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vendredi 2 décembre 2022

na na na na na nan na nana

"Le-foot-est-un-miroir-grossissant-de-nos-sociétés" et une bonne occasion pour aligner des formules éculées telle celle là, posée en tête de phrase. 
Objet de connivence dans tous les pays du monde, la balle ronde peut constituer un bon sujet de conversation si l’humour sait s’y inviter. Le terme « bisounours » employé trop souvent dans les palabres parait inévitable, pourtant qui ne sait pas que notre destinée humaine est tragique, sans que ce soit la peine en face de prêter des intentions mauvaises à tous nos semblables.
Quand France Inter ne se contente pas d'énoncer le score de l’équipe de l'Equateur contre le Qatar mais précise au cas où nul ne le saurait que l’un des deux pays est socialement et écologiquement condamnable... ah bon ?... nous sommes sûrs d’être entre gens de bien.
Les intransigeants qui se sont volontairement privés de Chostakovitch depuis l’invasion de l’Ukraine peuvent ignorer le plaisir d’un match, mais pourquoi en priver les autres ? Ils auraient bien aimé que la Coupe du monde ne se joue pas au Qatar, mais alors quel pays trouver à la dernière minute en remplacement ? En France, autre pays de dictature (sanitaire), il y aura déjà les J.O. et la coupe du monde de rugby ? En Russie ? Le prochain mondial se déroulera au pays du gaz de schiste : les E.U.
Enfants-rois déçus, vieux rois déchus, causeurs, scribouilleurs, nous avons du mal à nous extraire des discours performatifs quand « dire c’est faire », voire prendre ses désirs pour des réalités.
Si j’ai joué, le temps d’une commémoration, la partition du foot comme lieu en dehors des classes sociales, je sais bien que ce n’est plus forcément le cas : le communautarisme est plus fréquent que les fusions fraternelles en dehors des familles.
Dimanche soir, des supportrices du Maroc étaient heureuses dans leur voiture klaxonnant et la maman qui conduisait disait aussi son plaisir de la veille (qualification de La France). 
« Freed from Desire » de Gala ("na na na na na naa) repris par des supporters de l’Arabie Saoudite et des visage de tous les pays dans les rues de Doha, c’est bon, non ?
Le contre-pied est une jolie feinte valable sur la pelouse et en dehors. Depuis que je ne braille plus dans les tribunes de Geoffroy Guichard, je réserve plus discrètement mes émotions à l’OM. Je me montrais par ailleurs bien pingre avec les bleus, préférant les Iles Féroé à des joueurs surpayés, mais devant les critiques systématiques qui leur sont adressées, je suis mis derrière eux. 
Cette attitude rejoint mon tropisme politique, quand les excès des extrêmes viennent nourrir ma pondération. Bien que sur ce coup là, je ne suis exceptionnellement pas d’accord avec not’ président, le foot est éminemment politique ! 
La France compte des millions de sélectionneurs et je ne me dispense pas de contribuer aux joutes qui ne se prennent pas au tragique, le chambrage étant une des variantes de l’humour : « PSG : trouvez une rime en « é »!
J’extrais cette citation venant du journal « Le Monde »  elle citait Emmanuel Carrère, citant Lénine : 
« Il faut travailler avec le matériel existant, boiteux, misérable » 
après les nombreux forfaits de joueurs-cadres. 
« On fait avec ce qu’on a » ça vaut en tous domaines, comme quoi le foot…

dimanche 6 novembre 2022

Caviar. N°11.

Quel plaisir de découvrir une nouvelle revue, consacrée, ce n’est pas nouveau, au football, avec un regard neuf, ce n’est pas nouveau non plus, mais les 160 pages, en papier, quelle audace, sont élégantes bien que les fonds vivement colorés rendent la lecture pas toujours aisée.  
Le paternaliste lecteur sera bienveillant envers les jeunes rédacteurs issus pour beaucoup de diverses sciences po de l’hexagone. Tout le monde a son mot à dire autour du sport roi: Rudy Gobert, joueur de basket en NBA, sportif français le mieux payé, ou Christophe Mazzia élu par ses pairs meilleur chef étoilé. 
Le dernier Goncourt Mohamed Mbougar Sarr, j’en étais resté à Bouna Saar quand il jouait à l’OM, contribue à la revue.
Je me retrouve avec délices dans « les nineties » quand est évoqué Ferguson, Loko, ou le dernier match de la Yougoslavie contre l’Argentine en juin 90 : Faruk Hadzibéjic avait raté un pénalty.
Sinon, comme en musique, je liste mes lacunes en entrevoyant le jeune Blas le Nantais ou l’ancien Mangala le Stéphanois, l’actuel entraineur de Montpellier Dall’Oglio ou le futur coach Kuyt de même que l'arbitre en devenir Gael Angoula du Nîmes Olympique.
Bosman a beau être « l’oublié de l’histoire », son intervention a favorisé une nouvelle législation des transferts. Je connaissais la notoriété de Didier Roustan ou de Philippe Bilger : 
« L’univers du foot n’échappe pas à une forme de contestation qui affecte et infecte toute la société. »  Mais une telle remarque n'est pas vraiment novatrice.
Accompagnant une belle variété dans le casting, nous faisons connaissance avec le Sri Lanka que Le Bouthan, dernier du classement FIFA, vient de battre. 
Les conditions de l’exercice de ce sport au Liban à travers un club de supporters sont bien difficiles.
A Salamanque les socios ont du poids mais à Naples les ultras n’échappent pas à la Camorra. 
Le soccer outre-Atlantique se cherche alors que le foot à ses débuts en Russie servait de nid aux espions.
Si les évolutions des lois du jeu sont évoquées ainsi que ceux qui sont passés du banc de touche à celui des accusés, un reportage à la prison de Moulins-Yseure est un morceau de choix qui justifie son titre : «  Surface de réinsertion » alors qu’est ébauché un petit traité de l’injustice en football. 
Des photos prises au Sénégal témoignent de l’universalité des gestes autour d’une balle à se disputer, comme les dessins d’enfants handicapés confirment que les rêves sont communs à toutes les conditions.

dimanche 26 juin 2022

Une histoire de foot.

Ci-dessous, le discours que j'ai prononcé lors de la fête de l'association sportive de mon village natal, Le Pin dans l'Isère.   
« Le peu de morale que je sais, je l'ai appris sur les scènes de théâtre et dans les stades de football, qui resteront mes vraies universités.» 
Je ressors la formule de Camus dont j’ai usé dans des milieux où il était de bon ton de prendre les footeux de haut, réduisant ce divertissement pour « manchots » à « des smicards qui applaudissent des millionnaires ».
Pourtant le sport le plus universel demeure un des espaces où s’exprime naturellement la diversité.
Le temps d’une troisième mi-temps, en 1998, notre pays s’est aimé en « black, blanc, beur ».
Depuis tant de dimanches, nous savions les bienfaits de porter les mêmes couleurs : paysans, maçons, bouchers, étudiants, ouvriers, employés …Le ballon rond fournit bien souvent un lieu commun de discussion, de distinction, d’amusement.
Nous savons bien ce qu’est un « petit pont » et que les « balais » ne sont pas réservés aux techniciens de surface, surtout quand celle-ci est de réparation.
Les terrains soignés derrière leur limites de sciure, mais souvent bosselés, boueux, gelés, semés de pierres, nous ont confirmé où se situaient les Terres Froides, mais quand la saison des tournois de sixtes arrivait, le printemps en était renforcé.
La seule légitimité qui me permet de m’exprimer devant vous vient de mon père qui consacra une partie de sa vie à l’ASP, parce que le foot c’est aussi une affaire de transmission.
Les générations parlent un même langage autour de la pelouse, retrouvant une part d’enfance quand la joie ou la peine s’en donnent à cœur joie.
Je me souviens des tuiles en carton qui avaient été vendues pour financer la construction des vestiaires du stade du Vernay, bien que dans notre ingrate jeunesse nous avions été  fatigués des rappels héroïques qui se tassaient dans « la camionnette à Boulord », premier moyen de transport dans les années 40. Nous chérissons aujourd’hui ces souvenirs.
L’ASP était un lieu où les Jurassiens de la laiterie se faisaient connaître, où un Gascon pouvait se faire entendre. On a même vu des Savoyards ou des natifs de Montferrat prendre place autour de la main courante du coquet stade du Vernay.
Rêver de Kopa, Platini, vous pousse aussi à grandir.
Nos indignations envers des subjectivités arbitrales ne pouvaient se cacher derrière des écrans désormais peu avares d’AVAR. L’injustice, donc la justice, était humaine.
Depuis que des poteaux carrés sont venus se mettre en travers de nos verts espoirs, nous avons pu apprendre les caprices du destin et cultiver un brin d’humour.
Le foot est  bien entendu un révélateur des mécanismes économiques de la société et une caricature de nos fonctionnements quand plusieurs millions de sélectionneurs sont persuadés de détenir la bonne formule.
Le foot fut dans mon métier, au-delà des connivences et des métaphores, un outil pédagogique dont j’ai usé auprès des élèves et je me suis fait tout petit, quand j’ai pu saluer dans une travée de stade au Cameroun, Salif Keita dit « la perle noire » dont l’histoire valut un livre et un film : « Le ballon d’or ». Arrivé à Orly, il avait commandé un taxi pour Saint Etienne comme on commande un taxi de brousse : le prix de la course a pu être amorti.
Ce ballon si lourd quand il était gorgé d’eau, offre l’occasion de mesurer les évolutions de ce qui fonde la notoriété. La salle des fêtes de Le Pin pouvait recevoir Albert Batteux qui fut un des entraineurs des plus célèbres d’Europe : le corner à la rémoise, les relances à la main de Dominique Colonna…
Alors que la société sportive de Le Pin fut montée par des militants de l’éducation populaire pour éloigner la jeunesse des bistrots présents à la sortie de la guerre dans chaque hameau, le rassemblement d’aujourd’hui ne manquera pas de nous faire trinquer à nos retrouvailles.
Je transmets le micro, façon de célébrer le geste décisif de la passe, en sautant par-dessus les années qui nous ont parfois séparés pour refaire le match. 
J'avais marqué mon admiration pour le travail de Michel Chavand, Jean Jacques Chollat, Dominique Ratel, Pierrot Monnet, Françoise Vittoz, Daniel Revol qui depuis deux ans ont mis tout leur dévouement, leur obstination, leur créativité dans une organisation de pro pour assurer le succès de ces retrouvailles et  apprécié les photos de Robert Guillaud et les talents d'animateur de Jacques Prieur.

jeudi 25 février 2021

Cher football français. Daniel Riolo.

Luis Fernandez a beau nommer le chroniqueur de RMC « l’intellectuel du foot », ces 240 pages tiennent davantage du pamphlet que de la thèse universitaire. L’écrit proche de l’oral, ponctué de quelques formules mordantes, rend la lecture agréable face à un constat plutôt sombre sur l’état du sport roi. 
« Blanc sans Gasset, c’est une tarte aux fraises sans fraises » 
Le manque de culture des décideurs qui vivent de ce sport n’atteint pas toujours les abysses où Rama Yade nous emmena : 
« A la coupe du monde il faudra se méfier de l’Uruguay, une sélection qui a brillé à l’Euro »
L’ancien abonné de la tribune Auteuil puis Boulogne est convaincant quand il s’insurge contre le mépris des journalistes politiques envers ceux du sport,  mais des sauts dans la cohérence apparaissent parfois. Il signale son changement d’appréciation quant au projet de ligue européenne qui verrait les plus grands clubs s’affronter alors que subsisteraient des championnats nationaux pour les autres. Il ne peut reprocher aux dirigeants de trop souvent choisir la fuite en avant, pour en faire de même. 
« On est le pays qui redistribue le plus et il n’y a jamais assez d’argent » 
S’il écarte les opinions les plus courantes à propos de l’argent-qui-pourrit-tout et remet en cause quelques évidences telles qu’aime les proférer l'efficace Didier Deschamp, sa persistance à donner la primeur au jeu est sympathique.
Les bons résultats de l’équipe de France où sont sélectionnés essentiellement des joueurs exerçant à l’étranger masque la régression des clubs où même la formation n’est plus ce qu’elle était. Le « trading » (spéculation) devient la norme et les jeunes expatriés de vanter dès leurs premières déclarations le professionnalisme de leurs nouveaux employeurs avant d’embrasser le blason du suivant.
« Pour gagner de l’argent, il faut une compétence. Pour le dépenser, il faut une culture. »  Alberto Moravia
On finit par s’intéresser davantage aux tactiques lors d’un marché quasi permanent qu’au prochain match. 
« Le miracle reprend forme en août. Le mercato vend de l'espoir. On perd les meilleurs et on fantasme sur les nouveaux. Les entraîneurs affichent des ambitions nouvelles, les dirigeants confirment. En août, tout est toujours plus beau. Quand le bronzage disparaît, les premières journées d'automne, les premiers matches de Coupe d'Europe renversent tout. Pas de doute, on est toujours aussi nul. » 
A l’instar d’Eric Neuhoff  auteur du « (Très) cher cinéma français », il dézingue et peu d’entraineurs ont ses faveurs en dehors de Galtier ou Bielsa. Par ailleurs il exprime clairement que Benzéma est meilleur que Giroud mais celui-ci est plus utile à l’équipe, loin du politiquement correct et des connivences qui sclérosent les structures du foot où le fait d’avoir joué en pro donne des avantages pour entrainer une équipe pro alors que comme le dit Sacchi : 
«  Il ne faut pas avoir été cheval pour être un bon jockey. »

 

dimanche 22 décembre 2019

Jeudi, c’est rugby.


Pour n’aller plus que rarement au stade, je me mêle  bien volontiers aux 10 000 spectateurs qui étaient là ce soir tout en évitant un compte-rendu de plus du match FCG/ Oyonnax (28 à 13) dont la vérité se périmera très vite dans le flot affolé des informations. 
Je remarque que les commentaires à propos des classements n’attendent pas que toutes les équipes aient le même nombre de matchs : Grenoble est leader… jusqu’à demain peut être.
Il en est de même des interprétations à jet continu de toute péripétie en politique où il n’y a plus d’expert depuis que tout le monde est sélectionneur et que le préposé à insulter l’arbitre est le seul à se faire entendre.
Le spectacle de ce jeudi 19 décembre porte l’étiquette « Boxing day », vocable venu du Royaume Uni, équivalent du « Black Friday » américain : soldes après Noël, foot anglais,  derbies et chasse au renard pendant les fêtes.
L’occasion est à saisir de retrouver des potes et l’événement immédiat réveille un temps long qui nous voit avancer dans la vie : « et tes enfants et tes petits ? »
Nous remontons inévitablement jusqu’au temps des Mammouths, surnom donné à l’équipe de Grenoble de 93, celle de la finale contre Castres.
Maintenant ce n’est plus dans l’élite que se joue le derby, depuis que Bourgoin a chuté jusqu’en fédérale alors que Grenoble est en deuxième division. C’était alors la ville contre la campagne, le nord Isère contre la préfecture ;  l’affrontement avec Oyonnax la cité du plastique fera l’affaire. Une autre rivalité particulière avec Toulon était vive quand Le FCG et le RCT étaient les seules équipes à concourir dans la même catégorie en dehors du Sud Ouest. Le stade est aussi le lieu des nostalgies.
Comme lors d’un opéra sur-titré, s’affichent désormais aux quatre coins de la pelouse toujours aussi lumineuse en nocturne, les explications des gestes de l’arbitre et de ses décisions, bien utiles quand il est difficile de déceler si le pilier a tiré ou poussé son adversaire. Et le numéro 7 a-t-il voulu ou pas pu lâcher le ballon ? Le spectacle vivant ne se passe plus d’écrans.
L’an prochain il faudra que je me fasse réexpliquer le système des bonus parce qu’il aura peut être encore changé. http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/01/fcgubb.html
L’expression « en même temps » a fait florès en politique, mais cette volonté de dépassement des antagonismes a pu s’apprendre sur un terrain sportif tout aussi sérieux. Dans mon histoire personnelle le trajet de l’ovale à la ronde a coïncidé avec une délocalisation d’ancêtres et je sais bien les connotations culturelles et sociales qui distinguent rugby et foot en m’emmitouflant ce soir dans une écharpe rouge et bleue du FCG (Football club de Grenoble, c’est le rugby) après avoir agité il y a quelques années le fanion bleu et blanc du GF 38, (c’est le foot foot).
Les frontières se sont brouillées, les amateurs aristocrates se sont professionnalisés, les télévisions ont starifiés des joueurs, mais en diffusant chaque jour un match, ont désacralisé le dimanche, même si une défaite ou une victoire de nos favoris continuent à colorer différemment nos week-end.

vendredi 11 octobre 2019

Nos papiers.

J’aime le foot pour les facilités qu’il offre dans la lecture des mouvements de la société.
Je connais de nombreux amateurs qui se désintéressent d’un championnat déséquilibré depuis que les finances ont aboli la glorieuse incertitude du sport. Mais le plaisir d’un gône avec ses nouvelles chaussures à crampons ne s’abolira pas dans les touffeurs quataries.
Nos conversations à propos de la politique se sont raréfiées, les rangs des lecteurs de journaux se sont clairsemés. L’hystérie des réseaux sociaux, les outrances de certains commentateurs, fatiguent les citoyens les plus attentifs.
Si je fais coïncider la date de mes vacances de jadis avec la suspension de mes abonnements papier, c’est pour retrouver avec plaisir un rituel qui réactive une attention plus approfondie aux évènements du monde, bien que j’ai continué quelque peu à céder aux séductions des magazines.
Ainsi ces réflexions de Kamel Daoud dans Le Point voyant un jeune parmi la foule dansant après la victoire de l’Algérie sur le Nigéria en coupe d’Afrique des nations :
« Ce corps me fascine, il est l’expression d’une contradiction insoutenable : ce même jeune ira prêcher Dieu, ou la « femmophobie », ou la pureté, mais son corps, à la première victoire de football, le trahira, dansera. Je me dis que la religion, c’est quand l’âme enveloppe le corps et que cette âme est déjà morte depuis de siècles et qu’il n’en subsiste que les pierres des temples et des interdictions de jouir. Cette joie là, nue et désordonnée, fait aussi peur, car elle suppose un saccage et un désordre nécessaires. Ces millions de jeunes sans corps et dont la vie est sans issue sont la grande misère de ces géographies, sa force dilapidée. On les verra aller mourir ou se radicaliser. On les verra choisir le paradis et pas la tendresse, le ciel et pas une histoire d’amour, une chaloupe et pas une maison. »
Déplier les pages d’un journal qui ont coûté des arbres, permet de distinguer information et interprétation, caricatures et avis contradictoires. A nous de choisir, d’exercer notre liberté.
Nos machines où se poussent nos pouces, font de la mousse, tout en nous impressionnant  tout autant que des bébés de moins de deux ans.
Ainsi imbibés nous sommes devenus inattentifs et impatients, glissant vers l’imbécillité.
On avait cru révérer quelque déesse de la sagesse et c’est Morphée qui a ouvert un œil  et l’a refermé, fatiguée des métaphores à la chaîne, elle s’avoue vaincue par les tweets des maîtres du réel.
Me défendant de cultiver comme une distinction celle de lecteur persistant, je me garderai aussi de rabâcher « c’était mieux avant ». Où va l’avant ?
J’essayerai seulement de garder comme un talisman le pouvoir de m’émerveiller en captant chez ce petit garçon qui entame son premier match, un peu de sa hardiesse, de son énergie, de son envie de bien faire.
.......
Mais il faut de la patience: en ce moment, les journaux sont livrés avec retard.
Alors je poste après coup, ce dessin pris dans "Le Soleil" qui parait au Québec repris dans Courrier International.

lundi 9 septembre 2019

Diego Maradona. Asif Kapadia.

Quand ma femme dit autour d’elle qu’elle est allée voir ce film, bien des interrogations naissent sur son degré de soumission à mes propositions, d’autant plus qu’elle ne s’est pas ennuyée.
Illustration une fois de plus du football comme révélateur social, autour d’une dramaturgie qui voit l’enfant des bidonvilles accéder à la sainteté alors qu’à Rome « la roche Tarpéienne » d'où les condamnés à mort étaient jetés dans le vide est toujours aussi « près du Capitole ».
L’Argentin a fait le bonheur de Naples pendant 7 ans, il sera banni.
Comment un joueur peut sublimer une équipe, comment Naples a gagné bien plus qu’un scudetto (l’écusson pour le vainqueur du championnat).
Le match Argentine-Angleterre qui a racheté l’humiliation de la guerre des Malouines, fait succéder le mal et le bien : un but de tricheur marqué de « la main de Dieu », suivi d’une chevauchée mythique pour ceux qui savent apprécier la grâce.
Je prétendais connaître « El Pibe de Oro », « Le gamin en or », mais bien des images sont inédites et le montage met parfaitement en évidence la puissance de la foule qui peut galvaniser ou étouffer. Quand les joueurs chantent : « les journalistes sont des girouettes », ils ont bien raison, même s’ils ne sont pas seuls à jouer de la déplorable succession : « je lèche, je lâche, je lynche ».

vendredi 14 septembre 2018

Foot et tauromachie.

Je reprends ci-dessous, quelques mots prononcés au moment du départ à la retraite de mon collègue Eric.
Le propos se devant d’être badin en ces circonstances, j'avais l’intention de parler rien moins, que de liberté et de fidélité à sa classe sociale.  
« Lorsque j’ai proposé à Eric de parler de football et de tauromachie, deux de ses passions coupables, je pensais le faire sur le mode de la révélation - on dit « coming out » - mais c’est qu’il ne s’en cache pas, il en est même fier.
Après tout proclamer son attachement au football est une transgression bien anodine, quoique les risques de passer pour un beauf ne sont pas nuls en milieu enseignant où la pratique du badminton est plutôt recommandée.
Dans ce cas, il est de bon ton de ressortir Camus :
« Le peu de morale que je sais, je l'ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités. »
L’ancien gardien de but, prix Nobel, permet d’agrémenter cette fiche de préparation aux allures de leçon de morale - on n’y échappe pas. Je voudrais par là, souligner la tolérance d’Eric le militant, ambianceur de manifs. Il était dans un syndicat au sigle interminable, SNUIPP, concurrent du mien, qui lui - je cite- ne prenait pas ses ordres à Moscou mais plutôt au Vatican, puisque la CFDT venait de changer une de ses lettres.
Le football miroir grossissant  de la vie de nos sociétés et donc du néo libéralisme est une histoire de temps, liant les générations, une histoire de transmissions. Qui dit encore « les gônes » ou « les Minots », sinon les habitués des travées du « Groupama Stadium » ou au « Vélodrome » ?
C’est un langage universel compris des Terres froides jusqu’à Rio, et si le brassage social est moins évident aujourd’hui dans les équipes de quartier, les débats passionnés quant à Ngolo Kanté ou Paul Pogba ne se prennent pas au sérieux et peuvent se permettre des caricatures minant par contre les discussions politiques.
Concernant la tauromachie, je me sentirais ici presque dans la situation de Gérard Collomb qui aurait à tenir un discours à la fête de l’Huma.
Alors j’ai recours cette fois au philosophe Francis Wolf :
« Etre Torero c'est une façon d'être, de styliser son existence, de s'identifier à sa fonction. C'est une certaine manière de s'exposer sans le montrer, de dominer les évènements en se maîtrisant soi-même et de promettre une victoire sur l'imprévisible... » Remplacer « torero » par « instit » : ça marche. Par contre l’action pédagogique viserait à infléchir de trajectoires trop prévisibles.
Les images ne manquent pas sur le thème de la bête et de l’homme, depuis Lascaux jusqu’à Picasso, ni les mots avec Hemingway, René Char… autant de postulants à emporter les oreilles et la queue face aux allergiques à la muleta.
C’est qu’il est question de soleil et d’ombre, de combat, de mort.
En ces temps où les charcutiers se font agresser, il est nécessaire de réaffirmer la complexité de la vie et la valeur des passions qui ont plus de mal à palpiter sous l’effet de quelques fades tisanes qui ne vaudront jamais des « Marquisettes » de Féria…»

samedi 30 juin 2018

Eloge des coiffeurs. Vincent Duluc.

Peu importe le mot « coiffeur » qui attire l’œil, quand il s’agit de traiter en 173 pages de l’utilité des remplaçants en équipe de France à travers les âges, où avec un ballon rond se lit le monde et le temps qui a passé, comme dans une boule de cristal.
Cette fois le suiveur des bleus pour « L’Equipe » écrit plutôt comme un journaliste, alors que c’était en écrivain qu’il livrait ses émotions de jeunesse dans un ouvrage précédent 
De la même façon que les élèves en difficulté ont pu révéler des caractéristiques ou des failles dans le système éducatif, ceux-ci ont appelé à développer des pédagogies adaptées. Les « en marge » ne sont pas forcément sur la photo,  mais peuvent être des révélateurs, voire se montrer décisifs.
Entre les 16 joueurs embarqués pendant deux semaines en transatlantique de Villefranche-sur-Mer à Montevideo en 1930, alors qu’il n’y avait pas de remplacement autorisé pendant les matches, et la gestion d’ego de milliardaires à l’heure du coaching, que d’anecdotes !
En 1938, Raoul Diagne, futur ministre du Sénégal, premier joueur noir en équipe de France, avait le droit de fumer une cigarette à la mi-temps.
En 1982,Tigana était allé chercher une bougie en cuisine qu’il avait plantée dans son riz au lait :
« Bon anniversaire à toi aussi mon Jeannot »,
car le staff avait oublié de lui souhaiter son anniversaire quelques jours après celui de Platini, dignement fêté.
Mahut avait veillé Battiston dans la nuit de Séville (82), et c’est à Vincent Candela que l’on doit la chanson de l’été 98 qui ne nous lâchera plus : « I will survive » de Gloria Gaynor.
Platini se souvient d’Hidalgo, l’humaniste qui avait commencé sa causerie d’avant match en évoquant les petites mains qui avaient brodé les coqs sur les maillots.
A l’heure de la transparence,  et des caméras dans les douches, des films révèlent et cachent : le mélancolique « Substitute » par Vikash Dhorasoo (2006) et « Les yeux dans les bleus » (1998) :
« Stéphane Meunier racontait l’histoire d’une béatification, et celle-ci avait besoin d’un évangile à la hauteur de la démarche. Son film au moins rendait grâce à tous, même aux apôtres les moins exposés. »
Entre deux rencontres, les joueurs pêchent à la ligne en 58 en Suède, jouent à la pétanque, se retrouvent  parfois en boîte de nuit, ou casques sur les oreilles descendent du bus à Knysna en 2010.
Les Nasri, Anelka, souvent problématiques dans les groupes, avaient eu de fâcheux prédécesseurs quand pour un surcroît de prime, certains avaient passé les trois bandes au cirage en 78 en Argentine.
Du temps de l’équipe de Nantes dominatrice, chaque sélectionné avait reçu à Buckingham deux verres en cristal où était gravé : « World cup 66 ».
En juin 2018 on a beaucoup parlé de la coupe à Neymar, de laquelle s’agira-t-il en juillet ?

samedi 11 novembre 2017

So foot. Pourquoi aimez-vous tellement ça ?

ça faisait un bail que je n’avais pas mis le nez dans le mensuel qui a été un succès de presse tellement durable dans un univers journalistique en crise qu’il s’est décliné en Society, So film...
Comme lorsque je lisais Libé les clins d’œil me séduisaient avec la possibilité de me complaire dans des passions frustres sous un couvert quelque peu cultureux, mais depuis que la première division est devenue « ligue 1 Conforama », je ne saisis plus toutes les références, en particulier musicales parce que oui il est souvent question  de reggae, de rap autour des terrains et dans les casques visés aux oreilles de certains prescripteurs de mode. Je ne suis plus de la famille, comme lorsque je feuillette Les Inrocks, ma culture la plus récente remontant à Bénabar est insuffisante.
Alors ce numéro 150 avec 150 joueurs et personnalités qui déclarent leur amour du football me convenait, d’autant plus que Riquelme et sa femme Larissa, François Ruffin, Anna Karina, Gatuso, Platini, Vairelles, Stoitchokf, Coco Suaudeau me disent quelque chose.
Et Bégodeau sait de quoi il parle :
«  A l’heure de l’universel gainage, de l’obligatoire body-buildage le foot hisse sur le toit du monde un freluquet jamais vraiment guéri de sa native maladie de croissance. » ( Messi)
Et Maylis de Kerangal :
«  C’est la vie reconnectée à l’enfance, au sérieux de l’enfance, à sa puissance, à ce qu’elle peut recéler d’innocence pure, quand il s’agit de se donner rendez vous à la Chapelle le dimanche pour faire un foot ». Sous le titre « Il m’ont dit que j’étais Sergio Ramos »
Piperno, écrivain italien, supporter de la Lazio, partisan et malhonnête à souhait, va chercher au stade la sociabilité absente dans d’autres lieux, bien que : «  le supporter compétent m’énerve énormément -celui qui te parle de 4-3-3 de 4-4-2 . Je trouve que c’est un truc d’Américain, ces statistiques. »
Un éducateur, un intendant, un accompagnateur fidèle depuis trente ans à leur club font figure d’exception, et  si des supporters dans leur maillot et short de leur club de cœur « repoussent les confins de l’élégance » pour certains l’amour est déplacé :
« Un soir  de PSG-OM alors que Marseille prend l’eau. Océane neuf mois de grossesse, perd les eaux. Mais pas question d’interrompre le spectacle : elle attendra la mi-temps pour monter dans la voiture. » Ce supporter du PSG a prénommé le petit, Ezequiel, prénom de Lavezzi.
Sur plus de 100 pages, il y a quelques beaux textes et des témoignages émouvants, des réflexions justes et même une page sur 150 (mauvaises) raisons de ne pas aimer le foot où se retrouve toute la verve des journalistes qui ont fait bouger d’autres publications : France Football est devenu tout à fait plaisant à lire avec une pointe d’impertinence qui lui était étrangère :
« Parce qu’ « il y a un moment, il faut replacer les choses. On vit sur une planète, dans un monde. Il n’y a pas que le foot, tu vois ! » Patrick Montel.
Parce qu’on est prof d’EPS et qu’on préfère le handball.
Parce qu’on aime pas la vie.
Parce qu’on est arbitre… »
…………..
Par contre le titre « Footeux du dimanche » peut attirer, mais ce recueil de petites photographies de 150 pages sur les terrains au niveau des districts accumule les images de maladresses, les poses de pochtrons et ne comporte pas une once de poésie. Le rapprochement des expressions usitées : «  on n’est pas rentré assez tôt dans le match » avec quelques scores déséquilibrés, épuise assez vite son potentiel comique. « Marly Gaumont a perdu 20- 0, le gardien de but est parti faire vêler sa vache »

samedi 11 mars 2017

Le règne des affranchis. Claude Onesta.

Le football est un langage universel. C’est valable aussi de porte à porte, pour un de mes voisins à qui j’avais transmis quelques textes bien tournés de spectateurs de la balle au pied, qui en retour m’a passé un livre de l’entraîneur de l’équipe de France de handball qui a remporté tous les titres.
Proust attendra encore, et « l’Homme sans qualité » aussi
Va pour ces 270 pages, alors que je n’ai même pas vu un match du dernier mondial qui se jouait en France.
Les allers-retours d’un mur à l’autre, de mecs aux larges épaules me laissent en général assez indifférent, et je  n’épouse pas l’engouement trop exclusif des profs d’ EPS pour ce sport. De surcroît, les victoires trop fréquentes sont lassantes.
Les raisons s’accumulaient pour que je rende poliment le livre sans aller jusqu’au bout,
alors j’ai d’autant plus apprécié le caractère fort du toulousain qui sait reconnaître ses conneries, tout en maintenant un cap déterminé. 
Je ne me lasse pas de la formule parfaitement illustrée tout au long de ses pages limpides et chaleureuses:
« Le dire ça fait rire, le faire ça fait taire »
Le fils de cocos, cousin de Gérard l’écolo, en se gardant bien de donner des recettes, prouve dans l’action, la force et la pertinence de ses intuitions, de son éthique.
« Je ne m'imagine pas une seule seconde comme l'épicentre d'une galaxie d'étoiles brillantissimes. Les gens brillantissimes, ça ne met pas les mains dans le cambouis. Ça ne fait pas don de sa personne dans l'intérêt supérieur de la collectivité. »
Rusé, il narre quelques coups qui ont déstabilisé les adversaires, mais sa verve bien nécessaire pour l’agrément d’un livre, ne serait que du vent s’il ne savait pas écouter, observer pour tirer le meilleur de ses hommes, grâce aussi à un staff consciencieux pour lequel il a renoncé à une décoration personnelle qu’il estimait méritée par tous.
Je l’ai trouvé très juste et convainquant. Honnête. La politique et la pédagogie feraient bien de s’inspirer de son audace, de son humilité, tirant de la force à partir des défaites, organisant depuis sa haute autorité une prise de responsabilité collective des plus efficaces. Les entreprises en faisant appel à lui dans leurs formations ont compris que cette incessante succès story n’est pas qu’une affaire de charisme, ni de belles paroles. Un ami universitaire tire des enseignements d’un tel « leadership transformationnel » où se conjuguent les besoins d’autonomie, de compétence et de relation à autrui.
«Une équipe, comme toute organisation, est d’abord une entité sans cesse apprenante. Et c’est valable aussi pour son leader.»

samedi 15 octobre 2016

Paroles d’ex. L’Equipe.

Au moment où je résilie mon abonnement Canal + dont je ne profitais plus guère avec des matchs du dimanche soir de peu de saveur, je viens de me plonger avec délices dans les 40 pages hors série de l’Equipe qui donne la parole à quelques acteurs passés de la Ligue 1.  
En première page, figure celui qui fut un produit d’appel pour moi : Raymond Kopa, sa raie sur le côté et quelques phalanges en moins du temps où il était galibot, et où j’étais enfant.
Les  témoignages d’actuels consultants sont nombreux : Dugarry, Paga, Bravo…
quelques illustres pas forcément pour leur talent : Domenech,
et des sans grade : Thomas, Sicora, Meyrieu, Boli le frère de Baz, Genghini…
Hiard  le gardien de Rennes raconte comment il ressembla à un Picasso après être sorti dans les pieds d’un attaquant : quatre dents en moins et une pommette à refaire.
Pardo vit avec un cœur transplanté et si Giully donne dans l’événementiel haut de gamme, Bibard est heureux de s’occuper d’amateurs.
Des joueurs magiques du FC Nantes ont la parole : Loko, Pedros,
des hauts en couleurs : Govou, Porato, Alonzo
et des sages : Eric Roy, Vincent Guérin , Pascal Despeyroux.
Beaucoup regrettent la domination sans suspens du PSG, tout en reconnaissant la valeur d’un Veratti.  Si tous ont admiré Platini, bien de ceux qui ont croisé Carlos Moser l’ont trouvé le plus rude et Ivic l’entraîneur le plus énigmatique
Quelques anecdotes sont savoureuses : l’arbitre Michel Vautrot écrivant dans son rapport
«  La commission de discipline tranchera » après que Gilbert Gress, lui eut dit :
«  S’il y a hors–jeu là, je me les coupe. »

samedi 17 septembre 2016

Football de légendes. Desports.

Ce hors série de la revue de sport qui « se lit avec un marque-pages », dont j’avais été curieux dès le numéro 1 : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/05/desports-numero-1.html
préfacé par F. Hollande et A.Hidalgo était un objet de commande à l’occasion de cet l’Euro 2016, le bien nommé.
Bien que sans surprise, il mérite de connaître un sort plus durable que l’emballement du jour ou l’emballage du poisson de la veille, d’autant plus que la couverture est cartonnée.
30 footballeurs sont présentés par 30 écrivains avec un large éventail des nations :
de l’Italie avec Roberto  Baggio par Roberto Saviano, à l’Ukraine d’Oleg Blokhine par Andreï Kourkov.
Les images sont mythiques: Beckenbauer l’épaule en écharpe, Yachine faisant rebondir le ballon contre les parois d’un tunnel menant au terrain.
Mon préféré pour toujours : Kopa, l’ancien galibot Kopaszewski de Noeux- Les- Mines; Delerm lui convient pour dire la légende aux couleurs de l’enfance.
Cet enfant que nous rejouons devant chaque match auquel les tristes redonnent finalement du prix.
Ces misanthropes ont-ils besoin de mépriser les foules émues par l’injustice, aimant la virtuosité, l’insouciance, partagées aux quatre coins du monde ?
Jean Paul Dubois était mal parti : 
« Je fais partie de ce petit peuple invisible qui évite les stades, redoute les hymnes, craint les patriotes, conchie les mercatos et s’emmerde géométriquement devant un 4-3-3 en losange… »
Mais il sait célèbrer Andrès Iniesta :
« … dans tous les stades protéiformes emplis d’égos luminescents et truqueurs, chacun n’eut plus d’yeux que pour l’essentiel : les courses soyeuses du petit moine, livide, certes, mais divin aussi. »

samedi 6 février 2016

Un printemps 76. Vincent Duluc.

Pour avoir souhaité en ces années, être nommé du côté de Vienne parce que c’était plus près de Saint Etienne … pour du foot, je me retrouve mot à mot dans ces 213 pages qui savent de quelle couleur furent ces années : vertes !
Je voulais reprendre une formule : « Qui n'a pas vécu dans les années… »  et je m’aperçois  qu’elle est de Talleyrand : «… voisines de 1789 ne sait pas ce que c'est que le plaisir de vivre.»
J’ai connu ces chants, cette communion avec les foules folles de Geoffroy Guichard.
Quand les élèves de polytechnique à la mi-temps faisaient la parade : « A la mine ! »
Ce livre qui revient sur les années adolescentes, à Bourg-en-Bresse, du responsable de la rubrique football de « L’Equipe », se lit d’un trait :
 « Francis Perrin s’arrêtait à un carrefour, se tournait vers sa passagère, et lançait cette réplique immédiatement entrée dans l’histoire du cinéma : Alors Bourg-en- Bresse ou les Bahamas ? »
Bien sûr, pour qui Herbin ne dit rien, ni Curkovic, ni même Rocheteau, passez votre chemin.  Parce que cet échange dans le vestiaire vous sera étranger, quand le président Rocher se plaint auprès des équipiers de Larqué :
« Vous vous rendez compte, votre capitaine refuse le contrat que je lui propose pour jouer avec vous ! Même ma femme n’en dort pas »
Larqué répond : «  Ne mêlez pas votre femme à l’affaire. Germaine est une sainte femme… »
Les femmes allaient au paradis et les agents réglaient la circulation.
Bien sûr, l’écriture fait du style, trop dribbleuse, mais je manque de gadins pour lui lancer des pierres. Et cela va bien à ma nostalgie, bien qu’il n’en fasse pas des tonnes et trouve les mots justes pour parler de ce stade, ce qui lui avait valu des remontrances d’un maire qui  aurait voulu que Saint E soit la ville du design. Sans se mettre en surplomb, il parle bien du devenir de ces hommes qui furent au cœur du chaudron, et ont vieilli  si vite, en allant chercher ce qui fonde une équipe et forge des individualités.
Et ça, ce n’est pas que l’histoire de onze manchots qui courent après leur enfance.

samedi 28 novembre 2015

Football. Jean Philippe Toussaint.

Qui aujourd’hui peut s’étonner de voir un livre consacré au ballon rond édité aux éditions de Minuit ? Nous ne sommes plus au temps où les dandys s’approchaient des rings de boxe ; les intellectuels qui parlent foot ne peuvent passer pour snobs ou décalés.
Qui n’a pas parlé de 98 ? Lui, il sait de quoi il s’agit.
 « 1998 est une date démodée, une date qui a mal vieilli, une date comme « périmée de son vivant », pour reprendre une expression que j’ai utilisée dans un de mes romans, une date « que le temps ne tardera pas à recouvrir de sa patine et qui porte déjà en elle, comme un poison corrosif dissimulé en son sein, le germe de son propre estompement et de son effacement  définitif dans le cours plus vaste du temps »
Il est question du temps scandé par les coupes du monde tous les quatre ans, de l’enfance, d’une présence au monde parfois burlesque quand il essaye en streaming de suivre une demi-finale Argentine-Pays Bas alors qu’un orage a tout éteint.
 «… le football est une denrée périssable, sa date de péremption est immédiate. Il faut le consommer tout de suite, comme les huîtres, les bulots, les langoustines, les crevettes (je vous passe la composition exhaustive du plateau). Comme avec les fruits de mer, il en reste dans l’assiette plus à la fin qu’au début : les commentaires d’après-match font office de coquilles et de carapaces. On les jette à l’oubli. »
Avec de fins morceaux concernant l’écriture :
« Alors j’y retournais et je me remettais à écrire, et la déception du monde disparaissait pour me laisser de nouveau face au doute, au silence et à l’incertitude, à cette intranquillité foncière qui accompagne toujours l’écriture »
Le fil qui nous relie au monde, oublie que désormais les fonds de pension défont les équipes à chaque mercato quand l’obscénité des salaires a tué nos émotions primaires.
Les maillots sont devenus des produits dérivés : les « sang et or » sont descendus en ligue 2  et Valbuena n’a plus les bonnes grâces de la Bonne mère. Pourtant j'aime toujours les dribles de « Petit vélo », et l’élégance de l’écrivain belge, son humour, son empathie.

mercredi 17 juin 2015

Pour toi Grenoble. Red Kaos 94.

Le plus actif club de supporters du GF 38, RK 94, a rédigé un ouvrage collectif consacré à un siècle de football grenoblois et même un peu plus, puisqu’ils datent de 1892 la naissance de l’ « association athlétique du Lycée » Champollion, club omnisport comportant une section « football association » pour le distinguer alors du  « football rugby ».
La rédaction de ces 217 pages n’est pas le fait de professionnels et comporte des maladresses qui en font le charme pour le lecteur bienveillant, malgré un manque de synthèses percutantes. Depuis une bannière « red » on peut attendre une lecture plus politique du foot à Grenoble, y compris avec une prise de recul sur le phénomène supporter qui aime rappeler l’histoire et parle « gône » à Lyon et « minot » à Marseille. L’iconographie est également  un peu répétitive à base d’image de fumigènes ou de « bâches » pour reprendre une expression d’une culture « ultra » qui combat le racisme en ce qui concerne la branche grenobloise arborant volontiers l’effigie du « Che ». Ils ont animé la tribune Finet à Lesdiguières avant les grandes heures, trop brèves, au stade des Alpes.
Le club dirigé longtemps par Pierre Behr  avait été tenté par le professionnalisme en 1942, abandonné sous Pétain qui voyait d’un mauvais œil « la perversion par l’argent et la spécialisation qui nuit au développement harmonieux du corps » et à nouveau essayé dans les années 50. La variété des dénominations du club atteste sa fragilité  pour ne retenir dans l’histoire récente, utile à rappeler : l’OGI (Olympique Grenoble Isère), la fusion avec FC La Capuche, le FC Jojo, Norcap. Série en cours.
Roger Garcin, administrateur au club depuis 53 ans reconnaît « qu'en ayant connu 24 présidents, trois dépôts de bilan et un redressement judiciaire, le club ne s'est jamais stabilisé et qu'il faut à chaque fois recommencer à zéro ».
L’équipe dont la devise est « Ensemble, gagnons les sommets » a longtemps été assidue de la deuxième division avec deux titres dans les années 60. Sa dernière présence en ligue 1 a valu au groupe entrainé alors par Baždarević, le record à l’échelle européenne de 12 défaites en 12 journées, et pourtant cette année là, en 2010, les équipiers de Ljuboja ont infligé un 4/0 au PSG.
Le livre a été écrit avant la victoire de cette année contre l’OM où  figuraient Romao, Dja Djedje, Thauvin, anciens de la rue de Valmy (adresse du SDA stade des Alpes).
Mais j’ai retrouvé le compte rendu de la rencontre contre le Reims de Kopa et Piantoni qui  rassembla 22 334 personnes, record d’affluence qui tient encore. C’était le 11 novembre 1960 et les commémorations de l’armistice en avaient été perturbées : il manquait 22 musiciens sur les 35 de la fanfare. J’y étais et j’étais triste car l’équipe rémoise ma favorite avait perdu.
Alors entrainée par Albert Batteux, le prestigieux tacticien viendra plus tard dans les Alpes où il laissera le souvenir d’un homme exceptionnel qui face aux retards de paye du club le plus fauché de l’hexagone « assurait le salaire de quelques joueurs sur ses propres deniers ».
Les temps changent.

mardi 9 juin 2015

Le football n’est plus ce qu’il est. Lefred Thouron.

Rien que le titre du recueil de BD, remisant au loin la nostalgie qui toujours se pointe autour de ce terrain des vertes années bordées de chaux ou de sciure, envoie du subtil et du piquant.
Je me suis fait aux physionomies faussement négligés du dessinateur du « Canard Enchaîné » dont la laideur des personnages convient finalement à la vigueur des cartons qu’il distribue chaque semaine dans l’Equipe magazine.
J’ai souvent copié/collé ses dessins le vendredi au seuil de mes humeurs en politique et chroniqué un de ses livres précédents :http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/02/coloscopie-de-la-france-du-xxi-siecle.html
4 - 2 - 4,  4 - 4 - 3, 5 - 3 - 2, 4 - 2 - 3 -1 font 10.
Il tacle le langage désormais formaté par la com’ de Fonebone ou Jean Houphouët, n’épargne pas les supporters, ni les surenchères des agents, les indécisions des dirigeants, la position incertaine des entraineurs, pardon coach, les arbitres connectés… la fédé, c’est bien le moment ! Un émir, les journalistes, les consultants : tout un microcosme révélateur du monde, sa caricature.
« -Toi tu changes de vestiaire !
- A la mi-temps ?
- Nos adversaires viennent de t’acheter. »

samedi 4 octobre 2014

Football. Citrus.

240 pages élégantes alternant textes courts et récits en images aux styles divers, renouvellent les regards sur le football qui a toujours à se justifier d’être aussi populaire.
Une journaliste brésilienne conclut son article :
« Je déteste que le Brésil accueille la coupe du monde 2014. Et j’adore aussi qu’il le fasse. »
Les aspects économiques, sociologiques, géopolitiques, historiques, sont abordés à travers des récits où les talents individuels rencontrent les passions des autres.
Il est question de sifflets lors de France Algérie en 2002, de corps nus sous la douche, du joueur colombien assassiné après avoir marqué contre son camp en 94, des arbitres comme acteurs, de Big Mal entraineur légendaire,  et d’un Kévin de Denain qui fit son voyage de noces en scooter jusqu’à Geoffroy Guichard mais arriva trop tard pour le match contre Esbjerg perdu 1 à 0, fin août 2013. Sa Mélissa a pris quand même une photo avec l’équipe et Galtier l’entraineur leur a souhaité de longues années de bonheur.
Il est question d’aérodynamique pour un coup franc de Roberto Carlos, différent des frappes flottantes de Ronaldo, et de musique : «  we are the champions ».
Un remplaçant songe sur le banc, et Raï réalise ses rêves en consacrant sa vie aux enfants. Les supporters en Egypte ont joué un rôle important lors des soulèvements contre Moubarak. Les filles jouent à Berlin et une autre raconte sa vie depuis que Dieu a aidé Maradona de sa main. Avec de très beaux dessins, nous faisons connaissance d’un épicier originaire du Maroc  installé aux Lilas, admirateur de Ben Barek, dont Pelé avait dit : « si je suis le roi, lui est le Dieu ». Le père de famille n’a pas été un champion, il entraine les moins de 13 ans, mais il ne mourra pas seul comme celui qui connut tant de gloire.  
Histoire : Mussolini et sa coupe du monde en 34, un match de la mort en 42 en Russie, en 44 les images de foot sont trompeuses dans le camp de Terzin. Il y eut la guerre entre le Honduras et le Salvador en 69, et L’URSS perdit son match contre le Chili dans le stade de sinistre mémoire car ils ne s’étaient pas présentés. Le match Dynamo de Zagreb contre Etoile rouge de Belgrade en 90 a eu plus de répercutions que la défaite magnifique de Séville en 82.  Et le souvenir de l’accident d’avion qui fit disparaitre l’équipe du Torino reste vivace malgré tant d’années passées depuis 49.
Le foot c’est du souvenir, de l’enfance et des voyages aussi : des cours de récré au Pérou, aux travées du vélodrome ou sur les terrains de fortune au Sénégal.
Dans les ateliers du Bengladesh, il s’agit alors de géopolitique.
L’ONU reconnait 194 états, la FIFA 209 sélections nationales.