jeudi 21 septembre 2017

Gauguin : la fugue et la couleur. Damien Capelazzi.

Il y a toujours à découvrir, même chez les artistes dont l'identité se dévoile au premier coup d’œil. 
Le conférencier, devant les amis du musée de Grenoble, nous a aidé à porter un regard nouveau sur une des personnalités essentielles pour comprendre la transition vers l’art contemporain.
De nombreux autoportraits du peintre voyageur se retrouvent dans le monde entier.
Universellement connu, l’inspirateur des Nabis avait dicté à Serusier leur tableau manifeste: "Le Talisman."
Eugène Henri Paul est le petit fils de Flora Tristan, d’origine franco-péruvienne. Bien qu’elle ne soit pas la fille cachée de Simon Bolivar comme elle en a fait courir la légende, celle-ci est considérée comme une des premières féministes : « L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. »
Le peintre est né en 1848, en temps de barricades. Le père, journaliste radical meurt sur le chemin de son exil vers le Pérou où le jeune garçon,  désormais toujours prêt à partir, passe une partie de son enfance. Revenu en France, après de médiocres études, il devient pilotin comme Manet puis sous-officier de marine. Il est embauché à la Banque Bertin comme agent de change grâce à son protecteur Arosa, amateur d’art chez qui il rencontrera Pissarro. 
Il se marie avec Mette Sophie Gad avec laquelle il a cinq enfants. 
Une crise boursière, en 1882, le conduit à quitter son travail.
Il se consacre entièrement à la peinture, qu’il pratiquait en amateur dans le style de Corot comme dans ce Chemin forestier. Mais il ne peut vivre de la vente de ses toiles exposées avec les impressionnistes. Après avoir cohabité auprès de sa belle famille au Danemark, il revient en France, avec un de ses enfants.
La Bretagne offre des hébergements moins chers que la capitale et Pont Aven fait école.
« J’aime la Bretagne, j’y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur le sol de granit, j’entends le son mat et puissant que je cherche en peinture. »
Dans l’effervescence de l’époque qui voit dans la famille des impressionnistes, l’émergence des divisionnistes, et des pointillistes, autour de lui, se forme un groupe  avec Paul Sérusier, Maurice Denis, Émile Bernard.
Il réalise le portrait de la soeur Madeleine Bernard (Musée de Grenoble). La proximité des pantoufles et d’une scène de danse, incite-t-elle à profiter de la vie  sans attendre ?
Les influences entre ces jeunes gens enthousiastes sont réciproques. La sculpture lui permet de simplifier sa peinture, et si l’art du Japon l’inspire ainsi que tous les arts exotiques, avec le cloisonnisme évoquant les vitraux bretons, les spécialistes de l’art placent le précurseur des symbolistes et des expressionnistes dans la famille synthétiste.
La danse des quatre bretonnes tranche avec les productions à la mode comme
Les Bretonnes au Pardon par Dagnan-Bouveret.
« Ne copiez pas trop d’après nature. L’art est une abstraction : tirez-la de la nature en rêvant devant et pensez plus à la création qu’au résultat. »
La fête Gloanec « met le feu à la peinture ».
Théo Van Gogh a payé le voyage de Gauguin à Arles chez son frère Vincent à la recherche de la lumière du Japon, la rencontre créative fera des étincelles.
Il était déjà allé à Panama, en Martinique, il part à Tahiti, depuis 10 ans possession française,  à la recherche d’un Eden primitif.  Rupe Rupe (la Cueillette des fruits)
Il révèle le sacré dans la simplicité du monde avec Orana Maria (Je vous salue Marie) où l’ange Gabriel aux ailes jaunes est là, face à Jésus et sa maman.
Il se fait ethnologue et s’offusque des coutumes brisées, il entrera en conflit avec l’église.
Ses Femmes de Tahiti sont mélancoliques, pudiques, leurs regards gênés. La tristesse de leurs yeux éteint la lubricité dans les interprétations des frustrés de jadis. 
Mais qui nierait la sensualité des "Deux Femmes tahitiennes" ?
Dans les "contes barbares" l’homme a des griffes, le paradis est encore loin.
« D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » peint après la mort de sa fille adorée, reprend tous les temps de la vie et brosse une sorte d’histoire de l’humanité.
Paul Gauguin meurt en 1903 dans « la maison du jouir » aux Marquises, brûlé par l’alcool.  
 «Il est extraordinaire qu’on puisse mettre tant de mystère dans tant d’éclat.» Mallarmé

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