Livre lu avec voracité d’autant plus que la découverte d’un
auteur est excitante, tant le style est puissant, précis, faisant confiance au
lecteur.
« Il s’assoit,
commence à manger, taraudé par son éternelle gourmandise, les goûts sont
enivrants, les consistances délicates, soyeuses. Mais les ondes gustatives sont
sans force, sans persistance ni métamorphose, elles sont courtes et
sèches, elles claquent et s’éteignent
comme les couleurs avortées d’un feu d’artifices sous une pluie d’orage »
Trois livres en un de 622 pages.
Trois univers l’un proche
est impitoyable, l’autre grandiose, le plus éloigné désespérant, sont décrits
magnifiquement : papa travaille dans l’informatique, son frère ainé élève
des moutons dans les Pyrénées, au Cameroun, la sœur essaye de soigner.
« Les vitres étaient
baissées et, malgré la vitesse, l'atmosphère croupissait, liquoreuse. »
Maman a eu un accident très grave, les enfants, les
« tigrichons », vont la voir.
« Bonjour mesdames, voici Elsa et Anton,
nos enfants.
Elles abandonnent leur travail viennent saluer « la
demoiselle et le grand garçon en visite »
Dans ce roman dense, haletant, des souffrances, des chutes,
des repères qui fuient, GPS et voiture moribonde, les autoroutes, les pistes
défoncées, des questions sans réponse, des rêves, des cauchemars, et des moments de grâce, de poésie, des occasions
de réfléchir : « Mais chez vous,
en Europe, l'obsession de s'accroître, de s'étendre, de grossir, accapare tout
votre être. Vous en oubliez le passé qui pourtant vous irrigue, vous courez
au-dessus de l'abîme et découvrez le présent à l'instant de votre mort, comme
la remontée soudaine d'une mélancolie du futur... »
Alors, en Europe, notre obsession est de grossir ? En ce moment, je dirais que notre obsession est de... réduire. Se réduire, à rien, même. Dégraisser... Les mots ne manquent pas pour faire.. des économies (de tout).
RépondreSupprimerMais c'est vrai qu'un pays, une région quand on est dedans est très loin de ce pays, cette région quand on est dehors. Très loin.