Au-delà des huisseries et des carreaux, la conférencière
devant les amis du musée de Grenoble nous propose quelques ouvertures qui
éloignent des ténèbres.
La « Femme à la fenêtre » du romantique
Caspar David Friedrich, vue de
dos, nous invite à dépasser l’espace géométrique qui l’enferme, sans nous arrêter à l’anecdote d’un départ éventuel d'un marinier pour rêver d’ailleurs.
Au XI° siècle, les architectes byzantins permettent,
depuis les fenêtres triples à l'image de la divinité, que parvienne un éclairage céleste exacerbé par les fonds dorés pour la « cathédrale Sainte-Sophie »
de Kiev.
Cette lumière est tout aussi « incréé » chez Duccio di Buoninsegna représentant
le royaume éternel, et pas notre monde provisoire. « La crucifixion ».
Les tailles différentes des personnages les situent dans la hiérarchie conformément aux textes, avec « La Maestà » (vierge en
majesté) au centre du retable de Sienne composé de plus de 80 panneaux.La « Vierge à l'enfant avec des
anges » de Fra Angelico, lumineuse comme pierre précieuse,
en relief sur fond dépourvu de perspective, se situe entre les humains enfermés
dans une enveloppe de chair et le divin. Ce doux peintre « était allé visiter le
paradis pour revenir le représenter », disait Michel-Ange.Le paysage derrière
« La Vierge à l'Enfant avec saint
Laurent et saint Jérôme » de Francesco
Francia de Bologne,
représente la terre promise, sereine sous un ciel d’éternité.Léonard
de Vinci situe haut dans le ciel la maison de la jeune « Madonna
Benois » dont les fleurs à quatre pétales évoquent
la passion du Christ.En arrière plan de
l’ « Annonciation » de Cima
da Conegliano, le bâtiment en ruine est celui de la religion
juive devant laisser la place à l’église chrétienne.Robert Campin, peintre du Nord, représente en 1420 la vierge dans un
intérieur flamand, vêtue de bleu, couleur du ciel.Rogier van der Weyden s’est représenté en « Saint
Luc dessinant la Vierge »,
présence miraculeuse au dessus de la
ville vue depuis une terrasse.
Les « Ouvriers
de la onzième heure » de la parabole présentée par Rembrandt reçoivent autant d’argent que ceux
qui ont trimé toute la journée, comme un rappel des « derniers seront les
premiers ». Dans « Le Chœur de la Chapelle des
capucins à Rome » de Granet
la lumière s’oppose au noir diabolique.Derrière la
charmille où fleurissent les roses mariales, Maurice Denis,
peintre chrétien
de « La visitation »
fait apparaître la Jérusalem céleste.« Le miracle
de Pygmalion et Galatée »
par Boucher,
aux couleurs nacrées de conte de fée devant les mains puissantes du sculpteur
amoureux de sa statue, va au-delà de la légende : l’art donne vie à la
matière inerte.Toujours au musée
de l’Ermitage à Saint Pétersbourg où travaille la conférencière : la
richesse à la fois spirituelle et artistique se montre
dans « Portrait d’un jeune
homme », sans doute un autoportrait de Domenico Capriolo.Le veuf « Antonio Agliardi », représenté par
Lorenzo Lotto
avec sa défunte épouse, ne l’oublie pas, contrairement à l’écureuil tout proche
symbole de l’inconstance. Les deux arbres ne font qu’un et confirment pour David
les liens de
« Sapho, Phaon et l'Amour ».Le bleu est aussi la couleur de l’intimité dans « La
conversation » en pyjama de Matisse confirmée par le jardin clôt.
Les fenêtres ouvrent sur les secrets de l’art, de la vie
émotionnelle, de la vie spirituelle, sur l’ailleurs et l’au-delà.
« La fenêtre, en
province, remplace le théâtre et les promenades. »
Gustave Falubert.