jeudi 23 mars 2023

Peinture académique au XIX° siècle. Eric Mathieu.

« Paolo et Francesca »
d’Auguste-Dominique Ingres figurait dans le catalogue des Amis du Musée  de Grenoble pour annoncer la conférence. Cette œuvre caractéristique de la peinture « Troubadour » illustrait un épisode de l’Enfer dans la Divine Comédie de Dante : 
« Nous lisions un jour, dans un doux loisir, comment l’amour vainquit Lancelot. J’étais seule avec mon amant, et nous étions sans défiance : plus d’une fois nos visages pâlirent et nos yeux troublés se rencontrèrent ; mais un seul instant nous perdit tous deux. Lorsqu’enfin l’heureux Lancelot cueille le baiser désiré alors celui qui ne me sera plus ravi colla sur ma bouche ses lèvres tremblantes et nous laissâmes s’échapper ce livre par qui nous fut révélé le mystère d’amour. » 
Le plafond de l’Opéra « Le triomphe de la beauté, charmée par la musique, au milieu des heures du jour et de la nuit » de Jules-Eugène Lenepveu disparut du temps de Malraux sous la fresque de Chagall.
Nous mesurons la relativité de la notoriété des artistes académiques dit « pompiers », très célèbres dans leur siècle qui pouvaient vendre leurs tableaux 400 fois plus chers qu’un Monnet. 
Léonidas aux Thermopyles de Jacques-Louis David  aurait inspiré une réplique comique :  « Ah ! c'te bêtise ! Ils se battent tout nus !… Ah ! Non ; ils ont des casques… c'est peut-être des pompiers qui se couchent… » 
Manet reconnaissait la supériorité de Cabanel issu de l’école des Beaux arts, créatrice de créateurs et surtout performante pour former les meilleurs artistes officiels qui allaient célébrer les institutions nationales sous les rois, les empereurs, et les Républiques, ils animaient les salons et décoraient les églises. « La cour vitrée du Palais des Études »
Fille de l’académie royale de peinture et de sculpture fondée en 1648, suspendue en 1792, l’école des Beaux arts reprend ses activités en 1793 au cœur du quartier Saint Germain dans un ensemble de bâtiments autour de la chapelle du couvent des petits augustins.
Elle réunit peinture, sculpture et architecture.
Les deux bustes de Nicolas Poussin et de Pierre Puget encadrent l’entrée de l’école.
« Arrivée du nouveau »
Alexis Lemaistre. Les élèves de toutes conditions et de toutes provenances devaient être recommandés, une sélection sévère assurait une certaine égalité à laquelle n’accédaient pas les femmes. Cézanne n’était même pas parvenu à la position d’aspirant.
Les peintres académiques viennent … de l’académie,  formés à la peinture d’histoire, de nus (masculins), dans l’imitation des anciens avec primauté du dessin, ils ont suivi des cours d’anatomie et de trigonométrie (perspective). Les professeurs se relayaient pour conseiller les élèves inscrits par ailleurs dans des ateliers en ville.
« La mélancolie »
de Léon François Bénouville a « les yeux dans la graisse de beans » selon l’expression québécoise pour le concours d’ « expression de tête » dont les modèles devaient être pris « dans l’âge de la jeunesse ».
Remporter le concours de la « Demi-figure peinte » rapportait 300 F, ainsi celle du célèbre Bouguereau qui gagnait tous les prix.
Il lui fallait une solide culture pour réussir à interpréter le sujet imposé du prix de Rome : « Zénobie retrouvée par les bergers sur les bords de l'Araxe », récompense suprême, après avoir passé 12 h en loge pour une esquisse envers laquelle devait être fidèle la toile nécessitant 72 h d’exécution au format de 1,13 X 1,46, exposée au public, aux journalistes puis au jury.
Eugène Delacroix ne put obtenir le prix de Rome, alors que Thomas Couture s’y repris sept années de suite avant d’obtenir un deuxième prix. « Romains de la décadence »
Jacques Louis David tenta de se suicider après un échec, mais le médecin « Érasistrate découvrant la cause de la maladie d’Antiochius » amoureux de sa belle-mère, le sauva, lui aussi.
Les monômes suivant les concours étaient spectaculaires.
« 1889 : monôme des étudiants en architecture des Beaux-Arts sortant de loges, dans la Cour d'Honneur de l'École »
Le concours de paysage historique se déroulait tous les quatre ans, et les critiques étaient pointilleux en se demandant « pourquoi Dieu avait attendu toute la nuit » pour « Adam et Eve chassés du paradis terrestre » de Félix-Hippolyte Lanoüe, mais entre les académiques et les refusés triomphant au XX° siècle, n’y aurait-il pas « que des avantages à substituer à un jugement global de réprobation, héritage des vieilles batailles, une curiosité tranquille et objective. » ? A. Chastel

1 commentaire:

  1. L'Homme étant ce qu'Il est, le passage du temps produisant... ce qu'il produit, qui sait si un jour on n'enlèvera pas le tableau de Chagall pour découvrir.. l'"original" dessous ?
    L'original a pas mal de panache, je dois dire...
    C'est intéressant de considérer les enjeux de la nudité dans ces tableaux. Je sais par mes lectures que les Romains étaient choqués par la nudité grecque, certains en tous cas. Ils étaient choqués par la nudité dans les jeux en gymnase, et bien avant l'arrivée du Christianisme sur la scène, contrairement à nos croyances en la matière.
    En lisant le billet, je vois que c'est surtout le dessin qui a passé à la trappe avec les modernes, ainsi que son rôle fondateur dans les compositions. Dommage. Le fait de dessiner pousse à comprendre, ce qui n'est pas inintéressant pour un peintre.

    RépondreSupprimer