Christian Loubet a tenu
son auditoire des amis du musée pendant une heure et demie autour de
deux mois tumultueux que passèrent ensemble Paul et Vincent à Arles entre octobre et décembre 1888.
Les deux solitaires ont eu des vies « compliquées » comme on
dit aujourd’hui pour éviter le mot « brisées ».
Vincent né un an après son frère dont il reçut le prénom,
Vincent mort-né, entamera sa carrière de peintre quand son père disparaitra et Théo
son frère appellera son fils, né en 1890, année du suicide du peintre : Vincent.
Le tableau des débuts du pasteur défroqué, « Les mangeurs
de pommes de terre » déborde vers l’expressionisme en allant plus
loin que l’école de Barbizon qui travaillait d’après nature.
La lumière vient du ciel.
Ses « chaussures » sont bien
là et prennent leur relief chromatique avec le contraste des couleurs chaudes
et des froides.
Van Gogh s’est exercé à différentes modalités sur fond d’or venu
des icônes.
Le portrait du « Père Tanguy » marchand
spécialisé dans la peinture orientale peut souligner l’influence de l’art Japonais
chez celui qui place la peinture comme un sacerdoce visant à élever l’esprit.
Dans un de ses premiers « Autoportrait au chapeau »,
le regard est inquiet, les « Cerisiers » au bord de
l’incandescence et son « Pont de Langlois » avec
ses couleurs intenses nous transporte déjà dans le post impressionnisme.
Avec l’argent de Théo, Vincent a acheté un fauteuil pour
Paul Gauguin venu de son école de Pont Aven qu’il attend impatiemment dans sa
maison jaune des faubourgs d’Arles où il a multiplié les tableaux représentant des
tournesols.
Gauguin a perdu son père à l’âge de un an, il sera élevé par
sa mère, fille de Flora Tristan, au Pérou puis en France, avant de naviguer sur les océans
et d’entamer une carrière de peintre, la même année que Van Gogh. Il cherchera toujours un bout du monde qui
retrouverait l’ingénuité des premiers temps, lui « l’indien du
Pérou ».
Il apparait timide dans un autoportrait des débuts, il n’a
pas encore vu la latérite des Antilles.
Dans « Les Antillaises à la cueillette » : « la lumière transpose, le trait expose, le
cadre renforce ». Les arbres bretons seront bleus et ses toiles
d’alors incendient la lande, les personnages enserrés de noir sont présentés
solennellement, avec distance, comme dans un vitrail, le « Cloisonnisme »
dites-vous ; les nabis (les prophètes) s’en inspireront.
« Les bretonnes après le sermon » voient le combat de
Jacob et de l’ange se matérialiser sur un champ rouge où les oppositions entre
le bien et le mal sont tranchées.
Au « Cimetière des Alyscamps »,
les deux peintres son côte à côte,
"C'est drôle, Vincent voit ici du Daumier à faire, moi
au contraire je vois du Puvis coloré à faire, mélangé de Japon."
Leur portrait de « Madame Ginoux », la patronne
du café dont la fameuse terrasse lumineuse contrastait tellement avec la nuit,
marque à la fois leurs différences et leurs influences croisées.
Pour le Hollandais, elle apparait comme une icône, alors
qu’elle a le regard torve sur fond de joueurs chez celui qui finira aux Marquises.
Avec ces personnalités « hautes en couleurs », la
communication est difficile et les oppositions exacerbées : s’inspirer de
la nature, où la recréer ? Le divin ou les humains ?
Vincent a rencontré Paul par l’intermédiaire de son frère Théo, le marchand de tableaux, qu'il considère comme son frère jumeau.
Celui-ci vient de vendre du Gauguin alors que Vincent n’aura qu’une seule toile négociée juste avant sa mort.
Celui-ci vient de vendre du Gauguin alors que Vincent n’aura qu’une seule toile négociée juste avant sa mort.
Une dispute éclate entre eux avant la Noël, Vincent apporte un
morceau de son oreille coupée au rasoir à Rachel une prostituée de proximité.
L’oreille depuis le moyen âge symbolise la matrice.
« L’homme à l’oreille coupée» revient à la vie sous sa chapka sombre.
Dans « Le christ au jardin des oliviers »
c’est Gauguin qui se représente,
abandonné, avec des cheveux roux qui valurent des cailloux à son ami, le
réprouvé.
« Le christ jaune » de celui qui se voulait
anticlérical sera refusé par le prêtre de la paroisse où il devait
s’accrocher mais il figure en arrière plan d’un autre autoportrait à côté d’un
vase aux allures primitives.
Le « Semeur » de lumière de
l’un, peintre atomique, avec ses cyprès montant comme des flammes de la terre
jusqu’au ciel, figurera aussi en faucheur avant que les corbeaux ne s’envolent
dans le soleil devant l’ultime champ de blé.
Les chevaliers de diverses civilisations de l’autre, se
rencontrent, et toutes les religions se retrouvent, les
esprits symbolisant la mort côtoyant des Eve tropicales.
Une vahiné regarde par la fenêtre les « Tournesols sur un
fauteuil » dans lesquels un œil se cache. Les graines venaient de
France.
Autour d’un autre Noël, Gauguin avale du cyanure mais rate
son suicide, après avoir peint « D'où venons-nous ? Que
sommes-nous ? Où allons-nous ? » Œuvre testament inspirée du symbolisme et du primitivisme, où
s’annoncent les fauves et l’art moderne.
Paul aura réalisé son
atelier aux tropiques, lui pour qui Vincent avait rêvé d’un atelier du midi qui aurait fait école.
Signac à Saint Trop et Cézanne, Renoir, Matisse, Bonnard,
Picasso, Chagall, De Staël, Klein poseront leurs chevalets au sud.
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