faire avant.
Bien des cartes sont rebattues et on a du temps devant nous pour mesurer l’ampleur et la nature de ce break, quand les gnangnans s’appliquent à le rester, tandis que j’ai l’impression que les haineux se calmeraient.   
Admiration et mépris : la nation s’est montrée prête à des sacrifices que les pusillanimes n’imaginaient pas, alors que des individus qui ont pris de quoi se torcher jusqu’à la fin des temps donnent cependant l’occasion d’alimenter la rubrique des « confinis ».
Descendus du vélo, nous avons du temps pour nous regarder pédaler.
Et les paradoxes de se déchaîner qui nous voient sous la contrainte cultiver le sentiment d’une certaine liberté, ou bien sauvés par les technologies de la communication, nous les viderions pourtant volontiers avec l’eau du bain consumériste.
Nous voilà concernés par un marché chinois et pas seulement théoriquement, mais les chanteurs de « l’internationale sera le genre humain » acquiescent à l’idée de fermer les frontières.
Il nous faut à la fois admirer et mépriser quand le Camus primal les met en balance, pour vivre notre vie d’animal social nourri d’amour et aussi de haine de soi et des autres.
Pour adoucir la prétention qui consiste à présenter un texte qui essaye d’être personnel, je prétendrais que ce n’était qu’un emballage rudimentaire avant cette conclusion de Cristina Comencini  dans Libé :
« Demain, lorsque la porte de la maison se rouvrira, que nous courrons à la rencontre du temps rapide, des fragments de choses et de personnes seulement effleurées, et que les rêves, l’art, seront la seule et unique partie renversée de notre vie, souvenons-nous qu’une autre couche peut recouvrir les jours et les révéler dans le bien comme dans le mal – une fois surmontés le vide, l’ennui et la peur. » Quelle couche ?

jeudi 19 mars 2020

Quand l’art fait rêver. Thomas Schlesser.

Le conférencier, directeur de la fondation Hartung,
a choisi devant les amis du Musée de Grenoble d’examiner les dispositifs qui provoquent le rêve plutôt que de revenir sur leur matière.  
« Rêvez » de Claude Lévêque.
« Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil ». Shakespeare.
Sous Louis XIV, au temps des vastes architectures ouvertes, Antoine Coypel le peintre du roi  enseigne qu’un tableau est beau s’il fait rêver agréablement.
Au XVIII°siècle, époque de la naissance de l’intime, les espaces se cloisonnent.
Dans la « Jeune femme à sa toilette » de François Eisen, la petite fille est écartée de la salle de bain. Le moment consacré à l’hygiène devient celui de l’attention à soi, face aux miroirs.
« Le Boudoir », S. Freudenberger, est le coin de la fantasmagorie érotique : l’homme lutinant la domestique serait l’auteur des vers qui font rêver la belle endormie. Dans les plis de la draperie peut se deviner le sourire vertical de l’origine du monde.
Alors que le lit était un hybride entre pièce et mobilier, il prend place dans la chambre dédiée au coucher où s’exhorte l’intime, elle est tout indiquée pour le rêve ou « Le Cauchemar » Füssli.  
Dans un environnement familier, non plus avec l’envergure cosmique d’un Bosch qui porterait un message transcendantal ou prophétique, l’incube oppresse la jeune femme.
Le sculpteur David d'Anger verra « la tragédie du paysage » dans les tableaux de Friedrich, « La cabane enneigée », où le romantique s’applique à peindre « ce qu'il voit en lui ».
« La chouette » avait été perdue, proposée dans une vente aux enchères à 100 €, elle atteint aujourd’hui 6,5 millions €.
Turner, le peintre des phénomènes atmosphériques, débutant en naturaliste minutieux, pulvérise sa touche allusive dans un paysage débarrassé d’objets. « L’aube après naufrage ». Il laisse la place à l’imagination, suivant le chemin inverse qui nous a mené des enchantements de l’enfance à la rationalité.
Cham caricature Gustave Moreau, auteur du célèbre « Œdipe et le sphinx » synthèse entre Ingres et Delacroix:
« Le Sphinx de M. Gustave Moreau empêchant M. Courbet de dormir ». Deux lignes sont en concurrence : l’engagement conscientisé socialiste et la vision aristocratique de l’esprit émancipé. Les symbolistes vont du rêve étrange et pénétrant de Verlaine au rêve flottant de Mallarmé et son langage de grimoire :
« La Nuit approbatrice allume les onyx
De ses ongles au pur Crime, lampadophore,
Du Soir aboli par le vespéral Phoenix
De qui la cendre n'a de cinéraire amphore »
Inspiré par Claude-Henri de Saint-Simon, « le dernier des gentilshommes et le premier des socialistes » qui comptait sur les artistes pour annoncer quelques prophéties auto réalisatrices, Dominique Papety présente un « Rêve de bonheur » collectif où l’harmonie humaine est possible, même si les fils télégraphiques et le paquebot qui figuraient sur une première version permettaient d’aller au delà d’une vision arcadienne.
L’âge d’or est dans l’avenir avec Signac, idéal politique et artistique convergent « Au temps d’harmonie » .
Jaurès avait vanté « Le Bois sacré » de Puvis de Chavannes qui domine l’amphi de la Sorbonne, mais les rêveuses assemblées de 68 se « regardaient dans les yeux et non au dessus d’eux », comme Cohn Bendit l’a dit à notre conférencier.
Dans les années 20, les suggestions sous hypnose pouvaient provenir du « Cabinet du docteur Caligari ».
Et c’est à ce moment là que les surréalistes, Man Ray, « Le cadeau », vont prendre au sérieux les travaux révolutionnaires de Freud pensant que le travail sur l’inconscient est un facteur d’émancipation. 
« L’objet invisible » de Giacometti met en scène l’incomplétude.
Desnos était le roi du sommeil hypnotique.
« J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie. »
Alice de Lewis Carol vagabondait dans Wonderland ; des entrepreneurs dans le prolongement des expositions universelles inventèrent le premier parc d’attraction : « Dreamland » ravagé en 1911 par un incendie s’étant déclaré dans son train fantôme « Hell gate ».
« Le temps de cerveau disponible » de Le Lay aurait pu figurer à côté de Matisse, « Luxe calme et volupté ». 
« Ce que je rêve, c'est un art d'équilibre, de pureté, de tranquillité, sans sujet inquiétant ou préoccupant, qui soit, pour tout travailleur cérébral, pour l'homme d'affaires aussi bien que pour l'artiste des lettres, par exemple, un lénifiant, un calmant cérébral, quelque chose d'analogue à un bon fauteuil qui délasse de ses fatigues physiques. »
« J’en ai rêvé, Sony l’a fait ». Divine caméra.
Mickey a été une figure de l’émancipation, capable de tous les prodiges, mais ses parcs d’attractions qui miniaturisent le monde se retrouvent modèles de gigantesques villes nouvelles à Las Vegas ou « Dubaï ». Le rêve de certains frôle le cauchemar des autres.

mercredi 18 mars 2020

Lacs italiens 2019 # 12. Les îles Boromées

Le soleil passe à travers les persiennes et rayonne dans un ciel bleu sans nuage. 
Mais ce beau temps est de courte durée et après avoir fait plusieurs faux départs, nous prenons la route pour Stresa sous la grisaille.
Un peu au hasard car les panneaux d’indication sont loin d’être tyranniques, nous parvenons à l’embarcadère Lido di Carciano, près du téléphérique de Stresa-Mottarone et trouvons facilement une place sur le petit parking.
La somme de 11 € engloutie par le parcmètre nous donne le droit  de stationner jusqu’à 16h 30 (il est environ 10h 30). Dès la sortie de voiture, nous sommes pris en main par un marinier du service public qui moyennant 10 € par personne (pour l’isola superiore dei Pescatori + l’isola Bella)  rabat, encaisse renseigne et pilote la petite embarcation de la compagnie MS (avec une ancre entre les 2 lettres) remplie en peu de temps. Il répète de façon robotique qu’un service est prévu toutes les heures et de bien  vérifier la présence des lettre MS avant de remonter dans le bateau.
Nous abordons l’Isola dei Pescatori au bout de 5 minutes de navigation ; c’est l’île des restaurants.
Sa basilique saint Victor accueille à l’intérieur quatre bustes d’évêques, dont un Borromeo (repérable à son absence de barbe), recouverts d’argent et d’or.
 
 
A proximité, un petit musée modeste et gratuit a été aménagé par un musicien pour témoigner de la vie des pêcheurs et expose des filets mousseux de différentes couleurs, des outils et des modèles réduits de bateaux.
Nous déjeunons tôt au restaurant la Rondine, séduits par un menu à 15 € incluant risotto milanais et poissons,  accompagné d’un bon petit vin blanc. L’ambiance est chaleureuse.
Nous avalons notre café en vitesse pour ne pas rater le bateau conduit par le même pilote via Isola Bella Le soleil arrive, de plus en plus généreux. 
Avant de nous lancer dans la visite, nous prenons la mesure de l’île et sommes surpris d’y découvrir autant d’estancos.
Les trois filles, nous cédons à la tentation de sacs en cuir à un prix très très modéré avant un petit tour dans les rues étroites et commerçantes qui n’ont rien d’original si ce n’est la présence de paons blancs se pavanant sur la crête des murs.
La visite du Palazzo revient à 17€ par personne. Une consigne constituée de casiers fermant à clé nous permet de nous délester de nos vêtements devenus encombrants avec la chaleur du soleil, de nos sacs et de nos achats. Commence alors une visite surprenante :
- d’abord des pièces tapissées de tableaux si serrés les uns contre les autres qu’on finit par ne remarquer que les magnifiques cadres dorés.
- Puis s’enchainent des chambres à coucher dont l’une fut occupée par Bonaparte et Joséphine,
- une bibliothèque,
- des salles de réception,
- une chambre  avec un trône démesuré,
- un immense salon sous le regard de  quatre angelots portant soit un chameau soit une  licorne soit un cèdre soit  trois anneaux, symboles choisis pour  son blason par Sforza Visconti Borromé
- un long couloir avec des tapisseries
- des vitrines remplies de marionnettes à fil  expressives, certaines issues de la comedia del arte,  mais aussi des fossoyeurs et des squelettes,  des serviteurs noirs, des personnages de la vie de tous les jours.